

LA VICTOIRE ET
TRIVMPHE D’ARGENT
contre
Cupido dieu d’Amours
n’aguieres vaincu dedãs Paris.
[Figure]
AV moys de may Amour prĩt ses sa=
gettes,
Pour venir veoir ses subiectz & sub
(jectes
Dedans Paris, & toute la prouince,
Ainsi que doibt & veult faire vn bõ prince.
5Luy arriué en sa cholere monte,
Car plus de luy dames ne tenoient compte :
Dont descocha son arc, dressant ses aesles
Contre plusieurs dames & damoyselles.
Pour mieulx tirer ses deux yeulx desboucha
10Tout despité, mais son traict reboucha
A ij [f. A ij v°]
Contre leurs cueurs, sãs faire playe aulcune,
Et s’il en feit ce fut seulement vne.
Il eut recours a ses ardens flambeaux,
Et leurs lanca par moyens fins & beaulx :
15Mais quand du cueur vĩdrent saisir la place
Furent estainctz quasi plus froidz que glace.
Ce dieu voyant sa debile foyblesse,
Qui ne guerist plus les cueurs, ny les blesse,
Se retira (prins de douleur amere)
20Conter le cas deuers Venus sa mere.
Qui luy respond, que sus Parisiennes
Auoyt perdu ses vertus anciennes :
Car pour leur dieu d’Amours & pour regẽt
Auoiẽt receu vn q̃ l[’]on nõme Argent.
25Qui a muny leurs cueurs de fortes armes,
Pour abolir tous amoureux alarmes.
Ce faict ouy de sy grande importance
Precipité de dueil & d’inconstance
Ce ieune enfant hardy vint deffier,
30Le nouueau dieu superbe, & tant fier :
Et luy liura (apres mainte querelle)
D’armes le choix auec guerre mortelle.
Mais cest Argẽt qui a l’homme impossibles
Rend a Paris maintes choses possibles,
35Gaingna le camp, ruant Amour par terre,
[f. A iij r°]
Et le vainquyt par non pareille guerre.
Qui non content de si roide secousse
Luy arracha traictz, arcz, aelles, & trousse :
Et pour l’honneur de venus [sic pour Venus] la Deesse
40Ne luy voulut faire plus griefue oppresse.
Doncq quãd Argẽt eut sus Amour victoire
Et prins captif dedans son territoire,
Il commenca a parler fierement,
Et le blasmer fort temerairement :
45Disant ces motz. Garson plein de cautelle
As tu ausé par rigueur si rebelle
Me deffier : qui monstre par effect
Que faire puis le faict & le deffaict ?
Cil qui iadis desploya estandars
50Contre ta force & tes amoureux dards.
Fut il si sot de vouloir tant mesprendre
Que sus mon droict s[’]efforcast entreprẽdre ?
Pour t’abolir sceust remede adresser,
Mays contre moy il n’ausa l’oeil dresser,
55Cruel enfant conduict par promptitude
Congnoys tu poinct ta grande ingratitude ?
Ie te supply responds ce qu’il t’en semble :
Sceuz tu iamais ioindre deux cueurs ensẽble
Que ie ne fusse en cest accord compris,
60Et pour moyen le plus apparent pris ?
A iij [f. A iij v°]
Mais scauroys tu ce me dementir ?
Certes nenny, sy ne vouloys mentir.
Mes chenes d’or, Rubbiz & Diamans
Ont plus valu (pour iouir) aux amantz
65Que tes fins tours, tes fleches, & tes arcs.
Aussi sont ilz trop plus vertueux arts.
Ie n’entends pas du tẽps que pour fleurettes
Humbles pasteurs iouissoient d[’]amourettes.
Petit trompeur de finesse la bonde
70Qui as deceu & le ciel & le monde.
Tu as induyct Iupiter & les dieux
Icy descendre & delaisser les cieulx,
Et pour iouir d’humaines creatures
Prendre & vestir des bestes les figures.
75Par tes flambeaulx & fleches venéneuses.
Maĩtz ont souffert tes ardeurs oultrageuses.
Les contraignant de iouster a oultrance
Dedãs tournoys dõnãtz grãds coups de lãce
Et assaillir villes chasteaux & tours
80Pour seulement iouir de leurs amours.
