Essai

SOMMAIRE

[p. 1] Fac-simile de la page


EPITOME DES
cinq Liures d’Artemidore,
ancien autheur,
& le plus renõmé, traitant des
Songes.

Traduiz en François par Charles
Fontaine.

Plus vn brief recueil de Valere Ma-
xime , touchant certeins songes.

A LION,
PAR IAN DE TOVRNES. M. D. LV.
Avec Priuilege du Roy.



[p. 2] Fac-simile de la page

Extrait des Lettres du Priuilege
du Roy.

Par grace, & priuilege du Roy, est permis à Ian de
Tournes imprimeur & libraire de Lion, d’imprimer ou
faire imprimer vn Liure intitulé Epitome des cinq
liures d’Artemidore, ancien Auteur & le plus re-
nommé, traitant des Songes : auec vn brief recueil
de Valere Maxime, touchant certeins Songes.
Et fait defenses de par ledit Signeur, à tous Libraires,
Imprimeurs & personnes quelconques, de non impri-
mer
ne faire imprimer, vendre ne distribuer en ses païs,
terres & signeuries, ledit Liure susnommé, sans le
vouloir & consentement dudit Tournes, sur les peines
contenues esdites Lettres de Priuilege : & ce, iusques au
tems & terme de dix ans, à conter du iour & date de
la premiere impression, comme plus à plein est contenu es-
dites Lettres de Priuilege, sur ce donnees à S. Germain en
Laye le xv. de Iuillet. L[’]an de grace 1555.

Signé Fizes. Et seelé du grand seau, en cire iaune.



[p. 3] Fac-simile de la page 3

LE TRADVCTEVR
A QVELQVE PERSON-
NAGE D’AVTO-
RITE’.
*

I  E VOVS auois dernierement
  promis de rechercher mon Translat
  de Duel (autrement combat parti-
 culier) que i’escriui estant auec vous
  à Turin, à fin que le fisse imprimer
  auec l’Epitre liminaire adressante
  à vous: mais apres auoir diligem-
ment tourné & reuiré mes liures & copies, ne l’ay on-
ques pù trouuer, dont i’ay esté bien faché. Comme ce n’est
le premier de mes labeurs que i’ay perdu, entre tant d’a-
lees & de venues, tant de maladies & d’afaires. Or ce
nonostant des lors ie pensay de vous faire present d’un au[-]
tre Translat que ie ferois tout de nouueau, à fin que par ce
connoissez la perseuerance de mon vouloir enuers vous.
Et ay entre autres liures choisi celui d’Artemidore an-
cien & bien renommé entre ceus qui ont iamais traité de
la matiere & efet de Songes: lequel ha esté traduit de
notre tems par un sauant Medecin & Filozofe, & mis
de Grec en Latin. Dudit euure Latin i’en ay traduit en
notre langue le premier liure, comme par maniere d’Epi-
tome. Car ce que i’ay vù qui ne couenoit à notre tems,
& qui n’estoit necessaire, ie l’ay laißé: ainsi que sont plu-
a 2 sieurs [p. 4] Fac-simile de la page 4 EPITRE
sieurs supersticions des Payens, qui seroient ridicules à pre-
sent. Lequel premier liure ainsi par moy traduit, ie vous
ofre presentement: estimant que ce Translat & petit la-
beur ne me conuient point mal. Car les Songes außi &
interpretacion d’iceus semblent conuenir particuliere-
ment, & par une prerogative aus Poëtes: à cause qu’à
leur Apolon (dont notre Auteur se vante, ou assure auoir
inspiracion & commandement, ou contreinte de commen-
cer cette euure) est atribué & dedié, non seulement l’art
Poëtique, mais außi la science & interpretacion des Son-
ges, & l’intelligence & prescience des choses futures.
Ainsi il ne vient point mal à propos apres mon liure
d’Epigrammes que ie vous ay presenté dernierement. Da-
uantage, mon auis & raison estoit telle, que ce Translat
außi ne viendroit point mal apres mon Translat de la
Chiromance, qu’auez vù, & lequel vous usse adreßé,
n’estoit que ie doutois: par ce qu’aucunes gens ne font pas
cas de ces Pronostiques. Maus puis apres conoissant par
votre propos, qu’ußiez bien pris que ie vous l’usse adreßé,
ie n’ay fait dificulté de vous adresser l’euure presente, &
aucunement reconnoitre ma faute. Car l’Auteur Latin
n’auoit pas fait dificulté d’adresse son euure au Marquis
de Mantoue. Et außi de regeter du tout les Pronostiques,
autrement sciences diuinatrices, seroit condanner & re-
prouuer une bonne partie de la Filozofie. Ie laisse les rai-
sons qui ont esté deduites, & debatues par Tiberte, par
Dryandre, par maitre André Corui, & autres. Il est tout
certein qu’Aristote, entre les Filozofes le plus renommé,
ha traité de la Fizionomie, ha parlé de la Chiromance,
ha escrit des Songes, ha composé de l’Astrologie: qui sont
toutes [p. 5] Fac-simile de la page LIMINAIRE. 5
toutes sciences aucunement diuinatoires, c’estadire, iudica-
tiues & denonciatives. Ausquelles certes ie ne voudrois
aiouter telle foy, comme à choses certeines & infalibles.
Mais pource que les choses superieures (ou plustot Dieu
mesme) meuuent & gouuernent les inferieures, de sorte
que communément & par raison naturelle, & par ex-
perience d’une infinité de tems, de telle cause vient &
est produit tel ou tel efet, lon ne peut faillir de soy exercer
à connoitre & entendre les choses secrettes en la nature,
autant que Dieu & Nature nous le permettent. Et est
vraysembable, ou plustot veritable, ce que tiennent les
Filozofes: Que Dieu & Nature n’ont rien fait & ne font
rien sans cause. Et ie croy, que bien souuent Dieu nous
auertit de choses qui nous touchent, & notre honneur,
salut, & santé: par sines, visions, songes, & autres moyẽs
qu’il lui plait: ausquels si nous pensions bien, nous &
nos afaires s’en porteroient trop mieus. Comme auint
auertissement par Songe auant la destruction de Troye,
& auant la mort de Cesar. Et qu’y ha il plus honneste,
plus saint, & plus aprochant de la diuinité, qu’autant
que l’esprit humein le peut porter, connoitre & entendre
une partie des choses à venir, sans ofenser Dieu? ains par
moyens des causes & sinificacions precedentes, qui nous
sont par lui enuoyees? Ce qui est propre seulement à
l’homme, qui ha vsage de raison, par laquelle il peut
discerner & iuger des choses à venir, ainsi comme dit
Ciceron. Außi de ce tems heureus du Roy François (Roy
en toutes graces & perfeccions bien né, sous lequel sont
nees derechef & entrees au monde les bonnes lettres)
nous auons l’art de Fizionomie, Chiromance, Astrologie
a 3 mieus [p. 6] Fac-simile de la page 6 EPITRE
mieus & plus correctement imprimé, que depuis deus
cens ans: & par son autorité & commandement nous
voyons toutes sciences se resiouir & renouueler.

Mais ie retourne à mon propos. Artemidore Daldian
(ainsi nommé à cause de la petite vile ou bourgade dont
estoit sa mere, qui est situee en Lydie, region d’Asie, à
à present Turquie: laquelle vilette nomee Dalde, il ha
voulu ainsi honorer & renommer du titre de ce Liure,
en l’honneur, reconnoissance, & reuerence de sa mere:
car de lui il estoit Efesien, c’estadire, natif de la vile d’ E-
fésè , pres le païs de Grece, ou l’Apotre saint Pol adressoit
une sienne epitre. Et außi Artemidore en toutes ses au-
tres euures metoit au titre: Artemidore Efésien: mais
en cetui il ha voulu mettre Daldian, pour raison que
dessus,) ha esté fort sauant de son tems, & entre au-
tres sciences, principalement fort studieus des Songes: de
sorte qu’il ha voulu visiter plusieurs päis, & s’est trouué
es viles, vniuersitez, & assemblees de Grece, d’Asie &
d’Italie, & aux Isles grandes & fameuses, seulement &
expreßément pour sauoir, pour enquerir, & disputer de
l’interpretacion & efet des Songes. En quoy il ha esté si
excellent, qu’il ha par tout esté le bien venu, voire iaçoit
que les Vaticinateurs ussent quelquefois esté chassez, ce
nonostant il ha esté ouy, & reçu, & en ha parlé &
disputé pleinement & publiquement: ha conuersé auec-
ques eues en honneur, & par longues annees hors de son
païs. En quoy apert la grand’ vertu de son courage, qui
n’estoit point adonné aus grandes auarices & ambicions
de ce monde, entreprenant si grans voyages auecques si
grans fraiz seulement pour aquerir honneur & renom
ioint [p. 7] Fac-simile de la page LIMINAIRE. 7
iont à vertu: c’est d’aporter ce proufit à la posterité,
que de recherche les choses secrettes en la nature des
Songes, & nous les esclarcir & rediger par escrit. Certes
il getoit l’œil beaucoup plus loin que sur sa vie & sur
son tems, ayant ce bon & vray iugement, qu’il n’y ha
honneur, ne vie longue que celle qui est aquise par lettres
& sciences. Et auiourdhui s’il s’en trouuoit quelcun qui
voulust ainsi consumer ses biens, & vser son corps en
voyages lointeins, seulement pour aquerir sauoir sans
proufit, lon s’en moqueroit comme d’un fat. Seulement on
ha egard s’il y ha bonne trafique, ou s’il y ha moyen d’au-
cun proufit pour se faire riche & ses enfans. Außi apres
la mort de telles gens qui n’ont regard qu’au vil metal,
& à la terre, leur honneur auecques toutes leurs acquisi-
cions & tresors, c’est un honneur de trois iours. Mais no-
tre Artemidore vit encores en honneur apres plus de
trois fois trois cens ans, qu’il est mort, & lon parle encores
& parlera lon de lui par tout l’uniuersel monde. Il es-
criuit de cette matiere des Songes apres plusieurs, comme
estoit Apollone, Alexandre Mynde, Aristandre, Pa-
nyase , Antiphon, Nicostrate Efésien, Artemon Misé-
sien & Phebe Antiochien, & plusieurs autres: en quoy
il les ha tous passez si bien, qu’il nous est quasi tout seul
demouré.

Des Songes qui apartiennent à une Republique, com-
munauté, ou police, il est d’auis qu’ils ne s’aparoissent
point à un homme particulier & de bas estat seulement:
mais bien aus Rois, Princes, Gouuerneurs, Chefs &
Capiteines: & en ce il parle avec Homere. Ou bien ils
s’aparoissent à plusieurs de bas estat, qui les raportent &
a 4 recitent [p. 8] Fac-simile de la page 8 EPITRE
recitent publiquement auant que sortir son efet.

Außi pareillement il est d’auis, & conseille ne pren-
dre égard au Songe dont on ne se souuient entierement,
mais avant de se ingerer d’interpreter, veut que lon ait
parfaite souuenance du commencement, du milieu, & de
la fin du songe, & de toutes les circonstances, à fin d’en
estre plus seur, & mieus discuter la matiere. lon scet par
faute de ce, comment il en est pris au Colonel Amilcar.

Außi veut que lon regarde aus qualitez des person-
nes, selon lesquelles les songes sortissent diuers efets: ainsi
comme verrez au liure. En quoy errent grandement
ceus qui ont voulu traiter brieuement & rediger cet art
en reigles generales: comme i’en ay bien connu quelcun
de ce temps. Contre lesquels notre Auteur escrit, & les
pique quelquefois aigrement, soy armant tousiours de rai-
sons coniointes auecques experience. Et certes (à propos
d’experience) i’ay memore d’auoir songé estant auecques
vous delà les monts, depuis außi à Ferrare, & à Veni-
se , certeins Songes concernans mes afaires, dont i’ay con-
nu, estant de retour en France, l’efet estre auenu confor-
me à l’interpretacion de notre Artemidore: & encores
außi depuis par plusieurs & diuerses fois. Ce qui m’a
grandement incité à le traduire, & augmenté l’afeccion
de le vous ofrir. Car ie ne fay doute, que quelquefois qu’il
vous plaira y auiser, ne trouuiez semblablement l’ex-
perience conforme à l’exposicion du Liure: à laquelle expe-
rience notre Artemidore se renge tousiours, & de la-
quelle experience il ose bien vanter par dessus tous ceus
qui ont escrit parauant lui.

Du tems & heure, que les Songes qui emportent efet
se [p. 9] Fac-simile de la page LIMINAIRE. 9
se voyent, ie serois bien d’auis auecques Ouide, que c’est
sur le point du iour, ou depuis la minuit. Car iusques en-
uiron la minuit tous les sens, & vertus corporelles sont
ocupez à la digestion du souper, qui dure aus uns plus, aus
autres moins selon la force & debilité, chaleur ou froi-
deur de l’estomac: & ce tems pendant l’esprit ne peut
vaquer à faire grandes choes, atendu ledit empesche-
ment & trauail de la digestion. Mais depuis la digestion
faite, que les sens sont en bon repos, l’esprit qui tousiours
veille, alors plus facilement trauaille, feint, forme, & re-
presente des choses merueilleuses au salut & honneur de
son hoste: lui enuoye, & montre comme en un miroir,
certeines forems, figures, especes de visions & imagina-
cions des maus & biens passéz ou à venir.

Hero songeoit sur le point du iour, qu’un Daufin agité
des ondes de mer, fut geté mort sur l’arene. Ce qui sinifioit
la mort de Leandre, qui fut miserablement sufoqué des
ondes, & geté ainsi la mesme nuit au riuage. Toutefois
notre Artemidore est d’auis que l’homme sobre & tran-
quile puisse voir les Songes qui sortiront efet, non seule-
ment à la minuit & deuant la minuit, mais außi de iour.

