Essai
[f. A1 r°] Fac-simile de la page

Les disciples &
AMYS DE MAROT CONTRE
SAGON , LA HVETERIE , ET
Leurs Adherentz.

[Figure]

On les vend a Paris en la Rue sainct Iac-
ques, pres sainct Benoist, a l’enseigne du
Croissant, en la boutique de Iehã Morin M.D.XXXVII


[…] [f. E1 v°] Fac-simile de la page […]

In eundem Saguntinum. C. Fontaines

Dic mihi Sagunti , quæ te dementia cepit ?

Quæ tam atrox rabies te tibi surripuit ?

Quis furor insanus, quis te furor impius egit,

Scribendo nomen cõmaculare tuum ?

5

Ah scripsisti in eum quẽ Gallia tota poetam

(Vt rumpare odio) gaudet habere suum.

Nũ tibi Borbonius , Macrinus , et ipse Doletus

Sunt tandem visi stringere in hunc calamum ?

Quin illi vatem vates (vt rite poetam

10

Addecet) ornarunt laudibus immodicis.

Scripsisti solus : solus dicere poeta.

Scilicet hoc meruit scriptio sola tua. Nous proposons la traduction suivante : « Dis-moi Sagon, quelle est cette folie qui s’est emparée de toi ? Et quelle est cette rage si tenace qui t’a dérobé à toi-même ? Quelle est cette fureur démente, cette fureur impie qui t’a poussé à salir ton nom en prenant la plume ? Ah, tu as écrit contre celui que toute la France se réjouit de considérer comme son poète, si bien que te voilà brisé par la haine. Mais enfin, n’as-tu pas réalisé que Bourbon, Macrin ou Dolet lui-même ont fini par dégainer leur plume en sa faveur ? Plus fort encore, ces chantres ont gratifié (comme il convient à juste titre pour un grand poète) ce génie de louanges infinies. Tu as écrit dans ton coin ? Tu seras le seul à te reconnaitre comme poète. Voilà en définitive tout ce que mérite ton écriture isolée ».

FINIS.

[f. E2 r°] Fac-simile de la page

❧ EPISTRE A SAGON ET A
la Hueterie , par C. Fontaines .

Q Vant i’ay bien leu ces liures nou-
 uelletz,

Ces chantz royaulx, epistres, ron-
 deletz,

Mis en auant par noz deux secretaires,

Qui en rymant traictent plusieurs affaires,

5

Ie leur escry par moyen de plaisir,

Sans leur vouloir ne mal ne desplaisir :

Car raison veult que ie les aduertisse

Qu’ilz n [’ ]ont pas eu du poete notice

Qui dit qu [’ ]on doyt garder ses vers neuf ans,

10

Pource qu’on doit craindre flottes & vens

Lors qu’on trãsporte & qu’õ mect en lumiere

Des escriuans leur ouurage premiere :

Laquelle il fault reueoir diligemment,

Et de plusieurs auoir le iugement.


15

Celluy est sot, qui son imparfaict œuure

A toutes gens impudamment descœuure.


Plusieurs scauans disent, qui sont ces veaulx

Qui a rymer se rompent leurs cerueaux ?

Il semble a veoir quãt leur ryme on entonne,

20

Que tout par tout la ou on l’oyt, il tonne.

Tour leur escript est rude, estrange, obscur,

Tant l’un & l [’ ]autre est en sa veine dur.

Il est bien vray, que cest art d’escripture

E2 [f. E2 v°] Fac-simile de la page

Est bien seant quant on l’a de nature:

25

Ce qu’on congnoist a la facillite

De motz & sens, ou gist docilite.


C’est commũ dict, On ne fait rien qui serue,

Quand on le faict bongre malgre Minerue.

Ce que les gens d’esprit & de scauoir

30

Facillement peuuent aparceuoir.


On voyt tãt biẽ vne œuure qui sent l’huille,

Ou esuentee, & seche comme thuille.

Il est facile a discerner les vers

Qui n’ont point vie, & gisent a l [’ ]enuers.

35

Il est facile, on le sent a la trace,

Quant aucuns vers viennent de bonne race.


