Essai
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LA VICTOI-
re & Triumphe d’Ar-
gent contre Cupido
dieu d’Amours n’a
guieres uain
cu dedans
Paris.





M. D. XXXVII.



On les vend a Lyon chez
Francoys Iuste pres nostre
Dame de Confort.

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LA VICTOIRE ET
TRIVMPHE D’ARGENT
contre Cupido dieu d’Amours
n’aguieres vaincu dedãs Paris.

[Figure]

AV moys de may Amour prĩt ses sa=
 gettes,

Pour venir veoir ses subiectz & sub
 (jectes

Dedans Paris, & toute la prouince,

Ainsi que doibt & veult faire vn bõ prince.

5

Luy arriué en sa cholere monte,

Car plus de luy dames ne tenoient compte :

Dont descocha son arc, dressant ses aesles

Contre plusieurs dames & damoyselles.

Pour mieulx tirer ses deux yeulx desboucha

10

Tout despité, mais son traict reboucha

A ij [f. A ij v°] Fac-simile de la page LE TRIVMPHE D’ARGENT

Contre leurs cueurs, sãs faire playe aulcune,

Et s’il en feit ce fut seulement vne.

Il eut recours a ses ardens flambeaux,

Et leurs lanca par moyens fins & beaulx :

15

Mais quand du cueur vĩdrent saisir la place

Furent estainctz quasi plus froidz que glace.

Ce dieu voyant sa debile foyblesse,

Qui ne guerist plus les cueurs, ny les blesse,

Se retira (prins de douleur amere)

20

Conter le cas deuers Venus sa mere.

Qui luy respond, que sus Parisiennes

Auoyt perdu ses vertus anciennes :

Car pour leur dieu d’Amours & pour regẽt

Auoiẽt receu vn q̃ l[’]on nõme Argent.

25

Qui a muny leurs cueurs de fortes armes,

Pour abolir tous amoureux alarmes.

Ce faict ouy de sy grande importance

Precipité de dueil & d’inconstance

Ce ieune enfant hardy vint deffier,

30

Le nouueau dieu superbe, & tant fier :

Et luy liura (apres mainte querelle)

D’armes le choix auec guerre mortelle.

Mais cest Argẽt qui a l’homme impossibles

Rend a Paris maintes choses possibles,

35

Gaingna le camp, ruant Amour par terre,

[f. A iij r°] Fac-simile de la page CONTRE CVPIDO.

Et le vainquyt par non pareille guerre.

Qui non content de si roide secousse

Luy arracha traictz, arcz, aelles, & trousse :

Et pour l’honneur de venus [sic pour Venus] la Deesse

40

Ne luy voulut faire plus griefue oppresse.

Doncq quãd Argẽt eut sus Amour victoire

Et prins captif dedans son territoire,

Il commenca a parler fierement,

Et le blasmer fort temerairement :

45

Disant ces motz. Garson plein de cautelle

As tu ausé par rigueur si rebelle

Me deffier : qui monstre par effect

Que faire puis le faict & le deffaict ?

Cil qui iadis desploya estandars

50

Contre ta force & tes amoureux dards.

Fut il si sot de vouloir tant mesprendre

Que sus mon droict s[’]efforcast entreprẽdre ?

Pour t’abolir sceust remede adresser,

Mays contre moy il n’ausa l’oeil dresser,

55

Cruel enfant conduict par promptitude

Congnoys tu poinct ta grande ingratitude ?

Ie te supply responds ce qu’il t’en semble :

Sceuz tu iamais ioindre deux cueurs ensẽble

Que ie ne fusse en cest accord compris,

60

Et pour moyen le plus apparent pris ?

A iij [f. A iij v°] Fac-simile de la page LE TRIVMPHE D’ARGENT

Mais scauroys tu ce me dementir ?

Certes nenny, sy ne vouloys mentir.

Mes chenes d’or, Rubbiz & Diamans

Ont plus valu (pour iouir) aux amantz

65

Que tes fins tours, tes fleches, & tes arcs.

Aussi sont ilz trop plus vertueux arts.

Ie n’entends pas du tẽps que pour fleurettes

Humbles pasteurs iouissoient d[’]amourettes.

Petit trompeur de finesse la bonde

70

Qui as deceu & le ciel & le monde.

Tu as induyct Iupiter & les dieux

Icy descendre & delaisser les cieulx,

Et pour iouir d’humaines creatures

Prendre & vestir des bestes les figures.

75

Par tes flambeaulx & fleches venéneuses.

