SOMMAIRE
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Paratextes
- Privilege
- Accointance de Phêbus
- Amici carmen
- Un ami de l’auteur
- A sa Muse
- Au Roy 1
- Au Roy 2
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Enigmes
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- ✦ 27
- ✦ 28
- ✦ 29
- ✦ 30
- ✦ 31
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Epigrammes
- ✦ A Henry II
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Etreines aux grans Princes
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Etreines aux Princesses
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Epigrammes
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✦
fin
ODES, ENIGMES,
ET EPIGRAM-
MES,
*
Adressez pour etreines, au Roy, à la
Royne, à Madame Marguerite, & au-
tres Princes
& Princesses de France.
A LYON,
PAR IEAN
CITOYS.
M.D.LVII.
Auec Priuilege du Roy.
Extrait du Priuilege
Par grace & Priuilege du Roy, il
est permis
à maitre Charles Fontaine,
faire impri-
mer
& mettre en vente par tel Libraire
& Imprimeur que bon lui semblera,
Odes & Epigrammes
par lui composez à
l’honneur de
France, & augmentation
de la langue
Françoise. Auec defenses à
tous autres de ne les
imprimer ny ven-
dre, iusques à huit ans, du iour
& date de
la premiere impression: Comme à plein
est contenu es
Lettres de Priuilege, sur
ce donné à Villiers
Coterets, le premier
iour
d’Octobre, 1555.
Ainsi signé Declauerie,
& scellé en
cire iaune.
ACCOINTANCE DE
Phêbus auec l’Auteur.
Le blond Phebus m’a bien osé promettre.
De rehausser mon beau nom par son metre.
Et que tandis qu’au haut Ciel il luira,
Fontaine en France & hors France on lira.
Amici carmen in hunc Caroli
Fontani libellum.
Prodi, quid dubitas? Fontani parue libelle:
Nam tu, vel Momo iudice, tutus eris.
Vn ami de l’Auteur au Lecteur.
Fontaine par ses vers (pour te le faire court)
Sans bouger, te fait voir quasi toute la Court.
A sa Muse.
Sus, entre au iour, or sus ma Muse, au iour,
Va saluer ce tres-preux tres-grand Roy:
Et ne crein point ceus qui sont alentour,
Diuins Heros qu’en admirant ie voy:
5Car ilz sont tous tenans d’un mesme aloy
De magesté iointe à humanité:
Du grand Croissant außi telle est la loy
Qu’aus yeus humeins ne fait mal sa clarté.
Au Roy.
Quand ce grand œil du Monde te contemple
De sa grand’ voute en ta grandeur tant ample,
Souuent s’arreste en te voyant si grand:
Et dit qu’il voit en terre son parant
5En grand’ splendeur de vertu & de graces,
Dont grandement les plus grans tu surpasses:
Grand en ta prestance, en port, en magesté,
Magnificence, & liberalité,
Mais seras grand, trop-plus-grand par les Muses
10Eternizans tes louenges diffuses.
Au Roy.
Si entre meint tres-grand affaire
Vous peut rester quelque loisir,
Roy tres-prudent, lors pourrez faire
Vous lire cette Ode à plaisir:
5Außi ma Muse ha bon desir
De resaluer l’exellence
Qui la peut garder de perir,
La tirant hors d’obscur silence.
Au
[1]
AV TRESCRE-
STIEN ROY DE
France
Henry second
de ce Nom.
Le plvs grand peintre Ephesien
N’a tel pourtrait en auant mis,
Que mon tableau Parnaßien
Ornant mon Roy & ses amis:
5
Bien que ses traits, & ses pourtraits
Fussent sur tous ingenieus,
Toutesfois ses pourtraits & traits
Sont enuieillis par le temps vieus.
Et non seulement enuieillis,
10Mais auecques leur Maitre außi
Sont enterrez, enseuelis,
Et du tout nuls en ce temps cy.
O foible art que l’on vante tant,
Que de pourtraire un grand Seigneur!
15Qui donra mil escus contant
Pour acquérir tant peu d’honneur,
A 3 D’auoir [p. 6] 6
D’auoir son corps, ou son seul chef,
A quelques yeus representé,
Soit de plat, ou soit de relief,
20Et au vray naif raporté?
Peu de gens, & pour peu de temps
Verront ton image, ou pourtrait:
Par cas de feu, de pluye, ou vents
Sera consumé, ou deffait.
25
Mais ce que la Muse ha de beau,
Se fait bien voir par l’Vniuers:
Tousiours dure son saint Tableau,
Coulouré & semé de vers:
Et son chant peut rendre immortels
30Les mortels qu’elle veut chanter:
Chant qui immortels & mortels
Peut à tout-iamais contenter.
Außi le Roy Agesila’
Ne voulut onq estre pourtrait,
35Querant autre honneur que cela,
Et plus durable, & plus parfait,
Et Isocrates instruisant
Son [p. 7] ODES. 7Son Roy, entre autre instruccion
Telle sentence alloit disant,
40Digne de sa profeßion:
Pense plustot à delaisser
Ta vraye image de l’esprit,
Que de ton corps faire tracer
Le trait & pourtrait qui perit.
45
Ce que ie ne di pour blamer
Les subtils Peintres & sculpteurs:
Ie les admire, & veus aimer,
Mais non pas tant que les Auteurs,
Qui font par leurs diuins esprits
50Viure & reuiure les Signeurs,
Les pourtrayans en leurs escrits
Des couleurs de mil vrays honneurs,
Sans qu’ilz soient onq decolorez
Ny par le tems, ny par les gens:
55Mais d’un trait vif bien decorez
Pour luire & reluire en tout temps.
Les plus grans peintres & graueur
Du tems d’Alexandre ont esté,
A 4 Et en [p. 8] 8 ODES.Et en ont receu grans faueurs:
60Vn en son art ha exalté:
Mais en science & plus hauts arts
Infinis en ha exaltez:
Si ont apres lui les Cesars,
Les Cesars Romeins tant vantez.
65
Et ce tien Astre paternel
Vn si bon aspect leur donna,
Que son plus grand loz eternel
Plus grand’ gloire & lumiere n’a.
Son influence ha inspiré
70Ma ieunesse, entre mille, à voir
Ce beau monde ou i’ay aspiré
Ou git la Muse & le sauoir.
Le premier Cesar acheta
Deus tableaus, & les achetant
75Vn chacun d’iceus lui couta
Plus de dix mil escus contant.
Que sont ces tableaus deuenus
Qui couterent un si grand pris?
Et qui furent si chers tenus?
80Comme leur maistre ils sont peris:
Mais[p. 9] ODES. 9
Mais la seur de Cesar second
Desboursa moins, & si fit plus,
Quand pour dixhuits vers, qui seront
Stables, paya cent mil escus.
85
Ces Vers à l’honneur de son fils
Sont encore en vie auiourdhui,
Dont Vergile en eut tels profits
Qu’il en tira par deuers lui
Deux cens escus pour chacun vers
90Sans auoir peine aucunement
A troter & courir deuers
Le payeur de tel payement.
O Princes, pesez donc außi,
L’honneur des vers, l’autorité,
95En quoy cette Princesse ci
Bruit par sa liberalité:
Elle oyant les vers reciter
Loant sont fils Marcel ia mort,
Se páma, ne pouuant porter
100Le regret qui la pique & mord:
Puis sortant de tel’ pamoison,
A 5 Les [p. 10] 10 ODES.Les cinq mil escus ordonna
Estre deliurez, pour raison
Des vers que Maron lui donna.
105
Telle grand’ somme el’ ne pleignit
Au Poëte bien prononçant,
Et d’un cœur noble la fournit:
Grand loz du vers non perissant!
Außi ces vers lui ont esté
110Vn beau tombeau, qui dure encor,
Plus luisant, plus ferme arrété,
Qu’un de fin marbre, ou maßif d’or.
Le grand Roy disoit estre heureus
Achilles le fort Grec puissant,
115Non pas tant par ce qu’il fut preus,
Et en faits d’armes surpassant,
Comme qu’il eut, pour grand bon heur,
Son Homere poëtizant,
Qui le fit reuiure en honneur,
120Ses louenges eternizant.
Grans Princes deus grans vertus ont,
Premiere est Magnanimité,
Par [p. 11] ODES. 11Par laquelle grans actes font:
Puis l’autre est Liberalité,
125
Mesmement vers les gens sauans:
Car science ha l’autorité
De les faire en mil ans suiuans,
Reuiure en la postérité.
Vous auez beau faire grans faits,
130O Princes Magnanimes-forts,
Ilz seront tous, comme imparfaits,
Enseuelis quand serez morts:
Si le Poëte en ses dous sons
Ne les chante à vos sucesseurs,
135Qui oyans ses viues chansons,
De vos victoires seront seurs.
Tel heur ne vous pourront donner
Ny vos peintres, ny vos sculpteurs:
En un coin s’en vont confiner
140Meints tels artizans inuenteurs.
Comme Phebus au beau Croissant
Donne sa splendeur & clarté,
La Muse rend clerparoissant
Le Prince plein d’humanité.
Que ne [p. 12] 12 ODES. 145
Que ne surhaussez vous, ô Roys,
De la fortune bien aimez,
Ceus qui par leurs doigts & leurs voix
Vous rendroient trop mieus renommez?
Comment sont en bruit & renom
150Priam? Enee? Roys Troyens:
Le Grec Achille? Agamemnon?
Que par Poëtiques moyens?
Vertu mesme en son ennemi
Ce nonobstant doit on priser:
155Car tout bienfaict se fait ami
D’honneur, qu’il ne faut despriser.
Ce Charles regnant à present
Quatre cens ducats ordonna:
Marot en receut le present
160Pour peu de vers qu’il lui donna:
Mais souuent pour cas qui vaut moins
L[’]on donnera un plus grand bien:
Ma Muse n’entend, neantmoins,
Chanter des Princes que tout bien.
165
Ie ne le di tant seulement
Pour la France assez liberale:
Ie le [p. 13] ODES. 13Ie le di generalement
Pour toute terre illiberale,
Et trop tardiue à faire bien
170A ceus qui à son loz ne cessent,
Aus pâles Poëtes, combien
Que dix mil autres s’y engressent.
Poëtes sont tresanciens:
Car les antiques Orateurs,
175Philosophes, Historiens,
Ne sont que leurs imitateurs:
Apres eus ils ont patronné
Sus le beau Poëtic patron
Tiré, suiuy, & façonné
180Le principal de leur façon.
Vos Maieurs auoient en honneur,
Ie di de toute antiquité,
Ceus ausquels Dieu estoit donneur
D’une telle Diuinité.
185
Moindre honneur donques soit donné
A une main, & un pinceau,
Qu’à un chef de laurier orné
En tout temps verdissant & beau:
Dans [p. 14] 14 ODES.
Dans lequel chef nature & Dieu
190Leurs graces & tresors ont mis,
Se consacrans tel diuin lieu
Pour eux, & pour leurs vrays amis.
Leurs vrays amis, & alliez
On dit que sont les Princes grans:
195Or sus donq, Princes, n’oubliez
Les grans mignons de vos parents.
Lesquelz à votre heur & grandeur
Vne autre peuuent aiouter:
Et qui est bien de si grand heur
200Que Mort ne la vous peut oter.
[1 bis]Encores au Roy mesme, pour le
iour des
Etréines.
Ce Prince renommé qui dit à ses amis
Soupant & souspirant, que son tems fut mal mis
Le iour auquel n’auoit à ses gens nul bien fait,
Combien mieus le diroit ce iourdhui en effet,
5Ce iourdhui guerdonneur des annuelles peines,
Ce iourdhui dédié aus heureuses Etréines,
S’il le laissoit passer sans montrer sa largesse
Au Poëte priant, qui ses vers lui adresse?
