Essai

SOMMAIRE

[p. 1] Fac-simile de la page

LES
DICTS DES SEPT SAGES
SAGES,

Ensemble
Plusieurs autres sentences Latines ex-
traites de diuers, bons & anciens
Auteurs, auec leur exposicion
Françoise,

[Marque de l’imprimeur]

A LYON,
PAR IEAN CITOYS.
M. D. LVII.

Avec Priuilege du Roy.

[p. 2] Fac-simile de la page

Extrait du Priuliege du Roy.

P  Ar grace du Roy il est permis à mai-
 stre Charles Fontaine faire imprimer,
 & mettre en vente par tel Libraire, &
Imprimeur, que bon luy semblera, Les Dicts
des Sept Sages, par luy mis de Latin en François:
auec defenses à tous autres de ne les imprimer,
ne vendre iusques à huict ans, du iour & date
de la premiere impression. Comme à plein est
contenues lettres de Priuilege sur ce donnees à
Villiers Coterets, le premier iour d’Octobre
1555. Ainsi signé Deslauerie, & scellé en cire
iaulne.

[p. 3] Fac-simile de la page 3

A
TRESNOBLE, ET
Tresflorissant Prince Monseigneur
le Duc d’Orléans,

Charles Fontaine humble Salut.

P  Our introduire & entretenir
 votre ieune, & vif esprit à
 toute vertu, selon que l[’]on y
 en voit ia bonnes traces & se-
 mences, à quoy Dieu le main-
 tienne; & pour apres vous,
Monseigneur, faire encores quelque fruit à infi
nis autres, je vous ay mis en latin & françois,
en tel ordre & nombre que ie n’ay point enco
res veu, les motz dorez, sentences, preceptes &
propos notables & exquis, tant des sept Sages
de Grece (comme l[’]on dit) que de plusieurs au-
tres, Philosophes, & Orateurs graues & senten
cieux: que ie n’ay esté d’auis traduire en vers,
puisque c[’]est prose, & que ce sont, pour la plus
grãde partie, motz dorez si briefs, & bien trous-
sez, qu’il est bien fort difficile, à mon auis, de les
bien mettre en vers françois, sans dimiuer leur
grace & efficace. Aussi l[’]on peut coignoistre à
l[’]experiẽce, comment s’y sont portez deux per
sonnages de notre temps, & de ma congnoi-
A ij [p. 4] Fac-simile de la page 4
sance, qui ont mis les dicts des sept Sages en ri-
me, l’vn en quatre vers chacune sentence, &
l’autre en deux: adioutans par ce moyen beau-
coup de leurs rimes, & graines, par foys telles quelle
(quand au sens) auec le beau, & bon pur grain
de froment, qui nous auoit esté donné & laissé
pur & net, par iceux Sages Anciens: dont, s’ilz
reuiuoyent, est facile à presupposer qu’il n’en
seroyent pas trop contens. Mesme aussi, encore
outre la rime, l’vn des deux y a adiouté exposi-
cion tordant bien fort le nez aux póures sen-
tences non coupables (i’entens en quelques en-
droits.) Ce que i’en di,non par affection mau-
uaise que ie leur porte, mais pource que libre-
ment i’ay de coutume dire mon auis en telles
choses, qui concernent l’honneur & sincerité
des escrits & dicts des Anciẽs. Et croy que tout
homme d’esprit qui s’adonnera à cõferer lesdi-
tes sentences auec leur versificacion, n’en fera
point d’autre opiniõ que moy, ains luy sera fa-
cile à en iuger comme dessus. Il est vray que de
premiere apparẽce leurs vers ont quelque gra-
ce, lustre, & recepcion fauorable pour la nou-
eauté: mais si faut il tousiours venir au point
du sens, & à la principale raison raisonnante,
delais- [p. 5] Fac-simile de la page 5
delaissãt toutes ces couleurs, & superfices pour
quelque temps reluisantes. Que si l’on me dit
que le Poëte Ausone en a biẽ traduit de ces sen-
tences des Sages, en vers latins: ie respons que
c’est bien qu’il en a traduit, & outre cela, il
les a rendues chacune en vn vers, brief, & bien
troussé. Or est il qu’en françois l’on n’en peut
faire en moins de deux, afin que la rime vniso-
nãte de l’vn à l’autre se rencõtre. Mais encores
(comme i[’]ay dit) l’vn des deux en a fait de cha-
cune sentẽce, ou en grec & latin il n’y a souuẽt
que trois ou quatre mots, quatre lignes en ri-
mes, & vers longs. Comment donques seroit il
possible, que l’vn ou l’autre n’y eust beaucoup
mis du sien? & y mettant beaucoup du leur,
comment est il possible qu[’]ils n’ayent quelque
fois corrompu le sens, ou rendu languissant &
morne, qui auparauãt estoit bien sur ses pieds,
brief, vif, & subtil? Aussi est-ce vne chose fa-
cile à considerer, que depuis le temps que les
sept Sages viuoyent (il y a ia deux mil ans, ou
plus, comme i[’]ay declaré au liure du Promptu-
aire des medales) entre tant de gens sauãs Grecs
& Latins, ne s’en est (que ie sache) trouué aucun
qui ayit entrepris mettre toutes lesdites sen-
tences en vers. Ie louë toutesfois leur vouloir & in-
tencion, en cette partie honorable, & plus que
A iij [p. 6] Fac-simile de la page 6
leur labeur de versificature. Car, comme i[’] esti-
me, ils l’ont fait, a ce que ces sentences mises en
vers, soyent plus retenables aux petis enfans: se-
lon que dit Horace,

Os pueri tenerum, balbúmque Poëta figurat:
mais si est-ce aussi beaucoup charger le ieune
esprit, que, au lieu de trois ou quatre mots à re-
tenir, luy en amasser, & bailler à porter douze
ou quinze, ou plus. Et quand ma Muse s’y fust
adonnee à les tourner en vers, i[’]espere, Dieu
aydant, que ie l’eusse peu faire autant facilemẽt
& fertilement, ou aussi plus briéuement, & en
vers plus petis. tesmoing en pourra estre ce peu
que i[’]ay donné des vers latins d’Ausone, en vers
françois: afin que lesdites sentences se resentis-
sent de la versificature, comme leur origine.
Au reste, ie ne veux repeter ici ce que i’ay traité
aux liures des Medales touchant la vie des sept
Sages. Or quant à ce mien present recueil des
sentences d’iceux Sages, ie ne ignore pas que
Diogenes Laërtius n’en ayt recueilli dauãtage
en vn sien Liure de la vie des Philosophes, &
qu’il n’en ayt traité diuersemẽt: que ie laisse aux
plus curieux & studieux, pour les aller voir sur
le lieu: car ce liuret est ia assez ample, & quasi
deux ou trois fois plus qu’il ne souloit estre pro
posé, & baillé à lire, entendre & retenir à la
ieunesse [p. 7] Fac-simile de la page 7
ieunesse en sa prose latine: ioint aussi les autres
plusieurs sentences que i’ay recueillies, & sur-
adioutées, ayans tousiours leur françois ioignãt
le latin, quasi de mot à mot, & auec nombres:
pour recreer, & soulager votre vertueux, &
encores tendre esprit: auquel si ie sentois faire
chose agreable, ne refuserois par cy apres la pei-
ne de vous faire voir en vostre langue ce que,
& comment on a traité le susdit Dio-
genes Dieu conserue vostre tres-
heureuse & tresflorissan-
tes noblesse en toute
prosperité.
*

De Lyon le xxv. de Nouembre,
M. D. L V I.

A iiij
[p. 8] Fac-simile de la page

À
TRESILLVSTRE, ET
vertueux Prince, Monseigneur le
Duc d’Orleans.

Ce mien translat, & mien recueil

Traitant de l’antique Sagesse,

Se presente à votre noble œil,

Oeil qui toute vertu caresse:

5

Außi la plus grande Noblesse

A besoing de plus grand’ prudence,

Prudence requise sans cesse

Es grans affaires d’importance:


Charles Fontaine.

[p. 9] Fac-simile de la page 9

Septem Sapientũ dicta,
VEL PRÆCEPTA,
Les Mots dorés, ou preceptes des sept Sages.

Et premierement de Thales.


1

Principem honora.

Porte honneur à ton
prince.

2

Amicos probato.

Espreuue tes amis.

3

Simili tui fis.

Sois semblable à toy:

Ne sois variable.

3

Nemini promittito.

Ne promets à personne.

(de peur d’estre trouué
menteur: car,
Multa ca-
dunt inter calicem supre-
máque labra. Erasmus, Adagia, 401.
Il veult di-
re, que l[’]on ne doit rien
asseurer sur promesse;
pour l’incertitude des
choses humaines) Quel
cun a traduit, ne pro-
mets poĩt, si tu ne veux
tenir. Cela est bien dit,
mais ce n’est pas ce que
le Sage veult dire, ce
me semble.

5

Quod adest, boni cõsulito.

Pren en gré ce q̃ tu as.

6

A vitijs abstineto.

Abstiẽ toy de malfaire

7

Gloriam sectare.

Ensuy l’honneur.

8

Vitæ cură habe, vel age.

Sois soigneux de ta vie.

9

Pacem dilige.

Ayme la paix.

A v [p. 10] Fac-simile de la page 10 LES DICTS

10

Laudatus esto apud o-
mneis.

Fay que tu sois prisé de
tous.

11

Susurronẽ ex ædibus eiice.

Chasse de ta maison vn flagorneur
(qui en de
tractant secretement,
veult semer hayne &
discord.)

De Solon

1

Deum cole.

Adore, & reuere Dieu.

2

Parentes reuerere.

Porte honneur à pere,
& mere

3

Amicis succurre.

Ayde à tes amys.

4

Nemini inuideto.

Ne porte enuie à per-
sonne.

5

Veritatem sustineto.

Sois pour la vérité.

6

Ne iurato.

Ne iure point.

7

Legibus parêto.

Obey aux lois.

8

Cogita quod instum est.

Pense à chose iuste.

9

Iracundiæ moderare.

Refrene ton ire.

10

Virtutem laudato.

Prise la vertu.

11

Malos odio pros quere:

Sois ennemy des mé-
chans.
Fay la guerre à
leurs vices, que tu au-
ras en haine, & detesta
cion.

12

Defunctis ne maledicito.

Ne dy mal des trespas-
sés.

De [p. 11] Fac-simile de la page DES SEPT SAGES. 11

De Chilo.

1

Nosce teisum.

Cognoy toymesme.

Aucuns l’attribuent
à Thales.

2

Ne cui inuideas mortalia.

N’aye enuie sur aucun
pour les choses terriẽ
nes.

3

Temperantiam exerce.

Sois attrempé, ou mo-
déré, & rassis.

4

Turpia fuge.

Fuy les choses vilaines.

5

Tempori parce.

Espargne le temps
(Car
la perte d’iceluy, est
grãde, & irrecupera
ble.