Maĩtz ont souffert tes ardeurs oultrageuses.

Les contraignant de iouster a oultrance

Dedãs tournoys dõnãtz grãds coups de lãce

Et assaillir villes chasteaux & tours

80

Pour seulement iouir de leurs amours.

Languir faisoys les pauures amoureux

Troys & quatre ans tristes & langoureux,

Mays maintenant par ma grande puissance

Sans les naurer leurs donne iouissance :

85

Et sy les puys tellement dispenser

[f. A iiij r°] Fac-simile de la page CONTRE CVPIDO.

Qu’ilz iouiront souuent sans y penser,

Car n’ont esguard dames aux gens hõnestes

Ny aux vertus prieres & requestes.

Mays il souffit pour auoir bon recueil

90

Qu’on ne presente au lieu de bon acueil

Vn laid quinault qui iamays n’auroyt veu

Et qui n’aura ny parentz ny adueu

En me liurant plustost en iouyra

Qu’un saige amant qui par tes arts ira

95

Et un varlet me donnant a congnoistre

Aura la dame aussi tost que le maistre.

Tu t’es iadis ioué des pauures sottes

Ainsy que font enfantz de leur pellotes

Tant les faisoys honteuses & secretes

100

Qu’on dict, c[’]estoient n’yaises [sic pour nyaises] indiscretes.

Car quand auoient a vn le cueur donné

Ne l[’]eussent oncq pour rien abandonné

Toutes estoient & iour & nuyct pensiues

De leurs amantz relisans les missiues

105

Et les faisant coucher auecques elles

D’ardant desir entre leurs deux mamelles.

Et les aymoient comme simples & nyces

Plus que ioyaux & fourreures de Nices.

Pour leurs amantz perdoiẽt boyre & mãger

110

Mettant leur vie en peril & dangier

A iiij [f. A iiij v°] Fac-simile de la page LE TRIVMPHE D’ARGENT

Et enduroient tant de griefues douleurs

Que pour le moins portoiẽt palles couleurs,

Et toutesfoys par telz faictz inhumains

Contre leurs cueurs ont cõuerty leurs maĩs.

115

Et qui estoient belles & bien formées

En vile corps ont esté transformées.

Bien cher vendu leurs estoyt ton plaisir,

En les faisant de telle mort gesir

Leur ieu estoyt de composer epistres

120

Dont on en voyt en Ouide les tiltres,

Et perdre temps a lyre vn tas de liures

Qui les rendoient de tous plaisirs deliures.

Elles prenoient pour precieuses choses

De leurs amys vn chappellet de roses

125

Mays non apres de guerdonner remises

L’une donnoyt mouschouers & chemises,

L[’]aultre en fin or quelque riche deuise

La ou estoyt sa pourtraicture assise :

De telle erreur cause estoyt l’inscience

130

Faulte d’auoir des miennes la science

Et de n’auoir frequente [sic pour frequenté] leur escolle,

Ou la doctrine est de fruict non friuole.

Pour neant n[’]est dict, mays chose certaine,

Que Paris est de scauoir la fontaine.

135

Dont n’ont pas tord de t’auoir depose [sic pour deposé]

[f. A v r°] Fac-simile de la page CONTRE CVPIDO.

Et en ton lieu moy doulx prince posé

Du quel les loix doulces & naturelles

Ont confondu les tiennes tant cruelles

Qui a bon droict ont este [sic pour esté] reprimées

140

Et iustement les miennes approuuées.

En les gardant de bon & franc couraige

Myeulx que ne font [sont ?] la loy de mariage.


Ordonnance d’Argent.

EN premier lieu ie leur ay faict defense

De ne vouloir a leurs corps faire offẽse

145

Pour leurs amys cõme tes amoureuses

Mays en to9 tẽps soiẽt guayes & ioyeu
 (ses

En frequẽtãt festĩs, bãcquetz, & festes

Et que le dueil ne tourmente leurs testes.

Ie leurs permectz dormir toutes les nuyctz

150

Les dispensant ne prendre aulcũs ennuyctz

Pour mieulx traicter leur delicate chair

Sans poinct penser en amy tant soyt cher.

Et toutesfoys luy feront bonne mine

Car c’est le poinct qui plus le chetif mine

155

Dont payera les despens & amendes.

A leur coucher prendront vn laict d’amẽdes

[f. A v v°] Fac-simile de la page LE TRIVMPHE D’ARGENT

Qui les tiendra fresches & bien disposes

Dedans leur lict entre courtines closes.