A la
[2]A la Royne,
ODE II.
Que ne reuiuent meintenant
Mil grans Auteurs de bonne marque?
Mesmement ce grand Grec Plutarque?
Ce Boccace bien auenant
5A chanter les illustres Dames,
Illustres & de corps & d’ames?
Que ne reuit mesmes encor
Ce grand sauant Cornele Agripe
Faisant que le tems ne nous gripe
10Ce beau cler nom, plus luisant qu’or,
De la vertu digne de Royne,
Mise en son lieu propre & idoine?
Mais que reuiuent apres
Ces plus grans hauts diuins Poëtes,
15Seuls Roßignols ou Alo[ë]tes
Entre les vrays Lyriques Grecs,
Archiloc, Callimac, Pindare,
Pour haut chanter ton honneur rare?
Car quant à moy, en cet endroit
20Ie ne veus plume ou Muse elire,
Et ne pretens chanter n’escrire,
Ains [p. 16] 16 ODES.Ains venir tot à ce point droit,
Au point que dit un Auteur sage
Louant en deus briefs mots Carthage.
[3]A Madame Marguerite, Duchesse
de Berri, seur du
Roy
ODE III.
Vn Mecenas viuoit à Romme
Quand ce grand Auguste imperoit:
L’un & l’autre encor se renomme
De la vertu qui prosperoit,
5
Et d’amour de literature
Que l[’]on voyoit flamber en eus,
Seul rayon de lumiere pure
Qui les rend immortel tous deus:
Mais auiourdhuy l[’]on peut bien dire
10Vn second Auguste regner,
Le Roy ton frere, & notre Sire,
Que tout bon heur veut couronner.
Et si la Muse n’est ingrate,
Elle te doit tresbien nommer,
15La vraye seure Mecenate,
Qui s’est voulu pour elle armer.
A Mons
[4]A Monseigneur d’Anguyen.
ODE IIII.
Tresbien s’accordans par raison
La peinture, & la Poësie,
Ont leur demourance choisie
Toutes deux en vne maison.
5
Horace fait comparaison
De Poësie, & de peinture
Toutes deux, d’art & de nature,
Diuines en toute saison:
Qui donq l’une ayme, il ayme außi
10L’autre compaigne, & alliee,
Qui s’est haussee, & publiee
De tout temps, mesme en ce temps cy.
Poësie ha son nom haußé
Et si bien etendu ses ailes,
15Qu’on voit reuiure sur icelles
Les grans Princes du temps paßé.
Puis qu’en pourtraitz prenez plaisir,
Tesmoing Verriot qui en vse,
Vous excitez ma double Muse
20Vous louer au double à loisir.
B Außi, [p. 18] 18 ODES.
Außi, pour honneur, & bon heur,
Phebus dit, que ne puis mieux faire
Que de chanter, & onq ne taire
Maint renommé Prince, & Seigneur.
[5]A Monseigneur le Reuerendissime
Cardinal de
Lorraine.
ODE V.
Le Soleil qui voit beaucoup d’hommes
Hauts d’eloquence & dignité,
N’en voit au climat ou nous sommes
Vn de plus haute qualité,
5Ny de pareille humanité.
Puis, si tes Maieurs on auise,
Hauts, Nobles, & Cheualeureux,
La Sainte terre reconquise
L[’]on trouuera estre par eulx,
10Si qu’ils sont au nombre des Preux.
Cette ferueur, ce diuin zele
Qui de laisser les incitoit
Leurs terres, & leur parentele,
La couronne leur aprestoit
15Qu’un payen indigne portoit
Ce mer [p. 19] ODES. 19
Ce merueilleux fait magnanime
Si grand renom ha mérité
Que mainte grand’ Cronique anime
Leur haut loz d’immortalité
20Sur toute la postérité.
Mais touchant les faits de proësse
A l’œil auiourdhuy les voyons
En tous tes freres, qui sans cesse
Se montrent de vrays Scipions,
25Dont vos histoires mieux croyons:
Ausquelles mainte vaillantise
Maint docte esprit aioutera
De tes Ducs D’aumale & de Guise:
Car chacun d’eux fait, & fera
30Hauts faits qu’allieurs on ne verra.
Apres il faut qu’on y aioute
Ta haute eloquente douceur
Ta pieté, qui ores ioute
Pour egaler l’antecesseur,
35Ou pour emporter le pris seur.
[6]A Monseigneur le Connestable, &
Duc de
Montmoranci.
ODE VI.
Que doit chanter ma Muse à ce
grand Con-
nestable ,
Digne de cette espee, & nue & redoutable,
Et de ce grand cerueau disposant les affaires
Les plus grandes du Monde, en France necessaires?
5
Que doit ma plume escrire, & reduire en
me-
moire,
Fors comparer ses faits à la plus haute histoire?
Son cœur, son corps, sa main à Nestor sage-vtile?
Et au Troyen Hector, ou bien au Grec Achille?
Ou à Vlisse, autant prudent que Magnanime,
10Qui, les armes en main, de docte langue anime
Vn camp prest à choquer? ou en rang le rappelle
Si d’auenture il est effroyé pesle-mesle?
Mais quand ie m’armermois d’une plus forte Muse,
Enuiron tel subiect se trouueroit confuse:
15Et puis seroit semer parmi l’air des atomes,
Des yeux au chef
d’Argus, plus cler voyant des
hommes.
[7]A Monseigneur le Cardinal de
Chastillon
ODE VII.
Non pource que chacun te prise
Sur toutes perles de la Court
En blancheur & rondeur exquise,
L’eau de Fontaine à ton loz court:
5
Non pource qu’en saison presente
Tu splendis plus fort que iamais,
Croissant en hautesse excellente,
Et croitras encor desormais,
Ains pource que i’ay connoissance
10De ta grand’ candeur & rondeur,
Quasi-quasi des mon enfance
Admirant ta ronde candeur,
I’escri de toy, & ne veux taire
Ton loz, ton lustre, & ton nom beau:
15Et te dira ton Secretaire,
Portant le nom aymé de l[’]eau,
Que puis deux fois dix ans ma Muse
Chantoit de toy dedens Paris:
B 3 Et dep [p. 22] 22 ODES.Et depuis deux ans ne refuse
20Rechanter ton loz de grand pris.
Auant que cette ornee Lyre
Fut nee en France auec ce bruit,
I’auois voulu ton nom elire,
Qui plus cler qu’un Astre reluit.
25
Et se trouueroient bien encores
Vers & Prose que t’adressois:
Bien qu’alors n’escriuois comme ores
En ces Vers Liriques François.
Berault, ton homme docte & sage,
30Auecques ton Doyen Basier,
Vers toy me dressoient le passage:
De moy se vouloient soucier.
Ie ne sçay quelle sympathie,
Ie ne sçay quel instruit ma meu,
35Mais ma Muse en toy fut rauie,
Des que ie t’eù ouy & veu.
[8]A Monsieur Durfé, Cheualier de
L’ordre, &
Gouuerneur de Mon-
seigneur le
Dauphin.
ODE VIII.
Du vray honneur.
L’honneur souuerain est à Dieu,
L’honneur Eternel, & supreme:
L’honneur apres doit auoir lieu
Enuers les Saints, mais non de mesme.
5
L’honneur est deu à la Vertu,
L’honneur est deu à la Science,
Et à cil qui est reuestu
De Noblesse & prééminence.
L’honneur est deu à tous Seigneurs
10Belliqueux, fuyuans nostre Sire:
Qui par armes, & par bons heurs
Font que l’ennemi se retire.
L’honneur est deu aux alliez
De Roys & illustres personnes:
15Aux Edits qui sont publiez:
A toutes ordonnances bonnes.
B 4 L’hon [p. 24] 24 ODES.
L’honneur est deu aux Gouuerneurs
De nos ieunes florissans Princes:
A leurs maistres, vrays enseigneurs
20De bien gouuerner leur Prouinces:
L’honneur est deu à nos parens,
Au pais, & à nostre terre:
A tous bons amis apparens,
Qui ne cachent un cœur de pierre.
25
L’honneur est deu pareillement
(Dit Iuuenal) à la vieillesse:
Et fault quel’ soit reueremment
Honoree de la Ieunesse.
L’honneur n’est point deu vrayement
30Au riche indigne (dit le Sage:)
Riche, qui n’est riche autrement
Que du vil terrestre auantage:
Il faut qu’il die grand merci
Mes grans biens, & grande richesse:
35Et ne fault pas qu’il die ici
Grand merci Vertu & Sagesse.
Maint riche quiert est honnoré
En sa grand’ pompe, & brauerie,
En hab [p. 25] ODES. 25En habit, ou palais doré.
40En trionfe, & en mommerie:
En braues cheuaus & harnois,
En spadaßins, & satellites,
Dont l’honneur ne donne trois noix,
Ny de tous ces fausses merites:
45
Ains l’honneur les fuit & fuira
D’une perpetuelle fuite:
Et arriere eus sans cesse ira,
Tousiours-tousiours, bien loing-bien vite.
Car ils le veulent prendre au doz,
50A contrepoil, ou bien à force:
Et cuident attraper le loz
Par une surprise, ou entorse:
Mais luy ailé, volant bien loing
Se rit d’eus, & de leur emprise:
55Et en riant il est tesmoing
De leur ignorance, ou sottise.
Ce que tu scez trop mieus que moy,
Toy qui es la mesme sagesse:
Et deuroit aprendre de toy
60Celuy qui ce propos t’adresse.
B 5 Maint [p. 26] 26 ODES.
Maint riche quiert donq ieuz & ris,
Et toute mondaine bobance.
Ce sont les points de luy cheris,
Qui le mettent en grand’ balance.
65
Mais toy qui la sainte Vertu,
Et toutes sciences caresses,
Iamais-iamais ne seras tu
Surpris de leurs delicatesses.
Außi Dieu, Vertu, & Sçauoir,
70Deuant ce Croissant te font croistre:
Croissant qui par tout se fait voir
Ou la Vertu se peut connoistre.
[9]A Monsieur de Crussol, Comte de
Tonerre.
ODE IX.
Ta viue vertu qui s’auance,
Suit le trac, & chemin batu
De tes maieurs, dont l’excellence
Paruint à sommet de Vertu.
5
Saliat rempli de science
Et qui en elle t’ha instruit,
A la [p. 27] ODES. 27A la naturelle semence
Aiouta par art le bon fruict.
Ainsi auec l’Art, la Nature
10Ne peut que tendre à bon effect:
L’arbre bon, en sa bonté dure
Tel que Nature & Art l’ont fait.
[10]A Monseigneur le Cardinal
de Chastillon.
ODE X.
Si notre Lyrique en sa lyre
Chante le loz de vingt ou trente
De ses amis: comme on peut lire,
Et voir en son euure aparente.
5
Bien qu’il die en quelque Antistrophe,
Que la Muse, qui est d’estime,
Quiert peu d’amis de bonne etoffe,
Et deus ou trois seuls elle anime:
Car elle estant de Dieu la fille
10(Ainsi qu’il dit) ne se valette:
Et tel mot i’estime entre mille
Vn traict de la Muse discrette:
Moy [p. 28] 28 ODES.
Moy Poëte epigrammataire
Et qui salue, & qui etreine,
15Puis-ie pas louer, & ne taire
Six vingts Signeurs d’une voix pleine?
Mesmement qui suis la Fontaine
Nee au milieu de la grand’ ville,
Et coulant de naïue veine
20Pour en abreuuer plus de mille?