6

Iuste rem para.

Fay gaing iustement.
gaigne loyaument.

(Quelcũ a traduit sot-
temẽt, Appareille iu-
stement la chose.)

7

Multitudini place.

Cõplais à tous, ou à vne
assẽblee.
Voyez Caton
en fin du ij. liure,
Iudi-
cium populis, &c.

8

Saptientia vtere.

Sois sage: vse de Sagesse.

9

Moribus probatus esto.

Sois par bõnes mœurs
agreable.

10

Ne quid suspicêris.

Ne sois soupsonneux:

euite, & fuy soupson.

11

Oderis calumnias.

Aye en hayne les calõ-
nies:
Ce sont menees, &
secretes machinations,
des choses faucemẽt im
posees sur autruy.

12

Ne sis omerosus.

Ne sois
chargeãt, ou importũ.

[p. 12] Fac-simile de la page 12 LES DICTS

De Pittacus.

1

Quæ facturus es, ea ne prædixeris: frustratus enim
rideberis.

Ne dy à aucun ton entreprise: car si tu n’en
viens à chef, tu seras mocqué.

2

Depositum redde.

Rends ce que tu as en garde.

3

A familiaribus in minutis rebus læsus, fera.

Endure de tes familiers, quand ils te offensent
en petites choses legeres.
Cato,
Lædere qui potuit, prodesse aliquando valebit.

4

Amico ne maledixeris.

Ne dy inuire à ton amy.

5

Inimicum ne putes amicum.

Ne pense que ton ennemy, soit ton amy:
c’est à
dire, ne te fie en luy, que bien à point, quel-
que beau semblant qu’il te face.

6

Vxori minare.

Maitrise ta femme.

7

Quae feceris parentibus, eadem à liberis expecta.

Pense que tes enfans te feront, comme tu auras fait [p. 13] Fac-simile de la page DES SEPT SAGES. 13
fait à ton pere, & à ta mere.

8

Desidiosus ne esto.

Ne sois paresseux.

9

Inter amicos ne fueris iudex.

Ne te mesle point de iuger quelque different
entre tes amis
(car il est bien difficile, sans ac-
querir la male grace de l’vn, ou de l’autre.)

10

Ne contende cum parentibus, etiam si iusta dixeris.

Ne debas point contre ton pere & ta mere: en-
cores que le droit soit de ton costé.

11

Ne geras imperium, priusquam parêre (vel parce-
re) didiceris.

Ne prens autorité de commander, auant que
d’auoir apris à obeir (ou à pardonner)

Platon dit en son liure des Loix, l’on doit plus
reputer à gloire & honneur, d’auoir bien
serui, que d’auoir dominé, ou maistrisé.

12

Infortumatumne irriseris.

Ne te mocque de celuy qui est mal fortuné, ou qui a quelque aduersité.

13

Ne lingua præcurrat mentem.
Ne par [p. 14] Fac-simile de la page 14 LES DICTS

Ne parle point sans y auoir pensé.

14

Quæ fieri non possunt, caue concupiscas.

N’appete point ce qui ne se peut faire.

15

Ne festinaueris loqui.

Ne te haste de parler:
il semble que soit tout vn
auec le precedent, la langue ne voise point
deuant la pensee, mais qui bien y aduisera y
trouuera quelque differẽce: car bien que l[’]on
ait pensé à ce que l[’]on dit, l[’]on peut toutesfois
vser de parolle hatiue, ou pressee: ce qui est
mal seant: & faut auoir egard aux lieux &
personnes.

16

Legibus pare.

Obey aux loix.

17

Nosce teipsum.

Congnoy toymesme.
autãt en dit le sage Chilo.

18

Ne quid nimis.

Ne fay rien trop.

19

Ante omnia venerare numen.

Sur toutes choses porte reuerence à la diuine
maiesté.

Parent [p. 15] Fac-simile de la page DES SEPT SAGES. 15

20

Parentes reuerere.

Honore tõ pere & me
re.
Autãt en dit Solon.

21

Audito libenter.

Escoute volõtiers
(cho[]
ses honnestes.)

22

Voluptates coerce.

Restrains les voluptés.

23

Inimic[itias] solue.

Romps les inimitiés.


24

Vxorem ducito ex æqua
libus, ne si ex ditiori-
bus duxerus, dominos ti
bi pares, non affines.

Pren femme de ta qua-
lité, à fin q̃ tu n’acquie
res des maistres & do
minateurs, non pas des alliés, si tu la prens de plus hault lieu.
A ce ᵱ-
pos, bien se plaint Deianyre à son mary
Hercules:

Quam male inæquales veniunt ad aratra juvenci,

Tam premitur magno conjuge nupta minor.

Non honor est, sed onus, species læsura ferentem:

Si qua voles apte nubere, nube pari.


Lesquels vers Latins i’ay ainsi traduit en vers
François:

Comme les Bœufs diuers de taille, ou d’aage,

Ne sont bien ioints ensemble au labourage:

Ainsi la femme est mal appariee,

A vn mary plus hautain mariee.


Martialis:
5

Uxorem quare locupletem ducere nolim,

Quaeritis? vxori nubere nolo meæ.


De [p. 16] Fac-simile de la page LES DICTS

De Bias.

Premier precepte.

In speculo teipsum contemplare.& si formosus
apparebis, age qua deceant formam: sin defor-
mis, quod in facie minus est, id morum pulchri-
tudine pensato.

Regarde toy en vn miroir, & si tu es beau, fais
aussi de belles choses conuenantes à beau-
té: que si tu n’es pas beau, recompense ta
laideur de visage par la beauté des bonnes
meurs, graces & vertus.

2

De numine ne malè loquare: quid sit autẽ ausculta.>

Ne blaspheme, & ne blasme point Dieu: mais
apren que c’est de luy,
& de sa grande bon-
té (par les choses que les Prophetes, & gens
sages en ont dit, ou écrit.)

3

Audito multa: loquere pauca.

Escoute beaucoup: parle peu.

4

Priùs intellige, deinde ad opus accede.

Entens premier ce qui est de faire, puis apres
mets la main à l’œuure.

5

Ne ob diuitias laudaris virum îndignum.

Ne louë pas l’hõme indigne, pour cause de ses riches- [p. 17] Fac-simile de la page DES SEPT SAGES. 17
richesses.
le temps, ou les gẽs vont bien au con-
traire auiourd’huy.

6

Persuasione cape, non vi.

Attire & gaigne le cœur des gens par bonnes
raisons, non par force.
Celuy qui a ainsi traduit,

Si de donner quelcun vers toy s’efforce,

Pren hardiment, mais ne pren rien par force,


n’a pas entendu le sens de cette sentence, ny
par son exposicion en prose aussi: en quoy
il montre qu’il est grand Latin.

7

Compara in adolescentia quidem modestiam, in se-
nectute verò sapientiam.

Acquiers en ieunesse modestie, ou attrempan-
ce, & en vieillesse sapience.

De Cleobule.

1

Ne sis vnquam elatus.

Ne sois iamais fier, ny hautain, ou eleué.

2

Domus curam habe, vel age.

Aye souci de ta maison.

3

Libros euolue.

Ly, & rely les liures.
Caton dit le semblable.

B [p. 18] Fac-simile de la page 18 LES DICTS

4

Liberos tibi charißimos erudi.

Enseigne bien tes enfans, que dois bien aymer.

5

Iustè iudicato.

Iuge iustement.

6

Bonis benefacito.

Fay bien aux bons.
Caton dit:
Nam rectè fecisse bonis, in parte lucrorum est.

7

A maledicentia temperato.

Garde toy de mesdire: fuy detraction.

8

Suspicionem abiicito.

Ne sois soupsonneux, ou, iette tout soupson.

9

Parentes patientia vince.

Gaigne ton pere & ta mere par patience:
c’est
adire, surmonte leur correction: & à force
d’endurer fay qu’ils ne te traitent pas si ru-
dement. Caton dit le semblable.

10

Beneficij accepti memento.

Ne sois ingrat, ains memoratif des graces, plai-
sirs, & bienfaits, que tu as receuz de tes
amis.

Inferio [p. 19] Fac-simile de la page DES SEPT SAGES. 19

11

Inferiorem te ne reiicias.

Ne desprise, ny reiette aucun moindre que toy.

Horatius,
Sæpe etiam est holitor valde opportuna locutus.

12

Aliena ne concupiscas.

Ne sois conuoiteux du bien d’autruy.
le dixi-
me commandement de nostre loy est con-
forme à cestuiey.

13

Ne teipsum præcipites in discrimen.

Ne te mets point folement en danger.

14

Res amici dilige, & perinde serua vt tuas.

Ayme les biens de ton amy, & les contregarde
comme les tiens.
L[’]on fait bien auiourd’huy
tout au rebours.

15

Quod oderis, alteri ne feceris.

Ce que tu hays, ne le fais à autruy.
Il y eut vn
Empereur qui fit donner à cry public,
Quod
tibi fieri non vis, alteri ne feceris.

16

Ne cui minitêris, est enim muliebre.

Ne menace persõne, car c’est le fait de femme.

17

Citius ad infortunatos amicos, quàm ad fortunatos B ij [p. 20] Fac-simile de la page 20 LES DICTS
proficiscere.

Visite tes amis en auersité: va plus tost à tes a-
mis inforrtunez, qu’aux fortunez:
c’est adi-
re hante plus tes póures amis pour les con-
soler & secourir, que les riches qui n’ont
que faire de toy. Ce conseil est tresmal ob-
serué. Celuy qui a traduit ainsi,

Tu trouueras le poure ami moins  riche  chiche

Voire plus prompte au besoing que le riche:


n’a pas entendu le sens.

18

Lapis auri index: aurum hominum.

La pierre de touche éprouue l’or: l’or éprouue
l’homme:
c’estadire, quand l’homme de-
uient riche, l’on cognoit sa vertu, & son a-
mitié, si auparauãt elle estoit feinte, ou non:
ce que i’ay, certes, aussi congneu par expe-
rience, en d’aucuns de mes amis, qui se sont
changez, & mescongnus, par les biens &
honneurs, comme l[’]on dit:
Honores mutant
mores
:
les honneurs changent les mœurs
.

19

Voto nihil pretiosius.

Il n’y a rien plus precieux que le vœu:
c’est adi-
re que se vouer, & fermement proposer, &
deliberer de bien faire: ou bien ainsi: l’on ne
doit pas abuser du vœu, ny le faire trop le-gerem [p. 21] Fac-simile de la page DES SEPT SAGES. 21
gerement. Vti dicimus,
tempore nihil pretio-
sius.
il n’y a rien plus cher que le temps.

20

Mendax calumnia, vitam corrumpit.

Calomnie mensongere corrompt la vie: c’est-
adire la vie de celuy qui vse de calomie ou
de mensonge, n’est pas innocente, saine &
entiere: ou bien ainsi: le mensonger, par son
faux blason corrompt, tache & souille la
vie d’autruy. de calomnie Appelles en feit
vn beau pourtrait, Voyez l’oraison de Lu-
cian .

