SALVTATION
AV ROY, CHARLES IX.
Sus son entrée en sa Noble &
Antique
Ville de Lyon
Iouxte l'impression faite à Lyon,
Par Benoist
Rigaud,
AVEC PERMISSION.
AV ROY CHARLES IX.
Titus regnãt, doux, bening, gracieux,
Du Romain peuple estoit l'amour
vnique
O Roy, tu tiens ia tel nom precieux
Pour ta douceur vers ton peuple Francique.
SALVTATION A TRES-
Chrestien, & Tres-bening Roy de
France
Charles ix. Sus son entrée
en sa
noble & antique ville de Lyon.
PAR CHARLES FONTAINE.
T
on grand Lyon t'attendoit
en
Automne
Roy Tres-humain, laissant face
felonne
Que lui auoit dõné ce cruel Mars,
Qui tourmentoit ta France en toutes parts:
5Mais tout ainsi qu'apres le dur yuer,
Le doulx Prin-temps nous voyons arriuer,
La douce Paix apres la rude guerre
Vient resiouir ta plantureuse terre:
Par le moyen de ta grande douceur,
10Qui nous apporte vn repos doulx & seur,
Repos durable ainsi que tous esperent,
Et qui fera aussi que tous prosperent.
Car Dieu qui t'a sus ce commencement
A ij. [f. A ij.v]Fauorizé, fera l'auancement:
15Comme voyons qu'il a sceu tres-bien faire
Aux Roys dressans par douceur leur affaire.
Par ce Prin-temps donques ton grand Lyon
T'attend pied-coy, en grande affection:
Car il quitta sa rigueur & colere,
20Recongnoissant ton sceptre non seuere:
Recongnoissant ton noble, & sainct vouloir,
Tes doulx moyens, dont nul se peult douloir.
Onques Hanno, ce grand Duc de Carthage,
Ne rendit mieux à Lyon de doulx courage:
25Ny Godefroy, ce preux Duc de Buillon,
Ne fut onc mieux obeï du Lyon:
Le sainct Docteur tant docte, & renommé
Onques ne fut du Lyon mieux aymé
Pour lui auoir tiré du pied l'espine
30Que toy d'oster ce Mars qui les ruine:
Mars qui luy a vn peu amenuisees,
Ses ongles grands, pour les rendre aguisees
A son seruice, & pour donner terreur
A qui viendroit luy chocquer en fureur:
Soubs lesEmp. Al-
bin & Se-
uere.. 35
Mais n'a esté ainsi grand le carnage
Comme en fut grand le bruit, & le presage;
Et fut iadis trop plus ensanglanté
Que soubs toy Roy (grace à Dieu) n'a esté:
Mesme il fut ars de nuict, d'vn feu celeste
Soubsl'Emper.
Nerron. 40
Par grand desastre, estrange, & manifeste.
Puis il deuint de membres plus puissans
Comme predist Senecque d'vn bon sens.
Aussi [f. A iij.r]Aussi par fois Regnes & republiques
Ont maulx caducs, tristes, melancoliques:
45Puis auec temps prennent conualescence,
Force & vigueur, mesme en plus grand' puissance.
Espere, ô Roy, que ton grand Lyon viue,
Prenant par toy force & santé plus viue,
Quand mesmement ta Royale prestance
50Il aura veué [sic pour veue], & congneuë en presence.
Ia il t'attend, ia (bien seur) il t'attend,
Et contempler ton doux port il pretend
Tout à loisir, & tout à son bel aise,
N'esperant rien faire qui ne te plaise:
55Que si ses pieds, & sa queuë, & son dos
N'ont pas esté ces iours en bon repos,
Ny ce grand cœur que nature luy donne,
En ta venue ha fiance tant bonne
Que bien sçauras l'adoucir, & tenir
60En grand repos pour tout temps à venir.
Il ha vers toy tant noble affection
Qu'il fera tout à ta deuotion
Comme est tenu: & ha bonne esperance
De t'obeïr en grand perseuerance:
65Car il congnoist ta grand' douceur illustre,
Dont il a bien aperceu le grand lustre:
Et a desia senti ta grand' bonté
Qui par douceur son mal a surmonté:
Il te sera tant doulx, humain, idoine
70Qu'au Duc Hanno, & comme à Marc Antoine.
C'est ton Lyon, Lyon de grand renom,
A iij. [f. A iij.v]Portant par tout sus soy ton Royal nom:
Quand traineroit encor au pied l'espine,
Mieux qu'Androdus par ta grace benigne
75Luy tirerois, car il ha reuerence
A ta haultesse, & foy en ta clemence:
Vien donc, ô Roy, & il t'admirera
Comme vn beau coq, si tost qu'il te verra.
