
Monseigneur et bon amy sachez que je vous ay escript deux ou trois
foys depuis mon partement : et esperois tousiours (cõme encore j[’]espere)
faire en brief un voyage a paris et la vous voir et faire mon debuoir
enuers les amis mais je ne scay cõment c[’]est faict que le temps s
[’]
est
coule
les affaires m’ont
retarde jusques a present : que j[’]ay receu unes
vres
lr̃es, uniques depuis deux ans passez, en date du xiiiie mars
der̃
ꝑ
lesquelles en premier lieu vsez de priere et trop grande humiliation en
ce qui n[’]estoit besoing, et cela appartiendroit mieulx a moy enuers vous,
cõme vous entendez, qu’au contraire. Or bien soyez tresasseuré que je n[’]y
vouldroye faillir ny en plus grand-chose pour vous, cõme J[’]y suys tenu :
et suys
alle a ce matin a la teste noire ou n’ay trouué vostre porteur,
qui bailla hier voz
lr̃es a ma fẽme, moy estant […] [m]ais j’y
retourneray a l’yssue du disner. C’est quant a ce p[oint.]
Quant au second point de voz lettres, par lequel m’aduertissez que vous
estes employé en mes affaires par dela : je vous en scay
gre, et vous
en suys attenu plus grandement que de chose qu’ayez onc fait pour moy
par cy deuant mais puis que ja auez tant fait pour moy, et me
monstrez encor
amitie si grande,
ꝑ voz
lr̃es, qui sont fidele tesmoing de vostre
noblesse de meur, laquelle auec
vr̃e cler esprit vous tient en
grant estime et reuerence a l[’]endroit de toutes gens amateurs de
la vertu, de la
bonte et des
lr̃es Je vous vueil aussi aduertir de
quelque chose qui concerne mon nom et honneur, et vous prier m’y
aider et pour la raison : car soyez asseuré qu’a tort et sans cause
l[’]on me charge
ꝑ dela d’auoir fait vn petit traité Intitulé Quintil
sur la deffence et Illustration de la langue françoise : Et en ay ja <ajout illisible> y [a]
enuiron trois sepmaines que j’en ay escrit responce, et m’en suis purg[é]
a
monsr le
p̃uost du fort l’euesque qui m’en auoit fait aduertir, cõment
cela estoit mal prins et a mon desauantage. sachez donc et maintenez
franchement contre tous que je ne suis auteur
dud Quintil, mais
le principal du college de ceste ville, lequel me pensant faire plaisir,
y adiousta et feit vn quatrain en la fin ou il a mis mon nom dessus : dont l[’]on a prins
l[’]occasion de m’estimer l[’]auteur
dud Quintil, precedent
led quatrain,
qui toutesfoys ne sera point estimé estre sorti de moy, ny sentir

ma veine a tous qui auec bon iugement y aduiseront de pres : ny aussi
plusieurs choses qui sont dans le corps
dud Quintil. Et dauantage
quant ledict quatrain ou est mon nom seroit mien (ce qu’il n’est, et
vous Iure mon dieu que jamais je n’y ay
pense, ny n’en ay jamais
escript ny composé vn seul vers ny vne seule lettre) s[’]ensuit il qu’il faille incontinent
et legerement juger et conclure, ergo le Quintil, qui precede
led Quatrain est
dud fontaine : mais pourquoy donc (respondra
vn hõme de bon iugement) et plus tost ne mettoit ledict fõtaine
son nom deuant
led Quintil, que le Quintil estant fini, le
mettre sur un Quatrain seul, qui ne correspond au Quintil,
qui est en prose, mesme attendu qu’il semble
ꝑ
led Quatrain
[q]u’il ayt permis et produit au dessus vne oeuure poetique par
laq̃lle
il se vueille dõner gloire qui effacera l’oliue ? Je croy que vous et
tout hõme de bon esprit qui m[’]a congeu dedans et dehors, ou seulement
dehors
ꝑ mes petites oeuures juueniles, ne m’estimera point si
arrogant et Immodeste que
led Quattrain sonne.
Il y a plusieurs autres raisons que je diray parauenture
q̃lque
jour plus amplement, faisans du tout au contraire de l’estime que
d[’]aucuns ont que soys auteur
dud Quintil : mais apresent pour
n’estre trop long je vous diray encor vne que bien prendrez, ou je
suis bien deceu. Vous scauez
monsr de langey (quem ego
virũ
honoris causa nomino) n[’]estoit autheur d’ung liure qu’on [luy attri-]
buoit,
ductus vel sola hac
rõne, que l’autheur
dud […]
bien fort
monsr de langey, et qu[’]estoye en ceste opinion qu[…]
seigneur n[’]eust
este si immodeste de se louer tant, en vn sien
liure, et en tierce
ꝑsonne s ,
qui me semble chose tresmal consõ-
nante et conforme a tout bon autheur, qui veult tenir sa reputation
et a toute bonne oeuure escrite : Or est il que l[’]autheur
dud Quinti[l]
en certain passage extolle la fontaine, pour abaisser vn autre : et en
parlant de fontaine en tierce personne, ce que iamais je ne ferois
pour les raisons que je debatois auec vous a l[’]hõneur de
monsr de
langey cõme i[’]ay dit. Pour conclusion vous pouez penser si je

suis joyeux, id est que je suis bien fasché d[’]auoir
este nommé
et imprimé en vn tel quatrain qui n’est mien : et au moyen dequoy
l[’]on pense que je soys autheur du Quintil. Il est vray aussi que
l[’]on pourroit penser que je seroye fasché dequoy l[’]autheur de
l[’]Illustration auroit ainsi escript, O qu[’]il me tarde que je voy[e]
secher ces Prin temps, tair [sic : tarir] ces fontaines : mais je vous asseur[e]
que n[’]en suis, tant pource que je doubte s[’]il entend taxer ma
fontaine d’amour, ou quelque autre liure qui seroit nõmé, les
fontaines : car il ne dit pas tarir ceste fontaine : comme aussi
ꝑ ce
que je ne fay pas cas de
mad fontaine, qui est seullement mon
adolescence que depuis i[’]ay recourue : et […]
en vouloir ny pensement d’escrire contre
led […]
ceste occasion : et en quelque sorte qu’il enten[de] c[e] passage : car
aussi j[’]ay bien d’autres pensemens en ma teste : Il est vray que
qui me taxeroit impudemment et nõmeement, certes adonc Je
voudroys abãdonner tous les
ꝑñs pensemens et affaires pour en
prendre ung autre nouueau, ascauoir de contr’escrire, me
deffendre et purger, auec toute modestie toutesfoys, au moins
autant qu’il me seroit naturellement possible. Je suis trop long
mais je vous pry m’excuser, et soustenir fort et ferme contre
tous que je ne suys auteur ny du Quintil ny du Quatrain
qui est apres, et que l[’]on y vise de pres. En cest endroit me
recõmandray a vostre bonne grace et a la damoiselle de
voz biens que dieu gard et vous, et les vostres et siens.
Il vous plaira faire me[s]
recxons
a
messrs les Conseillers
du Lyon et Verius, et a
monsr de Villaines quant l[’]occasion se
trouuera : sans oublier les autres que scauez estre de ma
cõgnoiss.
Mesmement
monsr de Belle Isle et
monsr Chesneau,
auxq̃lz
vous plaira dire que j[’]espere estre bien tost a Paris, ou, si
en brief je n[’]y voys, qu’ilz auront de mes nouuelles.
C[’]est de lyon ce viij apuril ꝑ
Celuy qui est vostre entierement
Charles fontaine.
[68 v]
A Monsr de Morel
de Mre Fõtaine.