Ie ne veulx pas pourtant les abaisser,

A celle fin de mon stille haulser :

Car ie congnoys la petite science

40

Que dieu me donne, & pren en patience :

Mais seullement ie veulx mettre en auant

Le iugement de maint homme scauant,

Et de plusieurs que leurs maistres seroient

Quant en cest art leur plume adresseroient.


45

Ie ne veulx donq trencher du paragon,

Pour me montrer ennemy de Sagon.

Ie ne pretendz ne plaid ne huterie

Auec Sagon , ne la Hueterie  :

Ce non obstant, s’ilz en veulent a moy,

50

Ie n’en feray (ce croy ie) en grand esmoy :

[f. E3 r°] Fac-simile de la page

Car ie veoy bien a peu pres que leur veine

Est vng petit trop debile, & trop vaine

Pour bien iouer : Cela tres bien ie scay

A veoyr sans plus leur poure coup d’essay.


55

Si dessus moy leur chollere s’allume,

La dieu mercy, nous auons ancre & plume

Pour leur respondre ung peu plus sagement

Qu’ilz n’ont escript tous deux premieremẽt.


Que bien que mal, selon noz fantasies

60

Nous escriuons souuent des poesies :

Si ne suffist d’escrire maint blason,

Mais il conuient garder Ryme & rayson.

Ryme & rayson, ainsi comme il me semble,

Doiuent tousiours estre logez ensemble.


65

L’homme rassis doit son cas disposer

De longue main, auant que d’exposer

Son escripture, & ses petis ouurages

Dessoubz les yeulx de tant de personnages

Dõt plusieurs n’ont mis en ieu leurs volumes

70

Cõbien qu’ilz soiẽt faictz d’excellẽtes plumes

Tãt moins doyt on faireun’ [sic pour faire un’ ] œuure imprimer

Ou il y a grandement a lymer.

Il fault souuent y approcher la lyme,

Auant qu’il soit permis que l [’]on l’imprime :

75

Car les scauans disent, Bren du Rymeur,

Pareillement merde pour l’imprimeur,

Lequel nous vient cy rompre les ceruelles

[f. E3 v°] Fac-simile de la page

De ses traictez ne vallans deux groselles.

Tiltres haultains ne nous font qu’abuser

80

A celle fin qu’on y voise muser.

Il n’y a point de plaisir en leur muse

Non plus qu’au son de vieille Cornemuse.


Ie n’eusse pas pense que de six ans

On eust peu veoir de si sotz Courtisans

85

Qui eussent eu la plume si legiere

Qu’elle auroit peur de demourer derriere

On iugeroit que ces compositeurs

Sont aussi tots poetes que orateurs.


O Courtizans, vostre veine petite

90

Pour bons Rymeurs va ung petit trop viste.

Non faict, que dis ie ? Ains pour le faire court,

Il fault ainsi auoir bruit en la Court.

Vng bon Rymeur qui a l’experience

Que de nature il a ceste science,

95

En second point il ne doyt tant errer,

Qu’il n’ayt pouoir de sa main temperer,

A ce que par quelque maniere lasche

Dessus aultruy ses aiguillons ne lasche

Effrenement l’assaillant le premier.

100

O le beau faict que l’on doyt premyer.


Ie ne vy oncq depuis que suis en vie,

Escrire plus d’ardeur, gloire, & enuye.

Certes l’escript le plus a detester,

C’est par ranceur mesdire & contester.

[f. E4 r°] Fac-simile de la page 105

Celluy lequel aguyse ainsi son stille,

Doyt a bon droict estre appelé Zoyle .


Tu monstres bien ta malle affection

A l [’ ]affligé donnant affliction.

Ce n’est pas la, ce n’est pas la la voye

110

Pour paruenir a honneur & a ioye.

Communemẽt de tel commencement

On n’en voyt pas fort bon auancement.

S’en est bien loing, il y a trop a dire

Qu’on vienne a bien par blasmer & mesdire.


115

Certes auant qu’il soyt iamais dix ans,

On monstrera au doy les mesdisans.

Desia on dit, de la Hueterie

Et de Sagon ce n’est que flaterye.

A l’entour deux de cent pas on la sent :

120

Ie l’ay desia bien ouy dire a cent.