L'autre Lyon, bien soit au mydi,
80N'a cœur, ny corps si fort, ne si hardi,
Et n'est si grand, si gros, ne si puissant,
Et n'a tel bruit, ainsi cler-paroissant:
Ny l'autre aussi qui si loing ne s'esloigne,
Qu'on voit couché en terre de Bourgoigne.
85
Vien voir, ô Roy, ta ville Lyonnoise
Qui se maintient par toy douce, & sans noise:
Vien voir, ô Roy, ton peuple Lyonnois
Que seulement par ouir tu congnois:
Mais, pour le seur, l'œil du Prince qui veille
90Est bien trop plus important que l'oreille.
Voy qu'à ton œil il fleschit ses genoux,
Te promettant estre loyal sus tous,
Et selon Dieu en t'obeissant viure,
Tes loix, vouloirs, & beaux Edicts ensuiure.
95
C'est vn grand peuple, en diuerses couleurs
Assez diuers, dont chassas les douleurs
Par ton Edict, puis par ta bien-venue
Qu'il desiroit, ia long temps attendue.
Qui [f. A iiij.r]
Qui peult nombrer de la grand' mer le sable,
100Et des Oiseaux la plume variable,
Qui peult nombrer de ta Beauce les Blez,
Hauts, beaux & drus, soubs vent puissant courbez,
Il nombrera ta Lyonnoise bande
Courbans leurs chefs soubs ta maiesté grande.
105Les flots de mer ne meinent plus grand bruit
Qu'illec ton loz, & ton hault nom rebruit,
Accompaigné de tes vertus Royales,
Grace & douceur, à ton hault sceptre egales.
Car mieux ne luit ton sceptre, & ta couronne
110Que la douceur qui ton cœur enuironne:
Couronne & sceptre ont pris leur noble essence
De la Vertu, & puis leur accoissance:
Et la vertu qui les a faict florir
Les maintient bien, & garde de perir:
115Aussi Vertu est du grand Dieu la fille,
Sur tout, aux Roys necessaire, & vtile:
Car sans icelle il n'est ni puissant Regne
Qui seurement, ne qui longuement regne.
Ton noble esprit, Tres-Royal par effect,
120Ta grand' Vertu congnoistre nous a faict:
Car dans brief temps toute bellique oppresse
Ton grand païs plus ne charge, ne presse,
Donnant congés à ces Italiens,
Et Espaignols les armes manians:
125Donnant congé aux Reïstres & Suices,
Sur nous (helas!) descendus pour noz vices:
Mais deschassant par Magnanamité
Tost les Anglois en leur coing limité,
Qui occupoient ton fort Haure de Grace:
[f. A iiij.v] 130Et puis encore Dieu t'a bien fait la grace
Qu'auecques eulx traictas la belle paix,
Tesmoing la ioye, & feuz qui en sont faicts:
Car trop mieux vault la Paix, & alliance
A ses voisins, que guerre, & deffiance.
135
Si tel bien feis en ta minorité,
Quels fruicts naitront de ta maiorité?
Si tels cas feis, en ta grande ieunesse,
Quels faictz verrons de ta virile adresse?
La grace à Dieu qui ordinairement
140Aide aux bons Roys qui sont en troublement
Ton sceptre as ferme, & hors de tous dangers:
Et paix aux tiens, & paix aux estrangers:
Et si l'auras encores d'auantage,
Comme esperons, en ton surcroissant aage.
145
Vien voir, ô Roy en beau Royal maintien
De Roy de France, & de Roy Treschretien,
Vien voir ta ville aymée & renommée,
Et d'vn hault nom par sus toutes nommée,
Selon lequel maint rempar, maint renfort
150Y sont monstrans son cœur, & son corps fort:
Mesme ces iours s'est fort bien aguerrie,
Mais ta vertu ceste guerre à guerie,
Guerre ciuile autant rude, & estrange
Que ta douceur est digne de louange.
155
Vien voir, ô Roy, ta noble antique ville
L'an1246.
Dedans laquelle y eut iadis Concile,
[L'an] 1503.En elle aussi vne grand' Paix fut faicte:
Car [f. Br]Car mieux en Paix qu'en guerre se delecte:
Nulle autre ville ha tant de nations
160Ensemble ayans communications
En tout honneur, & en toute fiance,
En bonne Paix, bonne amour & creance,
Ia des long temps: cas assez merueillable:
Et en ceci tu n'as ville semblable.
165Elle combat contre sa grand' fortune
Mesme la vainq: elle est ville opportune,
A l'Alemaigne, à l'Itale, à l'Espagne:
Double riuiere, & de grand nom, la baigne.
