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ESTREINES,
A CERTAINS
SEI-
GNEVRS,
ET
DA-
mes de lyon.
A quoy est adiousté vn Chant Nuptial de Lau
theur, faict & presenté pour les Nopces de
Monsieur le Conseiller Torueon, &
mada-
me Magdeleine du Peyrat. Ensemble
vne Eclogue Pastorale, sur les Nopces de
Lautheur, à luy addressee, & faicte par vn
sien amy, Poëte, & Aduocat de Paris.
A Lyon,
Par Iean de Tournes.
1546.

L[’]AVTHEVR A SES
qvatrains.
Allez donner petis Quatrains
Bon iour, bon an, ou vous sçauez.
Ce iour de Lan si grace auez,
Au bout de Lan serez Huictains.

ESTREINES,
a certains
sei-
gnevrs, et
dames de
lyon.
[1]A Monseigneur du Peyrat, Lieutenant
general pour le Roy à Lyon.
O Apollo, ta Muse nette
Se vouldra elle point baisser,
Et son hault stile un peu cesser,
Pour ouyr de Pan la Musette ?
[2]Autre, à luy mesme.
Ton grand sçauoir, & grand office,
Te font par tout bien renommer :
Mais sur tout ie veulx estimer
Ta grand’ bonté, & ta Iustice.
[3]A Madame la Lieutenande.
Doulceur, bon Heur, ont prins leur place
En toy, auec Grace, & Prudence :
Ie voy reluire en ta presence
Doulceur, bon Heur, Prudence, & Grace.
A 2 A Mon [f. A 2 v°]

[4]A Monsieur le Conseiller Tourueon.
Sçais tu bien que dit la Fontaine ?
Cest qu’elle oseroit bien gaiger,
Qu’il fait tresbon de s’esberger
Auec la chaste Magdeleine.
[5]A Madame la Conseillere Magdeleine
du Peyrat, sa
femme.
Lon congnoistroit Monsieur ton Pere
A la vertu de ta doulceur :
Si feroit on (j’en suis tout seur)
Encores Madame ta Mere.
[6]A Monsieur le Juge Tignac • Voir s’il s’agit du même que celui qui signe le privilège d’Imagination poëtqiue de B. Aneau le 29 août 1552 : « J. Tignac ».
Si de corps, & d’autorité
Tu es grand, oultre ces deux poincts
Ma Muse dit, que ne l’es moins
Et de science, & d’equité.
[7]A Monsieur du Puys, Lieutenant
parti-
culier en la
Seneschaulcé de Lyon.
Ie t’estreneray, si ie puys,
De mon sçauoir, & de ma veine,
Car c’est raison, que la Fontaine
N’oublie à saluer le Puys.
[8]A Messieurs les Eschevins • pour l'année 1546, il s'agit de Nicolas Baronnat, Guillaume Henry, Hugues de la Porte, Humbert Favre, Pierre Scève, Jean de Capella, Pierre Regnauld, François Grolier, Jean Scarron l'aîné, Jean Flébergue, François Sala, Pierre Taxard de Lyon.
Vous avez la Paix desiree,
(Car Françoys franc est tousjours prest
A bon accord) mais le pis est,
Que ne s’est plus tost rencontree.
A Mon [f. A 3 r°]

[9]A Monsieur le Conseiller de Villars.
La Fontaine ouure ses conduictz,
De son eau seras estrené :
Penses tu qu’on n’ayt point donné
Au Roy Alcinous des fruictz ?
[10]A Monsieur le Thresorier des Ligues.
Puis que tu monstras le bon œil
A ma Muse, ces iours passez,
Cela me donne espoir assez,
Qu’vn jour luy monstreras bon vueil.
[11]A Monsieur de la Fay.
Haultesse doulce auec grand’ grace,
Foy, amytié, bon cueur, bon œil,
Faueur des Muses, & recueil,
Ont en la Fay trouvé leur place.
[12]A Madame de la Fay.
D’vn riche espoux, sçauant, & sage,
L’autre iour tu fus estrenee :
O bien nee, & bien fortunee,
Que te donray ie davantage ?
[13]A maistre Annemond Polier.
Ou Dieu (Amy) ou la Fortune,
Nous donna chascun sa Fleurie :
Mais la tienne est deux fois fleurie,
La mienne l’est seulement vne.
A 3 A Mon [f. A 3 v°]