L’Espaignol epigrammataire
Fit bien des amis dauantage,
Par ses beaux vers qu’il sceut bien faire
En la ville plus noble & sage.
25
Mais Marot à combien de sortes
De Signeurs escrit il en France?
Toutesfois ses Muses sont fortes
Sus la mort mesme à suffisance.
Et plusieurs autres bons Poëtes
30François, Latins, & Italiques,
Auec leurs Muses franches nettes,
Et par leurs Vers bien veridiques,
À ceus qui ont quelque excellence
De leur tems, donnent renommee,
Renommee [p. 29] ODES. 29 35Renommee sans defaillance
De la Muse tousiours aymee.
I’ay fait ainsi, ou voulu faire,
Comme apert au chant de mes Muses,
Qui de bon vueil en tel affaire
40Sont copieuses & diffuses.
Ie pren cas que mes epigrames
Soient les filez que ie veus tendre,
Pour trente amis de bonnes ames
Esprouuer, atirer & prendre:
45
Que retenir ie delibere
Et honorer auec ma Muse,
Qui d’une grace volontaire
Son bien aus bons onq ne refuse.
Mais quant aus autres qui m’eschapent,
50Ou mesmement mes filez rompent,
Deus ou trois fois ne m’y atrapent,
S’ils m’ont trompé, plus ne m’y trompent.
Or ne sera iamais trompee
La Muse qui vers toy s’adresse,
55La Muse à ton loz occupee,
Comme celle que ie te dresse.
[11]A Monsieur de Saintgelais.
ODE XI.
Ie t’ay connu auant que te connoitre:
De moy, poßible, il t’en est pris ainsi:
Ie t’ay connu par Phebus, Prince & maitre,
Par qui tu as acquis grand nom außi.
5
Tu m’as connu, peut estre, par les graces,
Et par le nom en France assez connu,
Que m’ont donné les Mues & les Graces,
En poursuyuront, me rendant plus tenu:
Et connoitras de voix viue, & de face,
10Quand te viendra à plaisir & loisir,
Celui qui tient de Phebeane race,
Mais qui pour tel trop mieus te veut choisir.
[12]A Monseigneur le Cardinal
de Chastillon.
ODE XII.
Les noms amis ie graueray
D’un fort ciseau, c’est de ma plume:
Et plus haut les eleueray
Qu’a l’Egypcienne coutume.
5
De tout haut euure terrien
Ce n’est auiourd’hui que risee:
Sus les beaus vers ne gaignent rien
Pyramide, ny Colisee.
Mais l’artifice, & batiment
10Qu’aus Mecenas ie preten faire,
En mon esprit diuinement
Par Phebus se verra parfaire.
[13]A Monsieur Danesius, Precepteur
des enfans du Roy.
ODE XII.
Mais pourquoy serois-ie confus
Pres de ta docte humanité,
Puis que ton disciple ie fus
En la grande Vniuersité?
5
De mon Vers ne fay donq refus,
Tesmoing à la postérité
De ce grand don en toy infus,
Digne de ta prosperité.
[14]Aux doctes & vertueus Poëtes
François.
ODE XIIII.
Les beaus vers tousiours vers ont tel’ viuacité
Qu’ilz ne ne craingnent la foudre, & la mortalité.
O qu’à peu de gens c’est que la Muse fait grace
De suiure le haut trac de l’immortelle trace!
5Viue vertu ne meurt, n’y honneur merité,
Ains luit deuant les yeus de la posterité.
Vos vertus, & vos vers, passans le mont Parnasse,
Iusqu’au plus haut des cieus vous ont aßigné place.
[15]A Pierre Pascal, Croniqueur
du Roy.
ODE XV.
Si le Philosophe ancien
Grand Philosophe Samien
Reuiuoit, & venoit en France,
Oyant ta Latine eloquence,
5Il te diroit par grand bon heur,
De l’Arpinat l’ame & l’honneur
De l’Arpinat l’honneur & l’ame,
Que le Tybre encores reclame.
A Tresillustres Princes & Princesses
Messeigneurs les enfants
du Roy.
Ces Enigmes ie vous presente:
(Princes) pour l’Etreine presente
C’est pour vostre eureuse Noblesse
Par fois ebatre en sa ieunesse.
5Si trouuez ma rime facile,
Le sens n’en est moins difficile,
Mais quand apres l’obscurité
On voit reluire la clarté
D’esprit prompt en la question,
10Là git la recreation.
S’EN
S’ENSVIVENT
TRENTE ET VN
Enigmes,
nouuellement
composez en vers
François.
*
[1]Enigme Premier.
Ie vole haut en l’air par force,
Mais i’en descens sans qu’on m’efforce.
[2]II.
Si l[’]on dit que ie picque fort,
Ie ne picque qui ne me mord.
[3]III.
Ie rends l’esprit mille fois en un iour:
Ie le repren mille fois sans séiour.
[4]IIII.
Engendree de pere & de mere
Ne filz ne fille ie n’engendre:
Ie ne resemble à mere ou pere,
Mais à mes seurs sans bru, ne gendre.
[5]V.
I’ay une teste, & un piéd seulement:
Ie fay dormir, & ne dors proprement.
[6]VI.
Ie suis une forest en l’eau
Replantee en païs nouueau.
[7]VII.
Ie suis petite teste ronde,
I’ay cent mil poilz sous ma rondeur:
Souuent ie vole en grand roideur
Sans montrer mes cheueux au monde.
[8]VIII.
Ie vis de neuf hommes la vie:
Le mal predis, mais sans enuie.
[9]IX.
Ie suis main, non pas en peinture:
Soit pres soit loing on me pourmeine:
Souuent le chaud & froid i’endure:
I’ay peau sans os, sans nerf ne veine.
[10]X.
I’ay robe blonde, blanche & dure:
Si on la rompt, la mort i’endure.
[11]XI.
Ie ne me voy, & si me voy:
Non fay, si fay: ce n’est pas moy.
[12]XII.
Ving seurs ou vingt freres nous sommes,
Separez en quatre parties:
Nous piquons bien plus fort qu’orties,
Sans nous ne vont femmes ny hommes.
[13]XIII.
I’honore l’homme, & le demontre:
Quand femme m’a, elle est un monstre.
[14]XIIII.
Ie suis außi rare que rien:
Ie ne crains point, on me craint bien.
[15]XV.
Ie me repose sus deux piedz,
Et de la teste ie chemine:
Quand mes deux pieds sont appuyez
Alors mon chemin ie termine:
[16]XVI.
Ie perds la vie & la repren,
Et à maints le chemin i’apren.
[17]XVII.
Ie n’ay qu’une ame seulement,
I’en auois deux hier seurement:
Mon corps n’est debout, ny aßis:
Or deuinez donc qui ie suis.
[18]XVIII.
Ie suis visible, & inuisible:
Ie suis, & si ie ne suis rien:
I’oste & ie donne maint grand bien:
Rien ne me fut onq impoßible:
5Tost ie m’en vois, tost ie reuien,
Et tousiours chez l’homme paisible.
[19]XIX.
I’ay veu, & i’en puis bien parler,
Des gens qui cheminoient par l’air,
Et leur chemin entrelié
Estoit plus estroit que leur pié.
[20]XX.
De tout le monde suis loué
Pour ma beauté & ma richesse:
Ie suis un grand troupeau cloué,
Et si ie chemine sans cesse.
[21]XXI.
Les plus petis membres ie lie:
Et grand’ amour ie signifie.
[22]XXII.
Ie ne suis pas autrement fort,
Et si mange plus fort que moy,
Facilement & sans effort:
Dont ie mets les gens en esmoy.
[23]XXIII.
L[’]on ha veu enfant qui endure
Grand’ playe d’un poignard d’eau dure:
Ce dur froid poignard (chose vraye)
Se fondant en la chaulde playe.
[24]XXIIII.
Ie vois, ie viens, & parle à maints,
Conuersant entre les humains:
Ie suis moy: & ne suis en somme
Fille, femme, garson, ny homme.
[25]XXV.
Grand’ Royne sous le firmament,
Cecy auient communément,
Qui ha ta iouissance, craint:
Et qui ne l’a, tousiours se plaint.
[26]XXVI.
Vne seur noire, un frere blanc engendre:
Mais tost le tue, & bien tost le rengendre.
[27]XXVII.
Ie n’ay poil, pieds, ny chair, ny sang, ny os,
Chez moy seulet tousiours prens mon repos:
I’ay yeux cornus quand les veux auancer:
Qui suis-ie donq? ie vous laisse à penser.
[28]XXVIII.
Quatre ou deux seurs, par bon accords
Cotoyons tousiours un grand corps.
[29]XXIX.
Masle ie suis aux grans oreilles,
Et ay enfanté des petis,
Tous vifs de mon ventre sortis:
Ne sont ce pas grandes merueilles?
[30]XXX.
Deux freres bien pres nous touchons,
En repos ensemble couchons:
Mais nous nous rencontrons de iour,
Nous frotans bien fort sans seiour
5L’un l’autre à beaux grans coups de taille:
Plusieurs [p. 41] ENIGMES 41Plusieurs durant cette bataille
Se mettent en nous, helas!
Mais ils tombent bien tost à bas.
[31]XXXI.
Deux seurs sommes parmi le monde:
L’une & l’autre est en un sens ronde:
Toutes deux iointes proprement,
Toutes deux fortes seurement:
5L’une ne bouge nuits ne iours,
L’autre vire-vire tousiours,
A tout le moins bien fort souuent,
Ou soit par l’eau, ou par le vent.
Le bien que le monde nous donne
10Ce n’est pas pour notre personne:
Sans l’aualer nous le machons,
Et en mil pars nous le tranchons:
Le cœur n’auons chiche ou inique,
C’est tout pour le profit publique.
[A Henry II]A TRESHAVT, TRES
magnanime, & treshumain
Roy de
France
Henry
second de ce
nom.
*
Lire par fois quelque Epigrame
Brief, en grace ou inuention,
Et fait à bonne intention
Au loz de maint Seigneur & Dame,
5C’est honneste occupation,
De petite detention:
C’est (sans que ie ne louë, ou bláme
Royale recreation.
ETREINES AVX
plus grans Princes
de
France:
[1]Et premierement,
Au Roy.
Puis qu’a plein poing tiens les cheueux
Du beau front chauue par derriere,
Ore-ore, encores mieux, tu peux,
(Et tu le peux bien si tu veux)
5Tourner plus outre en plus arriere.
[2]Autre, au Roy mesme.
Roy belliqueux en cœur & corps,
En hauts faits-d’armes bien te plais:
Mais tandis entre les efforts
Ton sage esprit est bien recors
5Qu’on fait la guerre pour la paix.
[3]Encores au Roy.
Ce grand Henry second-unique,
Illustre en race, en grace, en face,
Soit en loix du temps pacifique,
Pour grand bien de la Republique
5(Qui tous autres grans biens surpasse)
Soit en hauts faits d’acte bellique,
Mille autres Roys passe & efface.
[4]A tresillustre & tresflorissant Prince
Monseigneur le Dauphin.
Si l[’]on fait cas de maints Dauphins de mer,
Ie feray cas d’un seul Dauphin de terre,
Que ia se fait aymer & renommer
Depuis Corsegue à l’humide Angleterre.
[5]Encores, à mondit Seigneur le Dau-
phin , & à Monseigneur le
Duc
d’Orleans.
Rare est des freres la concorde,
Ce dit Ouide apertement:
Mais l[’]on ha tel contentement
En votre vnitè sans discorde,
5Qu’Ouide escriroit seurement
Qu’elle est grande en vous grandement:
Car Phebus de sa quarte Sphere,
Dont il voit tout tresclerement,
Ne voit tel frere auec tel frere.