Sage n’est pas celluy qui se soulace

A dire mal pensant acquerir grace,

Et mesmement qui dit mal de celluy

Qui ne s’endoubte [sic pour s’en doubte], & est bien loing de luy

125

Dont il pretend auoir le lieu & gaiges.

Mais beau temps vient apres pluye & orages.

Facilement, & sans prendre grand soing

On dit du mal de celluy qui est loing,

Que l’on pourroit auoir en reverence

130

Pour son scauoir, quand il est en presence.


Quand telles gens se cuydent auancer,

[f. E4 v°] Fac-simile de la page

Lors on les voyt tant plus desauancer.


Il ne fault pas par moyen deshonneste

Penser venir a quelque fin honneste :

135

Et qui a il plus loing d’honnestete,

Que de mesdire auec vne asprete ?


Voyla comment, pour le mieulx, a ce cõpte

De vostre faict n [’ ]en peult sortir que honte

Et deshonneur, si vous n [’ ]estes comptez

140

Pour gens qui sont desia tous eshontez,.[sic]


Ie m’esbahys comment tu as peu estre

Si aueuglé de te prendre a ton maistre.

Vous en deussiez tous deux mourir de dueil :

On le congnoist, & au doid, & a l’œil :

145

D’autant s’en fault que la vostre Marotte

Ne luy resemble : elle est trop ieune & sotte.

Vng peu trop tost vous voulustes frotter

De l’ensuyuir pour contremarotter.


L’un va rymant la fere contre affaire,

150

Et l’autre aussi frere contre desplaire :

L [’ ]autre par trop les oreilles m’offense

Quant pour allume a voulu dire accense.

L [’ ]autre redit moictie & amytie

En douze vers, & moins de la moictie.

155

L [’ ]autre descript apres dieu scet comment

Vng chascun ciel & chascun Element,

L’astronomie, aussi l’astrologie,

Vous la diriez estre par eulx regie,

[f. F1 r°] Fac-simile de la page

Maistre & remectre, aussi cueurs & obscurs

160

Ce sont beaux motz, mais en ryme il[sic pour ils] sõt durs


Et puys on veult pour agreable auoir

Œuure tant sot, & malplaisant a veoir.

Tantost apres vingt & deux Si arriuent,

Qui pas a pas l’un l’autre s’entrefuyuent.

165

Puys Sagon fonde en docteur Arcadique

Quatre raisons sans texte euangelicque.


Aussi plusieurs personnages diuers

Oncques n’ont peu m’exposer ces deux vers

Ton mal penser, mect bien loing ta pensee

170

Pres du soucy de ton ame offensee.


Pres & bien loing, s’entresuyuent tresmal,

Aussi sent il troubler l’esprit vital,

Et cela vient de trop d’audace prise,

Qui de plusieurs pourroit estre reprise.


175

Ce nonobstant, par telle folle audace

Nul d’eux ne quiert que d’estre mis en grace :

Ce qui leur est chose plusqu’impossible.

Que s’il m’estoit par bon loysir possible,

I’auroys assez pour esmouuoir maintz cueurs

180

Des sotz propoz de ces Rhetoriqueurs.

Ne scay si bons la Commune les clame,

Mais ie scay bien que tout scauant les blasme.


Voyla que c’est, noz compositions

Veulent regner par noz affections.

185

Ie n’ay loysir plus auant m’entremectre,

Fj [f. F1 v°] Fac-simile de la page

Mieulx mevauldroit [sic pour me vauldroit] ẽtreprẽdre autr e [sic pour autre] mettre

Ou l’on pourroit cuyllir quelque bon fruict :

Car ie ne veulx comme eulx acquerir bruict :

Mais ie scauroys voulentiers quel hõme est ce

190

Qui m’asseurast en sa foy & promesse

Qu’il auroit peu tirer ung seul prouffit

De ces traictez que l’un & l [’ ]autre feyt

Tant froyds vers dieu, vers le mõde & l [’ ]eglise

Tant seulement chascun deux tempor ise [sic pour temporise]

195

A celle fin d’obtenir quelque don.

Leur stille est doulx, voyre cõme ung chardõ :

Ce nonobstant cuydent en ceste sorte

Que de l’honneur & prouffit il en sorte.


Hõme ne doyt s’entremectre en quelq̃ art

200

Duquel iamais n’entendit bien le quart


FINIS.