21

Mendaces odit, quisquis prudens ac sapiens est.

Tout homme prudent, & sage, hayt les men-
teurs.

B iij
[p. 22] Fac-simile de la page 22

Sensuyuent les Senten-
CES DE PERIANDER,
reueuës, & augmenteees de beau-
coup, auec leur de-
claracion.

Le premier precepte

Omnibus placêto.
Hoc est, da operam vt tua culpa neminê offendas.

Fay au gré de tout le monde: C’est à dire, metz
peine de ne fascher ou offenser aucun par
ta faute.

2

Bona reis quies.
Sub. est: Hoc est, tranquillitas animi bona res est.

Bonne chose est tranquillité: C’est à dire, re-
pos d’esprit, & paix de conscience.

3

Periculôsa teméritas.
Sub. est.

Dangereuse est temerité: C’est à dire, indiscre-
cion & inconsideracion.

ADMONITIO.
Temeritas dicitus, cùm quis omnia témérè facit:
Hoc est, sine consilio, ratione, & prudentia.

Temerité s’appelle, quand vn homme fait tou-
tes choses à la volee & à l’auenture: C’est à
dire [p. 23] Fac-simile de la page DE PERIANDER. 23
dire sans conseil, ou sans aduis, sans conside-
ration, & sans discretion.

4

Semper voluptates sunt mortales: honores autem
immortales.

Voluptés sont tost passees: honneur par vertu,
est immortel.

5

Quicquid promiseris, facito.

Fay tout ce que tu auras promis: mais que soit
chose honneste, & licite.

6

Amicis aduersa fortûna vténtibus, idemesto.

A tes amis sois en aduersité,

Tel que tu fus en leur prosperité.


Lucrum turpe, res péßima.

Gaing mal acquis est chose tresmechante, &
tesuilaine.

8

Infortúnium tuum celâtoine voluptâte afficias ini-
mícos.

Ne fay semblant de ton malheur, de peur de
resiouir tes ennemis.

9

Veritati adærêto.

Tien toy à verité: C’est à dire ne la laisse iamais.

B iiij [p. 24] Fac-simile de la page 24 LES SENTENCES

10

Violéntiam oderis.
Hoc est, nihil per violentiam facito.

Ne fay rien par violence.

11

Ne prior iuiriam factas.

Ne commence point à faire iniure.

12

Age quæ iusta sunt.

Traite choses iustes & raisonnables.

13

Domus curam age.
Domus) id est, rei domesticæ.

Pense de ton mesnage.

14

A maledicéntia temperâto.

Ne sois point iniurieus, ny detracteur, ou mes- disant.

15

Principibus cede.

Cede aux Princes.

16

Voluptati témpera.

Tempere ta volupté.

17

Ne teipsum præcipites in discrimen.
Hoc est, caue ne teipsum témere in periculum con-
iicias.
Ne te [p. 25] Fac-simile de la page DE PERIANDER. 25

Ne te mets point folement en danger.

18

Temperántiam exerce.
Hoc est, aßiduè labôra in coêrcendis voluptatibus.

Exerce toy en attrempance. C’est à dire, tra-
uaille continuellement à matter les plaisirs
charnelz du corps.

19

Móribus probâtus esto.
Hoc est, cura vt bene de tua vita iudicetur.

Sois approuué en bonnes mœurs: C’est à dire,
fais qu’on ayt bonne estime de ta vie.

20

Calúmniam óderis.
Hoc est, ne falsò accuses, né ve inique litiges.

Ne sois point calomniateur. C’est à dire, faux
accusateur. Ne plaide point par barat, ou tri
cherie. c’est à dire, par malice, & tromperie.

21

Túrpia fuge.

Garde toy des choses vilaines & deshonnestes.

22

Voluptáti témpera.
Hoc est, ne fis voluptáti déditus.

Ne sois subiet au plaisir du corps.

23

A iureiurándo ábstine.
B v [p. 26] Fac-simile de la page 26 LES SENTENCES

Ne iure point.

24

Pietâtem sectâre.
Hoc est, officiôsus esto in pátriam, in parêntes,
cæterósque sanguine coniunctos.

Sois affecté à faire plaisir à ton pays, à ton pere & mere, & à tous autres de ta parenté.

25

Laudáto honésta.

Dy bien des choses honnestes.

26

A vîtijs ábstine.

Garde toy des choses vitieuses.

37

Beneficium repénde.

Recompense le bien qu’on t’a fait.

28

Supplicibus misericors esto.

Ayes pitié des supplians: C’est à dire, de ceux,
qui te supplient à leur aider, ou qui te requi
rent mercy.

29

Litem oderis.

N’ayme point noyse, debat, ou proces.

30

Sapiéntum vtere consuetúdine.
Id est, versare cum bonis.
Hante [p. 27] Fac-simile de la page DE PERIANDER. 27

Hante les Sages: C’est à dire, les gens de bien.

31

Lîberos instîtue.
Id est, erudi, aut erudiendos cura.

Enseigne tes enfans, ou les fais enseigner.

32

Bonos in prétio habéto.

Prise les bons: C’est à dire, fais grand estime de
gens de bien.

33

Audi, quæ ad te pértinent.

Escoute cela, qui te touche.

34

Probrum fúgito.
Id est, ignominiam.

Garde toy de diffame, & deshonneur.

35

Respónde in témpore.

Respons à point: C’est à dire, quand il en est
temps.

36

Ea fácito, quorum non poßit pœnitêre.

Fay les choses, dequoy tu ne puisses re-
pentir.

37

Ne cui inuîdeas.

N’ayes enuie sur aucun.

Qudo [p. 28] Fac-simile de la page 28 LES SENTENCES

38

Oculis moderare.

Sois maître de tes yeux.

39

Quod iustum est, imitâre.

Ensuis ce qui est iuste: C’est à dire, prens exem-
ple en choses iustes & raisonnables.

40

Bene mérito houóra.
Id est, dignos.

Fay honneur à ceux qui en sont dignes: C’est à
dire, ausquels il appartient.

41

Spem foue.
Hoc est, semper bene sperato.

Tousiours aye bonne esperance.

42

Affabilis esto.

Sois affable: C’est à dire, doux & gracieux à
parler aux gens.

43

Calumnia óderis.

Fuy calomnie.

44

Cùm erráueris, muta consilium.
Hoc est, inceptum relinque, aut aliter age.

Quand tu auras failly, change conseil: C’est à
dire, [p. 29] Fac-simile de la page DE PERIANDER. 29
dire, laisse ton entreprinse, ou la fais autre- ment.

45

Diutinam amicítiam custodi.
Hoc est, quàm diutißimè poteris.

Garde ton alliance longuement: C’est à dire, le
plus long temps que pourras.

Vel fic,
Eam potißimùm tuere amicitiâ, in qua diu per-
manseris.
Entretiens specialement l’alliance,
& amitié, en laquelle tu auras long temps
demouré.

46

Omnibus teipsum præbe.
Hoc est, erga omnes vltrò officiosus esto.

De toymesme offre toy à tous: C’est à dire, sois
prompt à faire plaisir à vn chacun.

Teipsum, id est, vltro: hoc est, etiam non rogatus.

De toymesme: C’est à dire, de ton bon gré,
& sans te faire prier. ô que bien peu de Chré
tiens font ce que ce Payan conseilloit bien.

47

Concórdiam sectáre.

Entretiens tousiours paix & accord.

48

Magistrátus mêtue.

Crains les Iuges, & Officiers de la chose publi-
que.

49

Ne loquâris ad grátiam.
Id est, in fauôrem.

Ne parle point en faueur.

Ne [p. 30] Fac-simile de la page 30 LES SENTENCES

50

Ne témpori credideris.
Hoc est, ne fidas præsenti fortunæ.

Ne te fie point au temps: C’est à dire, en ta pro-
sperité.

51

Ne prior iniuriam facias.

Ne commence point à dire, ou faire mal à au-
truy.

52

Teipsum ne negligas.
Hoc est, teipsum cura.

Ne sois nonchaillant de toy: C’est à dire, pense
de toymesme.

53

Seniôrem reuerêre.

Porte reuerence à vn homme ancien.

54

Mortem óppete pro pátria.
Hoc est, ne timeas pro defensione patriæ exponere
te mortis periculo, si opus fuerit. Idem ferè Cato,
Pugna pro patria.

Meurs pour ton pays: C’est à dire, pour defen-
dre ton pays ne crains point à te mettre en
danger de mort, s’il en est besoing.

55

Ne quáuis de re dóleas.

Ne prens pas douleur d’vne chose, ou d’autre à
tout propos.

Ne [p. 31] Fac-simile de la page DE PERIANDER. 31

56

Ex ingenuis libero crea.

Engendre des enfans de femmes vertueuses,
& honnestes.

57

Sperato tanquam mortalis, parcito tanquam im-
mortalis.

Espere comme estant mortel, pardonne com-
me immortel.

58

Ne efferâris glória.

Ne t’esleue point de gloire: C’est à dire, ne de-
uiens point glorieux, ne t’orgueillis point.

59

Arcânum cela.

Cele ton secret.

60

Cede magnis: Vel, Principibus cede.
Hoc est, ne contendas cum potentioribus.
Autaliter, Potentioribus ne aduerseris.

Ne prens point question, ou debat à gens plus
puissans, que toy. Ou autremẽt, Ne va point
à l’encontre d’iceux.

61

Opportunitátem expectâto.

Attens l’opportunité: C’est à dire, le temps de
faire la chose à point.

62

Mortalia cógita. Hoc [p. 32] Fac-simile de la page 32 LES SENTENCES
Hoc est, altiora te ne quæsieris.

Pense chose mortelle: C’est à dire, ne pẽse point
de Dieu chose trop hautes, & qui passent
ton entendement. Caton:

Cùm sis mortalis, quæ sunt mortalia cura.

63

Largire cum vtilitáte.
Hoc est, ne dederis, quod nocêre queat.

Donne à profit: C’est à dire, ne donne point ce,
qui peut nuire: ou ne seme point ton grain
en terre infertile: ne sois large & liberal aux
ingrats, mais aduise à qui tu fais plaisir, com
me dit Caton:

Mtuum dato, cui des videto.

Preste, mais regarde à qui.

64

Dolôrem fuge.

Garde toy de douleur, & desplaisance.

65

Mórtuum non irridêto.

Ne te mocque point d’vn mort.

66

Amicis vtere.
Sub.in tempore.

Ayde toy de tes amis en temps, & en lieu.

67

Delécta amicos.

Donne ioye & plaisir à tes amis.

Cónsule [p. 33] Fac-simile de la page DE PERIANDER. 33

68

Consule inculpaté.
Hoc est, Tale consilium cape, vt sis inculpatus: id
est, vt quicquid acciderit, culpa tamen careas.
Vel sic:
Tale consilium præbe, vt culpa careas: id est, re-
prehendi non poßis.