Sur le matin pour auoir le beau tainct

160

Qui se ternist la nuyct & le destainct

Humer pourront vn petit oeuf molet

Ou vn bouillon cuyt auecq’ vn poulet.

Puys se feront suer sus l’aureiller

En essayãt vn peu de sommeiller.

165

Ie l’eurs [sic pour leurs] ay faict autre commandement

Ne s’arrester a vn tant seulement

Et quand fera quelqu’un d’elles party

Qu[’]a l’aultre apres facent vn tel party.

Mays pas n’entends que les pauures & chi=
 (ches

170

Ayent acueil si humble que les riches

Car c[’]est raison de deferer honneur

A cil qui est le plus large d’honneur.

Et sy seront mes damoyselles fieres

A saluer honnestes gens fort fieres.

175

Consequenment que soient bien perfumées

Car pour cela en seront estimées

De plus hault pris & tousiours biẽ en ordre

D[’]affiquetz d’or & sans aulcun desordre

Car telz gluaux font duppes consommer

180

Et bien souuent de pauurete [sic pour pauureté] sommer.

Pource qu’il fault que le present consonne

[f. A vj r°] Fac-simile de la page CONTRE CVPIDO.

Au riche habit & reluysant personne.

A soy farder auront eaux distillées

Ou quelque vnguent cõme sõ bien stillées.

185

Ie ne veulx pas oublier la pommade

Pour refreschir leur leure seiche & fade.

Pour apparoir gentes & sadinettes

Leurs corps seront estrainctz de cordelettes.

Dessus leurs yeulx yront cheueux au vent

190

Car cella dit. Cest icy qu’on les vend.

Les aduertir d’ordonner leurs mamelles

Sus l’estomach s[’]en fault fier en elles

Qu’elles scauront descouurir un petit

Pour proucoquer des hommes l’appetit.

195

Au temple iront, voyre pour muguetter

Leurs pingeonneaux qui la les vont guetter

Et soubz couleur de leurs deuotions

Entré eulx feront leurs assignations.

Bien ay voulu ainsi leurs commander

200

De non iamays se faindre a demander

A leurs mignons mesmes aux testes rases

Car par ceulx la seront riches leurs cases

Et mangeront de maintz friands morceaulx

Qui deuant eulx sourdent a grãds mõceaulx.

205

Sans ce, maris des dames ainsy graues

Ne les pourroient entretenir tant braues.

[f. A vj v°] Fac-simile de la page LE TRIVMPHE D’ARGENT

Auecq’ lesquelz i’ay d’accord conuenu,

Ne s’enquerir dont ie seray venu

Et par l’accord ne leur sera besoing

210

Des ioyaulx d’or & robbes auoir soing

En promettant qu’en tout temps & saison

L[’]on voise veoir la dame en sa maison.

Sy du mary l’amant a craincte ou doubte

Semblant fera ce mary n[’]y veoir goutte,

215

En le laissant auecq’ sa femme faire

Faignant d’auoir en ville quelque affayre.

Aussy apres il s’en trouuera bien

Car les gros frays ne luy cousteront rien

Quand porteront le dueil de leurs marys

220

Feront semblant d’auoir les cueurs marrys

Pour en siffler d’aultres a leurs pippées

Dont les amours sont par femmes pipées

Mays au couuert soubz ces blãches pelices

Continueront leurs plaisirs & delices.

225

Et sy entends que les adolescentes

Obseruent bien de leurs meres les sentes

Affin qu’apres en aage plus parfaicte

L[’]on dye c[’]est la mere toute faicte

Pas ie ne vueil qu’vne d’elles s’amuse

230

A lire esccriptz, car cela les abuse

Que sy quelqu’vn leurs enuoye vne epistre

[f. A vij r°] Fac-simile de la page CONTRE CVPIDO.

Ou vn dizain, si ie ne suys en tiltre

Mutes seront, car ie vueil de par moy

Soyt l’introite en finissant par toy.

235

I’en scay assez qui scauent ce mestier

Mays les nommer il n’est point de mestier.

D’aymer tournoys & les vertus bellicques

Ie leurs deffends cõme vaines practicques

Car si l’un est pour elle, desconfit

240

C[’]est vaine gloyre ou n’y a nul profit

Qui est le blanc la au [sic pour ou] ie veulx que tendent

Pource q̃ scay ou leurs miẽs cueurs p̃tẽdẽt.

Apres seront en entrant en besoigne

En delaissant tout honneur & vergoigne

245

Par tous endroictz a prendre curieuses

Et a donner lentes & paresseuses.