[6]A Monseigneur le Reuerendissime
Cardinal de
Bourbon.
Y eut il iamais Cardinal
Si hautement tresnoble & bon,
Qui fust parangon, ou egal,
Au grand Cardinal de Bourbon?
[7]A Monseigneur le Reuerendissime
Cardinal de
Vendóme.
Estre aymé, ce dit Iuuenal,
Des grans, n’est pas peu de louange:
C’est pourquoy, orné Cardinal,
A ton loz ma Muse se range.
[8]Au Roy de Navarre, & Duc de
Vendóme.
C’est un nom composé bien rare
Que le Vandomois-Nauarrois,
Qui de haut noble lustre pare
Ducs, Duchesses, Roynes & Roys.
[9]A Monsieur d’Anguyen.
Ta race en honneur extollee
Par faits de magnanimité,
Et par actes d’humanité,
S’est consacree, & enrollee
5A la haute immortalité.
[10]A Monsieur le Prince de Condé.
Quand la viue vertu ouuerte
Par le monde s’egareroit,
Ie ne l’estimerois à perte:
En vous on la retrouueroit.
[11]A Monsieur le Prince de la
Roche
surion.
Ton cœur en bien haut lieu aßis,
Comme Roche, constant & ferme,
En vertus en vaut deux fois six:
La Dame ailee ainsi l’afferme.
[12]A Monsieur de Montpensier.
Si ma Muse vers toy s’adresse
S’humiliant pour son deuoir,
C’est qu’elle ha enuie de voir
Et de saluer ta Noblesse.
[13]A Monsieur de Neuers.
I’espere que c’est à ton bon heur
Que i’honore maint grand Seigneur:
Or ie sçay que mes petis Vers
N’oubliront Monsieur de Neuers.
[14]A Tresillustre & florissant Prince
Monseigneur le Duc
de Lorraine.
De Noblesse & Vertu les traces
Sont en ce ieune Prince Illustre,
Luisant en biens, honneurs & graces,
En plein d’un beau naturel lustre.
[15]A Monsieur de Nemours.
Grande Noblesse, & grande humanité
En grand Seigneur sont bien iointes ensemble:
Grande prudence & animosité
L’une auec l’autre ici endroit s’assemble.
[16]A Monseigneur le Reuerendissime
Cardinal de
Lorraine.
Ce grand Precesseur Cardinal,
Vray Mecenas, ami des Muses,
Te voit ià plus haut d’heur fatal,
Et non pas moindre, ains plus qu’egal
5En grand’ faueur dont tu leurs uses.
[17]A Monseigneur le Cardinal
de Guïse.
Sous ce chapeau Cardinalin,
Dignité qui t’estoit bien due,
L[’]on voit plus cler qu’en cristallin
La pierre à son lustre rendue.
[18]A Messeigneurs les Ducs de Guïse
&
d’Aumale, freres.
Soit à l’épée ou à la lance
Voici les Scipions de la France:
Soit pour bien garder une place
Deuant l’Imperiale face.
[19]A Monsieur le grand Prieur de
France, leur frere.
Tu es grand de nom, & de fait:
Il faudroit doncques en effet
Que ma Muse consequemment
Te chantast außi grandement.
[20]A Monseigneur le Reuerendissime
Cardinal de
Ferrare.
Ce n’est ici premierement
Que i’ay ton haut nom salué:
Mais non encore assez loué:
Car qui le lou’roit deuëment?
[21]A Monsieur le Prince de
Ferrare.
Illustre en race paternelle,
Illustre en race maternelle,
Tu ne peux qu’Illustre ne sois
Par sang Italique & François.
[22]A Monseigneur le Connestable.
Louer ton nom i’attente & ie desire:
Mais c’est entrer en une Mer profonde:
Souuent i’y entre, & souuent m’en retire:
Puis y rentrant ie me suffoque en l’onde.
[23]A Monseigneur l’Admiral.
Qui n’admireroit l’Admiral
Quand Neptune mesme l’admire?
Et deuant lui, son general,
Maint Triton courant se retire.
[24]A Monseigneur le Cardinal
de
Chastillon.
C’est un beau nom que Chastillon:
C’est un fort nom pareillement:
La Muse, en ce disant ne ment,
Chastillon est son bastillon.
[25]A Monsieur le Mareschal de
Saint-André.
Force & prudence sont ici:
Ici sont la force & prudence:
Bon heur y est par euidence,
Bon heur ioint à l’honneur außi.
[26]A Monsieur le Mareschal
de Sedan.
Il me desplaist que ta proësse,
Ainsi bien iointe à grand’ Noblesse,
Dont tu estois grand grandement,
À si tost pris deffinement.
[27]A Monsieur le Mareschal
de Brissac.
Ma Muse chante qu’il est deu
L’honneur à toy tant honnorable,
Qui à nostre Roy as rendu
Le peuple ennemi fauorable.
[28]A Monsieur le Mareschal
Pierre
Strose.
Tu es renommé toute part
Non moins par industrieux art
Et longue experiense acquise,
Que de force en hauts faits requise.
[29]A Monsieur le grand Escuyer.
L’œil de ma Muse ha bien choisi
En cette Court, sans l’oublier
Ce grand Seigneur, ce grand Boisy,
Grand vertueux, grand Escuyer.
[30]A Monsieur le Cardinal de
Tournon.
Qui est cil qui ha par tout nom?
Cil qui un beau College dresse?
Cil vers qui Minerue s’adresse?
C’est le Cardinal de Tournon.
[31]A Monsieur le Cardinal de
Lixieux.
Ma Muse & moy auons les yeux
Sus la Vertu sans nul émoy:
Donq ce Cardinal de Lixieux
Honorerons ma Muse & moy.
[32]A Monsieur le Cardinal de la
Meudon.
Puis qu’Apollon m’a voulu faire
Cette grand’ grace, & ce beau don,
Ie ne les veux celer: ny taire
Ce bon Cardinal de Meudon.
[33]A Monsieur le Cardinal de la
Lenoncourt.
Qui est celuy dont le nom court
Par toute bouche, & par honneur?
Le mot le porte, par bon heur,
C’est le Cardinal Lenoncourt.
[34]A Monsieur le Cardinal de la
Giury.
Ainsi comme au dehors tu luis
En ce beau lustre Purpurin,
Autant au dedens tu reluis
En beau plus cler lustre Yuoirin.
[35]A Monsieur le Cardinal
d’Armignac.
Les Vertueux, & les Sauans
Vont file-à file deuers toy:
Tes pas & traces vont suiuans,
Comme l[’]on dit, mais ie le voy.
[36]A Monsieur le Cardinal
du Bellay.
Mais, ô ma Muse, oubliras tu
Ce grand sauant plein de Vertu?
Ce grand Mecenas renommé,
Et pour sa Vertu tant aymé?
[37]A Monsieur le Cardinal
d’Anebault.
Phebus dit que ce Cardinal
Fils du renommé Admiral,
Fils de l’Admiral renommé,
Sera par mes Vers bien nommé.
[38]A Monsieur le Chancelier.
Ma Muse des bons bien voulue
Voit luire en vous une constance,
Vne grand’ science & prestance,
Vne grand’ vertu resolue.
[39]A Monsieur Bertrandi, Garde des
seaux de
France.
Phebus qui t’a esté humain
Te rendant santé douce & forte,
Par ce beau miracle il t’enhorte
Qu’aux Poëtes tiennes la main.
[40]A Monsieur d’Auanson President
au Conseil du
Roy.
Ce beau nom qui est d’Auanson
Requiert un bien plus auant son,
Vn son de Muse plus hautaine
De Parisienne Fontaine.
[41]A Monsieur de l’Hospital, Maistre
des
Requestes chez le Roy.
L’honneur de vertu & des Lettres
Toutes deux te donnans leur voix,
Font ton Nom luire entre mes metres
Comme il reluit entre tes Loix.
[42]A Monsieur le Vidáme de
Chartres.
Voicy l’amy de la Vertu,
De la Vertu iointe à Science:
Ma Muse, or sus, que luy fais tu?
Au moins fay luy la reuerence.
[43]A Monsieur de Saintgelais.
Tes Muses te caressent tant,
Que te dois contenter d’autant:
Et n’en sera ia plus notoire
Ton nom, ton renom & ta gloire,
5Si à present ie te rameine
Par ebat vers cette Fontaine.
[44]A Monsieur Lancelot Carle, Euesque
de
Rhiez.
De ton sauoir le bruit qui court
Par toute France, & par la Court,
Incite ma Muse, & ma Lyre
Te saluer: & ore elire
5Ce petit traict du petit Charle
Pour voler droit à ce grand Carle.
[45]A Monseigneur Durfé, Cheualier
de L’ordre,
& Gouuerneur
de Monseigneur le
Dauphin.
Quand Phebus m’aura echaufé
Echaufé plus que maintenant,
Ie chanteray ce nom Durfé,
Durfé aux bons la main tenant.
[46]A Monsieur le Grand Rapporteur
Fumee.
Ici sont la Muse & la Loy,
Ici sont la Loy & la Muse,
Deux grans seurs tousiours auec toy,
Dont ton haut cœur iamais n’abuse.
[47]A Monsieur de Termes, Cheualier
de
L’ordre.
Ie te prendrois pour un Vlisse.
Sans flaterie & sans malice:
Soit que cette taille t’auise,
Ou cette langue bien aprise.
[48]A Monsieur le Comte de Tonerre,
Seigneur de
Crussol.
Ce n’est du iourdhuy seulement
Qu’à ma Muse donnez louange,
Qui vous donna en contr’échange
Vn translat fait nouuellement.
[49] Aux freres dudit Seigneur de Crussol,
ayans
Saliat pour Precepteur.
Ma Muse escrit, & chante apertement
Que ne pouuez sinon vertueux estre:
Ayans beau corps, & bon entendement,
Et puis außi bonne Mere, & bon Maistre.
[50]A Monsieur le Comte de Tande,
Gouuerneur
pour le Roy en
Prouence.
Ma Muse, il faut que tu entende
Saluer ce Comte de Tande,
Chantant tout hault que tu le comptes
Au nombre des vertueux Comtes.
[51]A Monsieur le Baron de la Garde,
Cheualier
de L’ordre, & Ge-
neral des Galeres du Roy.
Par grand’ route de Terre & Mer,
Par grand’ route de Mer & Terre,
Tu as bien fait ton Nom semer
Des Thrace iusqu’en Angleterre.
[52]Au Capitaine Pierre Bon.
Souuent le fait conuient au nom,
Souuent au nom conuient le fait:
Que si quelcun doutoit que non,
La preuue en toy ores se fait.
ETREINES AVX
Princesses de
France
[1]Et premierement,
A la Royne.
Royne en vertus, Royne en honneur,
Royne en royale progenie
Royne des plus grans biens munie,
Tu as le bon heur du bon heur,
5Et les grans dons du grand donneur.
[2]Autre, à elle mesme.
Les cieux ne nous ont fait paroitre,
N’en plus d’honneurs & grandeurs croitre,
Vne autre Royne autant diuine
Qu’est cette Royne Caterine.
[3]A la Royne d’Escosse.
Voici la perle de tel lustre
Qu’Orient seroit ialous d’elle,
Perle sur diamant illustre,
Brillant en splendeur naturelle.
[4]A Madame Marguerite, Du-
chesse de
Berri.
Ma Muse honnore en grand’liesse
L’humaine-diuine Deesse
D 5 Auant [p. 58] 58 EPIGRAMMESAuant mort immortalizee,
Qui nous fait reflorir sans cesse
5Des Muses le champ Elisee.