Languir faisoys les pauures amoureux
Troys & quatre ans tristes & langoureux,
Mays maintenant par ma grande puissance
Sans les naurer leurs donne iouissance :
85Et sy les puys tellement dispenser
[f. A iiij r°]
Qu’ilz iouiront souuent sans y penser,
Car n’ont esguard dames aux gens hõnestes
Ny aux vertus prieres & requestes.
Mays il souffit pour auoir bon recueil
90Qu’on ne presente au lieu de bon acueil
Vn laid quinault qui iamays n’auroyt veu
Et qui n’aura ny parentz ny adueu
En me liurant plustost en iouyra
Qu’un saige amant qui par tes arts ira
95Et un varlet me donnant a congnoistre
Aura la dame aussi tost que le maistre.
Tu t’es iadis ioué des pauures sottes
Ainsy que font enfantz de leur pellotes
Tant les faisoys honteuses & secretes
100Qu’on dict, c[’]estoient n’yaises [sic pour nyaises] indiscretes.
Car quand auoient a vn le cueur donné
Ne l[’]eussent oncq pour rien abandonné
Toutes estoient & iour & nuyct pensiues
De leurs amantz relisans les missiues
105Et les faisant coucher auecques elles
D’ardant desir entre leurs deux mamelles.
Et les aymoient comme simples & nyces
Plus que ioyaux & fourreures de Nices.
Pour leurs amantz perdoiẽt boyre & mãger
110Mettant leur vie en peril & dangier
A iiij [f. A iiij v°]
Et enduroient tant de griefues douleurs
Que pour le moins portoiẽt palles couleurs,
Et toutesfoys par telz faictz inhumains
Contre leurs cueurs ont cõuerty leurs maĩs.
115Et qui estoient belles & bien formées
En vile corps ont esté transformées.
Bien cher vendu leurs estoyt ton plaisir,
En les faisant de telle mort gesir
Leur ieu estoyt de composer epistres
120Dont on en voyt en Ouide les tiltres,
Et perdre temps a lyre vn tas de liures
Qui les rendoient de tous plaisirs deliures.
Elles prenoient pour precieuses choses
De leurs amys vn chappellet de roses
125Mays non apres de guerdonner remises
L’une donnoyt mouschouers & chemises,
L[’]aultre en fin or quelque riche deuise
La ou estoyt sa pourtraicture assise :
De telle erreur cause estoyt l’inscience
130Faulte d’auoir des miennes la science
Et de n’auoir frequente [sic pour frequenté] leur escolle,
Ou la doctrine est de fruict non friuole.
Pour neant n[’]est dict, mays chose certaine,
Que Paris est de scauoir la fontaine.
135Dont n’ont pas tord de t’auoir depose [sic pour deposé]
[f. A v r°]
Et en ton lieu moy doulx prince posé
Du quel les loix doulces & naturelles
Ont confondu les tiennes tant cruelles
Qui a bon droict ont este [sic pour esté] reprimées
140Et iustement les miennes approuuées.
En les gardant de bon & franc couraige
Myeulx que ne font [sont ?] la loy de mariage.
Ordonnance d’Argent.
EN premier lieu ie leur ay faict defense
De ne vouloir a leurs corps faire offẽse
145Pour leurs amys cõme tes amoureuses
Mays en to9 tẽps soiẽt guayes &
ioyeu
(ses
En frequẽtãt festĩs, bãcquetz, & festes
Et que le dueil ne tourmente leurs testes.
Ie leurs permectz dormir toutes les nuyctz
150Les dispensant ne prendre aulcũs ennuyctz
Pour mieulx traicter leur delicate chair
Sans poinct penser en amy tant soyt cher.
Et toutesfoys luy feront bonne mine
Car c’est le poinct qui plus le chetif mine
155Dont payera les despens & amendes.
A leur coucher prendront vn laict d’amẽdes
[f. A v v°]
Qui les tiendra fresches & bien disposes
Dedans leur lict entre courtines closes.
Sur le matin pour auoir le beau tainct
160Qui se ternist la nuyct & le destainct
Humer pourront vn petit oeuf molet
Ou vn bouillon cuyt auecq’ vn poulet.
Puys se feront suer sus l’aureiller
En essayãt vn peu de sommeiller.