[14]A Monsieur le Chevalier Rochefort.
Si mes desirs sont bien notés,
I’aymerois bien veoir, pour le seur,
Vous, vostre Frere, & vostre Sœur,
Tousiours tous trois bien desgouttés.
[15]Au sire Iean de Rochefort.
Rochefort, c’est nom de renfort,
Qui te convient, & me conforte :
Pource qu’en bonne amytié forte
Tu es comme vne Roche fort.
[16]A Marguerite Senneton, sa femme.
De bon maintien, & belle taille,
Tu en as bien suffisamment :
Mais ie maintien facilement,
Qu’encores plus ta bonté vaille.
[17]Au Sire Iacques Senneton, & ses Freres. • Claude et Jean
Pour bien se maintenir prosperes
En bonne amour, & en bon heur,
Ie dy par vers, & par honneur,
Les Sennetons, ce sont des freres.
[18]A la Dame Clemence de Rochefort.
Presentement ie te prepare
Vn beau souhait en bonne Estreine :
Je te souhaitte une sepmaine
Auec ton Filz dedans ferrare.
[f. A 4 r°]

[19]A la Dame Daniele.
C’est vn bon Ange Gabriel :
C’est vn beau nom que Gabriele :
C’est vn sainct homme, Daniel :
C’est vn bon cueur la Daniele.
[20]L’autheur, à sa Commere Claude Bryelle.
En bonne foy tu es bien faicte,
En doulces mœurs : mais orendroit
Il m’est advis, qu’il te fauldroit
Vn homme pour estre parfaicte.
[21]A Marie Bryelle, sa sœur.
Si ton mary maint autre passe
De belle taille, & bonne grace,
Aussi est la ieune Bryelle
Et de taille, & de grace belle.
[22]L’autheur, à sa Commere, Dame
Me-
raulde de la
Porte.
Vn mary ieune, & triumphant,
Sur le Printemps ie te souhaitte,
Homme de puissance parfaicte,
Qui t’estreine d’vn bel Enfant.
[23]A Marguerite de la Porte.
Tu es la doulce Marguerite,
Heureuse en biens, & en bonté,
Heureuse en la felicité
De beaux Enfans, de beaulté suyte.
L’aut [f. A 4 v°]

[24]L’autheur, à Monsieur Guillot son Aduocat.
En mon faict, deux poincts ie propose :
C’est que ie ne suis point ingrat,
Et que tu es bon Aduocat :
Tu me gaigneras donc ma Cause.
[25]Au sire Pierre Sceue.
Tu aymes les lettrez & lettres :
Tu es franc, & de bon courage :
Tu montreras donc bon visage
A ces miens quatre petis metres.
[26]A Françoys Santian, filz de Madame
de Villette.
Depuis trois ans ie te congnois,
Et te voy de si bonne grace,
Que ie te veulx bien donner place
Entre mes amys Lyonnois.
[27]A maistre Antoine Noalli, Procureur.
Ie ne te congnois que à demy,
Et si seray pleige & garant,
Qu’ainsi que de corps tu es grand,
En ce poinct es tu grand amy.
[28]A Pierre Rati, paintre.
Ie prendrois bien en gré ce don,
(Amy, & voysin d’assez pres)
Si comme bon paintre tu es,
Ie fusse Poëte aussi bon.
[f. B 1 r°]

[29]A Monsieur Beneri.
Tu es humble, & de bon visage,
Et de parole doulce, & bonne :
Mais le bon cueur de ta personne
Encor sur tout ha l’auantage.
[30]A Monsieur le Capitaine Sala.
Cest an, que mes Presens ie fais,
Je ne sçay que te presenter :
Mais tu te dois bien contenter,
Tu euz l’autre an tous tes souhaits.
[31]A Madame Anne Durande, sa femme,
estant en Couche.
Ce qui t’auoit ces jours enflee,
Et mise toute en autre poinct,
A ton advis estoit ce point
Vne viande trop sallee ?
[32]A la Thresoriere de Cremone.
Ie ne vouldrois point autre cas
Pour t’estrener de bonne grace,
(Quand ce petit Quatrain ie trace)
Que d’auoir celle que tu as.
[33]A Monsieur l’Official de la Primace.
Quand ta prudente Muse orra
Le chant de ma ioyeuse Muse,
Par naturelle grace infuse,
Je croy qu’elle l’excusera.
B A Mon [f. B 1 v°]