[5]A la Royne de Nauarre.
Ma Muse n’ha teu, ny peu taire
Ta Marguerite blanchissant
(La franche fleur resplendissant
De toutes fleurs bel exemplaire)
5Ny cette fleur d’icelle issant.
[6]A Madame de Montpensier.
Mon penser est de Montpensier
Chanter par mes vers & ma prose:
Mon stile n’est pas si großier
Que bien ne le puisse & ne l’oze.
[7]A Madame Renee de France,
Duchesse de
Ferrare.
Le tant renommé Roy ton pere,
Et pere du peuple, est loué
En hauts faits de guerre prospere,
Ou son cœur de vertus doué,
5Par destinee estoit voué:
Mais [p. 59] EPIGRAMMES 59Mais toy d’autre vertu douee,
Par grand’ bonté tu t’es vouee
A toute douceur & clemence:
En quoy seras sans fin louee,
10Duchesse, & royale semence.
[8]A Madame la Duchesse de Touteuille,
& Comtesse de
Saint Pol.
Voyant toutes vertus ensemble
En la Dame de Touteuille,
Dame en tous hauts dons tant fertile,
C’est Pallas mesme, ce me semble:
5Ou bien fort elle luy resemble.
[9]A Madame de Neuers.
Ie ne fay ne Prose ne Vers
Que ma double Muse ne tire
Mon affection, qu’elle aspire
Chanter haut l’honneur de Neuers.
[10]A Madame la Princesse de
Touteuille.
En cette Princesse on voit luire
Beauté, ieunesse, & tout bon heur:
Leur place ici viennent elire
Les trois Graces pleines d’honneur.
[11]A Madame la Duchesse
de Guïse.
La vertu, la beauté, la grace,
Le sçauoir, ici ont pris place:
Ce n’est pas ma Muse premiere
Aux vertus d’elle, & de sa mere.
[12]A Madame la Duchesse de
Valentinois, Diane
de
Poitiers.
La grande Diane ancienne,
Grande Desse Ephesienne
Fut renommee & reclamee,
Et de maint Poëte clamee:
5Mais la Dianne Francienne,
Dianne Saint-valierienne,
De la grand’ France tant aymee,
La surpasse ore en renommee.
[13]A Madame de Crussol, Comtesse
de
Reindgraue.
Que faut il mes doigts trauailler
D’orner ton heureuse Noblesse?
Lignee, honneurs ioints à richesse
Tous les cieux t’ont voulu bailler.
[14]A Madame la Comtesse
de Tonerre.
Qui te dit vertueuse, il n’erre,
Ie dy vertueuse & constante
Contre le feu, foudre ou tonnerre
Qui sus ton Tonerre te tente.
[1]
AV ROY, A LA LOVAN-
ge de la trefue, & pour la
poursuite de la Paix.
Puis que ce Roy en grandeur admirable
Tenant en main Fortune fauorable,
Et adoré comme un Soleil leuant
(Soleil soulas de tout homme viuant)
5Puis que ce Roy, grand Roy de la grand’ France,
Grand de renom, mais plus grand de puissance,
Veut rappeller l’Astree, & l’embrasser,
Et à ces fins ha fait desia passer
La belle Trefue en son char apparente,
10Tiré d’espoir, portant table d’attente
Par toute France, & Martial Piémont,
Son peuple à ioye & repos il semond:
Peuple esperant qu’apres la messagere
Dieu nous donra la iouïssance entiere
15De la grand’ Dame heureuse & trionfante,
Qui tous grans biens seule en ce Monde enfante.
[2]Au Roy.
Roy, fils de ce grand Roy de France,
Roy grand de nom & de puissance,
Pourroit ta petite Fontaine
Te donner suffisante etreine,
5Quand te donroit plus que soymesme?
Ie di que non: mais, Roy supreme,
Mais ta largesse trouueroit,
Trop mieux dequoy m’estreneroit.
[3]Aus tresillustres Princes & Princesses de France.
Si mes dons & petis presens,
Que vous voyez ici presens,
Se presenter pour vos etreines,
Ne sont point d’etoffes hauteines
5Ornez, enrichis, phalerez,
Diaprez, dorez, colorez:
Les Dieux reçoiuent des offrans
Les dons autant petis que grans:
Et par fois ont plus agreables
10Les offrandes moins ostentables,
Venans d’un cœur deuot & dous.
Außi d’un poure homme à genous
Vn grand Prince reçut de l’eau,
De l’eau, pour present bien nouueau,
De [p. 63] EPIGRAMMES. 63 15De l’eau qu’il porteit en sa main,
Tant fut ce noble Prince humain:
Et l’eau du donneur n’estoit sienne.
Receuez donques cette eau mienne,
Eau de ma fonteine Francique,
20Ressentant de la Thessalique,
Et presentee par la Muse
Qui chanter vos noms ne refuse:
Mais qu’außi vous ne refusez
Luy changer ses habits usez.
[4]Encores ausdits Princes
&
Princesses.
Si vos grans vertus honorees
Ie n’ay bien au vif remirees
De mes yeux non assez agus,
Außi ne suis-ie pas Argus
5Ie ne suis Argus Courtisan,
Mais de cœur votre partisan.
[5]A la nation Françoise.
I’escri en François doucement,
Qui en Latin pouuois escrire
Plus amplement & doctement,
Leur [p. 64] 64 EPIGRAMMES.Leur langue est plus ample à vray dire:
5La notre honorer ie desire
Comme ont fait les Latins la leur:
Leur nation n’est plus en fleur,
La notre s’en va florissant,
Et croist auec ce grand Croissant
10Que nous produist le grand François,
(C’est mon double Astre ou que ie sois,
Et quelque part qu’il vienne ou voise.)
Mais ne somme nous pas François?
Notre langue est-ell’ pas Françoise?
[6]Encore à ladite Nation.
O forts François, nation belliqueuse,
Que dites vous? le cœur vous croist il point?
Quand la Fortune, estant victorieuse,
Vous rid si bien? ou (parlant mieux à point)
5Quand le Ciel mesme est vostre de tout point?
C’est celuy seul qui au droit donne force,
Et qui les Francs & leur fort droit renforce:
C’est luy qui or’ ce Croissant fauorise,
Contre lequel trop vainement s’efforce
10L’Aigle qui ha Plus outre en sa deuise.
[7]Au Roy.
Roy, qui n’as pareil que ton Pere,
Du cler Phebus amy prospere,
Fay que ma Muse droite & iuste
Te chante Mecenas Auguste:
5Fay que ie chante que tu n’as
Rien moins d’Auguste & Mecenas.
[8]Au Princes & Princesses de
France
& autres ses bons
Seigneurs
& amis.
Bien que la mesnagere mouche
N’ait fait son miel dedens ma bouche
Ainsi qu’elle fit, ce dit on,
A ce ieune diuin Platon:
5Mesme ce nonostant encore
Que, comme au bers de Stesicore
Le Roy des Chantres n’ait couché
Roßignolé, chanté, niché,
En mon berceau des mon enfance,
10(Signe d’eloquente abondance)
Et que mon precepteur n’ait veu
Qu’il ait un blanc Cigne receu
Quand son disciple ie fus fait
Pour tendre à un art parfait:
E Chacnn [sic pour Chacun] [p. 66] 66 EPIGRAMMES 15Chacun de vous pourtant soit seur,
Que ma Muse n’est sans douceur,
Et que la vertu honoree
Sera par mes Vers decoree:
Si ce n’est bien eloquemment,
20A tout le moins disertement
[9]A eux encores.
Si ma Muse ha, comme ie sens, puissance,
De viure, & voir longue postérité,
Vous en aurez la mesme iouissance,
Par votre Nom sur mes ailes porté.
[10]A Ioachin du Bellay, Pierre de
Ronsard,
Estienne Iodelle, Baïf &
Oliuier de Maigni,
Poëtes.
Les vers Latins i’ay delaissez
Pour escrire en nos vers François,
Ou la Muse vous ha poussez.
C’estoit c’estoit aux temps passez,
5Parauant ce grand Roy François
Qu’on brouilloit tout en Latinois.
[11]A Monsieur de Cheuriere.
Aller ne veux auant n’arrire,
Sans orner le nom de Cheuriere,
Nom de soy mesme bien orné:
Cheuriere est en toute maniere
5A vertu & proesse né.
[12]A Monsieur de Pollienay.
Ton nom de ma Muse connu,
Ici sera graué & mis,
Afin d’estre le bien venu
Entre mes Seigneurs & amis.
[13]A Monsieur de Tyart.
Le grand sens & non petit art
Font haut renommer un Tyart,
Vn Tyart haut de nom, de fait,
Poëte & Orateur parfait.
[14]A Pierre de Ronsard, Poëte
du Roy.
Ne creins, ne creins, Ronsard, ce dous stile poursuiure,
Stile qui te fera, non moins que l’autre, viure:
Antre obscure & scabreux, s’il ne fait à blamer,
Si se fait il pourtant trop plus creindre qu’aymer.
[15]Au Lecteur.
Si ie fay de diferens Vers
Et mes Epigrammes diuers,
Le plus grand Epigrammataire
Les souloit bien en ce point faire.
[16]A un certain medisant
enuieux.
Tu dis mes Vers froids en couleurs:
Les tiens sont ils mieux colorez?
Tu dis mes Vers mal sauourez,
Mais tu n’en fais point de meilleurs.
[17]Raison de son voyage
à la Court.
Si les meres des oisillons
Par les buissons & les sillons
S’en vont là bechee chercher,
Pour l’aporter à leur fruit cher:
5Qui est ce qui blamer pourra
Ma Muse, quand elle courra
Vers celle grand’ Court honorable,
Des Muses l’honneur, & la table?
Pour y rechercher cinq miettes,
10Sauuans mes cinq de grans disettes?
Mes [p. 69] EPIGRAMMES. 69Mes cinq petis, à brief parler,
Qui ne peuuent encor’ voler?
Mais quand, par temps, voler pourront,
Eux mesmes ils en chercheront.
[18]A Monsieur de l’Aubépine, Tresorier
de
l’Espargne.
L’epine pique voirement,
Mais ce n’est pas donc cette ci:
Cette ci guerit meint tourment,
Et meint trauail & meint souci.
[19]A Iaques de Cambray, Conseiller, &
Aumonier du Roy, Chancelier
de
Bourges & Ambassa-
deur en Trans-
syluanie .
Ton cler renom va bien auant
Auecques un lumineux ray
Luisant du Ponant au Leuant,
Par un lustre non faux, mais vray.
5L[’]on entend ton beau nom Cambray
Louer, & aymer tout ensemble:
Mercure ha ta langue à l’essay,
Et ta barbe à Phebus ressemble.
[20]A Guillaume des autelz,
Poëte.
Apres tenir longues ou courtes tables,
L[’]on se recree aux cartes ou aux tables.
Mais le Poëte aux Vers tousiours s’amuse,
Et n’a plaisir sinon auec sa Muse.
5[21]A Remi Belleau, Poëte.
Bon Ami, tu as un beau nom,
Et par ton Apollon renom:
Ton Nom conuient auec le mien,
Mon renom aproche du tien:
5Car i’ay la Françoise Fontaine:
Tu as Bell’eau, bien viue & saine.
[22]Excuses à ses amis, & amis
de sa Muse.
Nul ne vienne ma Muse mordre
Touchant cette ordonnance ou ordre
Que ie tiens en mes Epigrames,
Escriuant aux Seigneurs & Dames.