165Ie l’eurs [sic pour leurs] ay faict autre commandement
Ne s’arrester a vn tant seulement
Et quand fera quelqu’un d’elles party
Qu[’]a l’aultre apres facent vn tel party.
Mays pas n’entends que les pauures & chi=
(ches
Ayent acueil si humble que les riches
Car c[’]est raison de deferer honneur
A cil qui est le plus large d’honneur.
Et sy seront mes damoyselles fieres
A saluer honnestes gens fort fieres.
175Consequenment que soient bien perfumées
Car pour cela en seront estimées
De plus hault pris & tousiours biẽ en ordre
D[’]affiquetz d’or & sans aulcun desordre
Car telz gluaux font duppes consommer
180Et bien souuent de pauurete [sic pour pauureté] sommer.
Pource qu’il fault que le present consonne
[f. A vj r°]
Au riche habit & reluysant personne.
A soy farder auront eaux distillées
Ou quelque vnguent cõme sõ bien stillées.
185Ie ne veulx pas oublier la pommade
Pour refreschir leur leure seiche & fade.
Pour apparoir gentes & sadinettes
Leurs corps seront estrainctz de cordelettes.
Dessus leurs yeulx yront cheueux au vent
190Car cella dit. Cest icy qu’on les vend.
Les aduertir d’ordonner leurs mamelles
Sus l’estomach s[’]en fault fier en elles
Qu’elles scauront descouurir un petit
Pour proucoquer des hommes l’appetit.
195Au temple iront, voyre pour muguetter
Leurs pingeonneaux qui la les vont guetter
Et soubz couleur de leurs deuotions
Entré eulx feront leurs assignations.
Bien ay voulu ainsi leurs commander
200De non iamays se faindre a demander
A leurs mignons mesmes aux testes rases
Car par ceulx la seront riches leurs cases
Et mangeront de maintz friands morceaulx
Qui deuant eulx sourdent a grãds mõceaulx.
205Sans ce, maris des dames ainsy graues
Ne les pourroient entretenir tant braues.
[f. A vj v°]
Auecq’ lesquelz i’ay d’accord conuenu,
Ne s’enquerir dont ie seray venu
Et par l’accord ne leur sera besoing
210Des ioyaulx d’or & robbes auoir soing
En promettant qu’en tout temps & saison
L[’]on voise veoir la dame en sa maison.
Sy du mary l’amant a craincte ou doubte
Semblant fera ce mary n[’]y veoir goutte,
215En le laissant auecq’ sa femme faire
Faignant d’auoir en ville quelque affayre.
Aussy apres il s’en trouuera bien
Car les gros frays ne luy cousteront rien
Quand porteront le dueil de leurs marys
220Feront semblant d’auoir les cueurs marrys
Pour en siffler d’aultres a leurs pippées
Dont les amours sont par femmes pipées
Mays au couuert soubz ces blãches pelices
Continueront leurs plaisirs & delices.
225Et sy entends que les adolescentes
Obseruent bien de leurs meres les sentes
Affin qu’apres en aage plus parfaicte
L[’]on dye c[’]est la mere toute faicte
Pas ie ne vueil qu’vne d’elles s’amuse
230A lire esccriptz, car cela les abuse
Que sy quelqu’vn leurs enuoye vne epistre
[f. A vij r°]
Ou vn dizain, si ie ne suys en tiltre
Mutes seront, car ie vueil de par moy
Soyt l’introite en finissant par toy.
235I’en scay assez qui scauent ce mestier
Mays les nommer il n’est point de mestier.
D’aymer tournoys & les vertus bellicques
Ie leurs deffends cõme vaines practicques
Car si l’un est pour elle, desconfit
240C[’]est vaine gloyre ou n’y a nul profit
Qui est le blanc la au [sic pour ou] ie veulx que tendent
Pource q̃ scay ou leurs miẽs cueurs p̃tẽdẽt.
Apres seront en entrant en besoigne
En delaissant tout honneur & vergoigne
245Par tous endroictz a prendre curieuses
Et a donner lentes & paresseuses.