[34]A Monsieur le Doyen Daigue Perse.
De bonne grace longtemps ha,
Que tu as ma Muse inuitee :
Mais trop simple, & non esuentee,
Importuner onc ne t’osa.
[35]A Monsieur le Chanoine Caille.
Ia ne fault que ma Muse faille
En ses petis vers mesurés,
Dire que lettres, & lettrés,
Sont cheris du Chanoine Caille.
[36]A Monsieur le Chanoine Charton.
Tant va courant par ceste ville
De ton sçauoir le bon renom,
Qu’il fait tant bien luyre ton nom,
Comme vn Astre luyt entre mille.
[37]A Monsieur Canappe, Medecin.
Le bon vouloir, & bon sçauoir,
Et de son art l’intelligence,
La doulceur, & la diligence,
En Canappe se peuuent voir.
[38]L’autheur, à son Compere le
Cha-
noine Gauteret.
Nous nous sommes un million
De fois, veuz ensemble à Paris :
Maintenant de corps, & d[’]escripts
Nous voyons ensemble à Lyon.

[39]A maistre Guillaume Durand.
Tousiours grace aux Muses deuons,
Car les Muses Parisienne
Ce sont noz Muses anciennes,
Mais les Lyonnoises auons.
[40]L’autheur, à son petit filz Gaspar Fontaine.
Gaspar est beau nom, mais encor
Pour plus grand contentement mien,
Mon petit filz, ie vouldrois bien,
Que tu fusses un Melchior.
[41]A maistre Iean Chaillart, Notaire Royal.
L’esprit en toy, qui est gaillard,
Bening, & bon à l’aduenant,
Commande, & contraint maintenant
Saluer, & louer Chaillart.
[42]A aucuns mal gracieux, qui se pourroient
fascher d’estre
nommés, & loués
par ces petis Quatrains.
Quand ma Muse par ces vers cy
Vous nomme, & loue, n’ayez dueil :
Quelquefois luy monstrent bon œil
Le Roy, & les Princes aussi.
[43]Aux gens de bonne grace.
Ie ne suis fascheux, toutesfois,
Si ie sens que quelcun se fasche :
Ie veulx que sois estimé lasche,
Si ie le fasche par deux fois.
B 2 A Mon [f. B 2 v°]

[44]A Monsieur Arthiaud, aduocat de Lyon.
Honneurs, & biens as largement,
Et la science aux deux egale :
Mais ta grand’ grace liberale
Plait à tous merveilleusement.
[45]A Monsieur Mellier, Lieutenant de
Mon-
sieur le Iuge
Ordinaire de Lyon.
Toy qui pieça congnois ma veine,
Toy plein de bon sens, & sçauoir,
C’est pour le moins que dois auoir
Ce petit salut pour Estreine.
[46]A Monsieur l’advocat Mellier, son frere.
Ce iour de l’An par bonne adresse
Ma Muse te veult saluer,
Et te saluant, louer
Et ta science, & ta sagesse.
[47]A Pierre Burgaud.
Tu es ieune, & de bon visage,
Et en ton estat diligent :
Je te souhaitte or, & argent,
Honneur, bon heur en mariage.
[48]A Monsieur Maurice Sceue.
La Fontaine n’a raison vaine,
Courant vers toy sans prendre excuse :
Car la Fontaine ayme la Muse,
Et la Muse ayme la Fontaine.