5A la Poétique maniere,
Qui soit deuant ou soit derriere
Ou en honneurs, ou en cheuance,
Ie n’en pren si grand’ connoissance.
[23]A P. de Ronsard.
A ta grand’ Muse industrieuse
Apollon donne autorité:
Dont ton euure laborieuse
Sur le fort temps victorieuse,
5Viura en la postérité.
[24]A Iean Dorat, Lecteur du Roy
en l’Vniuersité
de
Paris.
Ton Nom tout d’or reluit en France,
Reluit, treluit à suffissance:
Mais ton sçauoir plus que tout d’or
Te fait bien mieux reluire encor.
[25]A Monsieur du Parq, Historiographe
du Roy, estant malade
à
Paris.
Fontaine aura tresbelle Etreine
Quand son amy retournera
En bon heur, & en santé pleine:
Mais ce pendant l’estrenera
5De l’immortelle eau de sa veine.
[26]Au Lecteur.
Si ma Muse bien hault n’entonne,
I’emprunte bien peu de personne:
Et mes fruits sont bien recueillis
Qu’en mon iardinet i’ay cueillis.
[27]A Claude Laurencin, Seigneur
de
Riuirie.
Ie te connois & reconnois
Pour bon vray Nestor Lyonnois,
Chanu de chef, de mœurs, & d’ans
Et bien rond dehors & dedens.
[28]A Monsieur le Lieutenant
Bryau.
Chacun voit, comme außi ie voy,
En vous trois grans couleurs ensemble,
L’honneur, la Vertu, & la Loy,
Loy qui au fin argent resemble.
[29]Au Chanoine Gauteret.
Deux ou trois ans Parisiens,
Et douze ou treize ans Lyonnois,
Nous trament ces beaux blancs liens
Que tu aymes & reconnois.
[30]A l’Ecuyer Caterin Iean.
Caterin reçoit mes pacquetz
Et mes lettres, non pas d’acquetz:
Caterin aura ce Quatrin,
Quatrin frais fait pour Caterin.
[31]Au Receueur François
Coulaud.
Peu parler, & bien auiser,
La vigilance en ton office,
Auecques prudence propice,
Sont les points qui te font priser.
[32]A Iean Seneton, & Iean de
Rochefort.
L’oncle & neueu sont double Fort
Qui se munit en double sorte
Pour defendre la maison forte
De Seneton & Rochefort.
[33]A Monsieur de Vens.
Eolus est Seigneur des Vents
Qui sont en nombre trentedeux:
Mais cure n’ha de luy ny d’eux
E 5 Ce [p. 74] 74 EPIGRAMMES.Ce Lyonnois Seigneur de Vens,
5Qui prent tousiours en gré le temps:
Car pleuue ou vente, c’est tout un:
Auoir ne faut souci aucun
Des trente freres combatans.
[34]A Iean le ieune.
Ieune de nom, & ieune d’ans,
Mais meur de sens & bonne grace:
Prens ce Quatrein que ie te trace,
Car ton beau nom y luit dedans.
[35]A Marie Bourgeoise, petite fille
de cinq
ans.
L[’]on dit Sapho Muse dixieme
Pour sa sçience en vers Lyrique:
Ie te diray la Muse onzieme
Pour ton bien chanter en Musique.
[36]Au Lecteur.
De mes Epigrammes le nombre,
S’il te fait ennuy ou encombre,
Et te charge la quantité
Quand en as leu, ou récité:
5N’en ly plus que trois en effait,
Tu auras incontinent fait.
[37]Autre.
Entre les grans ie n’omets pas
Les noms de mes plus grans amis,
Marchans en sçience à grans pas,
Par grans labeurs non intermis.
[38]A ses amis.
Mes Vers d’etreines vont courans
Parmi les moyens & les grans:
Außi entend tout homme humain
Que l[’]on à cinq doigts en la main.
[39]Au detracteur.
I’ecri aux petis, ce dis tu:
I’enten qu’ils sont gens de vertu:
A ton sens, moqueur Democrite,
Vertu est donc chose petite.
[40]Autre.
Iadis un Roy mesloit bien sa vaisselle
D’or & de terre, & si la trouuoit belle.
[41]A Pierre Saliat.
Iamais ie n’auray oubliance
De l’amitié & alliance
Qui est honneste & vertueuse:
Y ha il chose plus heureuse?
[42]Autre à luy mesme.
Voy que ce grand faucheur refuse,
Mais ne sçauroit faucher ma Muse:
Muse non iamais assouuie
Du loz de l’immortelle vie.
[43]A quelque detracteur,
euuieux.
Chacun epigramme à part soy
Ce n’est pas grand cas quant à toy:
Veux tu un mot qui tranche & coupe?
Außi n’est-ce pas quant à moy:
5Mais au moins valent ils en troupe.
[44]Autre.
Tu dis que mes Vers sont petis:
Ils sont petis, ie le voy bien:
Ils sont petis, mais c’est du mien:
Petis aulx donnent appetis.
[45]Autre.
Tu dis que mes Vers sont petis:
Tant plus tót les auras tu leuz:
Ils sont petis (di peu subtils)
Ils sont petis, mais non chetifs:
5Ils sont petis, mais bien-voulus.
[46]A un sien ami, nommé
la Tour.
Chacun me prend, & me prendra
(Dit il) pour toy, quand me verra,
Car ie te ressemble tant fort:
Contre chacun ne fay effort:
5Chacun fera comme entendra:
Chacun dira ce qu’il voudra,
Mais si ne suis-ie point si fort.
[47]A Iean Fournaud.
Ainsi que ie me pourpensois,
Comment feray-ie recompense
A ses Vers Latins? mes François,
En nombre six tout à la fois,
5Et tout à l’heure que i’y pense,
Se presentent tout en presence.
[48]A I. Gohorri, & Cl.
Gruget,
Parisiens.
Et le païs, & le sçauoir,
Dont vos labeurs sont vrays tesmoins,
Vos deux beaux noms vous feront voir
En un Quatrain: c’est pour le moins.
[49]Aux doctes Poëtes & Orateurs
en la langue Françoise.
Que me font Latins anciens?
D’eux ie tire profit aux miens:
Si les miens n’entendent Latin,
Profit y auront, bien matin.
5Ie vous voy grans esprits de France,
Mettre la France en florissance.
Poursuiuez (sus, là, hardiment)
En Prose & en Vers viuement.
Notre langue n’est si barbare
10Que dit un latineur ignare.
Plutarque dit: Chacun harangue,
Et escriue bien en sa langue.
[50]A Alexis Gaudin, Medecin
à
Bloys.
C’est un grand cas que l’alliance
Faite en Vertu, & en science!
Tu ne m’as veu, ie ne t’ay veu,
Qui es des meilleurs biens pourueu:
5Et si sommes bien alliez,
Et des meilleurs liens liez.
Außi ie t’ay veu par escrit,
Ie t’ay bien veu en mon esprit.
[51]A George de la Boutiere.
Quatre quatrains bons & ouuerts
Ne te sufiroient pas encores,
Quand ia la France tu honores
Et par ta Prose & par tes Vers.
[52]A Iean Citois.
Chacun n’a pas & l’entree & l’honneur
Que ie te voy pour bon commencement:
Apres l’honneur ensuit tousiours bon heur,
Au moins souuent, & plus communement.
5C’est peu de fait d’auoir auancement
Si l’honneur est delaißé en mespris:
Cheris le donq: car naturellement
Il suit ceux la qui lui rendent son pris.
[53] I.C. Iean Citois à C.B. Lyonnoise.
Incessamment depuis ta connoissance
Espoir en moy, d’une amour pure & sainte,
A eu pour but ton honneste acointance,
Ne querant mieux: tu le sais: ce n’est feinte.
5Ce doux maintien, auec de Dieu la creinte,
Ioint à beauté, dont ie te voy ornee,
T’ha de tout point, ô Pucelle bien nee,
Outr’exaltee en grand loz & honneur.
Ie tiendrois donq grande ma destinee
10Si ie pouuois ATINDRE A CE BON HEVR.
[54]A elle encores, sur le commun
dire, que alliances sont
faites au Ciel.
Ie sçay fort bien que les Cieux ont infus
Cette vertu en l’Ambre & en l’Aimant
(Comme l[’]on voit) d’atraire fer, fetus,
Bien qu’on n’en sçait la cause proprement.
5Garde n’auront toutefois bonnement
De s’acoupler, qu’un tiers ne les approche:
L’astre außi peu sert à deus s’entr’aymant,
Bonne amitié si premier ne les touche.
[55]Au Lecteur.
Veux tu sçaoir de Pucelle si gente,
Et de celuy qui meurt pour l’amour d’elle,
Les noms, surnoms, que (pour cause) ie cele?
Compris ils sont aux vers que te presente.
5[56]A H.D.R. Lyonnoise.
Maints gens d’esprit osent prendre l’audace
De te hanter, pour entrer en ta grace:
Lesquelz tu sçais, d’un sçauoir moult prouide,
Tous contenter, sans que ton loz s’en change
5Par mesdisans: & ne le trouue estrange,
Veu que tousiours RICHE VERTV TE GVIDE.
[57]A aucuns de ses amis, qui s’esbahis-
soient
qu’il n’auoit esté
auancé par les
Princes.
I’ay des moyens (ie le say bien)
De rehausser mon petit bien:
Mais pour conclusion donner,
Ie n’ay le fait, ny le meintien
5De flater, ny d’importuner.
[58]A un quidam, affermant que
le Soleil n’est
essen-
ciellement
chault.
Le plus grand Ciel par son grand mouuement
Cerne le Monde en un naturel iour:
Lune & Soleil vont plus tardiuement,
Et chacun d’eux à part soy fait son tour,
5Qui est diuers à ce rauissement.
Le plus hault Ciel, à ton sot iugement,
Vn accident ainsi violemment,
Deuroit trop plus donques luire & flammer:
Et pourroit bien, mouuant si roidement,
10Tout l’Vniuers destruire & enflammer.
[59]A luy encores
Qui que tu sois, il ne m’en chaut:
Mais si say-ie tresbien un point,
Que Philosophe tu n’es point,
Niant que le Soleil soit chault.
[60]Encore contre cette folle
opinion.
Philosophie odieuse & nouuelle
Tu veux tenir, ô poure iugement!
Le Soleil ha, ce dis tu, seulement
Vne chaleur qui est accidentelle,
5Acquise en luy par son seul mouuement:
Ie dy qu’il ha sa chaleur naturelle,
Et par effait nous la demontre telle.
Ne peut durer continuellement,
Si du subiet n’esteint l’essence belle.
[61]A un glorieux.
Tu veux l’honneur? il te fuira:
Ne le veux tu? il te suiura.
[62]A un grand corrigeart.
En tes euures n’ay point apris
La douceur que me veux aprendre:
C’est bien fait, quand tu veux reprendre,
Garde toy bien d’estre repris.
[63]A Iaques Pelletier.
Ton euure assez de louenge te donne,
Et ce flambeau par toymesme alumé
De tel honneur & splendeur t’enuironne,
Que Phebus dit qu’aurois trop presumé
5Si ie pensois à ton Nom cler-aymé,
Donner clarté par la mienne alumette:
Ou faire un vers plus net, & mieux limé
Que ce beau vers de ta Muse tant nette.
[64]A Monsieur Philander.
Quand Vitruue retourneroit
(S’il faloit croire à Pythagore)
En ton corps il retrouueroit
Que son ame reuit encore.
[65]L’Auteur à sa chaste
Flora.
Si i’ay pouuoir de faire viure
Mon Nom, ainsi comme ie croy,
Mal gré commun mortel desroy,
Le tien viura, par le mien suiure:
5Toy auec moy, moy auec toy.