Donner pourront une foys la sepmaine

Boucquetz de fleurs garniz de mariolaine

Ou aultre cas de petite valeur

250

Cas [sic pour Car] les grands dons ne portent que malheur

Mays pour leur biẽ ie veulxq̃ soiẽt venales,

En se vendant comme les bleds aux Halles,

Et qu’elles soient au baiser difficiles

Mays au deduict humaines & faciles

255

Ne refusant es festes & festins

A leurs oyseaux manier leurs tetins.

[f. A vij v°] Fac-simile de la page LE TRIVMPHE D’ARGENT

Et que pendant q’ua [sic pour qu’a] baler on s’esgaye

Es cabinetz prenent vne biscaye.

Pour couuerture auront quelque Matrone

260

De grauité qui conduira le trosne

Car de penser donra occasion

Que tout ce fait en bonne intention.

Sy quelque amy tant soit de bonne grace

Entre sans moy qu’on destourne la face

265

Et quand aulcun en sera despourueu

Semblant feront ne l’auoir jamais veu,

Combien que tous ses parentz & amys

Pour les aymer en arriere aura mys.

Et que dorez soient cabinetz & pleins

270

De ses presens dont apres sera plaintz.

Ie vueil aussi que sy leur honneur touche

Pour se vãger qu’on luy baille vne touche,

Et que ton nom hors d’vsance soit mys

Sans plus nommer par Amours leurs amys,

275

Mais par Argent pour l’honneur d’Auarice

Car ce surnom cõment a leur office.

Sçauroys tu doncq’ en rien me contredire

Que de no9 deulx il n’y ait trop a dire ?

N’ont elles pas le bien pour mal choisy

280

En acceptant le frays pour le moisy ?

Dõné leurs ay pour seruaige franchise :

[f. A viij r°] Fac-simile de la page CONTRE CVPIDO.

Affin de viure a leur desiree guise.

Bien ont esleu la plus facile voye

Car sans ennuy auront toute leur joye.

285

Ne suis ie pas comme le feu a l’eau

Contraire a toy & plus doulx & plus beau ?

Parquoy bien tost pense te retirer

Allant ailleurs tes dards infectz tirer.

Tu ne feroys icy rien que morfondre

290

Sy par tes ars vouloys les miens confondre.

Retire toy es lieux sans longues poses

Ou tu as fait tant de metamorphoses.

Vat[’]en chercher Thisbée & Deiphile

Philis, Phædra, & de Minos la fille

295

Et ta Dido a qui feis ce bon tour

Quand veit sus mer Enee de sa tour :

Va visiter le cueur Penelopé

Ou si long temps tu fuz enuelopé

Et Portia ta loyalle Romaine

300

Que mourir feis de mort tant inhumaine.

Sinon vat[’]en trouuer pour le plus court

Chasté vertus & honneur en la court.

C[’]est la, c[’]est la ou tu te doibs tenir

Malheureux sort te feist ycy venir :

305

Car tu as cy mal desployé tes tentes

Pour y trouuer femmes sy violentes :

[f. A viij v°] Fac-simile de la page CONTRE CVPIDO.

Va leur former ta piteuse complaincte

Que ta puissance en Paris est estaincte

Mays en premier de toy triumpheray

310

Et deshonneur de vaincu te feray.

Et si auray d’un nouueau dieu la marque

Pour en ton lieu estre mys en Petrarque

Dont ieunes gẽs & vieulx & beaux & laids

Sans excepter mecanicques & lays.

315

Puys qu’il a pleu aux dames me donner

Le lieu d[’]amours & de l’abandonner

Et que sus luy i’ay eu tel aduantaige,

Venez a moy faire foy & hommaige.

L’art de iouir maintenant vous enseigne

320

C[’]est que portez aux dames mon enseigne

Car poinct n’y a de plus belles ymaiges

Pour conuertir Parisiens couraiges.

Chacun de vous sera le bien venu

Et moy present le cher amy tenu

325

Mais sy perdez tant soyt peu ma presence

Vous serez mys du tout en oubliance

Laissez vertus, hõneur, dances, ballades :

Car ce les rend facheuses, & malades.

Sy ie ne suys au premier lieu posé

330

Et en presentz & banquets exposé :

Venez trestous ma personne conduyre

[f. B j r°] Fac-simile de la page RESPONSE.

Sans plus vouloir a amour vous reduyre

Duquel vexez membres, espritz, & cueurs

Serez sans peine en mon signe vaincueurs.