[49]Au Lecteur.
Si le mien stile ne te plait,
N’en ly qu’vn Quatrain seulement :
Là feras fin facilement.
Si tu fais fin ne m’en desplait.
[50]A Madame du Peron.
Si la Fontaine, à qui parlas,
Prent son petit cours deuers toy,
La Fontaine ha raison pour soy,
Car la Fontaine ayme Pallas.
[51]A Madame de la Pardieu, sa fille.
Ton corps assis en belle taille,
Alaigre, & dispos le possible,
Ta viue vertu indicible,
Par tout vn grand lustre te baille.
[52]A Madame Fleurie Mayaude.
La grace & vertu qu’on voit luyre
Et en ta face, & en ton faict,
Plus d[’]honneur merite, en effect,
Que ma plume n’en peult escrire.
[53]A Monsieur l’Esleu Leuin.
Nature t’a voulu orner
De corps, d’esprit, & de richesse,
Et de prudence avec jeunesse :
Ie ne sçay comment t’estrener.
B 3 A Loys [f. B 3 v°]

[54]A Loys Thesé.
Fault il que nostre mal ie couure ?
Tu as perdu vn Frere tien,
Et j’ay perdu vn Amy mien :
Mais fay qu’en toy ie le recouure.
[55]A maistre Matthieu Michel.
Ie ne veulx (Amy) obmettre
Pour ton amour, & ton sçauoir :
Ains je desire faire voir
Maistre Matthieu Michel en metre.
[56]A maistre Sebastien Gryphius.
Ce ne sont pas propos menteurs,
Qu’on dit que tu aymes les lettres :
Ie dy plus par mes petis metres,
Que tu aymes leurs amateurs.
[57]A Iean de Tournes, maistre Imprimeur.
Tout ton faict si bien tu atournes
En ton art, & d’vn esprit meur,
Que si voulois estre Imprimeur,
Ie vouldrois estre Iean de Tournes.
[58]A Madame la Generale de
Piedmont.
Pour t’estrener presentement,
Ie souhaitte sçauoir escrire
Tant bien, & gracieusement,
Que tu sçais bien parler, & rire.
A maist [f. B 4 r°]

[59]A maistre Claude Morel, Greffier de
la Court ordinaire
de Lyon.
Morel ne doit pas estre obmis
(Puis que tant bon vouloir me monstre)
En ce nombre, & ceste rencontre
Des gens de biens, & des amys.
[60]Au sire Hugues de la Porte.
Si i[’]auois puissance parfaicte,
Veulx tu sçauoir que i’en ferois ?
Auiourd’huy ie t’estrenerois
D’vne grand’ maison toute faicte.
[61]L’autheur, au Lecteur.
En t’estrenant de mon sçauoir,
Tu dis que sont petis Quatrains :
Ilz sont petis, & non contraincts :
Petis, mais ilz se feront voir.
[62]A Monsieur le receueur, Iean des Gouttes.
Dans Lyon on t’a veu lier
Avec la Nymphe de cueur franc :
Mais si ne fault il pas le ranc
Des autres Nymphes oublier.
[63]A Monsieur le Secretain de la Platiere.
Ie pry de bonne volonté,
Que i’apporte bonne nouuelle :
C’est que cest An, qui renouuelle,
T’estreine de bonne santé.
A maist [f. B 4 v°]

[64]A maistre Iacques page, son frere.
Quand i’escrirois toute vne page,
Et mieulx que moy mesme escrirois,
Encor ne me contenterois
D’auoir escript de Iacques Page.
[65]A l’Escuyer Caterin Iean.
Si Dieu t’a faict grand voirement,
De corporelle qualité,
Grand en bon heur, & en bonté,
Aussi t’a il faict seurement.
[66]A maistre Edoart Verrier.
Ainsi comme maistre Polier,
Plein de bon cueur, & de bon heur,
Ne pourray ie point en honneur
Sur le Printemps veoir le Verrier ?
[67]L’autheur, à son Cousin Philippes
Thomas.
Si i’ay bon sens, & iugement,
Mon cueur me dict, & me rapporte,
Que bonne amour ton cueur me porte :
Ie croy que son rapport ne ment.
[68]A Monsieur l’aduocat Guybert.
La grace, & propos dont tu me vses,
Soit matin, ou apres disner,
Me fait iuger, & deuiner,
Que tu es bon amy des Muses.
Au sire [f. C 1 r°]