Donner pourront une foys la sepmaine
Boucquetz de fleurs garniz de mariolaine
Ou aultre cas de petite valeur
250Cas [sic pour Car] les grands dons ne portent que malheur
Mays pour leur biẽ ie veulxq̃ soiẽt venales,
En se vendant comme les bleds aux Halles,
Et qu’elles soient au baiser difficiles
Mays au deduict humaines & faciles
255Ne refusant es festes & festins
A leurs oyseaux manier leurs tetins.
[f. A vij v°]
Et que pendant q’ua [sic pour qu’a] baler on s’esgaye
Es cabinetz prenent vne biscaye.
Pour couuerture auront quelque Matrone
260De grauité qui conduira le trosne
Car de penser donra occasion
Que tout ce fait en bonne intention.
Sy quelque amy tant soit de bonne grace
Entre sans moy qu’on destourne la face
265Et quand aulcun en sera despourueu
Semblant feront ne l’auoir jamais veu,
Combien que tous ses parentz & amys
Pour les aymer en arriere aura mys.
Et que dorez soient cabinetz & pleins
270De ses presens dont apres sera plaintz.
Ie vueil aussi que sy leur honneur touche
Pour se vãger qu’on luy baille vne touche,
Et que ton nom hors d’vsance soit mys
Sans plus nommer par Amours leurs amys,
275Mais par Argent pour l’honneur d’Auarice
Car ce surnom cõment a leur office.
Sçauroys tu doncq’ en rien me contredire
Que de no9 deulx il n’y ait trop a dire ?
N’ont elles pas le bien pour mal choisy
280En acceptant le frays pour le moisy ?
Dõné leurs ay pour seruaige franchise :
[f. A viij r°]
Affin de viure a leur desiree guise.
Bien ont esleu la plus facile voye
Car sans ennuy auront toute leur joye.
285Ne suis ie pas comme le feu a l’eau
Contraire a toy & plus doulx & plus beau ?
Parquoy bien tost pense te retirer
Allant ailleurs tes dards infectz tirer.
Tu ne feroys icy rien que morfondre
290Sy par tes ars vouloys les miens confondre.
Retire toy es lieux sans longues poses
Ou tu as fait tant de metamorphoses.
Vat[’]en chercher Thisbée & Deiphile
Philis, Phædra, & de Minos la fille
295Et ta Dido a qui feis ce bon tour
Quand veit sus mer Enee de sa tour :
Va visiter le cueur Penelopé
Ou si long temps tu fuz enuelopé
Et Portia ta loyalle Romaine
300Que mourir feis de mort tant inhumaine.
Sinon vat[’]en trouuer pour le plus court
Chasté vertus & honneur en la court.
C[’]est la, c[’]est la ou tu te doibs tenir
Malheureux sort te feist ycy venir :
305Car tu as cy mal desployé tes tentes
Pour y trouuer femmes sy violentes :
[f. A viij v°]
Va leur former ta piteuse complaincte
Que ta puissance en Paris est estaincte
Mays en premier de toy triumpheray
310Et deshonneur de vaincu te feray.
Et si auray d’un nouueau dieu la marque
Pour en ton lieu estre mys en Petrarque
Dont ieunes gẽs & vieulx & beaux & laids
Sans excepter mecanicques & lays.
315Puys qu’il a pleu aux dames me donner
Le lieu d[’]amours & de l’abandonner
Et que sus luy i’ay eu tel aduantaige,
Venez a moy faire foy & hommaige.
L’art de iouir maintenant vous enseigne
320C[’]est que portez aux dames mon enseigne
Car poinct n’y a de plus belles ymaiges
Pour conuertir Parisiens couraiges.
Chacun de vous sera le bien venu
Et moy present le cher amy tenu
325Mais sy perdez tant soyt peu ma presence
Vous serez mys du tout en oubliance
Laissez vertus, hõneur, dances, ballades :
Car ce les rend facheuses, & malades.
Sy ie ne suys au premier lieu posé
330Et en presentz & banquets exposé :
Venez trestous ma personne conduyre
[f. B j r°]
Sans plus vouloir a amour vous reduyre
Duquel vexez membres, espritz, & cueurs
Serez sans peine en mon signe vaincueurs.
335
Ce conquereur lors allant par les rues
De riches draps & dorures tendues
Pompeusement en char victorieux
Dedans Paris triumpha en maintz lieux
Du dieu d’Amours triste & humilie [sic pour humilié]
340Trop rudement guarroté & lyé.