335

Ce conquereur lors allant par les rues

De riches draps & dorures tendues

Pompeusement en char victorieux

Dedans Paris triumpha en maintz lieux

Du dieu d’Amours triste & humilie [sic pour humilié]

340

Trop rudement guarroté & lyé.

Et cela faict comme personne ville

Le pauure enfant fut banny de la ville.


A l’honneur d’une dame de Paris
honneste & loyalle

QVelqu’vn me dist quãd la nuyct feut
 venue

Qu’on l’auoit veu en l’ombre d’une
  (nue

345

Entrer dedans le logys d’une dame,

Qui a Argent donnoit merueilleux blasme

Vne apperceuz qui son dueil me celloyt

& croy qu’Amours chez elle recelloyt

Car digné [sic pour digne] elle est d’estre d’Amours, hostesse

350

J’entends d’Amours de vertus & saigesse.


B [f. B j v°] Fac-simile de la page

Excuse aux honnestes & loyalles
dames & damoyselles de Paris

DE vous ne parle (Argẽt) hõnestes da=
 (mes

Desq̃lles sont sy p̃cieuses ames

Que ne vouldriez po9 toute sa richesse

Auoir le nom de femme pecheresse,

355

Qui guardez foy en loyal mariage

En esperant le promys heritaige.

Combien qu’ayez precieux ornementz

Riches ioyaulx parfumés vestementz

Chef apparent en toute honnesteté

360

Car cella n’est contraire a chasteté.

Et qu’il soyt vray i’ay la raison idoine

Que non l’habit mais le cueur faict le moine

Que sy Amour d[’]aulcunes est vainqueur

Tout cela vient de gayeté de cueur

365

Obstant qu’a mal estes assez éstranges

Mays pas n’auons priuilege des anges.

Argent n’a pas sus voz cueurs ce credit

De vous induyre a ce qu[’]il a predit.

Car ie scay bien qu’en q̃lque lieu qu’il aille

370

Vous l’estimez moins qu’n [sic pour qu’un] festu de paille

Ayant honneur tresbien recommande [sic pour recommandé]

Ainsi que dieu le vous a commandé.

[f. B ij r°] Fac-simile de la page

Quand cest escript de luy sera party

En l’excusant vous tiendrez son party

375

Ie m’en fais fort & point n’en rougirez

Mays en vous cueurs ioyeulses en rirez,

Et sy direz qu’il a dict verité.

Par quoy de vous me srra [sic pour sera] irrité.

Ie ne dys pas que le veuillez ensuyure

380

Et ces beaux faictz & ordonnance suyure,

Mais vous direz que par certaines choses

A descouuert au vent le pot aux roses.

Ie pense bien que les brebis roigneuses

Ne seront pas en elles trop ioyeuses,

385

Et toutesfois ainsi comme vous bonnes

Qui bien montrez voz loyalles personnes

L’excuseront, car vne bonne amye

De son amy tel ne mesdyra mye.

Si d’Argent font iniurieuses plainctes

390

Quand se verront ainsi au vif bien painctes

Et qu’en leurs cueurs elles s’accuseront

Mais par dehors resfort s’excuseront

Il nommera par nom & par surnom

Celles qui ont de luy ce bon renom.

395

Dont tenir fault les langues en arrest

En delaissant le monstier ou il est.


B ij

FIN.

[f. B ij v°] Fac-simile de la page

RESPONSE FAICTE
A L’ENCONTRE D’VN
Petit Liure, intitulé le Triumphe
& la Victoire D’argent cõtre
Cupido n’aguieres vaincu
Dedãs Paris. Par mai=
stres Charles
Fontaines
.

[Bois : deux dames conversent avec un jeune homme]

LVndi dernier ie me mis sur les rancz

Pour aller veoir iuger des differentz

Au grand palais ou Cupido preside,

Et ou Venus auec leur train reside

5

La forcè [sic pour force] arrest obtindrent amoureux

Les aulcuns doulx, les aultres vigoureux,

[f. B iij r°] Fac-simile de la page

Car on plaida ce iour a court ouuerte

Au beau parquet de la grand’ salle verte.

Par vray raport entre aultres, accusé

10

Fut vn quidam, de trop [s]’estre abusé

En escripuant au grand despris du iuge

Qui sans faueur, les deux yeulx bẽdez, iuge.

Lors Cupido de son siege leué

Comme indigné & par ire eleué

15

Commande tost a ses huissiers le prendre

Et sans delay dedans le parquet rendre.