De la cause des Songes, Aristote doutoit si elle est en-
uoyee de Dieu en notre esprit, ou si elle y est naturelle-
ment: & ce n’est point sans raison qu’il en doutoit: Car
les songes qui emportent efet, & qui pareillement sont
vuz par gens peu chargez d’afeccions en leur esprit, &
außi de viandes en leur corps, certes c’est une chose à
merueilles haute & secrette, & beaucoup plus diuine
que lon ne pense pas. Et ce n’est point sans cause, que le
Filozofe Platon apeloit l’homme le miracle, ou bien les
a 5 merueill [p. 10] Fac-simile de la page 10 EPITRE
merueilles de Dieu. C’est ce que le poëte Virgile dit, que
les esprits ont une Vigueur spirituelle & celeste origine,
laquelle ils exercent & mettent en efet, d’autant que les
corps (qui sont sugets à plusieurs maus, & qui sont com-
me une prison des esprits) ne les retardent & empes-
chent point. Ce qu’il ha pris de Platon, lequel außi veut
que nous reuerions notre esprit, comme une chose sacree,
en suiuant Pythagore. Et au quatrieme & cinquieme li-
ure de ses loix, demontre, tient & aferme que l’estat
& police d’une vile, la forme d’une Republique, la con-
stitucion des loix, ne sont autrement aprouuez que par
Oracles, qui sont responses & reuelacions de Dieu, soit
par Songes, Visions, ou autres moyens. Et dit que nos
esprits, s’ils n’estoient tant distraits, & que de toute leur
force ils ussent leur accion & intencion à certeine chose,
ainsi que le feu de toute sa force & intencion brule, ils fe-
roient des choses plus merueilleuses & plus miraculeuses
que ne sont les Elemens ny le Ciel. Et de cette opinion sont
außi Auicenne & Aglazele, en cet endroit Platoniques.
Il apert donq que ce que Caton ha escrit:

Somni ne cures,

ne fait contre nous. Car il declare puis apres de quels Son-
ges il entendoit, en aioutant:
Nam mens humana quod optat,
Dumvigilat sperans, persomnum cernit idipsum.

par laquelle adicion il s’expose, donnant clerement à en-
tendre qu’il defendoit prendre auis aus Songes qui se font
par afeccion & apetit charnel. Comme vn Vsurier qui
songeroit apres l’or & l’argent: un paillart apres sa
paillarde: & autres semblables choses que lon auroit
souhait [p. 11] Fac-simile de la page LIMINAIRE. 11
souhaitees. Ce que reprouue fot notre auteur Artemi-
dore , en disant que les Songes qui emportent quelque efet,
& qui sont de Dieu, sont bien autres que l’efet & que
l’experience d’iceus. Et au contraire, que les Songes qui
sont confirmes aus afeccions & pensees, sont autant (par-
lant à propos) que rien, & n’y faut prendre aucun auis.
Certes ie croy bien, qu’un paillart ordinaire, un usurier,
un enuieus, un ambicieus, un yurongne ne verra pas
communément Songe qui concerne l’honneur, le salut,
& profit ny de soy ny des siens, ny de la Republique: mais
l’homme de bien, vertueus, pur & net (autant qu’il est
permis à la fragilité humeine) i’estime que cetui là
quelquefois verra & interpretera Songes & visions au
salut, honneur, & profit de soy, des siens, & de la Repu-
blique: d’autant que son esprit est moins retenu, lié, &
souillé auec l’acointance du corps.

En la sainte escripture nous en auons experience au vieil
& nouueau Testament, de Ioseph fils de Iacob, & de Io-
seph espous de la Vierge Marie.

Saint Pierre au seonc chapitre des Actes des Apo-
tres, recite la profecie de Ioël, par laquelle il demontre
que ce n’estoit point chose nouuelle, si Dieu enuoyoit des
Visions & Songes. Il y ha d’autres passages que ie laisse
aus Theologiens.

Quant aus Histoires humeines, on y ha beaucoup vù
d’issues & experiences des Songes: comme de la mere de
Virgile, qui songea quand elle estoit enceinte de lui, qu’el-
le voyoit croitre une branche de Laurier: & elle enfan-
ta un Poëte à qui on atribue la couronne de Laurier.

Außi la mere de Paris, qui songea qu’elle enfantoit
un [p. 12] Fac-simile de la page 12 EPITRE
un flambeau ardant qui bruloit tout le païs: ce qui auint.
Car Paris, dont elle estoit enceinte, fut cause de la ruïne,
arsure & destruccion de Troye, ainsi qu’auoit predit &
interpreté sa seur Cassandre: à laquelle, ce nonostant, lon
n’aiouta point de foy, dont tresmal en print, non seulement
au Roy & Royne, pere & mere dudit Paris, mais außi à
tout le Royaume: dont la grande destruction miserable est
encores auiourdhui en bruit.

De Socrate, qui songea voir en son giron un petit Cine
à qui les plumes croissoient, & qui incontinent les esles
estendues & volant en haut, chantea un chant dous &
harmonieus: Et le lendemain Platon lui fut amené pour
estre son disciple: qui par son savoir ha volté haut, & par
son eloquence ha chanté doucement.

Du Roy Astiage, qui songea quand sa fille estoit encein[-]
te, qu’il voyoit proceder de la nature d’icelle une vigne,
croissant si fort que ses rameaus couuroient toutes les re-
gions de son domaine. Ce qui auint: car elle engendra
Cyre le grand Roy de Perse, qui fut maitre & signeur
de tous ses païs. Ie pourrois encore alleguer de Filippes de
Macedone, pere du grand Alexandre, dont Aristandre
Filozofe interpreta le songe, selon laquelle interpretacion
auint.

De Ciceron, d’Hannibal, de Calphurnie, & plusieurs
autres, qui ont eu des Songes, & des Visions nocturnes,
dont les efets sont auenus, comme en font foy meintes &
diuerses histoires: mais pour cause de brieueté ie m’en
deporteray. Ie me tais außi du songe de Scipion en Cice-
ron , & du Filozofe Socrate en Platon: car ie voy que
cette epitre est paruenue à bonne & iuste longueur, &
beaucoup [p. 13] Fac-simile de la page LIMINAIRE. 13
beaucoup plus loin que ie ne pensois: mais le fil de l’oraison
m’a mené si loin. Seulement ie diray, qu’il me semble,
que ce seroit trop grand mespris, & parlé en homme bru-
tal, vouloir dire que toutes Visions & Songes de toutes
personnes sont choses vaines, & de nul efet. Ce qui ha
desia aucunement esté prouué faus cy dessus, tant par li-
ures & histoires diuines que humeines. Et croy que ce
seroit arguer contre Dieu & la Nature, & contre la pro-
uidence, & faire iniure à l’esprit de l’homme, qui est (à
vray dire) le miroer des choses diuines, en le faisant tous-
iours & du tout inutil, vagabond, vein & oisif, quand
le corps repose: qui est adonques qu’il semble mieus réner
en sa force & vertu, & en sa noblesse spirituelle apre-
hensiue & intellectuelle.

Si me vengeray auec Socrate, qui dit que l’homme de
bien, soit vif soit mort, est entre les mains de Dieu: le-
quel prent toutes ses afaires en main, en ha soin & sou-
ci, les dispose à son vouloir, & l’en auertit par plusieurs
voyes secrettes & ocultes, ainsi qu’il lui plait. Et diray
encor ce mot, que les Songes sont vne chose d’autant
plus diuine que la Fizionomie, Chiromance, Pedomance,
Astrologie, qu’ils sont faits par l’esprit seul. Les Mede-
cins außi font cas des Songes: car par iceus iugent &
connoissent quelquefois la qualité & quantité des hu-
meurs qui dominent, la source & cause, brieueté &
longueur des maladies.

Ie ne doute point que quelques gens de prime face quand
ils liront en ce liure, l’estimeront chose vaine & curieu-
se: Car moymesme quelquefois i’en disois bien autant: &
auparauant que i’usse vù le Liure i’en pensois autant,
& peu [p. 14] Fac-simile de la page 14 EPITRE LIMINAIRE.
& peu de tems apres que i’en eu lu quelque partie: Mais
depuis que auec grand tems & longues saisons i’ay con-
féré les choses auec l’experience, tant en moy qu’en autrui,
ie ne puis que ie ne porte reuerence & admiracion & à
l’euure & à l’ouurier.

En cet endroit feray fin de ce Proëme long & facheus,
priant, Monsigneur, que puissiez tant songer & songner
au bien, defense, honneur, & augmentacion du
Royaume, que votre bien & honneur aille
tousiours en croissant, comme il fait, de
sorte que quelque iour le voye
encor redoublé par la libera-
lité de notre tresnoble,
et trespuissant Roy
de France tous-
iours flo-
rissant.
*



[p. 15] Fac-simile de la page



A la nacion Françoise, Charles
Fontaine, Salut.

[Fleuron]

Ces iours passez tu as vù de mes Vers,

Que tu reçuz auec tant bonne grace,

Que mes labeurs prendront leur cours deuers

Ton œil benin, & tant humaine face.


S’il te plait donc ton cœur ce bien me fasse,

(Dont le bon veuil ie veus, plus qu’autre chose)

C’est qu’à present, te quiert cette Prace,

Comme mes Vers tu reçoiues ma Prose.


HANTE LE FRANÇOIS.



[p. 16] Fac-simile de la page









[Fleuron]









[p. 17] Fac-simile de la page 17

PREFACE DE
L’AVTEVR

[Fleuron]

P  AR plusieursfois i’ay ia eu vouloir
  & desir sans aucun d’oute de mettre
  la main à cette euure: mais i’ay diferé
  iusques à present, non point par las-
 cheté, ou legereté de courage, ains
plustot pour la hautesse des speculacions, & mul-
titudes des choses. Ioint aussi la creinte de la con-
tradiccion, & blame des gens, mesme de ceus les-
quels, ou ne croyent point qu’il y ait de prescien-
ce, & nient le prouidẽce de Dieu, ou qui n’y pren[-]
ne plaisir: ains quierent autres sciences, & occu-
pacions. Toutefois maintenant la presente ne-
cessité, & vtilité, laquelle ne s’estend pas seule-
ment à nous, mais aussi à ceus qui viuront apres
nous, m’a tellement cõtreint, que ie ne veus plus
atendre, douter, ne diferer d’escrire les choses que
ie cõnois par experience. Et ie ne croy que i’ay bien
la sufisance, & assez ample, pour repousser & con[-]
ueincre par les témoignages des efets, issues, &
experiences mises en auant, tant ceus qui veulent
nier la prescience & vaticination, comme de con[-]
b firm [p. 18] Fac-simile de la page 18 PREFACE
firmer, quasi par medecin salutaire, ceux que ia
en vsent, mais par ce qu’ils n’en ont pas certeine
connoissance, ils s’y sont trouuez abusez, & y ha
doute, & danger qu’ils ne la desprisent, & delais-
sent. Car la plus grand’ partie de ceus qui iusques
à ce tems ont escrit, esperans louenge par leurs
euures, & seulement pensans auoir renom s’ils
escriuoient de l’interpretation des Songes, ont
conferé par ensemble les exemplaires & traitez
de cette matiere, exposans les choses qui auroiẽt
esté bien escrites par les anciens: ou aioutans
maintes choses non vrayes à ce peu qu’il auoiẽt
tiré, recueilli & apris d’iceus: Car non point par
experience, mais sans premediter ont escrit om-
me il leur venoit à la fantasie, ou comme il leur
estois auis. Et de telles gens les aucuns ont tous
luz les anciens, mais non entẽduz du tout, pour
leur antiquité, & ia corrompuz: les autres ne les
ont pas tous luz. Mais moy & de grand cœur
& labeur, i’ay quis & recherché tous liures de l’in[-]
telligence des Songes, & quand mesme tous les
Vaticinateurs estoient dechassez par les graues
& seueres personnages, i’ay toutefois, & ce non-
ostant, conuersé auec ceus qui s’estiment sages
& seueres sans calonnie ny facherie aucune, par
plusieurs annees, en Grece, & par les Viles & con[-]
gregacions. Et dauantage en Asie, & en Italie, &
aus Isles fameuses & peuplees: A cette fin & in-
tenc [p. 19] Fac-simile de la page DE L’AVTEVR. 19
tencion seulement, que i’entendisse, & connusse
les antiques Songes, & l’experience d’iceus: Car
ie ne pouuois pas autrement estre fait, & experi-
menté en cette matiere. Dont est auenu que i’en
puis bien amplement dire de tout en particulier,
& possible plus que l[’]on ne penseroit: & de sorte
qu’en recit de la verité, ie ne seray point trouué
menteur. Et des propos que ie tiendray, i’en donn-
neray raison & demõstracions euidentes, & que
tout le monde pourra entẽdre, par les cho-
ses simples, communes & manifestes,
sinon que la chose fust de soy si
facile qu’il ne seroit be-
soin d’en amener
raison, & in-
terpreta -
cion.

*
b 2
[p. 20] Fac-simile de la page 20

EPITOME
DV PREMIER LIVRE
D’ARTEMIDORE.

Des Songes speculatifs, & allegoriques,
ou sinificatifs

D  ES Songes, les aucuns sont
  speculatifs, qui correspondent
  à leur vision: Comme, quelcun
  ha songé que la Nauire ou il
  estoit, perissoit: & au réueil
  trouua qu’il estoit vray, & se
sauua auec peu de gens: Les autres sont allego-
riques, qui par vne chose sinifient vne autre, l’A-
me nous auisant naturellemẽt qu’il y ha ie ne say
quoy de secret caché dessous, dont ie dõneray la
raison. En premier lieu donq ie donneray defini-
cion de Songe en general, contre laquelle on ne
puisse rien rien aleguer ny cõtredire, sinon gens con-
tencieus. Songe est mouuement ou ficcion de
l’Ame en diuerse forme, & sinificatiue de biens
ou maus à venir. Des Songes, ceux qui ne s’esten-
dent point en autrui, estant seulement en ceus,
& enuers ceux qui les voyent, & non enuers au-
trui, [p. 21] Fac-simile de la page LIVRE I. 21
trui, ny par autrui, ils auiendront à ceus qui les
voyent. Comme parler, chanter, dancer, comba-
tre, nager. Mais ceux qui sont autour du corps,
ou des choses externes, comme lits, cofres, habits,
meubles, combien qu’ils soient propres & parti-
culiers, si est ce que souuent auiennent aus pro-
cheins, selon la necessité, & proprieté de l’usage.
Et en cette sorte la teste sinifie le Pere: la dextre,
la Mere, le Fils, le Frere: la main senestre, la Fem-
me, l’Amie, la Fille, la Seur. Or est il que des Son-
ges communs, & qui ne s’estendent à autrui, tous
ceux qui se font par nous & en nous, ou enuers
nous seulement, ils doiuent estre reputez aparte-
nir à nous particulierement. Et au cõtraire, tous
ceus qui ne font à nous, ou enuers nous, ny
par nous, auiẽdront à autrui: toutefois si ce sont
nos amis, & que les Songes soient sinificatifs de
bien, la ioye nous en redondera: & au contraire,
la tristesse, mais si ce sont nos ennemis, faut esti-
mer & iuger aussi au contraire.

De naitre.

Si quelcun songe qu’il sort du ventre d’une
femme, comme pour naitre au monde, il faut
iuger en telle sorte: Ce Songe est bon à celui qui
est póure, car il aura moyens ou amis qui le nour-
riront, sinon qu’il soit artisan, & de mestier
qui requiere ouurer des mains: car ce Songe lui pre-
b 3 dit [p. 22] Fac-simile de la page 22 ARTEMID. DES SONGES
dit qu’il sera sans ouurer, comme les enfans qui
ont les mains enuelopees. A celui qui est riche, ce
Songe sinifie qu’il n’aura pas dominacion en sa
maison, ains que d’autres domineront sur lui con[-]
tre sa volonté: car les enfans sont gouuernez par
autrui. A celui qui ha sa femme non enceinte, c’et
sinifiance qu’il perdra sa femme: Car les enfans
ne sont pas mariez, & ne hantent femmes. Mais
à celui qui ha sa femme enceinte, c’et qu’il aura
vn Fils qui lui sera du tout semblable: Et en cette
sorte lui semblera qu’il soit pour la seconde fois
né. Aus champions & combatans, ce Songe est
mauuais: Car les enfans ne cheminent, ne cou-
rent, & ne peuuent assaillir aucun. A celui qui est
en lointeine region, c’et qu’il retournera chez
lui: à fin qu’il retourne à son commencement.
A celui qui est malade, c’et mort: atendu que les
morts sont enuelopez de linges & drapeaus com[-]
me les enfans, & mis à terre.