Et cela faict comme personne ville
Le pauure enfant fut banny de la ville.
A l’honneur d’une dame de Paris
honneste & loyalle
QVelqu’vn me dist quãd la nuyct feut
venue
Qu’on l’auoit veu en l’ombre d’une
(nue
Entrer dedans le logys d’une dame,
Qui a Argent donnoit merueilleux blasme
Vne apperceuz qui son dueil me celloyt
& croy qu’Amours chez elle recelloyt
Car digné [sic pour digne] elle est d’estre d’Amours, hostesse
350J’entends d’Amours de vertus & saigesse.

Excuse aux honnestes & loyalles
dames & damoyselles de Paris
DE vous ne parle (Argẽt) hõnestes da=
(mes
Desq̃lles sont sy p̃cieuses ames
Que ne vouldriez po9 toute sa richesse
Auoir le nom de femme pecheresse,
355Qui guardez foy en loyal mariage
En esperant le promys heritaige.
Combien qu’ayez precieux ornementz
Riches ioyaulx parfumés vestementz
Chef apparent en toute honnesteté
360Car cella n’est contraire a chasteté.
Et qu’il soyt vray i’ay la raison idoine
Que non l’habit mais le cueur faict le moine
Que sy Amour d[’]aulcunes est vainqueur
Tout cela vient de gayeté de cueur
365Obstant qu’a mal estes assez éstranges
Mays pas n’auons priuilege des anges.
Argent n’a pas sus voz cueurs ce credit
De vous induyre a ce qu[’]il a predit.
Car ie scay bien qu’en q̃lque lieu qu’il aille
370Vous l’estimez moins qu’n [sic pour qu’un] festu de paille
Ayant honneur tresbien recommande [sic pour recommandé]
Ainsi que dieu le vous a commandé.
[f. B ij r°]
Quand cest escript de luy sera party
En l’excusant vous tiendrez son party
375Ie m’en fais fort & point n’en rougirez
Mays en vous cueurs ioyeulses en rirez,
Et sy direz qu’il a dict verité.
Par quoy de vous me srra [sic pour sera] irrité.
Ie ne dys pas que le veuillez ensuyure
380Et ces beaux faictz & ordonnance suyure,
Mais vous direz que par certaines choses
A descouuert au vent le pot aux roses.
Ie pense bien que les brebis roigneuses
Ne seront pas en elles trop ioyeuses,
385Et toutesfois ainsi comme vous bonnes
Qui bien montrez voz loyalles personnes
L’excuseront, car vne bonne amye
De son amy tel ne mesdyra mye.
Si d’Argent font iniurieuses plainctes
390Quand se verront ainsi au vif bien painctes
Et qu’en leurs cueurs elles s’accuseront
Mais par dehors resfort s’excuseront
Il nommera par nom & par surnom
Celles qui ont de luy ce bon renom.
395Dont tenir fault les langues en arrest
En delaissant le monstier ou il est.

RESPONSE FAICTE
A L’ENCONTRE D’VN
Petit Liure, intitulé le
Triumphe
& la Victoire D’argent cõtre
Cupido n’aguieres
vaincu
Dedãs Paris. Par mai=
stres
Charles
Fontaines.
[Bois : deux dames conversent avec un jeune homme]
LVndi dernier ie me mis sur les rancz
Pour aller veoir iuger des differentz
Au grand palais ou Cupido preside,
Et ou Venus auec leur train reside
5La forcè [sic pour force] arrest obtindrent amoureux
Les aulcuns doulx, les aultres vigoureux,
[f. B iij r°]
Car on plaida ce iour a court ouuerte
Au beau parquet de la grand’ salle verte.
Par vray raport entre aultres, accusé
10Fut vn quidam, de trop [s]’estre abusé
En escripuant au grand despris du iuge
Qui sans faueur, les deux yeulx bẽdez, iuge.
Lors Cupido de son siege leué
Comme indigné & par ire eleué
15Commande tost a ses huissiers le prendre
Et sans delay dedans le parquet rendre.
Ce quidam la se trouuoit voluntiers
Dedãs ce lieu plus souuãt qu’aux montiers.