Pre, ou donne bonne conseil, si que tu n’en puis-
se estre repris.

A Periander aucuns attribuent
encore ces sentences.

Cogita totum.

Pense & rumine bien toute l’affaire.

Voluptates mortales, Virtutes æternaæ.

Les voluptez sont transitoires, & muables: les
Vertus eternelles, & perdurables.

Fortunatus modestè agas: infortunatus prudenter.

En prosperité sois modeste: en aduersité pru-
dent & auisé.

Res pulchra quies.

C’est vne belle chose que le repos (il s’entend
principalement, d’esprit.)

Præstat eum qui bonis non vtitur, mori, quàm vi-
uentem egere.

Il vaut trop mieux que le riche qui n’vse point
C [p. 34] Fac-simile de la page 34 SENTENCES.
de ses biens, meure, qu’on viuant souffrir di-
sette, & faute de ses biens, qu’il a comme ne
les ayant pas.

Quod sponte promiseris, malum non præstabis.

Ce que de grace volontaire auras promis, si
c’est mal, ne le dois accomplir.

Fac te dignum maioribus tuis.

Fay toy digne de tes ancestres.

Ita irascarus, vt statim securus.

Courrousse toy de telle sorte, que tu sois incon-
tinẽt sans courroux: & en repos de tõ esprit.

Vtere legibus antiquis, optimijs veró recentibus.

Vse de bonnes loix antiques, mais de viandes
fresches & recentes.

Viuens fac lauderis, moriens beatus puteris.

Gouuerne toy de sorte que durãt ta vie tu sois
par vertu honoré & prisé: & apres ta mort
bienheureux reputé.

Cohibe non solùm peccantes, sed etiam ad peccan-
dum paratos.

Reprime non seulement ceux qui pechent &
offensent, mais aussi ceux qui sont en volon
té de pecher, & d’offenser.

Fin des dicts des sept Sages, qui merient si grãd
honneur, que selon le iugement d’Apollo
leurs noms furent mis en vn rond, pour ne
sauoir lequel seroit le premier.

Autres [p. 35] Fac-simile de la page

Autres Sentences, & Mots Do-
rez au nombre de 150.
Recueillis de diuers auteurs,
Auec leurs noms (aumoins pour vne
grande partie) & de diuerse matiere, se-
lon que ie les ay rẽcontrez, & extraits
par longue lecture.

d’Aristippus

1

Opes eiusmodi tibi para, quæ naui fracti, simul
cum domina enatent.

Acquiers des richesses telles que quand la nef
se rompt, elles eschapent auec toy.

2

Fortunæ bona vaij casus eripiunt: bona animi, quæ
sola verè bona sunt, nec incendium, nec naufra-
gium eripere possunt.

Les biens de fortune se perdent en diuerses sor-
tes: mais les richesses de l’esprit, qui sont les
vrayes richesses, ne peuuent perir, ny par
feu, ny par eau.

3

Disce puer, quæ viro sunt vsui futura.

Apren en ieunesse, ce qui te puisse profiter en
vieillesse.

De Theophraste.

4

Pretiosißimus sumptus, est tempus.
C ij [p. 36] Fac-simile de la page 36 SENTENCES,

La plus grande perte que l[’]on sauroit faire, c’est
du temps. (car il ne se peut iamais recouurer
par or, ny par argent) aussi le Sage Chilo a
dit,

Tempori parce.
Epargne le temps, sois
en chiche.

d’Antistenes

5

Regium est, audire malè, cùm feceris bene.

C’est vne chose tresexcellente, & treshonora-
ble, estre blasmé apres auoir bien fait (& le
supporter patiemment) pource l[’]on dit com
munement, Mal auoir en bien faisant, c’est
vie tresheureuse.

6

Satius est in coruos, quàm in adulatores incidere:
illi mortuum exedunt, hi viuum etiam.

Il vaut mieux tomber entre les corbeaux, que
entre les flateurs: car ceux-là mangent les
morts, & ceux-là mangent les vifs. Alphon
se Roy de Naples comparoit les flateurs aux
loups, qui en gratant les asnes, les mangent.

7

Quod rubigo ferro, hoc liuor homini.

l’Enuie mange l’homme, cõme la rouille le fer.

8

Fratrum concordia, quouis muro tutior.

Alliance des freres est, plus forte que toute mu-
raille: [p. 37] Fac-simile de la page ET MOTS DOREZ. 37
raille. il y eut vn pere qui bailla à ses enfans
vn fagot, qu’ils ne peurent rompre estant
bien lié: mais bien chacun baton l’vn apres
l’autre.

9

Præcipua disciplina, dediscere mala.

La meilleure leçon, & sciẽce que soit, c’est desa-
prendre, & delaisser le mal.

Aristoteles.

10

Inuidia est quid peßimû. hoc tamen in se pulchrum
habet, quòd oculos, & coreorû qui unuidêt vrit.

Aristote.

Enuie est vne chose meschante, mais toutesfois
elle a cela de bon, qu’elle brule les yeux & le
cœur de ceux qui sont enuieux.

De Diogenes.

11

Vir bonus, Dei simulachrum est.

l’Homme de bien, est l’image de Dieu.

12

Amor, otiosorum est negotium.

Amour, est l’affaire de ceux qui ne veulent
rien faire.

13

Miserrimares, senex egens.

C’est chose miserable, d’estre póure, & vieil.

C iij [p. 38] Fac-simile de la page 38 SENTENCES,

14

Perniciosißimè mordent ex feris bestiis, obtrecta
tor: ex cicuribus, adulator.

Entre les bestes sauuages, la morsure d’vn de-
tracteur est tresdangereuse: & d’un flateur,
entre les bestes priuees.

15

Oratio blanda, melleus laqueus.

Parolle douce, est licol de miel.

16

Venter, vitæ chabybdis est.

Le ventre, est vn gouffre de vie.

17

Formosum scortum, lethale mulsum.

Belle putain, est mortelle douceur.

18

Qui præclara loquûtur, nec faciunt, cytharæ similes
sunt, quæ sonat aliis, ipsanec audiens, nec sentiens.

Ceux qui disent de belles choses vertueuses, &
ne le sont, sont sembables à la harpe qui son-
ne aux autres, & ne l’entend, ny pareille-
ment ne le sent.

19

Ridiculè faciunt, qui in psalterio sonos aptant ligno,
animum autem ad rectè viuendû non cõponunt.

C’est grand sotise à ceux qui accordẽt les tons
dans vn psalterion de bois, & ce pendant
n’accordẽt leur esprit, qui est dans ce corps
mortel [p. 39] Fac-simile de la page ET MOTS DOREZ. 39
mortel, à viure selon raison.

20

Frustrà viuit, cui, vt rectè viuat, nulla cura est.

C’est dommage de quoy vit celuy qui ne se sou
cie de bien & vertueusement viure.

21

Qui forma decorus, indecorè loquitur, ex ebur-
nea vagina plumbeum educit gladium.

Le beau personnage qui dit vilaine parolle, tire
vn couteau de plõb, d’vne gaine d’iuoire.

22

Serui heris, improbi seruiunt cupiditatibus.

Les seruiteurs seruẽt à leurs maistres: & les mé-
chans, à leurs affections, conuoitises, & con-
cupiscences méchantes.

23

Eruditio iuuenibus sobrietas est, senibus solatium,
pauperibus diuitæ, diuitibus ornamentum.

Science est aux ieunes gens prudence & mode
ration: aux vieux, soulas, & recreation: aux
póures, richesse: & aux riches, honneur, &
parement.

24

Nobilitas, gloria, diuitiæ, malitiæ ferè sunt ve-
lamenta.

Noblesse, estat, & richesse, sont quelques fois
couuerture de malice, & méchanceté. Il s’en
tend ceux qui sont de mauuaise nature,
C iiij [p. 40] Fac-simile de la page 40 SENTENCES,
ou mal instruits.

De Socrates, deux Sentences.

25

Quæ supra nos, nihil ad nos.

Les choses qui sont par dessus nous, n’appar-
tiennent à nous: c’estadire nous ne les de-
uons enquerir, & recherche trop curieuse-
ment: comme dit Caton,

Cùm sis mortalis, quæ sunt mortalia cura
:
Estant mortel, pense des choses mortelles.

26

Hoc vnium scio, quod nihil scio.

Iesçay vne seule chose, c’est que ie ne sçay rien.

De Crates.

27

Vt in omni mâlo punico granum aliquod putre est:
itanem reperitur vndiquaque purus à vitio.

Tout ainsi qu’en chacune põme de grenade il
y a tousiours quelque grain pourri & gaté,
ainsi ne se trouue aucun qui soit du tout sans
vice. A ce propos disoit vn Poëte,

Vnicuique dedit vitiû natura creato.
& ailleurs,
Nam vitiis nemo sine, nascitur.

De Zeno Citiense, cinq Sentences.

28

Non qui magnus, statim bonus est: sed quisquis
bonus, idem & magnus.

Tout grand personage, n’est pas homme de
bien [p. 41] Fac-simile de la page ET MOTS DOREZ. 41
bien: mais tout hõme de bien est grand per-
sonnage (Il s’entend à cause de sa vertu &
bonté, qui est vne chose si grande, que l’on
ne la sauroit assez priser, & estimer.)

29

Ideo natura dedit homini aureis duas, os vnicum, vt
plus audiamus, quàm loquamur.

Nature a donné à l’hõme deux oreilles, & vne
seule bouche, à fin que nous écoutions beau
coup, & parlions peu. A ce propos ie peux
encores adiouter, q nature nous a mis dou-
ble clóture deuant la langue, & nous a lais-
sé les oreilles toutes ouuertes.

30

Docti ab indoctis paulò minus differunt, quàm viui
à mortuis.

Les sauans ne different pas gueres moins des
ignorans, que les viuans des morts. Iulian
Cardinal de saint Ange, qui presida au Con
cile de Basle, feit quasi pareille response à
Otto de Varis.

31

Auribus attrahendi sunt homines, potius quàm
pallio: id est, persuasione, magis quàam violentia.

A ce propos disoit vn des sept Sages,

Persuasione cape, non vi.

L’on doit plus tost attirer les gens par les oreil-
C v [p. 42] Fac-simile de la page 42 SENTENCES,
les, que par la robbe: c’est à dire, par bonnes
& gratieuses paroles de requestes, ou remó-
trances, que par force & contrainte. Autant
en disoit vn des sept Sages.

32

Lupinium aqua persuisum dulcescit: homo licet natu-
ra tristior, vino hilarescit.

Le Lupin trempé en l’eau, s’adoucit: ainsi l’hõ-
me, combien qu’il soit naturellement triste,
se réioït du vin. Le Lupin est vn espece de
fruit, ou legume.

De Themistocles.

33

Præstat habere viros egentes pecunia, quàm pecu-
niam egentem viris.