[69]Au sire Humbert Faure.
Ton cueur des biens ne se soucie
Point trop affectueusement,
Mais que ta femme seulement
Te monstre ceinture accourcie.
[70]A Monsieur l’aduocat Thomas.
La diligence, & la science,
Qui sont en l’aduocat Thomas,
Le font entre les Aduocas
Entrer en heur, & euidence.
[71]A maistre Iean Vidilli.
Que te donray ie en bonne Estreine ?
Bon vin Muscat te puis donner :
Mais pour mieulx à gré t’estrener,
Te donray d’eau de ma Fontaine.
[72]A maistre Barthelemy Aneau.
L’anneau que l[’]on met à la ioincte
N’est point tant vny à moytié,
Comme est (Amy) ton amytié
A tes amys vnie, & ioincte.
[73]A maistre Iean Gravier.
I’ay de toy telle confiance,
Que ce premier iour de Ianvier
Ma Muse dit, que Iean Grauier
C’est vn bon amy, à fiance.
A maist [f. C 1 v°]

[74]A maistre Antoine du Moulin.
Dy bon iour au Moulin, ma Muse,
Moulin qui ayme iusque à tout :
Moulin qui pour les Muses moult,
Et nul plaisir ne leur refuse.
[75]A Iean de la Landre, & son frere.
Tous deux freres Parisiens,
Tous deux à present Lyonnois,
Tous deux Patriciens ie congnois,
En Pastés bons praticiens.
[76]A maistre Noë Alibert.
Ie ne faindray ces vers escrire,
A ton honneur & art conformes,
C’est que du verre en mille formes
Tu en ouures comme de cire.
[77]A Charles de la Porte.
Si tu es Charles, comme moy,
A quoy tient il, ie te demande,
Que aussi en double grandeur grande
Ie ne suis Charles comme toy ?
[78]A maistre Iacob Southan,
Chyrurgien.
Quand tu prens plaisir à ma Muse,
Ie doy vers toy de rime vser :
Et puis bien vn peu t’amuser,
Car souuent ta rime m’amuse.
A Iean [f. C 2 r°]