Aussi ie croy (ne luy vueille desplaire)
20Qu’il n’estoit pas qu’il n’y eust q̃lque affaire,
Donc sans seiour il fut trouué & prins,
Mene [sic pour Mené] au parc & asprement reprins.
Car vray raport auoit en forme belle
Fait & forme [sic pour formé] contre luy vn libelle
25Qu’il proposa deuant tous assistans
Disant ainsi. Sire puis peu de temps
(Au filz Venus adressant la parole
Telle qu’elle est icy mise par role)
Cest homme a fait vn scandaleux traicté
30Auquel maint cas contre vous est traicté
De vostre honneur par trop diffamatoire,
B iij [f. B iij v°]
Tendant affin d’abolir vostre gloire,
Vostre pouuoir, vostre fame, & bon loz,
Il a ose [sic pour osé] proposer de telz motz :
35Que vous auez tant debile foiblesse
Que vostre dard plus ne guarist ne blesse :
Que voz flambeaux s’estrainent tout ainsi
Que charbon rouge en eau froide noirci :
Qu’a vostre mere en auez fait complaincte :
40Que vostre force en Paris est estaincte
Quand a receu (comme il dit) vn regent
Au lieu de vous, lequel se nomme Argent :
Qu[’]aués perdu dessus parisiennes
Vostre pouuoir, voz vertus antiennes.
45Brief ses escriptz, ses compositions
Sont contre vous toutes positions.
Les assistans comme tous rempliz d’ire
En murmurant commencerent a dire
S’il est ainsi, il est digne de mort.
50Lors franc vouloir qui fut irrité fort
Non seulement pour les mesdictz & blasmes
De Cupido, mais aussi que les dames
Honnestes tant dont Paris est aorné
Par ce meschant a mensongé [sic pour mensonge] adonné
55Sembloient auoir encouru desestime,
Dont tout a plat en dit ce qu’il estime,
[f. B iiij r°]
Deuant le juge & tous les assistantz
Qui de l’ouyr ne furent resistantz,
Et de grand cueur soustenant leurs querelles
60Encommenca ainsi parler pour elles.
En ensuyuant le propos ia touché
Qu’en ce traicté enormal est couché
Que maintenant (ce sont parolles siennes)
Domine Argent sur les parisiennes
65Et non vous sire, Et allegue raison
Qui vaille vn chou, car en tout son blason
Qu’il soit ainsi qu’il dit, il presuppose.
Mais ce n’est pas merueille, quand il ose
Mesme sur vous sire entreprendre, en quoy
70Besoing sera luy faire tenir quoy
Doresnauant sa plume sans mesdire :
Mais par auant que refuter son dire
Je vouldrois bien declarer en briefz motz
Quel homme c[’]est dont veulx tenir propoz.
75En protestant estre induict a ce faire
Pour refrener l’audace temeraire
D’aulcunes gens voulant supediter
Celuy qui est maistre de Iupiter.
En protestant aussi parler pour celles
80A qui tousiours nous auons eu bons zeles.
Celles qui ont le bruit en ceste court :
B iiij [f. B iiij v°]
Celles de qui tout bien, tout honneur, sourd.
Premieremẽt cest homme est un estrãge
De qui chacun homme de bien s’estrange
85A qui plusieurs meschãs gẽs sont cõioinctz
S’il est besoing ie produiray tesmoings.
Il presumoit par trop lourde asseurance
Que de son faict on auroit ignorance
Qu[’]il soit ainsi (s’il maintenoit que non)
90Il n[’]a voulu mettre au traicte [sic pour traicté] son nom.
Chascun scait bien que c[’]est vn maleuole
Qui ses escriptz remplit tous de friuole,
Vn presumeur audacieux quoquart
Qui a es dens tousiours quelque brocart
95Vn grand bourdeur inuenteur de mẽsonge
Qui en tout tẽps sur les vrays amantz songe
Detractions, iniurieux mesdictz,
S’il est question ie prouueray mes dictz.
Mais qu’ainsi soit (sãs q̃ plus mot en sonne)
100Assez le dit & monstre sa personne.
Disent aulcuns qu[’]il est filz d[’]un cardeur
Qui en son tẽps estoit grand brocardeur :
Communement le filz ressemble au pere
Soit qu’il merite ou loz, ou vitupere :
105Or voyez quel le pourrez reputer.