Il vault mieux auoir des hommes ayans faute
d’argẽt, que de l’argent ayãt faute d’hõmes.

De Pericles.

34

Amicum esse licet, sed vsque ad aras, id est, amici
causa non est violanda religio.

il faut estre amy, mais iusques aux autelz: c’est
à dire, que pour l’amy ne faut rompre la
Loy, ni la Foy.

De Lamachus.

35

Non licet in bello bis peccare.

Il ne faut point commettre double faute en
guerre.

d’Iphi [p. 43] Fac-simile de la page ET MOTZ DOREZ. 43

d’Iphicrates, & d’Africain le grand.

36

Indecora sapiêti vox, Non putaram: aut, non expe-
ctaram.

C’est vne parole ma seante à vn homme sage,
dire, Ie ne le pensois pas, ou ie ne m’y atten-
dois pas.

De M. Curius.

37

Prætantius est, imperare aurum habentibus viris,
quàm aurum habere.

Il vault mieux commander sur ceux qui ont
l’Or, que de l’auoir, & le garder.

De Musonius.

38

Si per laborem honesti quippiam egeris, honestum
manet, si per voluptatem turpe quippiam feceris,
voluptas abit, turpitudo manet.

Si par trauail tu fais quelque chose honneste, le
trauail s’en va, & l’hõneur demeure: mais si
par volupté tu fais quelque chose vilaine, la
volupté passe, & la vilanie demeure.

De Cato le grand, deux sentences.

39

Mirum eam ciuitatem saluam esse posse, in qua mi-
noris væneat bos, aut ouis, quàm piscis.
C’est [p. 44] Fac-simile de la page 44 SENTENCES,

C’est bien de merueille, si celle ville se peut
maintenir, en laquelle on vend vn poisson
plus cher, qu’vn Bœuf, ou qu’vn Mouton.
Il s’entend de quelques petis, ou moyens
poissons.

d’Anacharsis.

40

Vitis, treis vuarum species fert, primam voluptatis,
secundam ebrietatis, tertiam mœroris.

La Vigne porte trois sortes de Raisins, le pre-
mier est de volupté, & plaisir, que l’on a en
beuuant: le second est de yurongnerie: & le
tiers est de douleur & desplaisir, apres en
auoir trop pris.

De Properce.

41

Durius in terris nihil est, quod viuat amante.

Il n’y a rien plus malheureux

Au monde, qu’vn póure amoureux.


d’Ouide.

42

Scilicet vt fuluum spectatur in ignibus aurum,
Tempore sic duro est inspicienda fides.

Ainsi que l’or s’éprouue en la fournaise,

Ainsi l’amy en fortune mauuaise.


De Solon au Roy Crœsus.

43

Postrema dies de omnibus iudicium affert.

Le dernier iour, fait iuger de tous les autres.

Idem gloriabundus dicere solebat, se quotidie ali-
quid [p. 45] Fac-simile de la page ET MOTS DOREZ. 45
quid discendo senescere.

Solõ souloit dire, en se resiouyssant, que en ap-
prenant tous les iours, il vieillissoit.

De Scipion Africain le grand.

44

Turpe est dicere, non putabam. Idem dicebat Iphi-
crates , vt suprà monui.

C’est chose laide, respondre, Ie ne le pensois pas.
Le semblable a esté dit cy dessus.

d’Athenodorus Philosophe à Cesar Auguste.

45

Caue ne iratus aliquid facias, dicás ve, nisi prius
Græcorum literas ordine recensueris: indicans
moram esse interponendam.

Garde toy (disoit le Philosophe Athenodorus à
l’Empereur Auguste) de faire, ou dire quel-
que chose, estant en colere, sinon que pre-
mierement tu ayes nommé toutes les lettres
de l’alphabet Grec. Il vouloit dire, qu’il ne
fault, que vn petit temps à laisser passer la
colere d’vn homme de bien: car le bon per-
sonnage, comme il est quelque fois tost cour
roucé, aussi est il tost apaisé. C’est ce, que
dit le sentencieux autheur Publian,

Bonum apud virum citô moritur iracundia
:
En vne bonne personne le courroux prend
bien tost fin.

De Iuue [p. 46] Fac-simile de la page 46 SENTENCES,

De Iuuenal.

46

Omne animi vitium tantò conspectius in se

Crimen habet, quantò maior, qui peccat habetur.


D’autant comme plus grand on est,

D’autant plus le vice paroist.


De Lysander.

47

Vulpina pellis assuêda est, quò leonina nô peruênit.

Il fault appliquer vne peau de renard, ou l’on
n’a peu mettre vne peau de Lyon. C’est à di-
re, il faut gaigner par subtilité, ce que l’on
n’a peu par force.

De Caton le grand.

48

Vsuræ secundum ab homicido locum tenent: vorago
vnius, multorum patrimonia exhaurit.

Les vsures tiẽnẽt le secõd lieu apres l’homicide:
Le goufre d’vn homme seul, deuore & englou
tit le bien de plusieurs.

d’Epicure.

49

Vilibus cibis vescêdum, quòd paratiores sint. Idem
opiparas mensas aspernatus, libros suos pomis ac
oleribus refersit.

Epicure, nonobstant, qu’il disoit le souuerain
bien consister en volupté, disait toutesfois,
qu’il faloit vser de viandes peu estimees, par
ce qu’elles sont plus tost aprestees: & à cette
fin, mettoit force fruits, & herbages sur ses li
ures, voulant dire, que l’hõme de lettres doit
estre [p. 47] Fac-simile de la page ET MOTS DOREZ. 47
estre sobre, & nõ curieux de precieuses vian
des. Aussi Diogenes Laërtius recite des epi-
tres de luy, bien vertueuses, interpretans au-
trement sa volupté, que le cõmun ne pense.

De Possidonius Philosophe.

50

Dies vnus pauperi, sed erudito, pluris est, quàm di-
uiti inepto, vel longißima ætas.

Vn seul iour à l’homme póure, mais sauant, est
plus que toute la longue vie, à vn riche
ignorant.

51

Crescere, interim descrescere est.

Croistre en sciences & vertus, c’est par fois de-
croistre en biens: & communement aussi au
contraire, croistre en biens, c’est décroistre
en bonté & vertu.

52

Bonum, non bonum.

Bien, non bien: c’est-à-dire,
Bien mal acquis, ou mal despendu, n’est pas
bien. Car il vient de mauuais commence-
ment, ou fait vneir à mauuaise fin.

53

Perire securè.

Perir seuremẽt: c’est quand on diminue la santé
ou les biens, pour acquerir sciẽces, & vertus.

De [p. 48] Fac-simile de la page 48 SENTENCES,

De Gordian le ieune.

54

Miserest Imperator apud quem vera reticentur.

Miserable est le Prince, ou grand Seigneur au-
quel on cela la verité.

d’Euripides.

55

Hoc etiam in diuitijs non rectès habet,

studiosè inquirunt dira paupertate afflicti.


Plusieurs gens riches sont grands bestes:

Plusieurs poures extremement,

5

Vont inuentant soigneusement,

Chose excellent de leurs testes.


De Theognis Poëte

56

Multi imperiti diuites sunt: alii vero res egregias
studiosè inquirunt dira paupertate afflicti.

Plusieurs gens riches sont grands bestes:

Plusieurs poures extremement,

Vont inuentant soigneusement,

Chose excellente de leurs testes.


D’iceluy mesmes.

57

Es quædam virtutis exercitatio, cum bonis viris
conuersari.

C’est de vertu quelque exercice,

Hanter gens vertueux, sans vice.


d’Alcibiades.

58

Nihil magis expetendum, quàm fama ac gloria re-
rum gestarum cæteros anteire. Idem dicit Sallu-
stius in initio operis sui.
Il n’y [p. 49] Fac-simile de la page ET MOTS DOREZ. 49

Il n’y a rien que l[’]on doiue plus desirer, que sur-
passer les autres en renõmee de choses bien
faites. Salluste commence son liure sur ce
mesme propos.

De Diodore.

59

Perpulchrum est, ex aliorum erratis, in melius vi-
tam nostram instituere.

C’est vne chose tresbelle, d’aprendre à bien re-
former nostre vie apres la faute des autres.

A ce propos disoit le Poëte,

Felix quem faciunt aliena pericula cautum.

Bien heureux se montre celuy qui se fait sage au
mal d’autruy.

A ce propos dit le pro-
verbe,

Bonum est aliena frui insania.

De Menander.

60

Cæcæ sunt diuitiæ, ac se inscpicientes excæcant.

Les richesses sont aueugles, & aueuglissent
ceux qui les regardent, & cherissent.

De Bion.

61

Qui diuitis inhuiant, ridiculi sunt, cùm eas porrigat
fortuna, illiberalitas seruet, benignitas auferat.

Ceux qui s’adonnent aux richesses, sont bien à
mocquer, attendu que fortune les donne,
chicheté les garde, & liberalité ou prodiga-
D [p. 50] Fac-simile de la page 50 SENTENCES,
lité les consume, les perd, & dissipe.

D. Hieronymus:

Omnis diues aut iniquus, aut iniqui hæres.

Tout homme riche est inique, ou heritier d’vn
inique.
Cette sentence est vn peu rude, mes-
me aux riches, toutesfois s’accorde assez
bien à ce que dit nostre Seigneur,
Quàm dif-
ficilà qui pecunias habent, intrabunt in regnum
cœlorum!
O qu’il est bien difficile que ceux
qui ont des richesses puissent entrer en para
dis! toutesfois il ne dit pas impossible.
Idem Hieronymus.
Abunde diues, qui cum Christo pauper.
Celuy est abondamment riche, qui est póure
auec Iesuchrist.

De Diphilus.

62

Homine paupere nil fortunatius, mutationem enim
in deterius non timet.

Il n’y a rien si heureux que l’homme póure, car
il ne craint point le changemẽt de son estat
en pis: & n’a point tãt d’épies, ny de flateurs.

De Menander.

63

Pauperes semper existimantur deorum esse.

Tousiours les póures en tout lieu

Sont estimez les gens de Dieu.


Pource [p. 51] Fac-simile de la page ET MOTS DOREZ. 51 Pource est il que tous religieux font vœeu de
póureté.

d’Architas.

64

Neceßitas omnia docuit, atque artium inuentrix
extint.

Necessité a enseigné tout: c’est la maitresse in-
uentrice des arts: & sans poureté beaucoup
de gẽs ne se mettroyẽt apres les actes vertu-
eux cõme ils font. I’ay assez amplemẽt trai-
té ce passage en ma Contr’amie de cour.

De Polyida.

65

Inest diuitijs aliquid vitij: paupertas autem sorti-
ta est sapientiam propter infortunia.

Il y a quelque chose à redire aux richesses: mais la
póureté, par ses infortunes, a acquis sa-
gesse.

De Theognis.

66

Multò sanè plureis viri satietate quàm fame pe-
rierunt.