[79]A Iean de Rochefort.
Triple grand bien en toy prospere :
Beaulté, santé, avec ieunesse :
Mais ie dy qu’encores plus est ce,
Qu’as si bon Pere, & bonne Mere.
[80]A Anne de Rochefort, sa sœur.
D’aage, & de corps, qui saulte, & rit,
Tu es petite, Anne bien nee :
Mais, non plus que ta sœur aisnee,
Tu n’es pas petite d’esprit.
[81]A maistre Antoine Pinel, clerc du
Greffe de la
Seneschaulcé
du Roy, à Lyon.
Puis que Pinel ha prins la peine
De la Fontaine enregistrer,
Pour en bon An le faire entrer
De la Fontaine aura la veine.
[82]A Monsieur de Lyuron.
Peu de parole, & bien se suyure,
De bonne grace, & sans contrainte,
Auec une amytié non feinte,
A Monsieur de Lyuron ie liure.
[83]Au sire Martin le Maire, Orfeure
de Lyon.
L’Homme loyal en tout affaire,
D’vn cueur de bonne affection,
C 2 A Iean [f. C 2 v°]
Qui le veult veoir dedans Lyon,
Qu’il vienne voir Martin le Maire.
[84]A Jean Vasis.
Tu n’es pas, & ne fus onc chiche :
Tu es des bons, & plus entiers :
Tu fais plaisir trop voluntiers :
Voyla pourquoy tu n’es pas riche.
[85]L’autheur, à tous ses amys dessus
nommés.
Si la Muse de la Fontaine,
L’esprit qui vault bien la richesse,
Vous faict honneur avec caresse,
Prenez en gré : c’est pour l’Estreine.
[86]A ses autres amys.
Si ma Muse n’a souuenance
De vous, amys, presentement,
L’attente en perdez seulement :
Vne autrefois viendrez en chance.
Chant Nuptial, Sur le mariage de
Mon-
sieur le Conseiller Tourveon, &
Ma-
dame
Magdaleine du Peyrat : Faict
& presenté par leurs nopces.
Beaux Espoux, le iour est venu,
Qui est de vous tant cher tenu :
Laissez le lict : Ie m’esmerueille,
10Que plus tost on ne se resueille.
Mais demain pour chose meilleure,
Vous lairray dormir plus haulte heure :
Chascune saison ha son tour.
Beaux Espoux, il est desia iour :
15Musiciens ne soyez longs,
Venez tost auec voz Violons,
Voz Fleustes, & plaisans Haulbois,
Faire melodieuse voix :
Donnez resueilz, sonnez aulbades :
20Sonnez, il n[’]y ha nulz malades :
Sonnez quelque motet d’amour.
Beaux Espoux, il est desia iour.
Gentilz Tailleurs, à ce matin
C 3 Por [f. C 3 v°]
Portez habitz de beau Satin,
25De fin Veloux, & draps de Soye,
Au ieune Espoux en pompe, & Ioye,
Qui vous attend au lict tout nud.
Beaux Espoux, le iour est venu :
Le iour qui faict de fille femme,
30Celle qui mainte Perle, & Gemme
Porte sur son chef honnoré,
Et sur son beau sein decoré
De Pudicité virginale.
Venez Constance Matronale,
35Venez Dame Mere à l’Espouse,
Vous y valez bien dix, ou douze :
Et amenez l’Atourneresse,
Qui n’oublira la belle Tresse,
Pour atourner, & pour tresser
40Les cheueux, qu[’]il fault compasser
Par bon art. O perruque chere,
De l’Espouse luysante, & clere,
Tel heur onc ne t’est aduenu !
Beaux Espoux, le iour est venu.
45Venez Peyrat, pere plein d’heur,
Voir vostre Fille en son honneur :
Menez la belle Magdeleine,
De chaste amour en son cueur pleine,
Vostre Fille espouse en liesse
50Ouyr la nuptiale Messe.
Venez en bonne gravité
Dames [f. C 4 r°]
Dames pleine de chasteté,
Aprenez à luire en tout bien
A ceste Espouse qu’aymez bien :
55Car c’est la chose principale.
Venez Constance matronale :
Venez Damoiselles gentilles,
Mais hastez vous, soyez habilles,
Et ieunes femmes, & fillettes,
60Et portez chappeaux de fleurettes.
Il est hault iour, qu’attendez vous ?
Or sus Espouse, or sus Espoux,
Marcher vous fault, sans plus poser,
A l’Eglise pour espouser :
65Il est haulte heure, Atourneresse,
Depeschez vous, l[’]heure nous presse.
Damoiselles, que Dieu benie,
(O la tresbelle compagnie !)
A vous regarder on se baigne :
70Prenne chascune sa compaigne,
Et en son riche accoustrement,
Dressez voz pas mignonnement :
L’espouse est en bel ordre mise,
Qui s’en va tout droit à l’Eglise,
75En beaulté à Venus egale.
Venez Constance matronale,
Le Soleil de nuict ennemy,
Ha ia faict son cours à demy :
Le disner est prest, sus à table.
O quel [f. C 4 v°]
O quel traictement honorable !
C’est trop disné, il fault danser :
Dames vueillez vous aduancer :
Damoiselles gentes, & nettes,
Apportez chapeaux de fleurettes.
85Les rais du Soleil disparus,
Ia nous enuoient Hesperus.
O Hesperus, Estoille digne,
Propre aux Amans, doulce, & benigne,
Qui la nuict bien prochaine annonces.
90Tu apportes quelques semonces.
Claude, le long iour qui te nuit
S’en va, voicy venir la nuict.
O noble nuict ! O nuict heureuse,
Qui fais iour de flamme amoureuse,
A Hymen, le grand Dieu des nopces.
Parens, Amys, retirez vous,
Ce dit l’Espouse, au moins l’Espoux.
100Et Magdelon, voicy ton heure :
Iuno Deesse, auec Hymen
Le veulent bien, responds amen :
Le disant, c’est bien d’auenture
S’ilz n’accourcissent ta ceinture.
105Donnez Flambeaux & Torches grosses
A Hymen, le grand Dieu des nopces,
Qui nombreras voz passetemps,
Voz [f. D 1 r°]
Voz doulx plaids d’amoureux contens,
Et les fruicts de vostre plaisir,
110Il fera bien de grand loysir.
Le fruict à tousiours durera :
C’est la lignee qu’on verra,
De cinq ou six petis enfans
Dans cinq ou six ans triumphans :
115En vertu resemblans au Pere,
En beaulté, & grace, à la Mere.
Donnez Flambeaux, & Torches grosses,
A Hymen, le grand Dieu des nopces.
Eclogue Pastoralle, Sur le mariage de
mai-
stre
Charles Fontaine Parisien, &
Marguerite Carme Lyonnoise :
Com-
posee
par M. D. S. Poëte, & aduocat
à Paris,
Les Pasteurs.
NYOT, ET GVILLOT.Nyot commence.
E N attendant, que ce brouillars cy chee,
A fin que point aux troupeaux ne
meschee,
Amy Guillot, fermõs les huys sur eulx :
D Or [f. D 1 v°]
Or sus, c’est faict : allons en nous deux.
GVILLOT.
5En attendant passer la matinee,
Pres de ce feu faisons la desieunee
De gras formage, & de miche bien tendre,
Et sur ce banc faisons la nappe estendre.
NYOT.
C’est tresbien dit : ma foy i’en suis d’aduis :
10Nous pourrons faire icy quelque deuis
De noz amours, ou bien de noz tropeaux.
GVILLOT.
De noz troupeaux ? voire, voire de beaux :
Parlons plus tost de Charlot le berger,
Qui dans briez iours se veult ioindre, & ranger
15Par mariage à Margot la brunette.
NYOT.
A Margot dea ? Ceste fille ieunette,
Que le puissant, & noble fleuue Rosne,
Ha engendree en la riuiere Saone ?
GVILLOT.
A ceste là ? N’est il pas bien heureux ?
20Et nous icy poures, & malheureux,
Que ne pouuons à son beau iour luy estre
L’vn à sa gauche, & puis l’autre à sa dextre,
L’accompaignans toute celle iournee.
NYOT.
Si Seine estoit ce iour là destournee,
25Et que la Mer laissait son bout aller
Pour [f. D 2 r°]
Pour tout courant au Rosne deualler,
Nous pourrions bien compagnie luy faire.
Que pleust à Pan, que quelque gros affaire,
Avecques luy, le suruinst empescher,
30Et qu’autre qu’el’ ne le peust depescher.
GVILLOT.
O pleust à Pan, ou que leurs deux riuages
Fussent si pres, que sont ces deux villages :
Nous yrions lors tout à nostre bel aise.
NYOT.
Or ça, Guillot, mais qu’il ne te desplaise,
35Puis qu’vn chemin si loingtain nous retarde,
Et d’y porter noz presens nous engarde,
A tout le moins souhaittons luy tout bien.
GVILLOT.
Par mon serment, Nyot, tu dis tresbien :
C’est bien raison, & vrayment il le fault :
40Sur tous Bergers, le bon Berger le vault.
Commence donc, & ie t’escouteray,
Puis apres toy ie luy souhaitteray.
NYOT.
Tu le veulx donc, & ie le veulx, Guillot :
O franc Berger, tu es trop bon hillot,
45Point ne seras en cela refusé.
Premierement souhaitte à l’Espousé,
Le iour de Nopce estre clair & serein,
Et qu’il n’y ayt ne Tarin, ny Serein,
Rossignolet, Chardonneret, Lynote,
D 2 Qui [f. D 2 v°]
Qui au resueil ne luy chante sa note,
En s’assemblant d’vne lieue à la ronde,
Ou s’ilz pouuoient de tous quartiers du monde.
GVILLOT.
Ie prie à Pan, qu’en ceste rencontree,
Berger n’y ayt en toute la Contree.
55Qui son present à la feste n’enuoye,
S’il ne se met, pour le porter, en voye.
NYOT.
Ie prie à Pan, qu’en toute la iournee,
Par Loups ne soit la Brebis mal menee,
Ains que plus tost, par la Brebis, les Loups
60Soient rechassés en leurs fosses, & troux.
GVILLOT.
Ie prie à Pan, que tous Pasteurs congnoissent
Que par Charlot ces biens leurs apparoissent :
Et qu’en son nom chascun d’eulx se gogaye,
Menant danser la Pastourelle gaye.
NYOT.
65Ie prie à Pan, que la iournee entiere
Se passe, sans quereleuse matiere :
Et s’a la feste on voit quelques mutins,
Que dessus eulx on chasse les mastins.
GVILLOT.
Ie prie à Pan, que dessus la nuictee,
70(Charlot voulant baiser son accointee)
Vn sien Parent, subtil, la luy desrobee,
Et sur le lict n’en laisse que la robbe.
NI [f. D 3 r°]