Mais pour venir a ses dictz consulter,
[f. B v r°]
Premierement quand aux parisiennes
Quelcun plus tost les aura par ris siennes
Par doulx accord, par gracieux maintien,
110Par courtoise, & par bel entretien
Que n[’]auroit pas par tout autres manieres,
Et il les vient reputer comme asnieres
Au faict d’amours, ha il n’y entend rien.
Vn lait quinault (dit Il) grand terrien
115Sera plus tost prisé & aymé d’elles
Qu’honestes gens en amour bien fidelles.
Si tu entens d’honnestes comme toy
Ie t’en croy bien. Mais a ce que ie voy
Quand tu ne peulx auoir leur iouyssance
120A ton plaisir, par dueil & desplaissance
Que tu conceuz, au lieu de les aymer,
T’es ingeré de les vouloir blasmer,
Et en ce dont il n’y eut iamais tache.
Celuy n’y a si petit qu’il ne sache
125Que les Francoys sont liberaulx & francz
Leur naturel est plus tost d’estre offrans
Que demandeurs : & on le cueur de France
Vn chacun prent, la fera demourance
Desir d’amour ou liberalite [sic pour liberalité]
130La auarice ha cest subtilité
Bien grand a toy qui fais deux opposites
[f. B v v°]
Ensemble vniz pas raison non petites.
Femmes qui ont a vray amour le cueur
Or ou Argent n’est point d’elles vainqueur.
135Dis donc cela ou des Egiptiennes
Ou d’aultres gens, non des parisiennes.
Rien ne soit dit sinon a leur honneur,
Qui en dit mal en ha le deshonneur.
Si leurs amis leur donnent Argent, Perles,
140Anneaux, Rubitz, fault il que tu en parles.
Si des presens elle recoiuent d’eulx
Est ce cela dont tu te plains & deulx ?
En refusant auroient vergongne & honte
Car ne tiẽdroiẽt de leurs amis grand cõpte :
145Et de ceulx la plus principalement
A qui ilz ont leur secret parlement.
Mais on les veoit plustost dõner q̃ prendre
Et s[’]ilz ont prins pas [sic pour par] bon moyen le rendre.
Dont, en prenant & en lieu & en temps
150En sont Venus & Cupido contents.
Car leur vouloir tant courtois, ne s’assotte
A tousiours prendre, il fault prẽdre de sorte,
De tousiours prendré [sic pour prendre], il n’est pas la saison
Sans offenser on prend bien par raison.
155Ie ne dis pas qu’aulcunes indigentes
Ne preignent bien pour se maintenir gẽtes,
[f. B vj r°]
Et mesmement que Perles, Diamans,
Anneaux, Rubis, ne facent des amans :
Mais il s’en fait sans nombre d’aultre sorte.
160N’ouure l[’]on point que par Argent la porte ?
Ne fait on rien si non que par Rubiz,
N’a l[’]on acces qu’en baillant des habitz ?
Si a si a. Vn homme en simple saye
Qui son pouoir & sa vertu essaye
165Au faict d’amours, aussi tost iouira.
Comme celuy qui riche se dira.
Quand au surplus ces opprobres & crimes
Qui contre vous sont meslez en ses Rhime [sic pour Rhimes]
Reprouueroient s’il en estoit besoing,
170Mais ie ne voy que ie preigne tel soing
Car attendu qu’ilz sont trop execrables
Pour reciter deuant gens tant notables,
Oultre par tant qu’vn petit de raport
Vous en a fait cy deuant vray rapport.
175Pareillement de paour que trop long soye
Ie m’en deporté [sic pour déporte]. Or vous auez la voye
Du iugement que vous deuez donner,
Vous vouldriez vous du tout abandonner
A ces meschans ? vostre court souueraine
180Y ait esgard. Estimez quelle peine
Peult meriter ce faulx & delinquant,
[f. B vj v°]
Vous congnoissez & qui, & quoy, & quãd :
Parquoy vueilles donner telle sentence
Que le requiert & veulx vostre constance.
185Ne permetez abolir vostre court
Par ce meschant par qui tant d’abus court,
Ne permettéz que noz tant bien aymées
Dames d’honneur perdẽt leurs renommées.