D’estre gros d’enfant.

Si quelcun estant póure, songe qu’il soit gros
d’enfant, il deuiendra riche, & amassera argent à
grans tas. S’il est riche, il sera en peine & souci.
Qui ha femme, la perdra, n’ayant plus besoin que
elle lui fasse d’enfans. Qui n’en ha point, en aura
vne bien douce. Aus autres, sinifie maladie. Mais
estre gros, & puis enfanter, c’et pis: & veut dire
que [p. 23] Fac-simile de la page LIVRE I. 23
que le malade mourra bien tot. Mais à celui qui
est póure & endetté, serf, en peine & misere, c’et
fin & descharge de tous ses maus presens. Aussi
ce Songe reuele les secrets. Ce Songe est contrai-
re aus riches, vsuriers, negociateurs & à tous qui
sont en autorité: car ce qu’il auoiẽt auparauant,
ils le perdront, mais aus Marchans & Nauton-
niers, ou à ceus qui ont nauires, ce Songe est
bon: A plusieurs est auenu apres ce Songe, perte
de parens.

D’auoir enfans.

Songer de voir, ou auoir enfans propres, non
d’autrui, est mauuais à l’homme & à la femme:
car c’et souci & tristesse des choses necessaires,
sans lesquelles on ne peut nourrir les enfans:
mais les Masles aportent bonne issue: les Filles
aportent vne fin pire que le commencement: car
elles sont mariees auec douaire. I’ay connu hom-
me qui songea qu’il lui estoit nee vne fille: & il
emprunta argent à vsure. Et au contraire i’ay con[-]
nu vn autre qui songea qu’il enterroit sa fille
trespassee, & lui auint qu’il fut contreint payer
la dette dont il estoit obligé. Ainsi donc la fille
ha conuenance auec la dette: mais voir des en-
fans d’autrui, cela est bon quand ils sont beaus
& de bonne grace: Car sinifie aprocher bon
tems.

b 4 Des [p. 24] Fac-simile de la page 24 ARTEMID. DES SONGES

Des enfans enuelopez de drapeaus
& linges: & du lait.

Si quelcun se voit enuelopé de drapeaus à la
façon des petis enfans, & succer la mamelle d’une
femme qu’il connoisse: c’et longue maladie, s’il
n’a sa femme enceinte: car adonq il lui naitre vn
Fils qui lui resemblera. Et si sa femme fait se son-
ge, il lui naitra vne Fille. Mais si aucun estant
en prison fait ce songe, le diable lui suscite en-
cor quelques charges à ce qu’il ne soit deliuré.
Et n’est pas hors raison de iuger le semblable en
la maladie: mais se voir par songe auoir du lait
en ses mamelles: à la ieune femme, c’est qu’elle
conceura, & viendra son fruit à perfeccion, à la
vieille estant póure, sinifie richesse: estant riche,
despense & largesse. A la fille, ce sont les noces
qui aprochent: car sans estre acouplee auec l’hõ-
me ne pourroit auoir lait: mais si elle est bien
petite pucelette, & loin du tems d’espouser, ce
lui sinifie mort: car toutes choses auenantes ou-
tre la qualité de l’aage, sont mauuaises, peu exce-
ptees. A l’homme póure, c’et abondance d’ar-
gent, & de possessions, si qu’il puisse nourrir les
autres. Dauantage i’ay connu par experience que
ce songe predit à celui qui n’est point marié, ma-
riage: & à celui qui n’a point d’enfans, qu’il en
aura. Mais au Champion, & Artisan, & à tous
ceus [p. 25] Fac-simile de la page LIVRE I. 25
ceus qui de leur estat trauaillent & meuuent le
corps, sinifie maladie: car les corps efeminez ont
du lait, mesmemẽt i’ay connu que quelcun ayant
femme & enfans, à qui estoit auenu ce Songe,
perdit sa femme par mort: & puis apres lui mes-
me nourrit ses enfans, faisant enuers eus ofice de
Pere ensemble & de Mere.

De la teste.

Songer auoir grand’ teste, est bon à l’homme
riche qui n’a point encor’ eu grand estat ny di-
nité: Aussi à celui qui est póure, au Champion,
à l’Vsurier, au Changeur, & à celui qui recueille
l’argent pour le viure: Car au premier ce Songe
predit principauté ou dinité, en laquelle faudra
qu’il porte Couronne, Sceptre ou Diademe: Au
second, grandes richesses & possessions: au Cham[-]
pion, victoire: au Changeur & Vsurier, amas de
grandes sommes d’argẽt. Mais au riche qui est ia
en dinité, & au Retoricien, & au Iuge du peu-
ple, ce Songe aporte charges & contumelies de
par le peuple: & à celui qui est malade, c’est dou-
leur de teste: à l’hõme de guerre, trauaus & pei-
nes, au serf, longue seruitude: Et à celui qui ha
eslu vie tranquille, peines & facheries. Mais auoir
la teste plus petite que la proportion naturelle,
sinifie choses cõtraires selon la raison que la sinifi-
cacion de chacune teste cy dessus descrite, emp-
b 5 port [p. 26] Fac-simile de la page 26 ARTEMID. DES SONGES
portant diference pour la diferent qualité des
personnes.

Des cheueus longs.

Auoir les cheueus grans & beaus, & y prẽdre
gloire, est bon: principalement à la femme, aussi à
l’homme sage, au Sacrificateur, au Vaticinateur,
au Roy & Prince: Car à ceus qui ont de coutu-
me de laisser croitre leurs cheueus, ce Songe est
bon, atendu que leur profession leur permet en-
tretenir leur perruque. Il est bon aussi aus autres,
mais non pas tant, car il leur sinifie seulement ri-
chesse laborieuse, non ioyeuse: car il faut du tems
& de la peine à produire longs cheueus.

De cheueux mal en ordre.

Les cheueus longs, mais sans ordre, si qu’ils
semblent mieus estre comme poils de barbe rude
& ápre que perruque, sinifient à toutes person-
nes facheries & tristesses. Et i’ay vù quelquefois
vn notable personnage constitué en autorité, &
aussi heureus en ses autres afaires, qui par songe
s’estoit vù en la ville aller deuant ceus dont il
estoit gouuerneur, & pensoit auoir ses cheueus
tous secs, rudes & mal en ordre. Ie lui ay remon-
tré & exposé q̃ ce songe lui sinifioit tristesse: Et
peu de iours apres il ha esté demis de son ofice &
autorité, ce ꝗ lui estoit dõmageable & misérable.

Du [p. 27] Fac-simile de la page LIVRE I. 27

Du poil de Porc, & de Cheual.

Songer auoir poil de Porc, sont grans perils
violens & totalement tels que sont ceus ausquels
la beste est sugette, c’etasauoir le Porc. Auoir
poil de cheual, sont seruitudes & miseres.

Auoir Laines pour cheueus.

Auoir de la laine au lieu de cheueus, predit
longues maladies, & phtisie, & gratelle, si q̃ sou-
uent ayant de la laine en la teste, il pensera quasi
qu’elle lui soit naturelle. Si les cheueus semblent
estre muez en quelque autre matiere, faudra sem[-]
bablement faire cõiecture, c’etadire selon la ma-
tiere de la transmutacion. Se voir estre sans poil
à l’entour de la face, c’et honte procheine, & em-
peschement d’afaires presentes. Mais voir la par[-]
tie de derriere la teste en telle sorte, c’et poureté
& infortune en la vieillesse. Si aucun ha la dextre
partie de la teste chauue & nue, il perdra tous ses
parens masles, & s’il n’en a point, il aura dom-
mage. Si au contraire la senestre partie de la teste
est sans poil, c’est perte de cousines & aliees: car la
teste sinifie les Parens: la part dextre, les Masles:
la senestre, les Femelles: & ainsi par tout le corps.
Auoir tout le derriere de la teste nu, est bon à ce-
lui qui est conuenu en iustice, qui ha creinte, &
qui est reserré & detenu par force: car il pourra
fuir [p. 28] Fac-simile de la page 28 ARTEMID. DES SONGES
fuir & euiter, atendu qu’on ne le saura comment
prendre par derriere en fuiant.

Se voir tondre, & raser.

Se voir raser tout le chef, est bon aus badins
qui ont de coutume de faire rire, & à ceus qui
communément sont rasez: à tous autres il est
mauuais: car il sinifie autant que nudité & chau-
ueté, sinon qu’il aporte plus grans maus & plus
procheins. Aus nauigans, c’est euident naufrage:
aus malade grand peril, non pas mort toutefois:
car ceus qui sont sortiz de naufrage, & de grand
maladie se rasent, mais non pas les morts. Estre
tondu par le Barbier, est bon à tous generalemẽt:
car certes nul en quelques cas dãgereus ne se tõd,
mais ceus qui ayment l’honnesteté & braueté, &
qui sont sans tristesse & indigence. I’ay dit par les
mains du Barbier, car si quelcun se tond soymes-
me, sinifie tristesse subite, ou infortune pleine de
grans maus. Ausurplus estre graté auec les on-
gles, à celui qui doit, c’est qu’il s’aquitera: aus au-
tres c’est dommage par ceus qui le gratent.

Du Front.

Le front sain & charnu est bon à tous, & sini-
fie liberté de parler, force & constance: mais son-
ger auoir le front d’erain, de fer, ou de pierre, aus
Gabeliers, Tauerniers & à tous qui viuent auec
impud [p. 29] Fac-simile de la page LIVRE I. 29
impudence, sans honte & vergongne, est bon, &
à eus seulement: aux autres engendre hayne.

Des Oreilles.

Auoir plusieurs oreilles, est bon à celui qui
veut auoir quelcun obeïssant, comme femme, en-
fant, seruiteur. Au riche, sinifie grand renom: en
bien, si les oreilles sont belles & bien formees: en
mal, si les oreilles sont laides & difformes. Ce son-
ge est mauuais au serf, & à celui qui ha proces,
soit demandeur ou defendeur: mais il est bon à
vn Artisan & ouurier qui trauaille des mains: car
il en orra plusieurs qui le demanderont pour be-
songner. Perdre les oreilles, c’et le contraire de
chacune chose susidte. Curer ses oreilles, c’et
bonne nouuelle qui nous viendra de quelque
part. Et au contraire les oreilles batues & frapees
predisent mauuaises nouuelles.

Des Formis entrans aus oreilles

Songer que les Formis entrent dens les oreil-
les, est bon seulement aus Sofistes, Filosofes, &
Precepteurs: car les Formis sont semblabes aus
enfans qui vont ouir les Sofistes. Aus autres ce
Songe sinifie la mort: car elles sont filles de la
terre, & entrent dens la terre. I’en ay connu quel-
cun qui songeoit que de ses oreilles estoient sor-
tiz des espiz de blé. & que le blé en tomboit dens ses [p. 30] Fac-simile de la page 30 ARTEMID. DES SONGES
ses mains: Et il se ouit apeler heritier d’un sien
frere absent, à cause des espiz, heritier: & de son
frere, à cause des oreilles, qui sont comme freres
ou seurs. Songer auoir oreilles d’Asnes, est bon
seulement aus Filosofes: car vn Asne ne meut pas
bien tot ny facilement les oreilles: aus autres,
c’est seruitude & misere. Auoir oreilles de Lyon,
de Loup, ou de quelque autre beste cruelle, c’est
espiement & fraude par enuie. Ausurplus, songer
d’auoir les yeus aux oreilles, sinifie aueuglement.

Des Sourcils.

Les Sourcils veluz, & de bonne grace, sont
bons à tous, mesmement aus femmes: mais les
Sourcils nuz & sans poil, sinifient mauuaise
issue des afaires, & dueil, & douleur.

Des Yeus.

Auoir la vuë bien ague, est bon generalement
à tous: Mais auoir la vuë trouble, sinifie faute
d’argent, & empeschement d’afaires: A celui qui
ha enfans, c’et qu’ils serõt malades. Estre aueugle
du tout, c’et perte d’enfans, de Frere, de Pere &
mere: toutefois ce Sõge est bon à celui seroit
en prison, & à celui qui est grandement póure.
Car le premier ne verra plus autour de soy les
maus: Le second, aura qui luy aydera, & fera plai-
sir, comme plusieurs sont prests à donner la main
à vn [p. 31] Fac-simile de la page LIVRE I 31
à vn aueugle: mais ce Songe empesche de faire
longs voyages: Et predit à celui qui est en païs
estranger qu’il ne retournera chez lui: car celui
qui ha perdu la vuë ne pourroit voir ny païs
estrãge, ny sa maison. Aussi est mauuais ce Songe
à l’hõme de guerre, & à tout Courtisan: car leurs
afaires n’auront point bonne issue. Aussi est con[-]
traire aus Nautõniers, & à ceus qui contemplent
les estoiles, & aus Vaticinateurs. Et si aucun
querant chose perdue voit ce Songe, iamais ne la
retrouuera. Aus Poëtes ce Songe est bon: car ils
ont besoin de grand repos quãd ils veulent com-
poser en vers. Aus malades, ce Sõge aporte tous-
ious la mort. Si quelcun songe auoir perdu vn
œil, les choses predites & sinifiees lui auiendront
en partie, & comme à demi. Dauantage faut con-
siderer que l’œil dextre sinifie le Fils, le Frere, le
Pere: Et le senestre, la Fille, la Seur, & la Mere.
Auoir trois ou quatre yeus à celui qui ha delibe-
ré prendre femme, & à celui qui n’a point d’en-
fans, est bon, & qui désire en auoir. Aussi est bon
à l’Vsurier, car il aura grãdes sommes de deniers:
mais à celui qi doit, est mauuais. Au riche, l’a-
monneste qu’il se donne bien garde de soy, & de
ses posessions, pour raison de quelques fraudes
& menees secrettes. A l’homme trompeur, & à la
femme belle, auoir plusieurs yeus n’est pas bon:
car cetui là aura plusieurs yeus qui le surpren-
dront [p. 32] Fac-simile de la page 32 ARTEMID. DES SONGES
dront: cette cy aura plusieurs paillars qui se-
ront surpris autour d’elle. Ausurplus si aucun
songe auoir ses yeus aus piez, ou aus mains, il
perdra la vuë: si en autre partie du corps, cette
partie là sera malade, batue ou afolee. I’ay connu
homme qui songea que ses yeus lui estoient tom-
bez aus piez, & il n’en deuint pas aueugle, mais
maria ses Filles auec ses seruiteurs. Auoir les yeus
d’autrui, sinifie perdre la vuë: Mais si lon connoit
celui de qui lon ha les yeus, on aura son enfant,
ou quelque grand bien de lui.

Du Nez.

Auoir le nez beau & grand est bon à tous: car
il sinifie futilité de sens, & prouidence aus afai-
res, & acointance auec grans personnages. Mais
n’auoir point de nez, sinifie le contraire. Et au
malade, la mort: car les testes des morts n’ont
point de nez. Auoir deus nez, c’et discord auec
les domestiques plus aparens.