[66]Autre.
Tu es Florie & de mœurs & de nom,
Tes mœurs me sont plus ordorans que bâme,
Ton Nom plait fort, ô fleur sans aucun blâme,
Tu floriras par eternel renom.
[67]Encore, d’elle
mesme.
Florie vingt mil fois me lie
En ses vingt mil laz d’amitié,
Qui, de vingt mil Vers anoblie
Par ma Poësie polie,
5Reluira trop plus qu’à moitié.
[68]Ode, de sadite
Flora.
Depuis que le saint Ceste
Me ioint à mon Alceste,
Plus libre ie me voy:
Chanteray-ie pas donques
5La liberté qui onques
Ne faut en elle & moy?
Liberté vertueuse,
Et non voluptueuse
Dont la fin n’est qu’esmoy:
10
Ie la chanteray ores,
Rechnateray encores,
Car chanter ie la doy
Macrin à la louenge
De sa Gilon se renge,
15Et moy à ma Flora:
De qui la floriture
Ma Muse en sa peinture
Par tout demontrera:
F 3 Ma [p. 86] 86 ODES.
Ma Muse libre chante,
20Et Flora libre vante
Au saint lien d’Amour:
Duquel la ligature
Etroite libre, & pure,
Nous lasse tout autour:
25
Et sans lasser nous lasse,
Relasse & entrelasse
En mille enlassans las:
Car de telle enlassure
Qui libre nous assure
30Iamais ne sommes las.
[69]L’Auteur à ses cinq Florons, qui
sont les cinq petis enfans de
de luy,
& de sa
Flora.
Par mes cinq labeurs pouuez voir
Comme à bien ie vous veux induire:
D’obeïr faites bon deuoir,
Et bon deuoir feray d’instruire.
[70]Bonauenture du Tronchet,
à l’Auteur.
De tes Ruisseaux le cours tant gracieux,
Va coulant doux par notre heureuse France,
Y apportant certeine connoissance
Combien vers toy sont prodigues les cieux.
5Chassant de toy le soing ambicieux
(Qui du vray bien forclot la iouïssance)
Tu vas chantant d’Amour la grand’ puissance,
Ses feuz, ses traits, ses faits audacieux.
On voit tousiours ta bouillante poitrine
10En ta fureur, par ta Flora diuine,
Mettre en auant vos immortalitez.
Ie prie Amour, Amour qui nos cœurs lie,
Permettre ainsi que ma haute Thalie
Ayt par mes Vers ses honneurs meritez.
[71]A Apollon, pour ledit
Fontaine.
O cler Phebus, qui en cette Fontaine
Vas inspirant par ta force hautaine
Vn cours bruyant mille immortalitez,
Recompensant ses guerdons meritez,
5Sois luy tousiours tant doux, & tant propice,
Qu’en exerceant dessous toy son office,
Pour un bon heur cent luy soient suscitez.
[72]Responses par l’Auteur audit
du Tronchet.
Pour un bon heur t’en soient suscitez mille,
Mil millions que tu as meritez,
Par ton Amour, & ta Muse gentille,
Mil millions de grans prosperitez.
[73]Au Seigneur Louïs des
Masures.
Ioye & douleur, contraires paßions,
D’un doux amer ont repeu ta docte ame:
Tes Vers plaintifs & lamentations,
Monstrent le dueil qui trop ton cœur entâme:
5Ta lettre außi de Liesse ha le bâme,
Qui adoucit le coup de l’amertume.
Poëte amy, le Poëte l’[’]on blâme,
Qui tousiours trempe en triste ancre sa plume.
[74]Réponse à Charles Fontaine.
De Fortune ie ne me plains,
Ayant la douceur sauourée
Dont les Vers sont plains
En l’euure par toy labourée.
Ayant [p. 89] EPIGRAMMES 89 5
Ayant de toy receu encor
L’ofre de ton amitié bonne,
A moy plus precieuse qu’or,
Ny perle que l’Orient donne.
Cette amitié veux-ie extoller:
10De qui l’honneur par moy s’entende:
Et si auant puisse voler
Que l’Uniuers tant ne s’estende.
A ton pris toute autre vertu,
Bien que (modeste) tu la cœuures,
15Sonne plus qu’à l’airain tortu
Par les Muses, & par tes euures.
Ie prise donques l’amitié,
Present de grace singuliere:
Qui entre nous deux par moitié
20Demeure à iamais familiere.
Pas ne bruiroit tant à demy
Le renom qui auiourdhui reste,
Sans la seure foy de l’amy
Qui de bon cœur suiuit Oreste.
25
Or puis que par le don des Dieux
Ie reçoy l’heur tant desirable,
Et que de mon nom studieux
Tu te rends à moy fauorable.
Par ta dextre, & la sainte foy,
30Ie t’obteste & requier (Fontaine)
F 5 Que [p. 90] 90 EPIGRAMMES.Que l’ofice & labeur de toy
Me donne quelque heure certaine:
Si qu’à l’imprimer de mes vers,
Dont en ton sçauoir ie me fie,
35L’ordre se garde aux lieux diuers
Des points, & de l’ortorgrafie.
Sur les motz ne soit entrepris:
Les changer à nul il ne chaille,
Pour d’autruy n’usurper le pris,
40Ou que par autrui ie ne faille.
Or tout à ta foy ie commetz:
Laquelle à mon secours i’inuoque.
En ce pendant pour tout iamais
Reçoy la mienne reciproque.
[75]De la mort de Iean Prunier,
Receueur de
Lyonnois
&
Forest.
La noire dame auec son dard
Ce grand Prunier ha abbatu,
Non tant par force ou par vertu
Comme par un traiturier art:
5Car ce Prunier de part en part
Enraciné en bonne terre
Y tenoit bien fort, & bien serre,
Pour ne tomber si tót, mais tard,
Si n’eust [p. 91] EPIGRAMMES 91Si n’eust esté la trahison
10De celle Dame sans raison,
Mais plus tót furie orde & nue
Cachee souz la continue,
Qui l’ébranla, puis l’abbatit,
Mais maint reietton en sortit.
15Ces reiettons, ô masque noire,
Tout malgré toy reuerdiront,
Et bons & beaux fruits produiront,
Dont sera la tige en memoire.
[76]Contre fortune bon cœur.
Si fortuna tonat, caueto mergi.
ODE.
I’ay veu le tems außi noir que la poix.
I’ay veu les vents desbridez & sans Loix,
I’ay veu, par fois, vents, tempeste & tonnerre
Arbre arracher, ruer maisons par terre.
5
Iusques aux cieux i’ay veu monter la mer,
Iusqu’aux enfers ie l’ay veuë abimer:
I’ay ce pendant veu la póure nauire
Qui çà & là, haut & bas tourne & vire.
Ma [p. 92] 92 EPIGRAMMES
Ma Muse iointe à la haute Vertu,
10N’a point permis que fusse onq abbattu:
Plus haut qu’Enuie eleueray ma teste,
Guignant ça bas mer, vent, foudre & tempeste.
[77]Au Lieutenant Touchet
d’Orleans.
Ie n’ay amitié qui me touche
De plus pres, ami, que la tienne,
Bien éprouuee par la mienne
Ainsi comme l’or à la Touche.
[78]Au Secretaire Grauier
Si tu me porte amitié saine,
Cela n’est pas chose nouuelle:
Car, par la raison naturelle,
Le grauier porte la fontaine.
[79]A René Chandelier.
Vne prompte dextérité
Remplie de vertueux zele,
T’est une chose naturelle,
Naturelle en viuacité.
[80]A François l’Archer.
Hausse ici ton beau chef, ma Muse,
Et marche d’un pas plus hautain,
Pour saluer l’ami certain,
Qui iamais iamais ne refuse
5De me voir, & d’ouir ma Muse.
[81]Contre aucuns par trop Se-
ueres
censeurs.
Mes petits vers en stile bas
Que ma Muse voulut elire,
Sont les passetems & ebas
Ou ie ne puis ne me deduire:
5Mais à qui donq peuuent-ils nuire?
Estre facheux? ou mal-plaisans?
Fors aux Stoïcs, que l[’]on peut dire
Graues, sourcilleux, & pesans?
[82]Autre.
Qui ha plus haut et riche stile,
Si l’admire, & le garde bien:
Mais au moins ne suis inutile
Ny chiche de mon petit bien.
5Ce petit talent ancien
Que Dieu m’a donné, ie ne cache:
Si le [p. 94] 94 EPIGRAMMES.Si le talent nouueau ha rien
Meilleur, ie veux bien qu’on le sache.
[83]Autre.
Mais si feray-ie encores bruire
Cent traits de ma Muse Françoise,
Pour eblouïr, etonner, cuire,
À mon Censeur qui mes Vers croise:
5Bien qu’à mon cœur son fait peu poise,
Ie sens ia renforcer ma Muse,
Dont la splendeur, ou que ie voise,
Me sera bouclier de Meduse.
[84]A Monsieur de la Source, Rece-
ueur de Lyonnois.
Ma veine par France coulante
Court vers vous sa petite course:
Car c’est bien chose conuenante
Que la fontaine ayme la Source.
[85]De trois siens amis Mede-
cins à
Paris.
Quiconque est pres de ce grand Herebus,
Horrible & noir, à fin qu’il s’en retire,
Ne quiere point en la Grece Phebus,
Ni Machaon auecques Podalyre:
Ne [p. 95] EPIGRAMMES. 95 5Ne voise aux prez, pour des herbes elire:
Mais quiere droit Fernel, Granger, Planson:
Qui feront plus, si l[’]on croit à leur dire,
Qu’Orpheus ne fit par sa forte chanson.
[86]A Pontus de Tyart, Maurice
Sceue, & Guillaume
des
autelz.
Vos clers-vifs esprits bien ouuers
Montrent vos Proses & beaux Vers
En notre langue maternelle:
(Mais que ne dy-ie paternelle?)
5Beaux Vers qui point ne tomberont,
Ains tousiours sur leurs piez feront:
Sinon que la langue Françoise
Tombast un iour en Ecossoise.
[87]A Monsieur de Iugerie Medecin
de Monsieur le Cardinal de
Lorraine.
La Muse ha un long souuenir
De l’amitié dont on luy use:
Et les tems & gens à venir
Lou’ront ton amour & ma Muse.
[88]Au Protenotaire de la Saulx.
Comme le saule, arbre utile & plaisant,
Se resiouit aux ruisseaux de fontaine,
Ainsi la Saulx, ami plaisir faisant,
Ayme & cherit ces beaux Vers de ma veine.
[89]A Charles de la Porte.
Quand ma Muse ses Vers vous porte,
Vous ne luy fermerez la porte:
Car c’est par la grace & le bien
Des Muses, que vous portez bien.
[90]A Bartelemi Teste.
Amitié demande amitié:
Bonne amitié tu m’as montree,
Et de moy ne l’as rencontree
Encores, sinon qu’à moitié:
5Toutefois ma Muse s’apreste
Pour orner un iour cette teste.
[91]Au Tresorier Ferrier.
Puis qu’aymez donc ouir & lire
Mes Vers François, receuez or’
De cette Muse ce tresor,
Qu’elle vient tout nouueau produire.
[92]Au Seigneur de
Villette.
Qui dit que ma Muse valette?
Mais elle honore les amis:
Entre lesquels tu seras mis,
Orné du beau nom de Villette.
[93]A Iacques Dalechamps,
Medecin.
Tu marche auant dedens les champs
De l’immortelle Medecine,
Chassant maux les mortels fauchans,
Amy, & voisin Dalechamps:
5Außi auec science insigne
Tu as une grace diuine.