NYOT.
Ie prie à Pan, qu’en ceste chaleur grande,
Ou il sera, subit on la luy rende :
75De peur qu’estant peu apres refroidy,
Ne soit trouvé son manche desroidy.
GVILLOT.
Ie prie à Pan, que luy estant rendue,
Soudain ne soit sa requeste entendue :
Mais que plus tost, luy faisant trouuer bon,
80La Fille vienne à luy deffendre son.
NYOT.
Ie prie à Pan, que pour certaine enseigne,
L’vne des mains, esgratignee, en saigne,
Au marié : & que sa desiree
Ayt, pour tout mal, chemise dessiree.
GVILLOT.
85Ie prie à Pan, qu’enuiron la mynuict,
Quelque Pasteur cuysinier bon, & duit,
Luy porte au lict la souppe Iacopine,
Pour conforter avec luy sa poupine.
NYOT.
Ie prie à Pan, que sur le matinet,
90Pour cultiuer l’amoureux Iardinet,
Celle qui fut sur le soir deffendante,
Soit luy donnant la iambette assaillante.
GVILLOT.
Ie prie à Pan, qu’apres ceste embrassee,
Ne soit pourtant leur grande amour passee :
D 3 Mais [f. D 3 v°]
Mais que plus tost de iour en iour s’accroisse :
Et qu’à tous deux vn vouloir apparoisse.
NYOT.
Ie prie à Pan, que si bien leur prospere,
Que dans vn an Charlot se voye Pere :
Si c’est vn Filz, qu’à son Pere resemble,
100Et qu’aussi bien les Chalumeaux assemble.
GVILLOT.
Ie prie à Pan, que si c’est vne Fille,
Comme ressemble à la Boule la Bille,
Resemble aussi la Fillette à sa Mere :
Et qu’elle soit, comme elle, mesnagere.
NYOT.
105Ie prie à Pan, qu’en l’arriere saison,
Ayent tousjours du blé en leur maison :
D’aulx, & d’oignons ilz soient tousiours garnis :
Et de bon lard en charnier soient fournis.
GVILLOT
Ie prie à Pan, que chez eulx pour despense
110Ayent tousiours quelque Muy de despense :
Et que Charlot en Bourse ayt quelques testes,
Pour quelques fois boire du vin aux festes.
NYOT.
Ie prie à Pan, que de tout leur viuant,
Ne l’vn ny l’autre aille autre amour suyuant :
115Mais que Charlot soit content de Margot,
Et Margot soit contente de Charlot.
GVIL [f. D 4 r°]