Des Iouës.

Auoir les Iouës refaites & pleines, est bon à
tous, mesmement aus femmes: mais plates, &
pleines de furoncles, c’est tristesse.

Des Machoires & Leures.

Les Machoires font referees aus Caues, Bou-
tiques [p. 33] Fac-simile de la page LIVRE I. 33
tiques, & autres choses propres à garder mar-
chandises ou drogues. Les Léures sont referees
à ceus qui nous baisent ou embrassent, & qui
sont souuent autour de nous, comme la femme,
les enfans, les parens & aliez. Parainsi si l’un ou
l’autre nous semble auoir quelque mal ou difor-
mité, c’et que les afaires de nos aliez ne sont pas
en bon estat.

De la Barbe.

Auoir la Barbe longue & espesse, & rude, est
bonà celui qui est curieus de bien parler, comme
seroit vn Ambassadeur, Orateur, Auocat: & aussi
au Filosofe: & à celui qui veut entreprẽdre quel-
ques afaires. Si la femme vefue songe auoir bar-
be, elle recouurera mari qui lui fera dous & be-
nin: Si la femme mariee, elle perdra son mari, ou
sera separee de lui, & gouuernera sa maison elle
seule, comme si elle estoit homme & femme tout
ensemble, sinon qu’elle fust enceinte, ou cõuenue
en iustice: Car cette là fera vn filz: Cette cy de-
mourra en son entier, ayant haut cœur & hon-
neur, comme si c’estoit vn homme. Au ieune en-
fant ce Songe sinifie mort, mais à celui qui est ia
en adolescence & commence à porter barbe, c’et
qu’il paruiendra de soymesme, & se mettra en
en auãt, de quelque qualité qu’il soit. La barbe tom-
bant, ou rase, ou à force arrachee par mains d’au-
c trui, [p. 34] Fac-simile de la page 34 ARTEMID. DES SONGES
trui, outre ce, que sinifie perte de parẽs, c’est aussi
dommage, & deshonneur.

Des Dents.

Les Dents de dessus, sinifient les plus aparens
de la maison: celles de dessous, les inferieurs. Car
il faut estimer que la bouche represente la mai-
so: les dents, les habitans: Celles du coté droit,
les hõmes: les autres, les femmes. Ou autrement,
les dextres, les plus vieus: les senestres, les plus
ieunes. Les dents de l’œil, ceus de moyen aage:
les grosses dents, les vieus. Quelconque dont don[-]
ques que l’homme songera perdre, il perdra tel
personnage que la dent sinifiroit. Mais quand
aussi les dents sinifiẽt perte de biens, par les gros-
ses sont entendus les tresors cachez: par les au-
tres, la vaisselle, ou autre chose de petite impor-
tance. A ceus qui sont en dette, quelcõques dents
qui leur tomberont, sinifient qu’ils s’aquiteront.
Les dents tõbans tout en vn coup, sinifient que
la maison sera deserte & delaissee de tous les habi[-]
tans. A ceus qui sont malades, songer que quel-
que dent, ou dents, leur tõbent c’et longue mala-
die, mais sans mort: le meilleur seroit songer pe-
dre toutes les dents, car on seroit plustot releue
de maladie. Au serf, n’auoir nulle dents, c’et li-
berté: Aus marchans brieue & bonne issue de
leurs marchãdises, charges & trafiques. Les dents
qui [p. 35] Fac-simile de la page LIVRE I. 35
qui semblent croitre de sorte que l’vne surpasse
l’autre, c’et sedicion en la maison, ou si elles sem-
blent mouuoir, encor qu’elles ne tombent. Ceus
qui ont les dents noires, pourries, rompues, &
songent les perdre, seront deliurez de leurs maus
& facheries. Aussi par ce songe aucuns ont per-
du des vieillars. Auoir les dents d’yuoire, est bon
à tous. Auoir les dents d’or, est bon à ceus qui
s’estudient de bien parler: aus autres c’et dom-
mage par feu en la maison: à aucuns, maladie
d’abondance de colere. Auoir les dents de cire
c’et mort subite: de plomb ou d’estain, c’et ver-
gongne & deshonneur: de verre, ou de bois,
mort violente: d’argent, c’et aquerir argent par
eloquence & beau parler. Aus riches, c’et grans
despens en viures & prouisions. Songer perdre
ses dents & en recouurer d’autres, c’et change-
ment d’estat en bien ou mal, selon la qualité des
dents. Receuoir ses dents en sa main, ou en son
sein, c’et perte d’enfans. Regeter ses dents de la
langue, c’et mettre fin à ses peines & miseres par
son eloquence.

Du vomissement de sang, & d’humeur
colerique, ou melancolique.

Vomir beaucoup de sang, & de bonne cou-
leur, est bon à celui qui est póure, car il aquerra
abondance d’argent. Aussi est bon à celui qui n’a
C 2 point [p. 36] Fac-simile de la page 36 ARTEMID. DES SONGES
point d’enfant, & qui ha son parẽt en païs estran-
ger: Le premier verra vn sien enfant: l’autre, son
parent de retour. Porter du sang n’est pas bon à
celui qui veut estre caché. Vomir sang corrompu,
c’et maladie à tous. Geter vn petit de sang, com-
me en crachant, c’est sedicion comme i’ay connu
par experience. Vomir fleumes, soient humeurs
coleriques ou melãcoliques, est bon à celui qui est
en miseres & angoisses ou en maladie: car sinifie
cesser tous ses maus. Vomir la viande, sinifie dom[-]
mage. Vomir ses entrailles, c’et mort d’enfans au
Pere & à la Mere, & ceus qui n’ont enfans, c’et
perte de chose la plus chere qu’ils ayent entre
leurs biens: Au malade, c’et mort.

Du Col, & d’auoir plusieurs testes.

Tout furoncle, maladie ou imperfeccion au-
tour du Col, de la Teste, ou de la Barbe, sinifie à
tous indiferẽment maladie. Auoir deus ou trois
testes, est bon à celui qui est póure, car il amassera
beaucoup de biens: Aussi aura femme, & enfans
de bonne nature. Au riche, c’est auersité de par
ses aliez.

D’estre décapité.

Songer estre decapité, soit par iustice, ou au-
trement, est mauuais à celui qui ha Pere & Mere,
& enfans: car sinifie les perdre. Aucuns aussi par
ce [p. 37] Fac-simile de la page LIVRE I. 37
ce Songe ont perdu femme, amis, metayer: &
quelque autre ayant maison, la perdue. Et qui ha
toutes ces choses n’aura pas toutes ces fortunes,
mais comme i’ay connu par experience, perdra
ce qui lui est plus necessaire, & qu’il aura le plus
cher. Ce Sõge est bon à celui qui est accusé de cri-
me, & en danger de mort: mais aus Changeurs,
aux Vsuriers, Patrons de galeres, Marchans, & à
tous qui recueillent argẽt, sinifie perte de somme
d’argent. Le Songe est bon à ceus qui doiuẽt. Ce-
lui qui est en païs estrãge, retournera en son païs.
Qui ha proces d’heritage, gagnera sa cause: mais
en cause d’iniure & d’argent, il perdra.

D’auoir le Col tors.

Auoir la teste renuersee de sorte qu’elle regar
de sur le derriere, amonneste de ne pas partir du païs,
& n’entreprendre aucune afaires, autrement
l’issue en seroit mauuaise. Ceus qui sont en païs
estranger retourneront chez eus.

D’auoir la teste de quelque beste.

Penser auoir la teste d’un Lion, d’un Loup,
d’une Panthere, d’un Elephant au lieu de la sien-
ne, est bon: car entreprenant choses plus grandes
que sa puissance, celui qui aura fait ce Songe, en
viendra à chef & à honneur. Plusieurs desirans
ofices & dinitez y font paruenuz apres ce Sõge.
c 3 Songer [p. 38] Fac-simile de la page 38 ARTEMID. DES SONGES
Songer auoir teste Chien, de Cheual, d’Asne, ou
d’autre telle beste à quatre piez, c’est seruitude,
peine & misere. Auoir teste d’Oiseau, c’et qu’on
ne demourra pas en son païs.

Auoir sa teste en ses mains.

Songer auoir sa teste en ses mains, est bon à
celui qui n’a femme ny enfans, & à celui qui de-
sire le retour de quelcun estant lointein: Et si lon
ha encor souci de pigner & parer cette teste que
lon pense tenir entre ses mains, c’et sine que lon
disposera bien de ses afaires, & que lon aura fin
des maus & auersitez. Autant sinifie si auec celle
teste que lon tient es main, lon pense encor en
auoir vne autre naturelle.

Auoir des Cornes.

Songer auoir des cornes de Beuf, ou d’autre
telle forte beste, sinifie mort violente, le plus
souuent decollacion, laquelle aussi auient aus
bestes qui portent Cornes.

Des Espaules.

Les espaules grasses, & charneuses, sont bon-
nes à tous, fors à ceus qui sont aus liens, ou en
prison: Aus premiers sinifient force & prospe-
rité: aus autres, qu’ils seront long temps en capti-
uité. Si les espaules sont malades, maigres & de-
faites, [p. 39] Fac-simile de la page LIVRE I. 39
faites, sinifient le contraire des choses susdites:
Et souuent predisent la mort, ou maladie des
freres.

De la Poitrine, & des Mamelles.

Auoir la poitrine saine est bon: L’auoir velue,
est bon & sine de gain aus hommes: Aus fem-
mes sinifie viduité. Les mamelles belles & sans
aucun mal, sont bonnes: & si elles aparoissent
plus grosses, toutefois auec moyen & grace, sini-
fiet enfans, & possessios à venir: Mais si elles
sont malades, & comme pleines de furoncles, c’et
maladie à venir. Mamelles tombans, c’et mort
d’enfans à celui qui songe: & s’il n’en ha, c’et
póureté à lui. A la nourrice, c’et mort de l’enfant
qu’elle nourrit. Auoir plusieurs mamelles, sinifie
comme les voir plus grandes que de coutume:
A la femme, c’et qu’elle train de paillardise.
Estre nauré en l’estomac par quelque familier,
c’et mauuaise nouuelle aus vieillars: aus ieunes
gens soient hommes ou femmes, c’et amour.

Des Mains.

Les mains belles & fortes, c’est prosperité, mes-
me aus gens de mestier. A celui qui creint estre
lié & mis en prison, le Songe n’est point sans
doute. Outre ce que par cy deuant nous auons
dit que la dextre sinifie le Fils, le Pere, l’Ami: la
c 4 senest [p. 40] Fac-simile de la page 40 ARTEMID. DES SONGES
senestre, la Femme, la Mere, la Seur, la Seruante:
la dextre peut sinifier les biens que lon est apres
pour aquerir: la senestre, les biens ia aquis. Si
donq lon songe l’une ou l’autre estre perdue, lon
perdra aucune des choses qui sont sinifiees. En
general toutes les deus mains sinifient art, sinet,
parole. Perdre tous les doigts de la main, ou vne
partie, sinifie dommage & perte de seruiteurs.
Aus Escriueins, Orateurs, & Auocats sinifient
qu’ils seront sans gain, & oisifs: à ceus qui doi-
uent, qu’ils payeront plus qu’ils ne doiuent: aus
Vsuriers, perte d’usures. I’ay connu homme qui
songea n’auoir point de doigs, & icelui trouua
crediteur qui lui presta argent, mesme sans obli-
gacion. Auoir plus de doigs que le naturel, sini-
fiele contraire que d’en auoir defaut. Aucuns
deçuz ont pensé que c’estoit bon Songe, toute-
fois c’et le contraire: car lon se trouue mal d’a-
uoir plus de doigts que le naturel. Et si sot oi-
sifs les doigs abondans, & rendent leurs maitres
oisifs. Auoir du piol qui sorte des iointures, c’et
captiuité, mais s’il sort de la paume de la main,
c’et à tous oisiueté, principalement aus labou-
reurs & gens de mestier. Auoir plusieurs mains,
est bon à vn Artisan, & Maneuure: car ce Son-
ge lui dit aucunement, tu auras à faire de plu-
sieurs mains, tant il te viendra de besongne. Aus
gens de bien aussi est bon: car sinifie aquerir en-
fans, [p. 41] Fac-simile de la page LIVRE I. 41
fans, seruiteurs, argent, comme i’ay connu par
experience: Mais aus meschans, c’et captiuité,
& que lon getera les mains sus eus.

Des Cótes, & du Nombril.

Les Cótes & le Ventre inferieur, contenant
les boyaus iusques au mẽbre, c’et force de corps,
abondance de biens & richesse: Si donq elles sem[-]
blent malades, sinifient maladie au corps, & po-
ureté à la bourse. Le nombril, c’et Pere & Mere
à celui qui les ha, aus autres, le païs.

Des parties interieures.

Songe estre mort, & voir les partie interieu-
res selon leur ordre naturel, est bon à celui qui
n’a enfans, l’autre du bien: Mais au riche & à
celui qui veut estre secret, c’et honte & surprise.
C’et mal à tous quand les entrailles sont regar-
dees par autrui: car sont afaires facheuses, proces,
& difamacion. Mais songer estre ouuert, & ne
voir aucunes entrailles, sinifie maison deserte à
celui qui auroit songé, perte d’enfans, & mort par
maladie. C’est bon seulemẽt à celui qui est en mi-
seres: car qui perd les parties contenans les cures
& souciz, certes il sera deliuré de tristesse. Outre
ce qui est dit, faut estime q̃ le cœur sinifie l’hom-
c 5 me [p. 42] Fac-simile de la page 42 ARTEMID. DES SONGES
me, & mari de la feme qui auroit songé: Et la
femme de l’homme qui auroit songé: semblable-
ment le poulmon: Mais le foye sinifie le fils, les
viures & le soin: Le fiel, l’humeur colerique, ou
melancolique, l’argent, & les femmes: La rate, les
voluptez, le ris, & la vaisselle. Le vẽtre & boyaus
les enfans, & puis les Vsuriers: car ils crient fort
pour auoir à repaitre: Les reins, les Freres &
Cousins.

Du Membre.

Le membre sinifie le Pere, la Mere, les enfans[,]
la Femme, l’amie, les Freres & Cousins, la force
du corps, eloquence, & science: car il est fertile &
abondant. En outre richesse & possessions, pour
ce qu’il croit & diminue. Item conseil & secret
car il est apelé honteus. Poureté & seruitude, car
il est apelé necessaire. Aussi sinifie dinité, & a-
croissement d’honneur. Et pourtant quand on le
songe voir en son estat & lieu, sinifie permanence
des choses presentes qui par lui sont sinifiees
croissant, croissance: diminuant, diminucion
double, redoublement des choses presentes: fors
de la femme & amie, car il les tollit: pour ce qu’un
homme ne peut vser de deus membres ensemble.

Des Aynes, & Cuisses.

Les Aynes ne sinifient autremẽt que le mem-
bre [p. 43] Fac-simile de la page LIVRE I. 43
bre: les Cuisses pareillement, sinon que quand
elles semblent humides, ne sinifient pas ioye aus
riches, ains despens en plaisir & voluptez auec
pertes & dommages.