[94]A Iean de Sylua, aussi
Medecin.
Suiuant la trace paternelle,
L’heur, & l’honneur qui sont en elle,
Tu ne peux qu’a tout bien venir:
A quoy te peuuent parfournir
5Sauoir, ieunesse, & vertu belle.
[95]A ses vrays amis.
Les gens presens, & qui sont à venir
De siecle en siecle en heureuse affluance,
Auront un long un treslong souuenir
Que vous auez à ma Muse alliance,
5Qui me mettroit plus tót en oubliance
Que cette amour qu’a elle & moy portez:
Et retenez ce seul mot à fiance,
Tous vos grans biens ne vous feront point tels.
[96]Le but de l’Auteur.
Puis que l’homme est de Dieu l’image,
En l’honorant i’honore Dieu:
Mesme quand maint grand personnage
I’honore, qui tient maint grand lieu.
[97]A Iaques de Cambray, Conseiller &
Aumonier du Roy, Chancelier
Bourges.
Par fois aux grans Seigneurs i’adresse
Quelques gentils petis quatrains,
Se haussans en leur petitesse
Iusqu’à hanter les plus hauts trains
5De race & Noblesse hautains.
Sans se rabaisser, ou rabatre,
Par fois außi se font certains,
Que quelcun d’eux en vault bien quatre.
[98]A P. de Ronsard.
Nous auons perdu ton Brinon:
Perdu? tu me diras que non:
Car tousiours l’auons en memoire,
Qui ferons blanche sa mort noire.
[99]M. Chassagnon à
l’Auteur.
Par moyen de cheual Pegase
Vint la Fontaine Caballine:
Par moyen d’un diuin extase
Nous vient la tienne belle, insigne:
5L’une est terrestre, mais diuine
L’autre voyons apertement:
L’une qui ha profondement
En terroir Grec, n’est mesprisee,
L’autre qui l’a diuinement
10Doit el’ pas mieux estre prisee?
[100]Autre.
La Seine, en son eau bonne à boire,
La Saone, auec son pas douteux,
Auec son eau loing-courant, Loire,
Le Róne en son cours rioteux
5Nous garde d’estre souffreteux
G 2 Des [p. 100] 100 EPIGRAMMES.Des biens à nos corps profitables:
Si cela les rend honorables.
Plus d’honneur soit à toy, Fontaine:
Car de l’esprit les biens durables
10Nous parfournit ta Muse humaine.
[101]Response par l’Auteur.
Pegase, Seine, Saone, Loire,
Et Róne roidement roulant,
Sont & seront bien en memoire
Mal gré le faucheur violant,
5Et le siecle tousiours volant:
Mais quant à ma fontaine clere,
En sa Muse, qui luy eclere,
Par France long temps coulera:
Et par mon Apollon i’espere
10Que d’elle & moy l[’]on parlera.
[102]A ses Bons amis, amateurs
des Muses.
Homere aueugle benissoit
Par ses Vers Grecs ses bons amis:
Par ses Vers außi maudissoit
Et coniuroit ses ennemis
5D’un stile non láche & remis.
Archil [p. 101] EPIGRAMMES. 101Archiloc fit bien le semblable,
Quand d’un stile agu effroyable
Contreignit Lycambe à se pendre:
Mais ma Muse ne veult pretendre
10Fors à dire tout bien de tous:
Entre lesquels pouuez entendre
Que les mieux venus serez vous.
[103]Du bon vouloir & espoir de
l’Auteur.
Si Lachesis en mon endroit n’est lasche,
Ie parleray, aydant Phebus, ma tasche:
Tasche que i’ay pour Vertu entrepris,
Et qui aura sus mes euures le pris.
[104]Antonius Perardus ad Lectorem.
Fontani Musam mellitaque carmina, Lector,
Et quas huic vires Gallica lingua dedit,
Cùm bene gustaris, iure admirabere mecum:
Ac dices, vatis nomine dignus hic est.
[105]L’Auteur à Antoine Perard.
Ce nom Perard, amy Perard,
Me sent ie ne sçay quoy de hault:
Et l’equiuoque n’y deffault,
Car tout en toy se fait par art.
[106]Response par ledit
Perard
Quam mihi das artem, ni tu Fontane dedisses,
Fonti par poterat fortisan esse tuo.
[107]L’Auteur à Antoine Perard,
&
à tous ses meilleurs
amis.
Si i’ay une simplicité
Auecques bien peu de parole:
Si i’ay par foys néceßité
Du bien mondain qui tost s’enuole:
5Si iou’ray-ie si bien mon rolle
Que toute France m’entendra:
Et le plus Braue à mon école
Et dessous ma Muse aprendra.
[108]Ad Carolum Fontanum,
Io. Fournaudi te-
trastichon.
Te tua mortalem mater genuisse putabat:
Longius at viues Nestore, Carole mi.
Non, quæso, indocti cures ludibria vulgi,
Cùm placeas doctis, queis placuisse sat est.
[109]L’Auteur à son filz Iean
Fontaine.
Fay peu d’amis, & à loisir:
Tu en auras moins de plaisir,
Mais außi moins de desplaisir.
[110]Autre, à son petit filz Iaques
Fontaine.
Mon filz Iaques, le bien i’acqueste,
Qui par la mort ne perira:
Mon filz Iaques, fay moy donc feste,
Et puis ma Muse te rira.
[111]A Pierre Voeriot, lors
qu’il pourtrayoit
l’Auteur.
De ma plume le petit trait,
Amy, si tu me pourtrais bien,
Te rendra encor mieux pourtrait
Que ce doux trait du pinceau tien
5Ne va trassant ce pourtrait mien.
[fin]Odelette.
A petit de frais s’entretient
Le Poëte en sa douce veine:
Et rien d’auarice ne tient
Cil qui ha le nom de Fontaine.
5
Trente amis trente blocs d’escus,
Raclans de leur extr’ordinaire,
Feroient reuiure leurs vertus
Ayans Poëte debonnaire.
Cent escus ils ne plaindront pas
10En menus plaisirs & delices,
Qui seront apres leur trespas
Cent braues tesmoins de leurs vices.
Voyant les gens tant aueuglez
Apres le vice allans si vite,
15Si deprauez, si desraiglez,
Volontiers me rendrois Hermite.
EXHORTATION
A MESSIEVRS DE
la Iustice, &
du Consulat de la
ville de Lion, pour le bien
&
honneur, augmen-
tation, &
conser-
uation d’i-
celle.
ODE.
Vn beau grand temple iadis fut
En la belle ville Amazonienne
Qui sur tous autres renom eut
Pour la Vertu Dianienne.
5
Ce fut un grand chef d’euure, fait
En deux cens vingt ans sur la pleine:
Et pour se rendre plus parfait,
Il mit toute l’Asie en peine.
Fondé en lieu marécageux
10Il fut, pour estre en asseurance
Du tremblement trop outrageux
De la grand’Mere qui s’élance
G 5 Et [p. 106] 106 ODE.
Et se creuace en abaissant
Aucunefois maint edifice,
15Que le ciel alloit menassant
Pour sa hauteur & artifice.
Là mirent cent vingt & deux Rois
Cent vingt & deux colomnes belles
De marbre, & hautes toutefois
20De soixante pieds estoient elles:
Dont trente six y en auoit
Par grand artifice grauees:
Là l’outrage hardi viuoit
En mil images releuees.
25
Que diriez vous qu’il en auient
D’une euure de telle excellence?
Helas! le plus hault monté vient
Par fois en plus grand’ decadence.
Herostrat homme ambicieux
30D’ambicion pernicieuse,
Outrecuidé, malicieux,
Brula cette euure somptueuse:
Seulem [p. 107] ODE. 107
Seulement pour auoir renom
Immortel en terre mortelle,
35Et immortalizer son nom
D’une note perpetuelle.
Votre Ville en trionfant bruit
Fut en une nuit consumee:
Voire de cette seule nuit
40N’en resta que cendre & fumee.
Qui est un des merueilleux cas
Que l[’]on puisse voir ou entendre,
De voir en une nuit à bas
Vne grand’ ville, & toute en cendre:
45
Sans qu’il y eut guerre, ennemis,
Canonnemens, ny aucuns signe,
Ou quelconque doute premis
Qui presagist feu, ou ruine.
Ce cas auint tant seulement
50Cent ans apres que ce Munace
Vous y dressa le batiment
Dont n’apparut plus que la place:
Soit [p. 108] 108 ODE.
Soit par diuine volonté,
Punicion ou destinee,
55Ou cas fortuit, tout comté,
Elle fut ainsi ruinee.
Ne te fie point trop auant,
Lyon, en ta grande abonce,
Car une nuit par cy deuant
60Te mit ia toute en decadance.
Et que deuons nous esperer
De seur, en ce monde volage,
Qui durer puisse, & prosperer
Contre le mal, & contre l’aage?
65
Rien, fors le renom par Vertu:
Car seule bonne Renommee
Ha son corps & son chef vétu
D’Immortalité renommee.
Le renom acquis par honneur,
70Non par moyen deshonorable,
C’est celui seul qui pour bon heur
Rend son possesseur perdurable.
Le bruit [p. 109] ODE. 109
Le bruit de votre ville est grand,
Ville longue aßise sus Saone,
75Et plus courant & apparant
Que n’est la Saone ni le Róne.
Chassez touiours les loups & rats
(Ruine de la Republique)
Et soyez bons, & non ingrats
80Vers les bons (votre gloire unique.)
Soyez constans en dit & fait:
La chose au conseil arrétee,
Pour votre honneur sortisse effet . [sic pour ,]
Sans estre enfrainte ou retractee.
85
Puis deux mil ans Zaleuc, Torquat,
Sont estimez par leur constance,
L’un Iuge, ou Chef de Consulat,
Et l’autre Chef de l’ordonnance.
Fuyez ses pompes & estats,
90Ces banquets & ces mommeries.
Et vous montrez vrays Potestats,
Publicoles sans plaideries.
Fuyez [p. 110] 110 ODE.
Fuyez ces doux trompeurs flateurs,
Qui ont la langue emmiellee:
95Fuyez außi ces grans vanteurs,
Ces vrays Trasons en la meslee.
Chacun de vous soit touiours prest
A donner secours au debile:
Et n’affligez par interest
100Le póure, la vefue & pupille.
Par gens sauans de bonne mœurs
Faites votre ieunesse instruire,
Non par ces flateurs enchanteurs,
Qui d’autruy ne sauroient bien dire:
105
Qui font montre d’argent & or,
Plus que de vertu & science:
Qui sus un roseau de tresor
Ont leur appuy & confiance.
Trop mieux vault l’homme sans argent,
110Que ne fait pas l’argent sans l’homme:
Le second est plus indigent,
Tesmoing Athene, Sparte & Romme.
Ie sçay [p. 111] ODE. 111
Ie sçay que l’entendez tresbien:
Montrez donq de fait, ie vous prie,
115Que ferez encor plus de bien
Que ce dont mon Vers vous supplie.
Mettez à raisonnable pris
Le viure le plus necessaire,
Comme fait mon païs, Paris,
120Paris des villes l’exemplaire.
Chassez dißimulation,
Et sa fardee seur feintise,
Loing en quelque autre nation,
La notre n’est faite à leur guise.
125
Chassez le monstre Enuie, Orgueil
Et Auarice rapineuse,
Cuydans asseruir à leur vueil
La franche ville populeuse.
Que si perseuerez ainsi,
130Votre grand’ville sus la Saone
Vous rendra de l’honneur außi
Plus que l’Ephese à l’Amazone.