GVILLOT.
Ie prie à Pan, que Margot, non par crainte
D’estre battue, ou par quelque autre feinte,
Luy porte amour : mais que de volunté
120Garde sa foy, & tienne sa bonté.
NYOT.
Ie prie à Pan, qu’aussi Charlot la prise
Tant en son cueur, qu’elle estant vieille, & grise,
Ce nonobstant luy semble ieune, & blonde :
Et que iamais l’vn à l’autre ne gronde.
GVILLOT.
125Ie prie à Pan, qu’en leur grande vieillesse,
De leurs Enfans, en fleur de leur ieunesse,
Soient resiouys : & que tout leur mesnage
Soit bien conduit par ces gens de ieune aage.
NYOT.
O grand Dieu Pan, exaulce noz prieres :
130Et fay qu’en fin par tes doulces manieres
Chascun d’eulx soit en ce beau lieu rauy,
Ou sont rauys ceulx qui t’ont bien seruy.
GVILLOT.
Ainsi soit il : mais cessons ce parler,
Car il est temps aux champs nous en aller,
135Voyla le temps, qui s’est ia mis au beau :
Chascun de nous emmeine son troupeau.

Pour conclusion.
L’AVTHEVR, A SOYMESME.
Ces iours ioyeux puis que tu saultes
De tes Chansons aux Chansonnettes,
Apres ces petites Musettes,
Retourne à tes Muses plus haultes.