Ne permetez que vostre loz & bruit
190Par ce faulx homme a present soit destruict,
Ce qui sera du tout a vostre gloire
Et grand profit, ainsi qu’il est notoire :
Car vrays amantz par ce beau iugement
Si bien iugez auront soulagement.
195
Incontinent sa parolle finie
Se va leuer vn de la compaignie
Pour repliquer, faulx entendre nommé
Lequel estoit du delinquant ayme [sic pour aymé],
Me dit ainsi. Messieurs si ie m’auance
200Et m’entremetz proposer la deffense
De l’accusé pour soustenir son droict
Qui m’apparoist, cela peu ne vauldroit
Si voz espritz estoient legiers de croire
Ce que chacun dit en plain consistoire,
205Que si quelcun vous semble dire bien
Il est raison pourtant d’ouyr combien
[f. B vij r°]
Ou pis ou mieulx dira son aduersaire
Car autrement souuant en pourroit faire
Du droict le tort, & mes Rhetoriqueurs
210Par dire beau seroiẽt tousiours vainqueurs.
Homme n’auroit sinon en eulx fiance
Plaise vous dõc me donner, audience.
Je diray peu mais il sera bien dict
Comme i’espere, & sans aulcun mesdit
215Qui ne conuient a vn qui aduocace
Mesmes encor icy en belle place.
En premier lieu cest homme non rusé
De poureté a esté accusé,
De bas estat furent ses pere & mere,
220Desquelz n[’]ouyz oncques parole amere :
Bonne a este [sic pour esté] leur conuersation
Mais or touchant sa proposition
Bien veulx que soit vostre court aduertie
Qu’on la doibt prendre en meilleure partie
225Que n’a pas fait l’aduocat franc vouloir
Mais ꝗ pourroit mieulx scauoir le vouloir,
Et le vray sens que l[’]autheur : duquel l’oeuure
Demonstre assez le faict & le descoeuure :
I[’]entens qui veulx en bien l’interpreter
230Sans trop aux lieux scrupuleuz s’arrester.
Et s’il aduient qu’on ne les puisse entendre.
[f. B vij v°]
De l’autheur fault bonne response attendre
Car en rigueur d[’]interpretation
Trop auroit lieu la retractation.
235Voila le cas plus grief qu’on luy impose
Ou ie ne voy apparence de cause :
Mais au surplus quant aux petis obiectz
Il m’est aduis que nous sommes subiectz
Respondre à tout veu qu’ilz sont sans mesure
240Et qui plus est la plus part n’est qu’iniure.
I[’]ay fait selon mon office & debuoir
Qui a le droict il vous plaira de voir.
Lors Cupido a ses huissiers commande
Dessus le champ et sans delay qu’on mande
245Querir le liure icy mentionné.
L[’]accusé fut adonc bien estonné,
Et non luy seul, mais son aduocat mesme
Presentement deuint tout palle & blesme,
Dont on pensa que grand deuil & douleur
250Leur fait muer a tous deux la couleur.
Incontinnet [sic pour Incontinent] on aduise a la porte
Celuy venir qui le traicté apporte,
Cupido l’ouure & va aux presidens
Et conselliers qui estoient la dedans
255Pour leur monstrer & auoir leur sentence
Leurent dedans auec bonne constance.
[f. B viij r°]
Aucunesfois il plioit le feuillet
Comme notant vn passaige follet
Lequel pouoit contre son facteur nuyre,
260Si firent fin de cousulter [sic pour consulter] & lire,
Puis Cupido vint pronuncer l’arrest
Du delinquant tel comme icy mis est.
La court si a ordonne [sic pour ordonné] & ordonne
Par son conseil & sentence tresbonne
265Comme ainsi soit qu’ait commis cest esté
Vn crime & cas dellese maiesté
Ce composeur encontre moy son prince,
Banny sera de toute ma prouince :
Son liure aussi (le tout bien calculé)
270Publiquement sera ars & bruslé
Pareillement pour la faulte & traficque
De l’Imprimeur, tous ses biens on confisque.
Oultre il est dict que ce faulx blasonneur
Reparera aux dames leur honneur,
275Desquelles a mal parlé en son liure
Que si encor telz traictez il leur liure
Ou par brocards les picque, poinct ou mort
En informant sera jugé a mort.