Vne ceinture elle ha quasi pareille
170A celle la qu'on tient pour grand merueille:
Trois sortes d'eau chez elle on y peult voir:
Par chacun iour chacun s'en peult pouruoir:
Les Aqueducts y sont (belle structure)
La terre y est fertile de nature:
175Infinité d'Artizans bon ouuriers
Elle produit, & autant bons guerriers.
Quiconque a veu la belle formiliere
Née au labeur, au trauail coustumiere,
Qu'il pense voir Lyonnois Artizans
180A beaux miliers en leur Art s'exerceans.
Tout à l'entour sont beaux & grans villages,
Les habitans de bons & forts courages:
Elle a flori iadis en grand honneur,
Les Romains mesme y venoient pour bon heur,
185Et pour esbat, & pour magnificence:
Vers eulx elle eut grand renom d'excellence,
Et florissoit d'estudes & bons Arts:
B [f. Bv]En elle aussi furent naiz deux Cesars:
Iadis Romains l'ont eüe bien fidele:
190Puis noz grans Roys se sont bien seruis d'elle:
Elle est antique, & sus toute se vante
D'auoir tenu des prouinces soixante:
Et d'ignorance & paresse ennemie,
D'Atheniens receut l'Académie.
195Empereurs, Roys, & Ducs & Archiducs
En guerre & Paix illec se sont rendus:
Le Roy ton pere, & la Royne ta mere,
Ta noble tante en tout bon heur prospere,
En grand triomphe, en plaisir & deduict
200Y font entrez l'an cinq cents quarante huict:
Chez elle ia grans trouppes de Seigneurs
Sont t'attendans, & grans Ambassadeurs:
(Dieu te doint grace à traicter les affaires
A son honneur, grandes, & necessaires)
205Elle eut renom, & onc ne le perdit,
Que riches gens vers elle ont bon credit:
C'est bien ta ville en change, & en trafique
Leuant son chef par sur tous magnifique:
Mais qui l'abbaisse en toute humilité
210Pres ta Royale, & haulte Maiesté,
Que deuers elle approcher elle sent,
Et recongnoist ce tien sceptre puissant.
Elle est assise en monts, & en vallees:
Ha grans maisons, grans rues fort peuplees:
215Ses foires sont par sus toutes en bruit:
Quatre fois l'an sa grand' trafique y bruit:
Elle est bien libre: en ses belles franchises
Fort s'esiouit, qu'a des long temps aquises:
Car [f. B ij.r]Car d'estre libre & riche assez luy chault:
220Elle n'a pas le ciel trop froid, ny chauld,
Ains est assise en place temperee:
Double montaigne en ha bien aërée.
Ce bon voisin, ce Medecin ioyeux,
Qui resiouit les ieunes & les vieux,
225Qui rend les gens & allegres & forts
S'y tient par tout, & dedans & dehors.
Certes la blonde auec sa seur Pomone
Et dans son cœur la soigneuse Agerone,
Puis des deux parts les Nymphes Oréades
230Verront leur Roy: & les cleres Naiades
S'esiouissans de ta Noble venue
Relaueront leur belle face nue:
Le brusque Rosne & sa seur Saone douce,
Entrelassez d'vne goutteuse mousse,
235Leurs beau chefs verds pour toy hault dresserons
En grand honneur leur Roy caresseront.
Au deuant toy Messieurs de ta Iustice
Graues iront en bon ordre propice:
Les Nations tenans leur grauité,
240Verras marcher en grande braueté
Puis ces enfans de Lyon bien montez,
Sur leur Cheuaulx braues, & bien domptez
Cappes portans de velours bien en ordre.
Ces Princes grands, & Cheualiers de L'ordre,
245Et maint grand Duc, Marquis, Comte, Vicomte,
Prudens Seigneurs, desquels on tient grãd cõpte
B ij. [f. B ij.v]Au deuant toy marcheront noblement,
Soubz graue port, & braue acoustrement:
Puis tes herauts, & ton grand Connestable
Le Con-
nestable.
Haulsant l'espee & nue & redoutable
Remplit d'honneur: puis Suyces, Archers
(Archers luisans en leurs Hocquetons chers)
T'accosteront: puis les Consuls de ville
Portant ton ciel, en mode humble, & ciuile.
255
Lon te verra en Maiesté de Roy Le Roy.
Brocher Pompeux ton beau blanc palefroy,
Lequel tentant son seul grang [sic pour grand] Roy & Prince
Ne souffrira qu'autre le picque ou pinse,
Comme iadis feit ce noble Cheual
260Soubs son grand Roy, ce cheual Bucephal:
Ce beau Cheual donques te congnoissant
Marchera fier, de ioye hannissant:
Puis auanceant ceste Royale face
N'y aura nul que resiouy ne face.