Ce quidam la se trouuoit voluntiers

Dedãs ce lieu plus souuãt qu’aux montiers.

Aussi ie croy (ne luy vueille desplaire)

20

Qu’il n’estoit pas qu’il n’y eust q̃lque affaire,

Donc sans seiour il fut trouué & prins,

Mene [sic pour Mené] au parc & asprement reprins.

Car vray raport auoit en forme belle

Fait & forme [sic pour formé] contre luy vn libelle

25

Qu’il proposa deuant tous assistans

Disant ainsi. Sire puis peu de temps

(Au filz Venus adressant la parole

Telle qu’elle est icy mise par role)

Cest homme a fait vn scandaleux traicté

30

Auquel maint cas contre vous est traicté

De vostre honneur par trop diffamatoire,

B iij [f. B iij v°] Fac-simile de la page RESPONSE.

Tendant affin d’abolir vostre gloire,

Vostre pouuoir, vostre fame, & bon loz,

Il a ose [sic pour osé] proposer de telz motz :

35

Que vous auez tant debile foiblesse

Que vostre dard plus ne guarist ne blesse :

Que voz flambeaux s’estrainent tout ainsi

Que charbon rouge en eau froide noirci :

Qu’a vostre mere en auez fait complaincte :

40

Que vostre force en Paris est estaincte

Quand a receu (comme il dit) vn regent

Au lieu de vous, lequel se nomme Argent :

Qu[’]aués perdu dessus parisiennes

Vostre pouuoir, voz vertus antiennes.

45

Brief ses escriptz, ses compositions

Sont contre vous toutes positions.

Les assistans comme tous rempliz d’ire

En murmurant commencerent a dire

S’il est ainsi, il est digne de mort.

50

Lors franc vouloir qui fut irrité fort

Non seulement pour les mesdictz & blasmes

De Cupido, mais aussi que les dames

Honnestes tant dont Paris est aorné

Par ce meschant a mensongé [sic pour mensonge] adonné

55

Sembloient auoir encouru desestime,

Dont tout a plat en dit ce qu’il estime,

[f. B iiij r°] Fac-simile de la page RESPONSE.

Deuant le juge & tous les assistantz

Qui de l’ouyr ne furent resistantz,

Et de grand cueur soustenant leurs querelles

60

Encommenca ainsi parler pour elles.

En ensuyuant le propos ia touché

Qu’en ce traicté enormal est couché

Que maintenant (ce sont parolles siennes)

Domine Argent sur les parisiennes

65

Et non vous sire, Et allegue raison

Qui vaille vn chou, car en tout son blason

Qu’il soit ainsi qu’il dit, il presuppose.

Mais ce n’est pas merueille, quand il ose

Mesme sur vous sire entreprendre, en quoy

70

Besoing sera luy faire tenir quoy

Doresnauant sa plume sans mesdire :

Mais par auant que refuter son dire

Je vouldrois bien declarer en briefz motz

Quel homme c[’]est dont veulx tenir propoz.

75

En protestant estre induict a ce faire

Pour refrener l’audace temeraire

D’aulcunes gens voulant supediter

Celuy qui est maistre de Iupiter.

En protestant aussi parler pour celles

80

A qui tousiours nous auons eu bons zeles.

Celles qui ont le bruit en ceste court :

B iiij [f. B iiij v°] Fac-simile de la page RESPONSE.

Celles de qui tout bien, tout honneur, sourd.


Premieremẽt cest homme est un estrãge

De qui chacun homme de bien s’estrange

85

A qui plusieurs meschãs gẽs sont cõioinctz

S’il est besoing ie produiray tesmoings.

Il presumoit par trop lourde asseurance

Que de son faict on auroit ignorance

Qu[’]il soit ainsi (s’il maintenoit que non)

90

Il n[’]a voulu mettre au traicte [sic pour traicté] son nom.

Chascun scait bien que c[’]est vn maleuole

Qui ses escriptz remplit tous de friuole,

Vn presumeur audacieux quoquart

Qui a es dens tousiours quelque brocart

95

Vn grand bourdeur inuenteur de mẽsonge

Qui en tout tẽps sur les vrays amantz songe

Detractions, iniurieux mesdictz,

S’il est question ie prouueray mes dictz.

Mais qu’ainsi soit (sãs q̃ plus mot en sonne)

100

Assez le dit & monstre sa personne.