Des Genous.

Les Genous fors & robustes, sinifiẽt voyages,
ou autre mouuemens & operacions, & santé:
mais debiles & malades, le contraire. Arbre ou
branche sortant du Genouil, sinifie tardité, &
empeschement: au malade, mort. Souuent les
Genous, sont les freres & familiers, aussi les en-
fans.

De la Souris, de la Iambe, des Piez,
& du Talon.

La souris, la iambe, les piez, & talons, ont qua-
si mesme sinificacion que les genous. Auoir plu-
sieurs piez, est bon aus Marchans & Patrons de
Galeres: car ils commenderont à plusieurs serui-
teurs, & sinifie tranqulité au Patron. Ce Songe
aussi est bon à l’homme póure: au riche, c’et mala[-]
die. Plusieurs par ce Songe ont perdu la vuë, &
les malfaiteurs ont esté prisonniers. Voir ses piez
en feu, est mauuais à tous, & sinifie perte de
biens, d’enfans, de seruiteurs: A ceus qui ont en-
trepris vn pris de course, est bon: car ils courront
vitement & comme ayans le feu aus piez.

Du [p. 44] Fac-simile de la page 44 ARTEMID. DES SONGES

Du Doz.

Le Doz, & tout le derriere, sinifie vieillesse
parainsi tel qu’on le pensera auoir, & tout le der-
riere, ainsi lon se portera en la vieillesse.

De la Transmutacion de la personne.

Estre fait de petit, grand, & de grand encor
plus grand, sans exceder raison, est bon: car c’et
acroissement de besongne, & de biens: mais estre
grand outre le commun vsage, sinifie mort. Aussi
est mauuais au vieillart d’estre transmué en ieune
homme, & au ieune, en enfant: car ils changeront
en pire estat. Mais est bon au contraire: car il[s]
viendront en meilleur estat. Songer estre femme
est bon à lhomme póure, & sert: car le premier[s]
aura ꝗ le nourrira cõme vne femme: l’autre aura
moins de peine: Mais au riche est mauuais, mes-
me s’il ha gouuernement de la Chose publique:
car il lui tollit son ofice & autorité, à cause que
les femmes gardent la maison. A ceus qui ont
trauail de corps, c’et maladie: car les femmes sont
plus debiles que les hommes. Si la femme songe
estre homme, & qu’elle ne soit mariee, elle aura
mari, ou si elle n’a enfans, elle fera vn fils: Et ains[i]
sera aucunement muee en nature d’homme. Si
elle ha mari, & fils, elle sera vesue. A la seruante,
c’et plus grand’ seruitude: car elle soutiendra les peines [p. 45] Fac-simile de la page LIVRE I. 45
peines comme vn homme. Il est bon à la putein,
car elle cessera son meschant trein. En outre si
homme ou femme poure songent estre d'or, ils
seront riches: s'ils sont riches, ils aurõt des espies:
car l'or & l'argent ont beaucoup d'espies. Au
malade, sinifie mort, comme aussi estre d'erain,
fors au champion, & serf: car cetui là aura victoi-
re & statue erigee: cetui cy liberté. Songer estre
de fer, sinifie miseres infinies : Mais estre de terre,
sinifie mort, fors à ceus qui viuent de terre, com-
me les Potiers de terre. Estre de pierre, sinifie re-
cevoir coups, & naureures. Si l[']on songe estre
transmué en forme de beste, faudra iuger selon la
nature d'icelle. Et de ce, traitera le Second liure,
au propos de la chasse. I' y obserué qu'il est bon
à tous, songer estre beau, de bonne grace, & fort,
sans toutefois exceder le commun vsage : car
estre trop beau, trop braue & trop robuste, vaut
autant comme estre laid, lasche, & debile : lesquel-
les choses sinifient au malade, mort: aux amou-
reus, mauuaise issue, surprise & trahison.

Des arts, ouurages, & exercices.

Quiconque en songeant fait ce qu’il ha apris
& exercé, & en vient à bonne issue, c’et bon à
tous: car lon viendra à honneur de sa besongne
entreprise: mais en songeant ne pouuoir venir à
bonne issue, sinifie le contraire. Si aucun en son-
geant [p. 46] Fac-simile de la page 46 ARTEMID. DES SONGES
geant fait ce qu’il n’a apris ny exercé, & en vient
à bonne issue, c’et bon: mais s’il se trouue empes-
ché & n’en puisse veni rà bout, c’et facherie &
empeschement d’afaires iusques à estre moqué.
Exercer l’agriculture, soit labourer, semer, ou
planter, est bon à celui qui quiert femme, & qui
n’a point d’enfans: car le champs c’et la femme: la
semence & les arbres, les enfans, le froment, les
máles: l’orge, les femelles & abortifs. Aus autres
ce Songe sinifie maladie & facherie: à celui qui
seroit malade en la maison ou le Songe auroit
esté fait, sinifie mort: car les semences & plantes
sont eterrees comme les morts. Moissonner,
vendanger, biner, tiercer en tems, sinifie que les
afaires & operacions seront diferees iusques a
tems que lon ha de coutume de ce faire. Gouuer-
ner vn nauire, si lon en vient bien à l’honneur &
sans peril, encor’ que ce ne soit sans doute & pei-
ne, est bon: mais si lon est troublé de tempestes,
ou si le nauire est brisé & rõpu, c’et grand abon-
dance de maus, ce que i’ay souuẽt connu par ex-
perience. Tailler & coudre en cuir, aus gens de
bien est bon, à cause des mesures qu’il faut qu[i] Lettre restituée d’après l’édition de 1571
soient iustes: Aussi est bon à celui qui se veut
marier, ou prendre connoissances & aliances à
cause des coutures serrees & iointes. Mais tein-
dre cuirs est mauuais à tous, & reueule les secrets
à cause de la mauuaise odeur. Voir des Mede-
cins [p. 47] Fac-simile de la page LIVRE I. 47
cins, est tresmauuais sur tout. Estre Orfeure, sini-
fie malefices à celui qui auroit songé, à cause des
poisons & chainons que l’Orfeure manie. Estre
tailleur, tournier, graueur d’images & figures, est
bon aus gens adulteres, bauars, flateurs, trom-
peurs & faussaires: à cause que ces arts demon-
trent autres efets que le vray: Aus autres gens,
sinifie honneur: car tels ouurages sont montrez
à plusieurs.

Besongner en matiere de fer.

Besongner en matiere de fer, & hanter l’enclu-
me, sinifie noises & proces. Et ainsi faut iuger en
tous autres arts, tant de la qualité des arts mes-
mes, que de la personne qui auroit songé. Et
faut entendre que autant vaut voir des ouuriers
ou artisans besongans, ou leurs boutiques &
outils, que de se voir exercer l’art mesme: toute-
fois y ha diference entre les outils: ceus qui fen-
dent & brisent, sinifient discord & dommage:
ceus qui vnissent & lient, c’est vtilité, noces, alian-
ce, mais empeschẽt de voyager: ceus qui polissent
& aplanissent, apaisent les inimitiez: ceus qui a-
dressent & compassent, reuelent les secretz, com-
me Geometrie, & voir des Geometriciens.

Des Lettres.

Aprendre les lettres est bon à l’ignorant, car il lui [p. 48] Fac-simile de la page 48 ARTEMID. DES SONGES
lui auiendra quelque bien, toutefois auec labeur
& creinte. Mais à celui ꝗ scet les lettres, les apren-
dre derechef, n’est pas bon: car c’et le fait d’enfant
d’aprendre: ainsi celà lui sinifie empeschement
d’afaires, & mauuaise issue: seulement est bon à
celui qui desire auoir vn fils: car non pas lui, mais
son fils aprendra. Si quelque Grec songe qu’il
aprend les lettres Rõmaines (autremẽt Latines)
& au cõtraire quelque Rõmain les lettres Grec-
ques, ils passeront d’un païs en autre. Plusieurs
Rõmains par ce Songe ont eu femmes Grecques
& Grecs femmes Rõmaines. Lire bien & à droit
les lettres barbares, & des estrangers, sinifie que
lon ira en leur païs, & y aura lon biens & hon-
neurs: mais lire mal, c’et le contraire: ou que le
malade entrera en folie & frenesie, à cause du lan-
gage sauuage & estrange que lon parle quand
on est en resuerie. Quelcõques lettres & en en quel-
que langue q̃ ce soit q̃ lon ne puisse lire, sinifient
facherie et troublemẽt, pour peu de iours s’il y ha
peu d’escriture, pour long tems s’il y en a ha prou.

Des Ieus, & esbats.

Iouer à la toupie, c’et peine & trauail: don[t]
toutefois en viendra du bien. Iouer à la paume
sinifie longue noises & quereles, & souuent a[-]
mour enuers les puteins: car l’esteuf est sem-
blable à la putein, à cause qu’il na point d’arrest
& [p. 49] Fac-simile de la page LIVRE I. 49
& vient entre mains de plusieurs.

Des Ieus ou farces & instrumens.

Sonner la trompette, à ceus qui veulent ba-
tailler est bon, & à ceus qui ont perdu seruiteur,
mais il reuele les secrets, à cause du grand son: &
tue le malade: aus serfs, promet liberté. Mais son-
ner le cleron est mauuais, & defend d’entrepren-
dre proces. Quelconque instrument que lon orra
enfler, sinifie troublement: faire ofice de crie
publique, c’et autant que sonner la trompette.
Iouer du chalumeau ou de la musette, est bon à
tous. Chanter & sonner de la harpe aus oblaciõs
& sacrifices, est bon pour noces & aliances: &
mauuais à autres afaires: à plusieurs sinifie poda-
gre, à cause des cordes & nerfs. Iouer, ou voir
iouer tragedies, sinifie trauaus, bateries, inuires,
& mille maus: mais iouer farce ioyeuses, c’et
ioyeuse issue d’afaires. Ouir chantres, sinifie de-
cepcions. Cheuaucher cheual bien alaigrement
est bon à tous: car le cheual, c’et la femme, ou
l’amie, le nauire, le maitre & conducteur ou gou-
uerneur, & le bon ami. Ains donq comme l’hom[-]
me se trouue bien du cheual, ainsi sera il de tout
cela. La charette sinifie autant que le cheual: fors
que au malade sinifie mort, comme aussi le cha-
riot à quatre roues. Cheaucher cheual par la vi-
le est bon, à celui qui entreprent ieu de pris, & au
d mala [p. 50] Fac-simile de la page 50 ARTEMID. DES SONGES
malade: car l’un gagnera le pris, l’autre guerira:
mais cheuaucher hors la vile, tout le contraire.
Mener & conduire chariots par bois & deserts,
c’et mort procheine à tous.

De la Course.

Courir est bon, fors aus malades, quand ils pen-
sent bien venir à fin de leur course: car ce leur
sinifie qu’ils viendront en brief au terme & fin
de vie.

Estre démis de son ofice.

Estre deposé & mis hors de son lieu, estat &
dinité, est mauuais à tous, & tue le malade.

De la Luite.

Luiter auec quelque parent, sinifie querelle
auec lui: entre ceus qui ont ia querelle, celui qui
songe estre superieur, veincra: s’ils n’ont debat
d’heritage: car en telle controuerse mieus vaut
estre abatu. Luiter auec vn inconnu, c’et danger
de maladie. Si l’homme combat auec vn enfant
& il le gette par terre, il perdra quelcun par mort
s’il est abatu il aura moquerie, & maladie. C’et
bon au ieune enfant de luiter auec vn homme
car il fera de grandes choses plus que lon ne pen-
se: mais toutefois s’il luite ou combat auec vn
Champion, ce Songe ne lui est pas bon. Luite
auec [p. 51] Fac-simile de la page LIVRE I. 51
auec vn mort, sinifie maladie, ou debat & pro-
ces auec les enfans ou heritiers du: mort mais
c’et bien tousiours le meilleur de penser estre
superieur.

De se Combatre.

Combatre auec quelcun est mauais à tous:
car outre la honte il y a dommage: toutefois
est bon à ceus qui viuent de sang espandu, com-
me Chirurgiens, Bouchers, & Cuisiniers.

De se Baigner, & estuuer.

Se lauer, & estuuer en bains & estuues belles,
sinifiésinifie [sic pour ] richesse & prosperité, & santé aus mala-
des: mais se baigner ou estuuer contre le com-
mun vsage, comme auec ses habits: est mauuais,
& sinifie maladie & grand facherie. C’et mau-
uais aussi au póure s’il est trop curieus de soy la-
uer, & s’il ha plusieurs qui le frotent, car lui sini-
fie longue maladie: semblablement est mauuais
au riche s’il est seul & n’a personne qui lui ayde.
En general est mauuais à tous ne pouuer suer,
& voir le baing en lieu descouuert, ou n’y trou-
uer point d’eau: somme, quand il est autre que
de coutume: car sinifie mauuaise issue des en-
treprises & afaires: mesme si lon espere d’une
commune. Estre laué d’eaus chaudes naturelles,
est sine de santé aus malades, d’empeschemens
d 2 d’afai [p. 52] Fac-simile de la page 52 ARTEMID. DES SONGES
d’afaires aus sains. C’et bon de soy lauer aus fon-
teines, estangs, & eaus courantes, & aus fleuues
beaus & clers, mais non pas nager: car seroit sine
de danger, & de maladie.

Du Boire.

Boire eau froide, est bon à tous: mais chaude,
sinifie maladie, & empeschemens d’afaires. Boire
vin par raison & n’estre point yure, est bon: mais
boire beaucoup & sans raison, sinifie beaucoup
de maus: aussi fait, estre en compagnie d’iuron-
gnes. Tout vin fait, & tout bruuage mistionné
autre que le naturel, est bon aus riches, à cause
de leur delicatesse: est mauuais au póures, qui
n’en boiuent que par maladie. Boire saumure, si-
nifie phtisie: boire huile, sinifie poison, ou mala-
die. Auoir soif, & ne trouuer que boire, soit en
puits, fonteine ou riuiere, est mauuais, & sine de
ne parfaire ses afaires, mais le contraire est bon.
Dauantage boire en vases ou hanaps d’or, d’ar-
gent, de terre, est bon à tous, à cause de la matiere
solide, & vsitee en vases: & sinifie tranquilité.
Aussi les vases de corne sont bons: car ils ne se
brisent point. Vases de verre sont mauuais, à
cause qu’ils se rompent facilement & reuelent le
secret, à raison de la transparence. En outre les
vases peuuent sinifier les amis que nous embras-
sons, quand donq les vases sont rompuz, ils sini-
fient [p. 53] Fac-simile de la page LIVRE I. 53
fient la mort d’aucuns de nos amis ou aliez. I’ay
connu par experience que songer voir rompre
vn verre, sinifie naufrage aus nauigans. Il y ha
certeins vases à bouche estroite, lesquels si lon
voit rompre, sinifient fin & issue de tribulacion
& angoisse.

Des Herbages & racines, & grains
de potages.