Beaucoup plus de gens sont morts par trop
grande replecion, que par famine.

d’Euripides.

67

Orationis vis, maior quàm ferri. Itaque Pyrrhus
dicere solebat, plureis à Cynea oratione urbeis,
D ij [p. 52] Fac-simile de la page 52 SENTENCES,
quàm â se expugnatas esse.

La force de bien dire, est plus grãde que la for-
ce de l’épee: pourtant le Roy Pyrrhus disoit
souuent, qu’il auoit plus conquis de villes
par la vertu des harangues de Cyneas, que
par la force d’armes, & puissãce de guerre.

68

Nemo quàm bene viuat, sed quamdiu, curat: cùm
omnibus poßit contingere vt bene viuant, vt
diu, nulli.

Nul ne se soucie comment il viue bien, & ver-
tueusement, mais comment il viue longue-
ment: & toutesfois peut vn chacun bien vi-
ure: mais longuement, nul.

69

Virtute excepta, nil amicitia prætabilius est.

Apres la vertu, il n’y a rien de plus estimable que
l’amitié. Aduisent cy ceux qui tiennent tant
peu de compte d’amitié, qu’ilz laisseroyent
leur amy au besoing pour dix, voyre pour
deux escus: & toutesfois il n’y a tresor plus
grand en ce moment apres la vertu, que l’a
my, mesmemtn si nous voulons croire que
sage Salomõ. Voyez cy apres au nõbre 103.

70

Egens æquè est is qui nunquam satis habet, atque is
cui prod habet, non sufficit.
Autant [p. 53] Fac-simile de la page ET MOTS DOREZ. 53

Autant est indigent & necessiteux celuy qui
n’a iamais des biens à suffissance, comme
celuy qui defait en a defaillance.

71

Liber is est existimandus qui nulli seruit turpi-
tudini.

Celuy seul doit estre estimé libre, & deliuré de
seruitude, qui n’est suiet à aucune vice.

72

Egregium instrumentum esset oculus, si seipsum
perinde atque cætera videret.

Ce feroit vn bel organe que l’œil, s’il se voyoit
comme il voit toutes autres choses.

73

Qui alium agitat, seipsum inquietat. Idem censet
ac scribit Plato.

Quiconque tourmente autruy, il se tourmente
soymesme. Platon en ecrit autant à Dion,
& à ses amis.

74

Adulator, blandus inimicus est.

Le flateur est vn doux ennemy.

75

Nil amico charius, nil rarius.

Il n’y a rien de plus cher que le bon amy, & n’y a
rien plus rare, ny plus difficile à trouuer.
Pourtant donc ne faut il pas estre leger à fai-
D iij [p. 54] Fac-simile de la page 54 SENTENCES,
re des amis.

76

Nullum animal, nulla merx dfficilior cognitu
quàm homo.

Il n’y a ni beste, ny marchandise plus difficile à
congnoitre que l’homme. Pourtant semble
à bon droit se plaindre celuy qui dit que na-
ture deuoit faire vne fenestre a l’homme, à
l’endroit du cœur.

77

Qui proficit in eruditione, & deficit in moribus,
plus deficit quàm proficit.

Quiconque s’auance en science, & se desauan-
ce en bonnes mœurs, il desauance plus qu’il
n’auance.

78

Spes inopem, mors miserum leuat.

Esperance allege le souffreteux, & la Mort le
miserable.

Vergilius:

Vna salus miseris nullam sperare salutem.

C’est vn seul soulas aux miserables, de n’esperer
aucun soulas: C’estadire attendre la mort.

Caton a écrit:

Mors vna hominem nec morte relinquit.

79

In irrecuperalibus optimum remediû est obliuio.
En [p. 55] Fac-simile de la page ET MOTS DOREZ. 55

En choses qui ne se peuuent recouurer, le sou-
uerain remede, c’est oubliance. Voila vne
tresbelle sentence, & tresdigne d’estre rete-
nue en memoire, & obseruee.

80

Fortuna opes, non animum auferre potest: testis
sit Bias ille.

Fortune peut tollier les biens, mais non le cou-
rage. Auisent icy les auares rapineurs vsu-
riers, qui se tourmentent tant & se tuent a-
pres les biens de ce monde.

81

Ignoscas aliis multa, nil tibi.

Pardonne aux autres beaucoup de fautes, &
ne te pardonne rien. C’est adire excuse les au
tres en plusieurs choses, & ne t’excuse pas
toymesme en rien. C’est contre ceux qui se
excusent tousiours, & accusent les autres.

82

Omnia sunt experienda consilio prius quàm armis:
consilio autem maximè contraria suint inûîdis,
festinatio, & ira.

Il faut experimenter toutes choses plustost par
conseil, que par force: Les choses plus con-
traires à conseil, sont enuie, soudaineté, &
ire. Voicy vn tresbon conseil.

D iiij [p. 56] Fac-simile de la page 56 SENTENCES.

83

Quam bene viuas refert, non quandiu.

Il faut penser comment tu pourras viure bien,
& vertueusement, non pas cõment tu pour
ras viure longuement.

84

Consilio meliùs vinces, quàm iracundia.

Tu vaincras plutost & mieux, par cõseil, que
par colere. C’est quasi le mesme que cy des-
sus au nombre 82.

85

In regno voluptatis, virtuti non est locus.

Au royaume de volupté il n’y a point de lieu
à la vertu. Entendent cy les voluptueux.

86

Caue sic amicitis vti videaris, sicut floribus, tan-
diu gratis quandiu recentibus.

Donne toy de garde d’vser d’amitié ainsi com
me des fleurs, qui ne sont agreables, prisees,
ny estimees sinon quãd elles sont toutes fre-
sches & nouuelles. Auisent icy ceux qui esti
ment les amis à la mode des poissons, quand
ils sont tous frais & recens.

87

Rarò contingit eum à pluribus diligi, qui non meri-
to sed arrogantia pluribus nitiur anteferri.

Peu souuent aduiẽt que celuy soit aymé de plu-
sieurs [p. 57] Fac-simile de la page ET MOTS DOREZ 57
sieurs, qui non pour sa vertu, ains par sa seu-
le arrogance se veult preposer à plusieurs.
Cette sentence est bien vraye: pourtant icy
aduisent les arrogans.

88

Tutius est gradatim ascendere, quàm citò scanden-
tem, ad præcipitium festimare.

Il vaut mieux monter petit à petit, que par
mõter trop tosts, et trop hault, se haster pour
se ruiner. A ce propos l[’]on dit cõmunement,
Qui monte plus hault, qu’il ne doit:
Descend plus bas, qu’il ne voudroit.

89

Non est turpe cum re mutare consilium.

Ce n’est pas honte, selon le changement des af-
faires, changer d’aduis, & de conseil. A ce
propos dit Caton,

Temporibus sapiens mores sine crimine mutat.

90

Ambigua semper sunt in melius interpretenda.

C’est ce que l’on dit, Il ne faut pas prendre les
paroles à la rigueur.

Les choses qui se peuuent prendre en deux par
ties, ou en deux sens, se doyuent tousiours
prendre en la meilleure part.

91

Poẽta post Socratem.
D v [p. 58] Fac-simile de la page 58 SENTENCES
Non viuas, vt edas, sed edas vt viuere poßis.

Ne vis point pour manger, mais mange pour
viure. Ce precepte est contre les gourmans,
ou frians.

92

Bene viuere omni loco potes, nisi tibi ipsi desis.

Tu peux bien, & vertueusement viure en tout
lieu, si tu ne defaux à toymesme. Et pource
faut auoir bon courage par tout, & en tout
lieu.

93

Si pulcher es, lauda naturam: si diues, fortunam: si
nobilis, parentes: si bonus, lauda teipsum: imò
Deu potiús.

Si tu es beau, louë nature: si riche, louë fortune:
si tu es noble, louë tes progeniteurs ou ance-
tres: si tu es bon, louë toymesme: ou plus
tost Dieu: c’est à dire, que la bonté, & la ver-
tu, que nous auons eleuë, & acquise, est no-
stre proprement, & particulierement (apres
Dieu) & ne tient rien de tous les autres trois,
nature, fortune, & noblesse. Car selõ Aristo-
te ,

Virtus omnis in electione & actione cõsistit.

94

Formula viuendi præstò est tibi: pauca loquaris.

Plurima fac: sit vtrisq; comes, modus, vtile, rectû.

Sobrius à mensis, à lecto surge pudicus:

Obsequijs instes, ea pro te præmia poscant.


La ma [p. 59] Fac-simile de la page ET MOTS DOREZ. 59

La maniere de bien viure est facile et prompte:
parle peu, fay beaucoup (de bien, il s’entend)
auec ces deux garde le moyen, l’vtilité, l’e
quité: leue toy sobre de la table, & pudique
du lict: Ne cesse de faire plaisir, si que tes biẽf-
faits parlent pour toy, & requierent remu-
neracion, & salaire (soit en ce monde, soit en
l’autre.)

95

Tria sunt genera hominum infelicum:

Qui nesciunt, nec discunt:

Qui sciunt, nec docent:

Qui docent, nec faciunt.


Il y a trois sortes de gens inutiles, ou malheu-
reux, & miserables: 5

Qui ne sauent, n’apprennent:

Qui sauent, & n’enseignent:

Qui enseignent, & ne font.


96

Qui nil potest sperare, desperet tamen nihil.

Celuy qui ne peult en rien bien esperer, qu’il ne
desespere toutesfois en rien. Quasi à ce pro-
pos dit Caton:

Spes vna homina nec morte relinquit.
Voyez
mon translat.

97

Vt decet, & prodest, & amabis, & oderis idem.

Comme la raison & l’vtilité requierẽt, tu peux
aymer, & puis hayr. C’est quasi ce, que di-
soit vn [p. 60] Fac-simile de la page 60 SENTENCES,
soit vn des Sages,

Ama tanquam osurus.
Voyez Valere.

98

Age sicalienû, vt tuum non obliuiscaris negotium.

Pren tellement la charge des affaire d’autruy,
que tu n’oublies pas les tiennes. A ce propos
dit Caton,

Sic bonus esto bonis, ne te mala damna sequantur.

Voyez mon translat

99

Fortunæ opem implorare quid attinet? cum quod ne-
cesse sit nobis, debeat, velirata.

Quel besoing est il demander secours à la for-
tune? attendu que encores qu’elle soit nôtre
ennemie, & en courroux contre nous, elle
nous doit tout ce, qui nous est necessaire.
C’est à dire qu’elle ne nous peut tollir la re-
spiracion, & ce qui est requis ad victum, &
vestitû
. Autant en dit Diogenes le Cynique.

100

Qui se habet, nil perdidit.

Qui inouït de soy, il n’a rien perdu.

C’est à dire, qui est en son bon sens, & repos
d’esprit. A ce propos quelcun disoit à vn iu-
ge, i’en appelle de toy à toymesme.