Disent aulcuns qu[’]il est filz d[’]un cardeur

Qui en son tẽps estoit grand brocardeur :

Communement le filz ressemble au pere

Soit qu’il merite ou loz, ou vitupere :

105

Or voyez quel le pourrez reputer.

Mais pour venir a ses dictz consulter,

[f. B v r°] Fac-simile de la page RESPONSE.

Premierement quand aux parisiennes

Quelcun plus tost les aura par ris siennes

Par doulx accord, par gracieux maintien,

110

Par courtoise, & par bel entretien

Que n[’]auroit pas par tout autres manieres,

Et il les vient reputer comme asnieres

Au faict d’amours, ha il n’y entend rien.

Vn lait quinault (dit Il) grand terrien

115

Sera plus tost prisé & aymé d’elles

Qu’honestes gens en amour bien fidelles.

Si tu entens d’honnestes comme toy

Ie t’en croy bien. Mais a ce que ie voy

Quand tu ne peulx auoir leur iouyssance

120

A ton plaisir, par dueil & desplaissance

Que tu conceuz, au lieu de les aymer,

T’es ingeré de les vouloir blasmer,

Et en ce dont il n’y eut iamais tache.

Celuy n’y a si petit qu’il ne sache

125

Que les Francoys sont liberaulx & francz

Leur naturel est plus tost d’estre offrans

Que demandeurs : & on le cueur de France

Vn chacun prent, la fera demourance

Desir d’amour ou liberalite [sic pour liberalité]

130

La auarice ha cest subtilité

Bien grand a toy qui fais deux opposites

[f. B v v°] Fac-simile de la page RESPONSE.

Ensemble vniz pas raison non petites.

Femmes qui ont a vray amour le cueur

Or ou Argent n’est point d’elles vainqueur.

135

Dis donc cela ou des Egiptiennes

Ou d’aultres gens, non des parisiennes.

Rien ne soit dit sinon a leur honneur,

Qui en dit mal en ha le deshonneur.

Si leurs amis leur donnent Argent, Perles,

140

Anneaux, Rubitz, fault il que tu en parles.

Si des presens elle recoiuent d’eulx

Est ce cela dont tu te plains & deulx ?

En refusant auroient vergongne & honte

Car ne tiẽdroiẽt de leurs amis grand cõpte :

145

Et de ceulx la plus principalement

A qui ilz ont leur secret parlement.

Mais on les veoit plustost dõner q̃ prendre

Et s[’]ilz ont prins pas [sic pour par] bon moyen le rendre.

Dont, en prenant & en lieu & en temps

150

En sont Venus & Cupido contents.

Car leur vouloir tant courtois, ne s’assotte

A tousiours prendre, il fault prẽdre de sorte,

De tousiours prendré [sic pour prendre], il n’est pas la saison

Sans offenser on prend bien par raison.

155

Ie ne dis pas qu’aulcunes indigentes

Ne preignent bien pour se maintenir gẽtes,

[f. B vj r°] Fac-simile de la page RESPONSE.

Et mesmement que Perles, Diamans,

Anneaux, Rubis, ne facent des amans :

Mais il s’en fait sans nombre d’aultre sorte.

160

N’ouure l[’]on point que par Argent la porte ?

Ne fait on rien si non que par Rubiz,

N’a l[’]on acces qu’en baillant des habitz ?

Si a si a. Vn homme en simple saye

Qui son pouoir & sa vertu essaye

165

Au faict d’amours, aussi tost iouira.

Comme celuy qui riche se dira.

Quand au surplus ces opprobres & crimes

Qui contre vous sont meslez en ses Rhime [sic pour Rhimes]

Reprouueroient s’il en estoit besoing,

170

Mais ie ne voy que ie preigne tel soing

Car attendu qu’ilz sont trop execrables

Pour reciter deuant gens tant notables,

Oultre par tant qu’vn petit de raport

Vous en a fait cy deuant vray rapport.

175

Pareillement de paour que trop long soye

Ie m’en deporté [sic pour déporte]. Or vous auez la voye

Du iugement que vous deuez donner,

Vous vouldriez vous du tout abandonner

A ces meschans ? vostre court souueraine

180

Y ait esgard. Estimez quelle peine

Peult meriter ce faulx & delinquant,

[f. B vj v°] Fac-simile de la page RESPONSE.

Vous congnoissez & qui, & quoy, & quãd :

Parquoy vueilles donner telle sentence

Que le requiert & veulx vostre constance.

185

Ne permetez abolir vostre court

Par ce meschant par qui tant d’abus court,

Ne permettéz que noz tant bien aymées

Dames d’honneur perdẽt leurs renommées.