Tous herbages & racines qui ont forte odeur
en les mangeant, reuelent les secrets, & sinifient
facheries auec les cohabitans. Ce qui se racle de-
uant manger, sinifie dommage, à cause de la su-
perfluité qui est regetee. Les herbes laxatiues
sont bonnes à ceus qui sont en dette. Herbes &
racines qui ont teste, & qui sont de bon nour-
rissement, sinifient profit, comme Panaise: fors à
ceus qui ont proces d’heritage: car on les arra-
che de terre auec leurs testes & branches, filez,
& veines. Chous n’aportent profit, mesme aus
tauerniers & vignerons: car la vigne ne se lie ia-
mais auec les chous. Raues, naueus, courles,
sinifient vaines esperances: car ils font grand
montre, & y ha peu de substance: aus malades,
& pelerins, sinifient danger par fer, comme na-
urures & incisions. Concombres, mesme plu-
mez, sont bons aus malades. Pepons sont bons
en amitié & alliance: à autres afaires non. Man-
d 3 ger [p. 54] Fac-simile de la page 54 ARTEMID. DES SONGES
ger auls & ongnons est mauuais: mais en auoir,
est bon. Le malade qui songe qu’il mange beau-
coup d’ongnons, guerira: s’il en mãge peu, mour-
ra. Tous greins qui se mangent en potage Sont
mauuais, sinon les pois.

Des Pains.

Manger pains acoutumez, est bon, comme
aus riches pain blanc: aux póures, pain bis. Pain
blanc aus póures, sinifie maladie: Pain bis au
riches, c’est empeschement de leurs entreprises.
Pains d’orge sont bons à tous: farines, papet ou
bouillie, sinifient ce que le pain.

De Chair & Poisson.

Manger chair que lon auroit apareillee, et
bon, excepté mouton & beuf: qui sinifient la-
mentacion, perte, facherie. Chair de porc est tres-
bonne à tous, mesmement si elle est rotie, car si-
nifie profit de brief. Mais songer de manger chair
crue, n’est pas bon: car sinifie perte de quelque
chose notre. I’ay connu par experience que le
Songe est bon de manger chair de quelque per-
sonne estrangere: car si la personne est connue
ou familiere, elle mourra. Manger petis oiseaus
& oisons, est bon à tous. Manger chair de venai-
son est bon, car sinifie tirer grand bien de ses en-
nemis [p. 55] Fac-simile de la page LIVRE I. 55
nemis. Manger poissons, mesme rotis, est bon,
sinon les petis: car à cause q̃ ne sont que arestes,
ils sinifient inimité enuers les familiers. Toutes
salures, soit chair ou poisson, sont retardement
d’afaires, ou facherie, & maladie.

Des Fouasses, & des capres
& oliues.

Les fouasses qui n’ont point de fromage, sont
bonnes: celles qui en ont, sinifient dol, & trahi-
son. Des capres, & oliues, & toutes confitures de
garde, item des autres pilees & mistionnes, ie
n’en parle pource qu’elles ne sont pas bonnes.

Des Fruits.

Pomme d’Esté, douces & meures, sont bon-
nes: car elles sinifient bon tems, & ioyeuseté.
Pomme ápres, ou autres, sinifient noises & se-
dicions. Coins sinifient tristesse. Amendes, noix,
auelanes, sont troublemens & facherie. Figues
en leur saison, sont bonnes, mesme les blanches:
hors saison, sont calonnies & detraccions. Rai-
sins en saison, & hors saison sont bons: & le plus
souuent sinifient du bien par femmes. Grenades
sinifient batures, à cause de leur couleur. Pesches,
cerises, & autres tels fruits, fors les meures, sini-
fient voluptez deceptiues, quand on songe les
manger en saison: hors saison, trauail & labeur
d 4 en [p. 56] Fac-simile de la page 56 ARTEMID. DES SONGES
en vein. Les meures sinifient comme les grena-
des. Voir le meurier, sinifie lignee & generacion
à celui qui le voit, mais qu’il n e soit renuersé &
desraciné: car il sinifiroit perte d’enfans. Poires
antees sont bonnes. Poires sauuages sont bon-
nes seulement aus païsans.

Des Vstensiles de mesnage.

Les pots sinifient la vie: les plats, l’estat &
accion de la vie, còmme aussi le foyer. Or selon
que telles choses sont de basses & petites faites
grandes & precieuses, ou au contraire, faut esti-
mer des choses qui sont sinifiees. Le changement
en bien, est bon: en mal, est mauuais: ainsi faut
estimer de tout autre mesnage. Le chandelier re-
presente la femme: la lampe ou lanterne, le mai-
tre de la maison, ou l’esprit de celui qui songe, ou
aussi l’amour. Les chenets ou andiers sinifient la
vie, comme le foyer, & l’estat & conuersacion
entierement, & la femme: la table semblable-
ment. La couche, & coussin, & tout ce qui sen-
suit, sinifient la femme de celui qui auroit songé,
& tout l’estat de vie. Vaisseaus à vin sont les mi-
nistres ou seruiteurs. Les treteaus qui soutien-
nent la table sont les maitres d’hostels, gouuer-
neurs, & metayers, ou censiers & closiers. Les
vaisseaus à garder froment, les despensiers: co-
fres & cabinets sinifient la femme.

Des [p. 57] Fac-simile de la page LIVRE I. 57

Des Ointures, & fards.

Songer estre oint & fardé, est bon à toutes
femmes, sinon aus meschantes: aus hommes est
mauuais, & sinifie vergongne, sinon à ceus qui
ont de coutume d’en vser.

De Danser, & chanter.

Songer danser chez soy à part, ou seulement
en preference des habitans de la maison, est bon à
tous, mesme aussi voir sa femme, ses enfans, ou
quelcũ de ses parens danser, est bon: car c’est grãde
abondance de liesse, & de bien: mais à celui qui
est malade, & qui ha quelque malade chez soy, est
mauuais. Aussi songer de danser ou voir danser
quelque sien alié en presence de gens estranges
& inconnuz, est mauuais à tous. Voir vn enfant
sauter & dãser, c’et sine qu’il sera sourd & muet.
Au serf & au nauigant, le Songe de danser est
mauuais: car le premier sera batu, l’autre en dan-
ger d’estre peri en l’eau. A celui qui est en capti-
uité, est bon: car il aura liberté. Songer danser en
lieu haut, sinifie tomber en creinte & danger: si
c’et vn malfaiteur, il sera pendu. Plaisanter, faire
rire, & contrefaire les autres, sinifie deceuoir au-
cuns. Songer de chanter bien & de mesure, est
bon aus musiciens, & à tous autres: mais chãter,
& sans acord, est sine d’empeschemens d’afaires,
d 5 & [p. 58] Fac-simile de la page 58 ARTEMID. DES SONGES
& de póureté. Chanter par le chemin est bon,
mesme si lon va apres la charue: car sinifie viure
honnestement & ioyeusement: mais chanter aus
estuues est mauuais, & sinfie perdre la voix. Aus-
si plusieurs par ce Songe ont esté condannez en
captiuité de prison ou galeres. Chanter au mar-
ché & lieus publiques, c’et vergongne & deshon-
neur aus riches, & folie aus póures.

Des Couronnes de toutes fleurs.

Couronnes de fleurs en saison, sont generale-
ment bonnes. Courõnes de lys flambé sont mau-
uaises à tous. De violettes en saison, sont bonnes:
hors saison, mauaises: les blanches pires que les
bleuës. Couronnes de roses en saison, Sont bon-
nes à tous, fors aus malades, & à ceus qui se ca-
chent: car ceus là mourront, à cause que les roses
seichent facilement: & ceus cy seront manifestez
& reuelez, à cause de l’odeur. Couronnes de pas-
seuelous, sont bonnes à tous, mesme à ceus qui
ont proces: car ils ont vne couleur qui dure. Cou-
ronnes de lys, diferent les afaires auec esperance.
Couronnes de cresson, d’espergoute, de fleur
apelee la pacience, & de marioleine, sont mau-
auises à tous: car le plus souuent sinifient mala-
die. Couronne de persil, ou de aiche, c’est mort
aus malades. Couronnes de palme ou d’oliuier
sinifient noces de fille de maison, & lignee. La
palme [p. 59] Fac-simile de la page LIVRE I. 59
palme, fils: l’oliuier, fille. Lesdites couronnes sini-
fient estat & dinité au champion, & à celui de
bas estat qui les apete. Autant sinifie couronne
de chesne, & de laurier, & à celle de myrte autant
que d’oliuier. Couronnes de cire sont mauuaises
à tous, mesme aus malades. Couronnes de laine
sinifient poisons & prisons. De sel, ou de soul-
phre, sinifient soufrir dommages, & troublemens
par gens puissans & d’autorité. Couronne d’or,
est mauuaise au serf, s’il n’a le reste, i’entends la ro-
be de Roy, & la Signeurie apres soy: aussi est
mauuaise à celui qui est póure: car c’et outre son
estat. Au malade sinfie mort de brief: car l’or est
pále, & pesant, & froit, & d’autant semblable à
la mort: & reuele les secretz: car celui qui porte
couronne d’or est bien regardé. Mais i’ay connu
par experience que cette courõne presentee par
songe, aporte hõneur & profit aus riches, & puis-
sans, & aus Preuots & Iuges. Estre courõné d’on-
gnons, sinifie profit à celui qui porte telle cou-
ronne, mais dommage à ceus qui sont autour de lui.

Du Dormir.

Songer dormir ou sommeiller, sinifie empes-
chemens d’afaires, & est mauuais à tous, fors à
ceus qui sont en doute & attente de quelques
peines: car ce Songe les deliure de peine & souci,
mais [p. 60] Fac-simile de la page 60 ARTEMID. DES SONGES
mais songer se réueiller, sont accions & opera-
cions. Dormir en l’eglise, à celui qui est malade,
sinifie santé: à celui qui est sain, maladie, ou grans
afaires. Dormir en la voye, & aus cemeteries, c’et
mort aus malades: aus autres, empeschement.

De Adieu.

Songer dire & ouir dire Adieu, n’est pas bon:
car ny ceus qui viennẽt vers nous, ny nous, vou-
lans entreprendre quelque chose, ne disons
pas ainsi, mais seulemẽt ceus qui se se-
parent: & pource ce Songe sini-
fie empeschement de ma-
riages & d’aliãces, &
mort de ma-
lades.

Fin de l’Epitome du premier liure.

[p. 61] Fac-simile de la page 61

LE TRANSLATEVR,
à Monsieur Verlus, Chanoyne
de Mascon.
*

C  ’ET vn grand plaisir à vn auteur ou
  traducteur, quand il adresse ses la-
 beurs, ie ne dy pas à gens qui ne
  sont point ingrats seulement, mais
  aussi qui n’ont point en leur esprit
opinion contraire de l’euure, voire si imprimee
en leur cerueau, que ny la raison, ny l’experience
ne les puisse veincre. Et pourtãt doit bien auiser
deus & trois fois vn auteur, à quelles gens, & de
quel esprit, & aprehension il adresse son euure.
Ie dy ceci, non que i’aye eu afaire à gens ingrats
ou mesprisans, mais que ie creindrois d’y tom-
ber: & aussi par ce que i’en voy aucuns qui disent
assez legerement (comme il est tousiours plus fa-
cile à blamere & reprendre, qu’à louer & entre-
prẽdre chose vertueuse) que mon labeur est nul,
que Songes sont mensonges, que Artemidore, &
autres qui ont traité telles matieres, ce sont grãs
fols. Mais pource que i’ay disputé au contraire,
& alegué certeins grans Auteurs les plus estimez
en Filosofie, comme Socrate, Platon, & Aristo-
te , ausquels i’en puis aiouter d’autres, Princes de
Medecine, & Retorique, comme Hippocrate, Ga[-] lien, [p. 62] Fac-simile de la page 62 EPITRE
lien, & Ciceron: & encor plusieurs histoires de
Historiografes les plus renommez, que i’ay autre
part aleguez, & maintenant ie laisse pour cause
de brieueté, ne les voulant repeter, ne disputer
comme faisant vne chose ia faite: Seulement ie
diray que s’il n’y ust eu quelque fruit, science, &
erudicion vertueuse & profitable en ce liure, Ar-
temidore homme sauant & Filosofe, tant renom-
mé en cette matiere, & qui ha fait & composé
plusieurs autres liures & traitez, n’ust voulu
tant suer, pener, & trauailler de corps & d’esprit
& tant ocuper son tems & son sens apres cet eu-
ure, comme il est tresuraysemblable: Ny les Grecs
ne l’ussent tant gardé sur tous, & apres tant d’au-
tres traitans de cette matiere: ny les Latins, ni
mesme les Italiens n’ussent pris la peine de
mettre & traduire en leur langue vulgaire. ce
i’ay voulu faire apres eus en la notre. Et diray en-
cor’ ce mot, c’et, que nul tant grãd ou petit qui
soit, auec ses propos communs ne pourroit pa[s]
oter facilemẽt de mon cerueau, ny de ma raison
ce que i'ay connu & entendu dudit euure, & que
ie connois tous les iours par confirmacion [de]
l’experiẽce, pour vne grande partie: Ains le lou[e-]
ray & aprouueray dauãtage pour raison de leur
froides raisons communes, contre la science [et]
experience: car ie suis content d’estre moqué,
estimé [p. 63] Fac-simile de la page DV TRANSLATEVR 63
estimé resueur ou songeur auec le gentil petit
Ioseph fils de Iacob, qui fut ainsi moqué par ses
propres freres, pour auoir exposé les Songes: la-
quelle exposicion fut par l’issue aprouuee, à l’hõ-
neur & exaltacion de lui, & cõfusion des autres.
Ce que i’espere que le mesme auiendra en partie
en moy, & en autres trop plus sauans que moy,
& qui deuant moy ont à ce trauaillé. Me faisant
bien seur & disant apres notre Auteur, que nul
ne mettra la dent de detraccion sur lui, sinon ce-
lui qui n’aura vouloir ou pouuoir de prendre la
peine & patience d’atendre & connoitre l’ussue
& experience de sa science, par grand trauail, par
maintes veilles, & par long tems, longs voyages,
& longues disputacions aquise. Non pas toute-
fois que ie veuille dire que ce soit reigle infailli-
ble: car il n’y ha si bon ne si veillant qui ne som-
meille, mesme le Homere, comme dit le Pro-
uerbe Poëtique. Mais si est ce grand cas, certes,
d’estre paruenu à escrire, & conclure ce que le
plus souuent auient de chose si obscure, secrette,
inconnue, ou incerteine comme sont estimez les
Songes. Or pource que ie say, & connois par la
beninité de ton esprit, que tu es totalement con-
traire à ces ignares & detracteurs, & q̃ tu prens
plaisir en telles choses, i’ay pensé de te faire pre-
sent de ce mien translat en forme d’Epitome, du
second liure d’Artemidore: Iont que tu es celui
qui [p. 64] Fac-simile de la page 64 EPISTRE
qui peus beaucoup enuers moy, & qui m’as inci-
té grandement (comme homme de lettres, &
amateur d’icelles, que tu es) auec
maitre Antoine du Moulin, maitre Claude du
Four, & maitre Odoart le Verrier & autres, à fin
que ie poursuiuisse cette traduccion, & Epito-
me, ayans sù que i’avoir ia fait l’Epitome & tra-
duccion du premier liure. Tu receuras donq le
petit present, de mesme visage que tu m’as reçu
chez toy, comme tu ferois l’un de tes meilleurs
amis & aliez. Et en le lisant & relisant auec iuge-
mẽt de l’experiẽce, feras plaisir à moy, & possible
plaisir & profit à toy. Ce que i’espere, car ie ne say
pas quel plus grand plaisir & profit lon voudroit
chercher, que de preuoir, premediter, & preuenir
ses afaires, soit bien, soit mal, à fin d’y donner or-
dre: & nous resiouir & consoler en Dieu, & auec
les amis, du bien qu’il nous sinifie & demontre
au miroer de notre Ame, qui est notre seul tres-
grand & tresriche tresor: Ou le prier & preue-
nir à l’encontre des maus dont il nous menasse-
roit par Songes & visions, à fin de les destourner
ou amoindrir par sa grace & par notre humilité
en toute creinte & reuerence de sa puissance &
maiesté: Ainsi que nous lisons au liure de Iob.
Pourquoy estriues tu contre Dieu, de ce qu’il n’a
pas respondu à toutes tes paroles? Car Dieu par-
le d’une sorte & d’autre à celui qui ne voit point [p. 65] Fac-simile de la page DV TRANSLATEVR. 65
la chose: à sauoir par le Sge [sic pour Songe] en la vision de nuit,
quand le somme chet sur les hommes, & qu’ils
dorment au lit, il ouure alors l’oreille des hom-
mes, & les espouuente par instruccions. C’et grãd
cas que nous auons Dieu, ou vne partie de lui &
de sa diuinité en nous: ainsi que disent les Poë-
tes: ce qui est conforme à la verité de notre foy,
& des saintes escritures: & toutefois on en tient
si peu de conte, que des amonicions, sinifiances,
ou menasses de cette partie de Dieu en nous, on
les repute cõmunément à moquerie & derision:
Et non seulement icelles, mais aussi ceus qui les
quierent disputer, esclarcir & exposer à l’hõneur
du Createur, & profit de la creature, lon les mo-
que & blame, en les voulant diuertir non sans in-
iure à Dieu, à l’esprit, & à la nature. Ie ne saurois
à qui mieus comparer telles gens qu’aus Scribes
& Farisiens, & au chien Esopique, qui abayoit &
empeschoit les beufs ou cheuaus de manger le
foin qui ne lui estoit pas bon, & dont il ne pou-
uoit user. Si iamais lon n’auroit esté amonnesté
par Songe, si les Songes souuentefois n’auroient
esté reuelacion diuine, si les Songes n’estoiẽt cho[-]
se spirituelle, c’etadire operacion de l’esprit, lon
pourroit parauenture auoir ocasion de les bla-
mer, & diuertir ceus qui en seroit studieus.
Certes & nonostant (pour le seur) plus me res-
iouira le nombre (encore qu’il soit petit) de ceus
e qui [p. 66] Fac-simile de la page 66
qui se recreeront & profiteront en cette mienne
petite traduccion, que ne me troublera le grand
nombre de ceus qui en detracteront. Et tu dois
estre seur que deuant que iamais i’usse vù, lù, ny
tenu le liure d’Artemidore, ie l’ay oui fort esti-
mer par gens sauans & en Italie, & en France:
l’autorité desquels est la cause qui m’a fait enuie
de le voir, & reuoir diligemment depuis quelque
ans en ça. Et l’ayant lù et relu, & experimenté
pour vne grand’ partie, en moy & autre, m’est ve-
nue vne autre enuie, c’et de le traduire, & aporter
ce profit à ma nacion & aus notres, comme les
Latins & Italiens aus leurs.