101

Si non cessando, scanda ferre esse necesse vides,
elige [p. 61] Fac-simile de la page ET MOTS DOREZ. 61
elige ni facere.

Si en trauaillant ordinairement en quelque af-
faire, tu vois qu’il ne t’en reuient que bruit,
troublement & facherie, desiste, & plutost
ne fais rien. C’est quasi ce que dit Caton:

Iudicium populi ne te contempseris vnus:

Ne nulli paceas, dum vis contemnere multos.


102

Talis quisque ferè est, qualium côsortio delectatur:

L’homme est communement tel, comme sont
ceux, qu’il ayme frequenter. C’est ce que l[’]on
dit,

Similis similem sibi quærit
: Chacun quiert
son pareil. chacun demande sa sorte, chacun
cherche son semblable.

103

Amicus difficilè comparatur, facilè amittitur.

Ce n’est pas chose facile d’acquerir vn bon
amy, mais il est facile de le perdre.

Voyez ci dessus au nombre 69

104

Sepultus sit apud te sermo, quem solus audies.

La parole que l’on t’aura dite à part, & à se-
cret, soit enseuelie en toy. C’est à dire, qu’elle
soit secrete, & comme morte.

105

Omnia sunt discutienda cum amico, sed prius discu-
tiendus est amicus.
Il faut [p. 62] Fac-simile de la page 62 SENTENCES,

Il faut éprouuer toutes choses auec le iugemẽt
de l’amy: mais premierement il faut éprou
uer l’amy. C’est vne sentẽce, que [’]on doit biẽ
retenir: car faute de congnoitre les gens l[’]on
en perd quelquefois l’honneur, la vie, & les
biens.

106

Difficile est seipsum agnoscere.

C’est vne chose dif
ficile de se congnoitre soymesme.

Socrates. 107

Dicet bene, qui quod bene soit, dicet.

Celuy parlera, & dira bien, qui dira ce qu’il fait
bien.

108

Crimen sagittæ simile est, facilè infligitur, difficilè
eximitur.

L’iniure est semblable à vn traict, il est facile-
ment lâché, & difficilement arraché. Pource
l[’]on dit communement, Pis vault vn coup
de langue, qu’vn coup de lance.

109

Si copias multa habueris, necesse est vt aut te-
ipsum, aut pecuniam vilem habeas.

Si tu as grandes richesses, il faut, ou que tu te
faces vil, ou que tu les estimes viles. Enten-
dent icy ces gros milours.

Vbi est thesaurus
tuus, ibi est & cor tuû
: Disoit nôtre Seigneur.

110

Stulti proprium est, aliorum vitia cernere, suorum
obliuisci.
C’est [p. 63] Fac-simile de la page ET MOTS DOREZ. 63

C’est le fait d’vn fol, prendre garde aux vices
d’autruy, & oublier les siens propres. A ce
ppos disoit vn Sage, Qu’il portoit ses offen-
ses deuant luy, & celles d’autruy derriere.

111

Hæc sit propositi nostri summa, quod sentimus lo-
quamur: quod loquimur, sentiamus.

En cecy soit le principal point de nôtre delibe-
racion, que nous parlions, cõme nous le pen
sons, & que nous le pensions comme nous
parlons. O merueilleusement belle sentence
contre les menteurs, ou dissimulateurs.

Socrates. 112

Quæ facere turpe est, hæc ne dicere honestum puta.

Ce qui est vilain de faire, ne pense pas qu’il soit
honneste de dire. Cette sentence est tresno-
table, & tresphilosophique, comme aussi cel
le qui s’ensuit.

113

Compiendiosa ad gloriam nobis via est, vt quales vi
deri velimus, tales simus.

Le plus brief chemin pour parueni à l’hõneur,
c’est que nous mettions pleine d’estre telz
que nous voulons estre veuz, & que mes-
mement le soyons.

114

Negat sibi ipsi, qui, quod difficile est, petit.
Celuy [p. 64] Fac-simile de la page 64 SENTENCES,

Celuy nye sa requeste à soymesme, qui requiert
chose difficile. Cette belle sentence est contre
les importuns. A ce propos y eut vn Roy,
qui disoit apres auoir chassé vn importun, ie
croy que cetuy là m’eust volontiers deman-
dé ma femme. Aussi disoit le Roy Alphonse
de Naples, que la cõdition des Asnes est meil
leure, que celle des Roys, car leurs maitres
les laissent disner, mais non les importuns les
Roys.

115

Nulla, aut certè parua debetur prodigo gratia, qui
largitur, non ex benignitate, sed animi morbo.

L[’]on ne doit pas sauoir grand gré à vn prodi-
gue, car il donne, non pas du bon vouloir
de cœur, ny pour pitié, ou amitié qu’il ayt,
mais pour le vice de prodigalité, qui le tiẽt.

116
Aristoteles Callistheni.

Cum Rege aut rarô, aut iucunda loquere.

Auec le Roy parle peu souuent, ou de propos
recreatifs.

117
Crates Thebanus.

Nemo potest opibus simul, & virtuti indulgere.

L[’]on ne sauroit vaquer à l’Or, & à la vertu en-
semble. Entendez icy auares & usuriers.

118

Tantum cuique felicitatis inest, quantum virtutis
ac sapientiæ.
Vn chacun [p. 65] Fac-simile de la page ET MOTS DOREZ. 65

Vn chacun a autãt de felicité, ou devray bien,
comme il a de vertu, & de sagesse. ô tresbel-
le sentence!

Marcus Cato.

119

Nihil agendo, homine malè agere discunt.

En ne rien faisant, l[’]on aprent à mal faire: pour-
ce dit bien Ouide,

Quæritur Aegysthus quare sit factus adulter:

In promptu ratio est, desidiosus erat:


Pource que Aegystus ne faisoit rien, il aprint
à estre paillard.

De Diocletian Empereur.

120

Nihil difficilius est, quâm bene imperare.

Il n’y a rien de plus difficile que de se bien gouuer
ner en grande autorité, comme de regner, ou imperer: car il y a tãt d’affaires par tout.

De Thales.

121

Difficillimum omnium est, videre tyrannû senem.

La chose la plus difficile, c’est de voir vn tiran vieil. Car Dieu ou le Diable luy abrege ses iours.

d’Antoninus Pius, Empereur.

122

Vnicum seruare ciuem malo, quàm mille hosteris
occidere.
E [p. 66] Fac-simile de la page 66 SENTENCES,

I’ayme mieux conseruer vn seul citoyen, que
tuer mille ennemis: aussi fut il par le Senat,
nommé Pere du Pais.

d’Aurelius Alexander Empereur.

123

Quod tibi fieri non vis, alteri ne feceris.

Ne fais à autruy ce que tu ne voudrois qui te
fust fait. Ce bon Empereur feit crier cela par
cry public, comme i’ay declaré au Prom-
tuaire des medales.

d’Annibal.

124

Nunquam minus euentus rerum respondent, quàm
in bello.

En nulle chose la bonne issue ne prend moins,
qu’en guerre pour la difficulté de la chose
tresdifficile à manier. Pourtant disoit Cicero
que si la fortune domine es choses de mõ-
de, c’est principalement au fait de guerre.

De Socrates parlant à quelcun.

125

Loquere, vt te videam. (est siquidem animi specu-
lum oratio.)

Parle, afin que ie te voye. (Car le miroir de l’e-
prit, c’est la parolle.

Cato:
Sermo hominum mores & celat, & indicat idem.
De [p. 67] Fac-simile de la page ET MOTS DOREZ. 67

De Xenocrates, & de Simonides.

126

Sermonis me pœnituit, taciturnatis nunquans.

Ie me suis repenti d’auoir parlé, & jamais de
me taire.

Caton liure premier.

Nam nulli tacuisse nocet: nocet esse loquutum.

De se taire on ne se repent point. Voyez mon translat de Caton, ou i’accorde ce passage
auec celuy de Vergile,

Tacendum, nisi cùm
taciturnitas noceat.

De Pittacus.

Loqui ignorabit, qui tacere nesciet.

Celuy ne saura pas bien parler, qui sait bien taire.

De Bias.

Audito multa: loquere pauca:

Ecoute beaucoup: parle peu.

De Titus Empereur.

127

Amici, diem perdidi.

Mes amis, i’ay perdu ce iour: cela disoit le bon
Empereur Titus, comme en soupant il luy
souuint que ce iour la il n’auoit fait aucun
bien a personne: d’auantage il disoit que
nul ne deuoit departir triste d’auec vn Prin
ce: pource il ne éconduisoit personne, &
promettoit fort.

E ij [p. 68] Fac-simile de la page 68 SENTENCES,

De Tibere Empereur.

128

Boni pastoris est, tondere pecus, non deglutire, seu
deglubere.

C’est le fait d’vn bon pasteur de tõdre, & non
pas de manger ou deuorer ses brebis.

129

Tutior est exercitus ceruorum duce leone, quàm
leonum duce ceruo.

Plus seure est vne troupe de cerfs conduite par
vn lion, que de lions conduits par vn cerf.
C’est vn grand cas que d’vn bon Roy ou
chef & capitaine.

Regis ad exemplum, totus componitur orbis.

De Cecilius Metellus.

130

Si scirem tunicam meam mei cosilij consciamesse,
protinus eam exurerem.

L[’]on demandoit à Mettelus, qu’il auoit deliberé
de faire: & il respondit, Si ie sauois que ma
robbe, ou ma chemise, sceut mon conseil,
& mon secret, ie la ietterois incontinent de-
dans le feu. autãt en disoit vn Roy de Fran-
ce : c’est Charles huitiéme.

De Socrates.

131

Parum prosit naturæ secreta scrutari, si interim
vita [p. 69] Fac-simile de la page ET MOTS DOREZ. 69
vitæ rationem negligamus.

C’est peu de cas de s’enquerir & recherche les
secrets de la nature, & estre grand Philosophe
naturel, si ce pendant nous delaissons la Phi-
losophie morale, & ne tenons cõpte de bien
& vertueusemẽt viure. Icy aduisent les grãs
Mathematiciens pour la plus grand’ partie
grans menteurs, ou vanteurs, & les Poëtes
lascifs.

132

Malum alienum, tuum ne fecteris gaudium.

De la douleur d’autruy n’en fay pas ta ioye.
c’est le propre fait de l’enuieux.

Horatius.

Inuidus alterius matrescit rebus opimu.

133

Hoc est melius, quod honestius.

Cela est mieux, qui est plus honneste.

134

Parsimonia neceßitatum remèdium est, & me dicti-
na damnorum: at sera in fundo parsimonia.

Espargner est le remede des necessitez, & la me
decine des dommages: mais elle est bien tar-
diue, quand elle vient au fond: c’estadire en
fin des biens. Petite despence & grand vigi-
lance font l’homme riche, ce dit on.