Ne permetez que vostre loz & bruit

190

Par ce faulx homme a present soit destruict,

Ce qui sera du tout a vostre gloire

Et grand profit, ainsi qu’il est notoire :

Car vrays amantz par ce beau iugement

Si bien iugez auront soulagement.


195

Incontinent sa parolle finie

Se va leuer vn de la compaignie

Pour repliquer, faulx entendre nommé

Lequel estoit du delinquant ayme [sic pour aymé],

Me dit ainsi. Messieurs si ie m’auance

200

Et m’entremetz proposer la deffense

De l’accusé pour soustenir son droict

Qui m’apparoist, cela peu ne vauldroit

Si voz espritz estoient legiers de croire

Ce que chacun dit en plain consistoire,

205

Que si quelcun vous semble dire bien

Il est raison pourtant d’ouyr combien

[f. B vij r°] Fac-simile de la page RESPONSE.

Ou pis ou mieulx dira son aduersaire

Car autrement souuant en pourroit faire

Du droict le tort, & mes Rhetoriqueurs

210

Par dire beau seroiẽt tousiours vainqueurs.

Homme n’auroit sinon en eulx fiance

Plaise vous dõc me donner, audience.

Je diray peu mais il sera bien dict

Comme i’espere, & sans aulcun mesdit

215

Qui ne conuient a vn qui aduocace

Mesmes encor icy en belle place.

En premier lieu cest homme non rusé

De poureté a esté accusé,

De bas estat furent ses pere & mere,

220

Desquelz n[’]ouyz oncques parole amere :

Bonne a este [sic pour esté] leur conuersation

Mais or touchant sa proposition

Bien veulx que soit vostre court aduertie

Qu’on la doibt prendre en meilleure partie

225

Que n’a pas fait l’aduocat franc vouloir

Mais ꝗ pourroit mieulx scauoir le vouloir,

Et le vray sens que l[’]autheur : duquel l’oeuure

Demonstre assez le faict & le descoeuure :

I[’]entens qui veulx en bien l’interpreter

230

Sans trop aux lieux scrupuleuz s’arrester.

Et s’il aduient qu’on ne les puisse entendre.

[f. B vij v°] Fac-simile de la page RESPONSE.

De l’autheur fault bonne response attendre

Car en rigueur d[’]interpretation

Trop auroit lieu la retractation.

235

Voila le cas plus grief qu’on luy impose

Ou ie ne voy apparence de cause :

Mais au surplus quant aux petis obiectz

Il m’est aduis que nous sommes subiectz

Respondre à tout veu qu’ilz sont sans mesure

240

Et qui plus est la plus part n’est qu’iniure.

I[’]ay fait selon mon office & debuoir

Qui a le droict il vous plaira de voir.

Lors Cupido a ses huissiers commande

Dessus le champ et sans delay qu’on mande

245

Querir le liure icy mentionné.

L[’]accusé fut adonc bien estonné,

Et non luy seul, mais son aduocat mesme

Presentement deuint tout palle & blesme,

Dont on pensa que grand deuil & douleur

250

Leur fait muer a tous deux la couleur.

Incontinnet [sic pour Incontinent] on aduise a la porte

Celuy venir qui le traicté apporte,

Cupido l’ouure & va aux presidens

Et conselliers qui estoient la dedans

255

Pour leur monstrer & auoir leur sentence

Leurent dedans auec bonne constance.

[f. B viij r°] Fac-simile de la page RESPONSE.

Aucunesfois il plioit le feuillet

Comme notant vn passaige follet

Lequel pouoit contre son facteur nuyre,

260

Si firent fin de cousulter [sic pour consulter] & lire,

Puis Cupido vint pronuncer l’arrest

Du delinquant tel comme icy mis est.

La court si a ordonne [sic pour ordonné] & ordonne

Par son conseil & sentence tresbonne

265

Comme ainsi soit qu’ait commis cest esté

Vn crime & cas dellese maiesté

Ce composeur encontre moy son prince,

Banny sera de toute ma prouince :

Son liure aussi (le tout bien calculé)

270

Publiquement sera ars & bruslé

Pareillement pour la faulte & traficque

De l’Imprimeur, tous ses biens on confisque.

Oultre il est dict que ce faulx blasonneur

Reparera aux dames leur honneur,

275

Desquelles a mal parlé en son liure

Que si encor telz traictez il leur liure

Ou par brocards les picque, poinct ou mort

En informant sera jugé a mort.


FIN.