265
Tu y verras Theatres, eschaffaulz
Bien estoffez, luisans, brauement haultz.
Et enrichis d'excellent artifice,
Si tu permets que l'ouurier l'accomplisse.
Pres te suiura d'Orleans Monseigneur, Le Duc d'Orleans.
270Ce frere tien, beau doulx Prince en honneur,
Et puis aussi ce Prince (que repare
Le Prince
de Na-
varre.
L'honneur, vertu) le Prince de Nauarre:
Lon les diroit double estoille ou planette
Vers toy Soleil en ta splendeur tant nette.
Puis [f. B iij.r] 275
Puis les suyuront Seigneurs & Officiers,
Et sus la queuë Arquebouziers guerriers,
Bien manians leurs grosses hacquebutes,
S'esiouissans au son de telles flustes.
Non loing de toy par tout les enuirons
280L[']on entendra trompettes & clairons,
Fifres, haut boys & gros tabours aussi,
Chassans des cœurs tout ennuy, tout souci:
L'autre Musique il faut que plus hault bruye,
D'artillerie, & d'Arquebouzerie:
285Telle musique entendre se fera,
Si qu'on croiroit que le ciel tonnera.
Vaize et Bourgneuf, & autres deux grans rues
Pleines serons de grans trouppes si drues
De gens pressans, que les espics de blez
290Ne sont plus pres pressez, & assemblez:
Sans y comprendre autres qu'on verra estre
Autant pressez en boutique & fenestre.
Et d'autre part sus le soir vogueront
Tant de bateux, que Saone ils couuriront,
295Iettans par tout de ces longues fusees,
Tenans les yeulx des trouppes amusees.
Là tu verras entre ces petis flots
Saulter, courir ces rouges matelots
Tout a l'entour de ton neuf bateau braue
300Qu'aux deux costez ta Saone lesche, & laue
Si doucement qu'on diroit (par esmoy)
B iij. [f. B iij.v]Qu'elle cognoist le bateau de son Roy:
A leur troter au bord de ton bateau
Tes matelots semblent tomber en l'eau:
305Puis l[']on diroit que Saone est leur cousine,
Car ne leur est facheuse, mais benigne.
Vien donc, ô Roy, en Royale ordonnance,
A tes costez ayant Dame Attrempance
Auec prudence: & les Graces deuant,
310Et vn millier de Vertus te suiuant.
Mets sus ton chef ta couronne luisante
D'authorité & Maiesté puissante:
Comme vn Soleil au beau matin luisant,
Ioye & clarté aux humains produisant,
315Sois braue ainsi dessoubz ton Pauillon,
Tendu, luisant comme vn beau vermillon.
Prens en ta main ton Sceptre d'Equité
Vests ton habit de haulte Maiesté
En grand' splendeur illustre & flamboyante
320De pierrerie aux bords toute ondoyante:
Pour demontrer ton cœur preux magnanime,
Que la victoire & la Vertu anime.
Ton chef Royal, ta bouche vermillette
Tout ce grand peuple allegrement delecte:
325Porte en ton cœur la belle Charité
Fort decorant la Saincte Royauté.
Comme vn Soleil ta Iustice equitable
Ia faict splendir ton hault nom admirable,
Renouuellant [f. B iiij.r]Renouuellant tout ce beau Siecle cy,
330Et le rendant alaigre, & esclarcy:
Et seras plus admiré grandement
Apres tel bruit, disgrace & troublement,
Comme vn bel Astre apres l'obscure nue
Demontre mieux sa viue clarté nue:
335Et le beau temps reuient plus gracieux
Apres tormente, & tempeste des cieux:
Et comme l'Or se purge en la fornaise
Ainsi le Regne en la saison mauuaise:
Comme à Ioseph ta gerbe florissante
340Ia l[']on admire en la saison presente.
Or plus en plus tes sens soient reuestus
Royalement de Royales vertus:
Le Roy des Roys d'en-hault te fauorise:
Ton Royal chef accroisse, & authorize.
345
O Roy, vien donc, approche, & si reçoy
De ton Lyon l'obeissance & foy,
L'honneur, l'hommage, & digne reuerence
Dont il cherit ta Royale excellence,
Autant ioyeux de ta noble venue
350Comme fasché de sa perte aduenue:
Mais auec temps Dieu la restablira:
Puis ton doulx œil bien fort l'allegera.
On les vend a Paris, par Guillaume de Nyuerd.