Ie suis trop long, & pource faisant fin ne te di-
ray plus que ce mot, c’et que ie ne me puis tenir
d’amirer que les choses qui sont escrites cy dedens
y ha enuiron deus mille ans sont encor à present
experimentees semblablement, & ont encor au-
iourdhui mesmes efets, euenemens, & issues: En
quoy apert que le labeur, & la diligence, &
science sont grãdes, parfondes, & mer[-]
ueillables en ce traité, nõ moins
fructueus en experiences
& efets, qu’en bon-
nes raisons na-
turelles.
*

[p. 67] Fac-simile de la page 67

PREFACE DE L’AVTEVR
sur le second Liure.

A  V premier liure i’ay traité de l’intel-
 ligence de l’art, & de la maniere
  comment il faut iuger des Songes: &
  des choses dont ie parleray en l’un &
l’autre liure, & de toutes choses communes à l’hom[-]
me & usageres. Ayant tousiours égard que sans
grand neceßité ie n’emprunterois rien des An-
ciens: Et ne delaissant aucune chose qui vienne au
propos, sinon qu’il y ust telle chose qui ust eté bien
traitee & doctement par les Anciens, au moyen
dequoy n’estoit besoin que i’en traitasse: à fin qu’en
leur voulant contredire, ie ne fusse contreint
de mentir: ou en disant comme eus, ie
semblasse vouloir empescher leurs
euures & labeurs de ve-
nir en connois-
sance.
*

c 2 EPIT
[p. 68] Fac-simile de la page 68

EPITOME
DV SECOND LIVRE
D’ARTEMIDORE

De Veiller.

S  ONGER que de nuit on veil-
 le en la chambre, sinifie aus ri-
 ches, grans afaires: aus póures,
  & à ceus qui veulent vser de
  quelques surprises & falaces,
  est bon: car les premiers ne se-
ront point sans ouurer & gagner: les autres fai-
sans leur surprise auec grande astuce, viendront à
chef de leur entreprise.

De partir, & saluer.

Songer partir le matin hors la maison, & n’e-
stre point empesché ny encloz, est bon: car sini-
fie que les afaires se feront: mais ne pouuoir de-
partir, ne trouuer issue de la maison, c’et retar-
dement à ceus qui veulent voyager & empes-
chement d’afaire, & longue maladie au malade.
Saluer ses familiers, leur parler & les acoler, est
bon: car sinifie dire & ouir bon propos, mais
s’ils [p. 69] Fac-simile de la page LIVRE II. 69
s’ils ne sont bien familiers, ains simplement &
seulement connuz, le Songe n’est pas tant bon:
s’ils sont ennemis, sinifie entrer en amitié. Baiser
les morts à celui qui est malade, sinifie mort: à ce-
lui qui est santé lui defend de parler de ses afai-
res pour le present, à cause qu’il ha baisé la bou-
che du mort: toutefois si le mort ha esté notre
ami ioyeus & priué, cela n’empesche point ny le
parler ny l’entreprendre.

Du Vétement en general.

Les habits acoutumez & conuenables à la
saison, sont bons: comme en Esté habit de toi-
le, & de laine vse: en yuer habit neuf & de laire.
A celui seul qui ha proces, & qui est serf desirant
liberté, songer auoir robes neuues est mauuais,
pource qu’il faut long tems à les vser, & resistent
dauantage. Habit blanc est bon seulement aus
Sacrificateurs, aus autres sinifie troublemens:
aus gens mecaniques, c’et qu’ils n’auront point de
besongne, & reuele les malfaiteurs. Au mala-
de c’et mort: mais le noir, santé: toutefois i’en
ay vù plusieurs, póures, serfs, captifs, qui ayans
songé estre vétuz de noir, mouroient. Ledit ha-
bit noir est mauuais à tous, fors à ceus qui veu-
lent faire choses secrettes. Auoir robe de diuer-
ses couleurs, ou d’escarlate, aus Sacrificateurs,
plaisanteurs, farseurs, est bon: aus autres sinifie
e 3 troub [p. 70] Fac-simile de la page 70 ARTEMID. DES SONGES
troublemens, & perils, & reuelement de secrets:
aus malades c’et qu’ils seront tourentez de for-
tes humeurs & abondanteS. Robe d’escarlate aus
serfs & riches, est bonne, sinifiant liberté, &
honneur ou dinité Elle tue le malade, & apor-
te plus grand’ póureté au póure: à plusieurs ha
sinifité captiuité: car il faut que l’homme vétu de
pourpre ou escarlate ait aussi diademe, couron-
ne, plusieurs auec soy, & gardes de son corps:
toute telle robe teinte en escarlate, aus vns c’et
blessure, aus autres fieure. Robe de femme est
bonne seulement à ceus qui n’ont point de fem-
me, & qui montent sus eschafaus pour iouer.
Les autres apres ce Songe perdent leurs femmes,
ou tombent en grande maladie, pour la delica-
tesse & efeminacion de ceus qui portent tels ha-
bits. Et toutefois en cas de resiouissances & assem-
blees, ne sont cõtraires ny robes de diuerses cou-
leurs ny robes de femmes. Auoir robe de façon
& nacion estrange, c’et bien prosperer entre les
estrangers, à celui qui delibere y aller ou demou-
rer, & faire estat d’y viure: aus autres c’et mala-
die & empeschement d’afaires. Auoir robe deli-
cate & somptueuse, est bon aus riches & póures:
car à ceus là durera la prosperité presente: à ceus
cy les biens acroitrõt. Robes rompues & deschi-
rees, c’et dommage, & empeschement d’afaires.
Saye, hoqueton, ou paletot, ou chemise de drap,
c’et [p. 71] Fac-simile de la page LIVRE II. 71
c’et facherie, & perte de proces: & pourtant est
meilleur songer les perdre, que de les auoir: mais
la perte de nul autre habit n’est bonne fors aus
póures, aus serfs, aus captifs, & endettez: car ces
habits perdus, c’et perte de maus qui le corps en-
uironnent: aus autres n’est bon songer la perte,
& nudité: car sinifiroit aussi perte des choses
duisantes & plaisantes. Belles robes, braue, & de
diuerse couleur, est bon songe à la femme, mesme
riche, & de ioye: car celle là se tient braue pour
son plaisir, cette cy pour son profit. C’et tous-
iours meilleur de songer auoir beaus habits, ri-
ches, & bien nets, que petis, & sales, sinon à ceus
qui exercent mestiers ords & sales.

Penser que lon laue ses habits.

Songer de lauer ses robes, ou celles d’autrui,
c’et efacer & perdre ou eschaper quelque dõma-
ge & danger quant au corps & à la vie: car aussi
les robes lauees regettent leurs ordures. Ce Son-
ge aussi sinifie autrui aprendre & surprendre no-
tre secret: car lauer se prent pour reprendre &
corriger: & pourtant est mauuais Songe à ceus
qui sont en doute d’estre repris & surpris.

Des Brauetez exterieures.

Anneaus de fer par dehors, sinifient biens,
mais auec labeurs: Aussi anneaus d’or qui ont
e 4 pierr [p. 72] Fac-simile de la page 72 ARTEMID. DES SONGES
pierres sont bons: car ceus qui n’ont pierre, c’et
entreprise sans profit: mais tousiours sont meil-
leurs anneaus massifs & tous pleins, que les creus
& cauez, qui sinifient dol & tromperie, & plus
grand espoir que profit. Anneaus d’ambre & d’y-
uoir, & autres sont bons seulement aus femmes.
Carquans, cheines, perles, & pierres precieuse &
toutes parures de teste, & de col de femmes, sont
bonnes aus femmes: car aus vesues & pucelles si-
nifient noces: à celles qui n’ont point d’enfans,
qu’elles en auront: & à celles qui ont maris & en-
fans, sont aquests & richesses: car comme les fem[-]
mes sont parees de ces parures, ainsi seront pour-
uuës d’espous, d’enfans, & de biens. Mais aus
hommes ce Songe sinifie dol & decepcion, &
brouillerie en cas d’argent, non pas à cause de
la matiere, mais de la figure & facon: car songer
auoir de l’or, n’est pas mauuais à cause de la ma-
tiere, comme aucuns ont voulu dire: mais au
contraire est bon, comme i’ay connu par expe-
rience: mais que toutefois lon n’en songe point
auoir trop & par exces, & mal consonant à cause
de la façon & figure: comme aus hommes doru-
res, cheines, & carquans: ny outre l’estat, comme
aus póures couronne d’or, & vaisselle, & grandes
pieces d’or: car quand quelcun aura fait tel Son-
ge l’or sinifiera mal, non point pour la matie-
re, mais pour l’artifice & figure. Mais si les pa-
rures [p. 73] Fac-simile de la page LIVRE II. 73
rures se perdent, rompent, ou debrisent, c’et
perte à la femme. Perte d’anneaus à l’hõme, sini-
fie non seulement la perte de ceus ausquels il ha
donné charge de ses biens, comme la femme & le
Metayer, mais aussi de ses biens, terres & posses-
sions: Et qu’il ne prestera, & donnera plus à ceus
ausquels il ha presté, & donné charge. A plusieurs
ce Songe ha predit perte des yeus: car les yeus
ont quelque conuenance aus anneaus à cause
des pierres: mais quand est de la chaussure, faut
iuger comme de l’habit.

De se Pigner, & des Cheueus retors.

Songer de se pigner, est bon à l’homme & à la
femme: car sinifie sortir hors de mauuais tems &
d’afaires: mais plier & retordre ses cheueus, est
bon seulemẽt aus femmes, & aus hõmes qui l’ont
de coutume. Aus autres sont dettes & empesche-
mens pour argent, & quelquefois prisons & sedi-
cions.

Du Miroer.

Estre deuant le miroer, & se voir sa for-
me, est bon à celui & celle qui se veulent ma-
rier: car le miroer sinifie à l’homme la femme,
& à la femme l’homme: est bon aussi aus gens
afligez & tristes, car sinifie tot passer la tri-
stesse, à cause que gens tristes ne se mirent point:
mais ce Songe aus malades, c’et mort. Les autres
c 5 par [p. 74] Fac-simile de la page 74 ARTEMID. DES SONGES
par ce Songe sont alez en estrange païs. Ne se
voir dens le miroer tel qu’on est, sinifie estre ape-
lé Pere de batars, ou d’enfans d’autrui: mais se
voir plus laid & diforme, c’est tristesse & facherie:
Comme aussi songer se voir & mirer en l’eau, c’et
mort au songeur, ou à quelque sien familier.

De l’air, & de ce qui s’y fait.