135

Fortuna innocentem sæpe de serit, at bona spes nun-
E iij [p. 70] Fac-simile de la page 70 SENTENCES.
quam.
A ce propos dit Publian:
In mali spe-
rare bonum, nisi innocens nemo solet.

Fortune delaisse souuent l’hõme de bien, mais
bon espoir iamais.

Cato,

Spes vna hominem, nec morte, relinquit.

136

Morbi fere sunt vsuræ voluptatum.

Les maladies sont communemẽt le gaing, l’v-
sure, ou interest des voluptez: c’estadire le
profit qu’elles apportent.

137

Paupertas nulli malum est, nisi repugnanti.

Póureté n’est mal, sinõ a celuy qui ne la prend
pas en gré.

Cato.

Maxima enim morum semper patientia virtus.

138

Animus cõstãs, liber est, alia fubijsciês sibi, se nulli.

Le cœur vertueux & constant, est libre: & est
par dessus tout, & nul sur luy.

139

Malum est loqui multa, sed & peius, loqui turpia.

C’est mal que de beaucoup parler: mais c’est
pis de parler choses deshonnestes.

Corrumpunt bonos mores colloquia praua,
inquit Paulus, citans Poëtam.

Cicero.

140

Non erimus in senectute sapientes, nisi iuuenes
bene [p. 71] Fac-simile de la page ET MOTS DOREZ. 71
bene sapere cœperimus.

Nous ne serons pas sages, ny sauans en vieilles-
se, si nous n’y auõs cõmencé des la ieunesse.

Cicero.

141

In senectute eruditum esse optare licet, consequi
non facile, nisi ab ineunte ætate studio & la-
bore nobis doctrinam parauerimus.

En vieillesse l[’]on peut biẽ desirer la science, mais
non pas l’acquerir facilement: sinon que
des nôtre ieune aage, par ardent & conti-
nuel labeur d’estude, nous l’ayõs ia acquise.

142

Paranda igitur, sunt iuuentuti solatia, quæ honestã
senectutem oblectare poßint: nam quæ laborio-
sa sunt iuuentuti studia, itta erunt incunda sene-
ctuti otia.

Il faut donc en ieunesse preparer les soulas & re
creations qui puissent recreer & soulager
l’honnorable vieillesse: car ce qui est l’estu-
de labourieuse à la ieunesse, sera vn doux re-
pos & solas à la vieillesse. O tresexcellente
sentence, pour exciter la ieunesse!

143

Nulla stabiliendi regni commodior via, quàm si
Rex, quasi parens liberis, ita subditis imperet.

Agasicles Roy de Sparte, disoit qu’il n’y a point
autre meilleur moyen d’establir ou entrete-
E iiij [p. 72] Fac-simile de la page 72 SENTENCES,
nir vn royaume, que quand le Roy se gou-
uerne tellement euers ses subiets comme le
pere enuers ses enfans. Sanitatis præcepta, ex schola Saler-
mitana, ad Regem Angliæ.

Si vis incolumem, si vis te reddere sanum,

Curas tolle graues, irascicrede profanum:

Parce mero, cœnato parum: non sit tibi vanum

Surgere post epulas: somnum fuge merdianum.

5

Nec mictum retine, nec comprime fortiter anum:

Hæc bene si serues, tu longo tempore viues.


Preceptes de la Santé, prins de l’escole de
medecine de Salerne, escriuant au Roy
d’Angleterre.

Si as desir de bien viure en santé,

Ne pren souci te rendant tourmenté:

Ne pren courroux, trop de vin, ny viande:

10

l’Apres-repas le proumener demande:

Sur le midi le dormir suy souuent,

Et ne retien ny ton eau ny ton vent.

Si tu veux bien ces preceptes garder,

Longue santé pourras contregarder.


De Vergile cinq Sentences.

144

Seiscitanti Augusto, quo pacto civitas feliciter
gubernaretur, Si prudentiores, inquit Vergilius,
temon [p. 73] Fac-simile de la page ET MOTS DOREZ. 73
temonem tenuerint, & boni malis præponantur.

Quand l’Empereur Auguste eut demandé au
Poëte Vergile, comment c’est que l[’]on pour-
roit bien gouuerner vne ville, il luy respon-
dit, si les plus sages, ou prudens, en tiennent
le timon, ou gouuernail, & que les bons
soyent tousiours preferez aux méchans. Au semblable
disoit Platon, quand les Philoso-
phes regneront, les regnes se porteront bien.

145

Quærenti Mecœnati, quid homini satiêtatem non
adfert? omnium rerum, respondit Virgilius, aut
similitudo, aut multitudo stomachum facit, præ-
ter intelligere.

Mecenas faisoit vne foys telle demande à Ver-
gile : Quelle chose est ce dont l’homme ne se
puisse souler? Lors Vergile respondit: de tou
tes choses la similitude ou multitude fache, si
ce n’est d’entendre, & tousiours prendre.

à ce propos dit Caton,

Discere necesses: cura sapientita crescit.

146

Il luy demanda encores,

Quo pacto quis felicem fortunam egregiè tueri po-
sit
, Comment vn personnage peut se main-
tenir en hault état, & prosperité de fortune:
& Vergile respondit,
Si quantum honore ae
E v [p. 74] Fac-simile de la page 74 SENTENCES,
diuitijs aliis præstantior sit, tantum liberalitate
ac iustisia superare nitatur.
C’est à dire, si
d’autant qu’il surpasse les autres en hon-
neurs & en biens, d’autant plus il s’efforce
d’exceller en liberalité & iustice. Car ce
sont bien les deux principales vertus requi-
ses en vn Prince.

147

Solitus erat dicere Vergilius, Nullam virtutem
commodiorem homini patientia: ac nullam aspe-
ramadeòesse fortunam, quam prudenter patien-
do vir fortis non vincax. Vnde id eiusdem car-
men est, in lib.5 Aeneidos, Quicquid erit, sape-
randa omnia fortuna ferendo est.

Vergile souloit dire, qu’il n’y a vertu plus dui-
sante, ou profitable & necessaire à l’homme,
que patience: & qu’il n’y a fortune si gran-
de, ne si contraire, que l’homme de grand
cœur, & ayant la vertu de fortitude, ne puis
se surmonter auec patience, & pourtant il a
mis vn vers au cinquieme de son Eneide, sous tel sens,

Tout ce que c’est, ou que ce pourra estre,

En endurant on en peut estre maistre.


A ce propos dit Caton en fin de son pre-
mier liure.

Maxima enim morum semper patientia virtus.
Patien- [p. 75] Fac-simile de la page ET MOTS DOREZ. 75

Patience est la maitresse des vertus, en cas des
meurs, & gouuernement, ou conuersation
de ce monde.

Tacendum sempere est, nisi cùm taciturnitas tibi no-
ceat, aut oratio aliis profit.

Il faut tousiours se taire, si ce n’est quand le
taire te pourroit nuire, ou le parler pour-
roit profiter à autruy. Et pourtant il faut
prendre en bon sens ce que dit Caton en son
premier liure, comme ie l’ay declaré sur le
mesme passage en ma traduction, que
pourrez voir,

Nam nulli taeuisse nocet, nocet esse locutum.

149

Agathocles Rex Siculus aureis vasis frequenter
figulina admiscebat, vt indicaret vel infimæ con-
ditionis hominibus per virtutem ad honores iter
patêre.

Agathocles Roy de Sicile souloit entremesler
de la vaisselle de terre parmi sa vaisselle
d’or: pour donner à entendre qu’il n’y a
homme de si bas lieu, que par vertu il ne se
puisse eleuer, & haucer en honneurs.

Hesiode.

150

Dij omnia laboribus vendunt.

Les dieux nous vendent tout par moyen de noz [p. 76] Fac-simile de la page 76 SENTENCES,
noz labeurs. C’est ce qu’on dit, Nul bien
sans peine. à quoy ie puis alleguer ces cinq
passages de la sainte escripture,

Renum cœ-
lorum vim patitur, & violenti rapiunt illud.

Puis apres,
Opera illorum sequuntur illos.

Et encores:
Non coronabitur, nisi qui legitimè
certauerit
: celuy ne sera couronné, qui n’au
ra bataillé vaillamment. Puis,
Nemo mittens
manum ad aratrum, & retro aspiciens, aptus est
regno Dei.
Et, pour la fin,
Ibunt qui bona ege-
runt in resurrectionem vitæ
, ceux qui auront
bien fait, resusciteront pour la vie eternelle.
Dieu nous face la grace d’ainsi resusciter.

Fin des sentences recueil-
lies de diuers
auteurs.
*

[p. 77] Fac-simile de la page 77

Sept vers du Poëte Au-
sone , sur sept sentences des
sept Sages. Et premierement
*

De Thales. 1.

Crux est, si metuas, vincere quod nequeas.

C’est grand mal de te tourmenter

De ce que ne peux euiter.


De Solon, 2.

Clam coarguas propinquum, sed palam laudaueris.

Repren l’ami secretement:

Et le louë publiquement.


De Chilo, 3.

Tu bene si quid facias, non meminisse fas est.

Ne me presche en effet

Le bien que tu as fait


Autrement:

Si tu fais quelque cas de bien

Pourtant ne t’en vante de rien.


De Cleobule, 4.

Quanto plus liceat, tam libeat minus.

Plus sur le peuple as de puissance

Tant moins a le greuer t’auance.


De Pi- [p. 78] Fac-simile de la page 78 SENTENCES,

De Pittacus, 5.

Parêto legi, quisquis legem sanxerus.

Obserue la Loy

Mise sus par toy.


De Bias, 6.

Quænam summa boni? mens quæ sibi conscia recti.

En quoy gist notre plus grand bien?

En n’estre coupable de rien.


De Periander, 7.

Plus est sollicitus, magis beatus.

Tant plus l’homme est haut eleué,

Tant plus de soing il est greué.


Autrement:

Plus l’homme est en état baucé,

Plus il est d’affaires pressé.


Fin des dicts des sept sages, en latin &
Francoys, & de plusieurs
autres notables
sentences.
*

[p. 79] Fac-simile de la page

ENIGMES.

Premier.

Ie suis en grand nombre infini,

Et de tresgrand’beauté garni:

De iour ie suis tout inuisible:

De nuict suis visible & duisible:

5

Et mes grans tresors ie demontre

Quand la seule nuict se rencontre.


2

Ie ne voy, ny puis voir mon pere:

Aussi le filz qu’auoir i’espere

Ne me verra, ny voir pourra,

Et si ie voy, & il verra.


3

Vn beau grand frere à sa sœur donne

De peu à peu honneur & lustre,

Puis en sa clarté plus illustre

De peu peu vous l’abandonne,

5

Ou semble bien l’abandonner,

Ostant ce qu’il voulut donner.


4

Ce que ie vey l’autre saison

Il faut que par escrit ie mette:

Assaillir vey vne maison

Qui par les fenestre se iette,

5

Les habitans demourans pris:

Chacun assaillan se delecte

Des prisonniers en grans perilz.


Hante le Françoys.