L’Air cler & pur est bon à tous, mesme à ceus
qui quierent choses perdues, & qui veulent faire
voyages. L’air trouble & nubileus, au contraire
sinifie empeschemens & facheries. La pluie sans
grand vent ny tempeste, est bonne à tous: sinon à
ceus qui vont en estrange païs, & qui sont leur
estat & ouurage en apert & à descouuert. Peti-
tes pluies & goutes d’eau, sont bonnes aus labou-
reurs, aus autres c’et petit de gain. Grosses pluies
tempestatiues, sont troublemens, dommages &
dangers, sinon à ceus qui sont serfs, póures & afli-
gez: car c’et brieue deliurance de leurs maus pre-
sens. Comme incontinent apres telle soudeine
tempeste vient le beau tems. Neige & glace vuës
en tems, ne sinifient rien: car l’esprit, encor’ quãd
le corps dort, se souuient du froit du iour: mais
hors tems & saisn, c’et bon Songe aus labou-
reurs, aus autres non: car c’et que leurs afaires se
feront froidement, & defend voyager. Gresles,
sont troublemẽs & tristesses, & reuele les secrets.
Le [p. 75] Fac-simile de la page LIVRE II. 75
Le tonnerre sans l’escler, c’et aus serfs trouble-
ment, & trahison: mais l’escler sans tonnerre,
creinte vaine, & sans cause. Voir le feu au Ciel,
net, pur, & cler, non pas grãd ny espois, sont me-
naces de quelques gens de grand estat: Mais grãd
feu & espois, c’et aproche & course d’ennemis,
póureté, & famine. Et en quelque lieu que soit le
feu, & de quelque lieu qu’il vienne soit de la bise,
ou de Midi, d’Orient ou d’Occident, de ce coté
viendront, & enuiron ces regions courront les
ennemis, ou y fera famine: mais encor’ c’et le pis
songer que lon porte le feu. Voir torches & flam[-]
beaus ardans tomber du Ciel, & buches, & co-
lonnes, & arbres brulans: c’et pareillement grand
& extreme danger de la vie à celui qui songe.
L’escler sans tempeste tombant pres, sans tou-
cher le corps, sinifie changer de lieu: tombant de-
uant la personne, defend voyager. Estre ateint &
frapé de la foudre ou escler, est bon à ceus qui ne
veulent leur peché & póureté estre celee, aus au-
tres elle les reuele. Aus riches & puissans preten-
dans grand’ dinité, comme de sceptre ou de couron[-]
ne d’or, est bon: car le feu resemble à l’or: aus au-
tres ce Songe sinifie perte de biens. Dauantage à
ceus qui sont à marier, sinifie mariage, soient ri-
ches ou póures: mais ront les mariages faits, & les
amis rend ennemis: car la foudre brise, & ne vnit
pas. Ceus qui ont enfans, rend sans enfans: car les
arbres [p. 76] Fac-simile de la page 76 ARTEMID. DES SONGES
arbres foudroyez seichent & perdent fruit &
fleur & germe. La foudre rend les champions
honorez, & les Orateurs, & tous ceus qui se veu-
lent montrer & faire aparoir, & aussi est bonne à
ceus qui ont proces en cas d’honneur & de renom-
mee: mais c’et perte en cas de possessions & mai-
sons: non pas de terre, à ceus de la possedẽt, ains
sinifie n’en perdre point la iouissance: mais à ceus
qui pretendent y entrer, c’et qu’ils ny entreront
pas. Aussi sinifie à celui ꝗ est en païs estrãge qu’il
y demourra. Faut entendre que tout reuient en
vn de songer estre seulemẽt ateint, soit à la teste
soit à l’estomac, ou estre bruslé de la foudre: mais
que lon ne songe estre du tout brulé & confiné:
car c’et mort à celui qui songe. Aussi faut sauoir
qu’il n’est pas bon d’estre ateint de foudre estant
abouché à terre, ou gisant à la renuerse, ny estant
en nauire: ains seulement estant debout & droit
sur piez, ou assis en siege Royal & magnifique.

Du Feu domestique.

Voir du feu au foyer, cler & petit, est bon:
mais beaucoup, est mauuais: petit & cler, c’et a-
bondance de biens. Feu mort, c’est poureté: &
s’ily ha aucun malade en la maison, c’et sa mort.
Tenir torches & flambeaus de nuit, est bon, mes-
mes aus Ieunes gens, le plus souuent leur sinifient
amours [p. 77] Fac-simile de la page LIVRE II. 77
amours à plaisirs, & operacions en leur art &
estat. Mais voir autrui tenãt vne torche, est mau-
uais à ceus qui veulent estre secretz. Lumiere ar-
dente en la maison, clere & nette, c’et aquisicion
de biens: aus non mariez, mariage: aus malades,
santé: Mais lumiere obscure & trouble, c’et tri-
stesse, & mort par maladie. Lumiere esteinte, c’et
conualescence: car tot apres lon l’alumera. Lam-
pe d’erain, c’et plus grans biens, ou plus grans
maus, selon la disposicion de sa lumiere. Lampe
de terre les sinifie moindres: mais l’une & l’autre
reuele les secretz. Lampe vuë en nauire, c’est grãd’
tranquilité.

Des Maisons ardentes.

Les maisons ardentes de feu cler, sans tomber
ny diminuer, c’et richesse aus póures: aus riches,
hauts estats & dinitez. Mais les maisons qui bru-
lent, & tombent ou se consomment, font mau-
uaises à tous, & sinifient mort de maitres, enfans,
seruiteurs, parens ou amis: semblablemẽt les ar-
bres ardans deuãt ou dedens la maison. La porte
de la maison ardante, c’et mort de la femme, &
danger à celui qui songe. Alumer facilemẽt le feu
au four ou au foyer, c’et generacion. Mais l’e-
steindre puis apres, c’et dommage.

Des Chiens, & de la chasse.

Les filez & laz, & toutes telles choses, pour
tromper [p. 78] Fac-simile de la page 78 ARTEMID. DES SONGES
tromper & surprendre les bestes, sont mauuaises,
sinon à ceus qui quierent gens fugitifs, & chose
perdue: car sinifient brief recouuremẽt: c’et bien
meilleur les tenir & auoir, que voir vn autre les
tenant: d’autant que c’et meilleur facher que d’e-
stre faché. Léurier alans à la chasse, sont bons à
tous, & sinifient accions & ouurages: Aus gens
acusez & plaidans en iustice, sont mauuais: mais
retournans, tolissent creinte & empeschent d’ou
urer. Les chiens mátins, gardes des maisons, sini-
fient femmes, seruiteurs, & posessiõs. Les chiens
d’autrui nous blandissans, sinifient dol & dece-
pcion: mordans & abavans, iniures & auersitez
& souuent fiéures. Les petis chiens de plaisir, sont
delices & passetems.

Des Bestes de toute sortes.

Les brebis sinifient auancement & paruenir
aus biens: pource est tresbon songer d’en auoir
beaucoup, ou voir celles d’autrui, & les paitres,
mesme à ceus qui veulent pretendre estat & gou-
uernement de charge de peuple, & qui y sont ia
paruenuz, & aus Sofistes, Docteurs, & Maitres
d’escole. Le belier sinifie le maitre, ou le Prince
& Roy: Il est bon de songer estre monté dessus
seurement, & par lieus plains & faciles, mesme
aus Orateurs, Auocats, Procureurs, & à tous
ceus qui ont enuie d’amasser or & argent. Les
chéures [p. 79] Fac-simile de la page LIVRE II. 79
chéures ne sinifient rien de bien: mais sont pi-
res aus nauigans. Asnes portans charges, forts &
obeïssans, sont bons en amitié & compagnie, &
sinifient la femme, le cõpagnon l’ami, non adon-
nez sur l’estat ne fiers: mais debonnaires & bien
obeïssans: & sont bons aussi en toutes afaires &
entreprises. Mulets sont bons à toutes opera-
cions, mesme à l’agriculture: seulement sont con-
traires à noces & generacion. Si les asnes ou mu-
lets sont detrauez & eschaufez, & faisans mal, ou
sauuages, c’et decepcion par quelques domesti-
ques ou fugetz. Et les mulets aussi sinifient ma-
ladie, comme i’ay connu par experience. Beufs en
labeur, sont bons à tous: mais en troupe, c’et
troublement, diuulgacion, & peril. Le taureau
sinifie quelque grand personnage, mesme s’il me-
nasse & poursuit. Aus nauigans, c’et tempeste: &
s’il blesse, dommage & naufrage par inconue-
nient qui tombera en haut du maz, comme i’ay
souuent experimenté, & est tousiours ainsi aue-
nu. Cela soit dit des bestes domestiques & fami-
lieres, maintenant parlerons des sauuages. Voir
vn Lion dous & familier & blandissant, sinifie
bien & vtilité par le Roy à l’homme de guerre,
par la santé au luiteur & escrimeur, par le magi-
strat au mecanique, par le maitre au seruiteur: car
le Lyon represente ces personnes pour sa force
& puissance: Mais s’il est eschaufé, & veut nuire,
sinifie [p. 80] Fac-simile de la page 80 ARTEMID. DES SONGES
sinifie creinte, & maladie & menasses de telles
personnes, & dãger de feu. Voir ou auoir le front
de Lyon, est bon à tous: & le plus souuent, c’et
generacion d’enfant mále. La Lyõne sinifie com-
me le Lyon: sinon que moindres biens & moin-
dres maus, & non par hommes, mais par femmes.
I’ay connu aussi que par ce Songe d’une Lyonne
menassant ou mordant, les riches personnages
sont tombez en crimes & acusacions. La Léo-
parde sinifie l’hõme & la femme, gens meschãs &
cauteleus, à cause de la diuersité de couleur, et gẽs
d’estrange nacion, maladie, creinte tresgrande, &
mal des yeus. L’ourse sinifie la femme, la maladie
& retour d’estrange païs. L’Elephant vù en son-
geant, c’et creinte & peril. I’ay souuent obserué
& connu que l’Elephant menassant, sinifie mala-
die: & atrapant & tuant, sinifie mort. I’ay con-
nu en Italie femme riche & saine, qui auoit songé
qu’elle estoit montee sus vn Elephant, & bien
tot apres elle mourut. Faut entendre que toute
beste sauuage generalement, reprensente les enne-
mis, & pourtant est tousiours meilleurs les vein-
cre qu’estre veincu. Le loup sinifie l’an & l’enne[-]
mi cruel venant pleinement contre nous. Le re[-]
nart sinifie ce que le loup, & l’ennemi venant se-
crettemẽt, par surprise & eschauguette: & le plus
souuent decepcion par femme. Le singe sinifie
l’homme malfaiteur, & trompeur. Le sanglier
sinifie [p. 81] Fac-simile de la page LIVRE II 81
sinifie pluie & tempeste à ceus qui voyagent: &
à ceus qui plaident, forte partie aduerse: aus la-
boureus sterilité: à celui qui se marie, femme ru-
de & facheuse. Le cerf, aus nauires sinifie les gou[-]
uernaus, & le cours: & en chemin par terre, le
voyage facile ou dificile selon la disposicion du
cerf: aus autres lieus, sinifie gens fugitifs estre
trompeurs & faus pariures, mais creintifs & mal
assurez. Lon pourra iuger de toute autre beste se-
lon la forme precedente par celles à qui elles con[-]
uiennent. Et faut retenir que les bestes domesti-
ques qui se montreront fieres & sauuages, sont
sinificatiues des maus: & au contraire, les cruel-
les & sauuages qui par Songe se presenterõt dou[-]
ces & domestiques, sont sinificatiues des biens:
mais encor sinifient tresgrans profits, si elles sem-
blent parler notre langage, mesme si elles dient
quelque chose de bon, & de ioyeus, & tout ce
qu’elles dient communément auient.

Des Bestes glissantes.

Le dragon sinifie le Roy, le Signeur & Magi-
strat, & le tems, pour sa longueur: richesses aussi,
or & argent. Quand on songe qu’il vient, & don-
ne quelque cas, & qu’il parle, sinifie grans biens:
si au contraire, il est sinificatif de mal. Dragon
plissé & entortille & faisant horreur, sinifie grãd
danger, captiuité, & mort au malade. Le serpent
f sinifie [p. 82] Fac-simile de la page 82 ARTEMID. DES SONGES
sinifie maladie & inimitié, & selon qu’il se mon-
stera, se gouuerneront, & nous traiteront l’en-
nemi, & la maladie. L’aspic & vipere sinifient
l’argent, & les riches femmes. I’ay connu par ex-
perience que ces deus bestes nous aprochans re-
pliees & retorses sont sinificatives de bien: mes-
me si elles nous mordent. Quelconque beste lon
songe que la femme porte en son sein cachee,
auec plaisir & passetems, elle sera corrompue
par l’ennemi de celui qui songe: mais si elle ha
creinte & tristesse de ladite beste, elle aura ma-
ladie: & si elle est enceinte, son fruit sera en
danger.

De la Pescherie.

Les retz & tous autres instrumẽs de lin à pren[-]
dre les poissons, sinifient ce que les filez de chas-
se, dont auons parlé cy dessus. Semblablement
le fil de soye, & poil de cheual, & l’ameçon sini-
fient cautelle & tromperie: pourtant est tous-
iours meilleur de songer les auoir, que si vn autre
les tenoit. Prendre beaucoup de poissons ensem-
ble & bien grans, sinifie à tous gain & profit,
fors à ceus qui exercent art & mestier requerant
estre assis: car les premiers ne pourroient pescher
et faire leur mestier: les autres auront disciples
& auditeurs ineptes, à cause que les poissons sont
muets [p. 83] Fac-simile de la page LIVRE II. 83
muets. Prendre des petis poissons, c’et tristesse,
& non pas profit. Tout poisson de diuerse cou-
leur, c’et poison au malade, dol & trahison aus
gens sains. Poissons rous sinifient aus serfs &
malfaiteurs, tourmens: aus malades, grosses fié-
ures & inflammacions: à ceus qui veulent estre
secrets, reuelacion. Les poissons qui ont escaille,
& que lon escorche, sont bons aus malades, ca-
ptifs & póures, & à toute personne afligee: car
ils leur sinifiẽt abolicion & perte des maus dont
ils seront enuironnez.

Des Raines.

Les raines ou grenouilles, ce sont abuseurs &
bauars, mais les voir par Songe est bon à ceus
qui viuent sur le commun. I’ay connu homme
qui auoit songé qu’il frapoit de son poing, & des
neuz ou iointures des doigs dessus les grenouil-
les, & auint que son maitre lui donna puissance
surtous les autres de sa maison. Ainsi lon peut
estimer que l’estang representoit la maison: les
grenouilles, les habitans: le frapement de doigs,
le commandement.

Des grans monstres ou poissons de Mer.

Voir vn grand poisson en la Mer, n’est bon à
personne, fors le Daufin, qui promet vent du co-
té dont il tire: mais hors la Mer tout poisson &
f 2 grand [p. 84] Fac-simile de la page 84 ARTEMID. DES SONGES
grand monstre, est bon: car ils ne peuuent plus
nuire, ny sauuer eus mesmes. Et pource outre ce
que le Songe sinifie que nos ennemis ne nous
pourront nuire, il dit dauãtage que les meschans
seront punis: toutesfois le Daufin vù hors la Mer,
n’est pas bon, sinifiant la mort de quelcun de nos
bons amis.

Des Cormorans & Plongeons

Voir par Songe des cormorãs ou plongeons,
& autres semblables oiseaus de Mer, c’et peril
aus nauigans, mais non pas mort: aus autres, si-
nifient les amies, & puteins, ou trompeurs, ro-
beurs & meschans pariures, qui hantent les riuie-
res & Mer. Et si en songeant voir ces oiseaus, lon
perd quelque chose, lon ne la recouurera point.
Les canars & autres oiseaux de riuiere sinifient
le semblable.

Des Poissons morts.

Voir ou trouuer poissons morts en la Mer,
n’est pas bon: car sinifie veines esperances: mais
c’et meilleur de les prendre ou acheter en vie.
Aussi est bon en manger de tout apareillez, &
selon l’apareil faudra iuger, comme de la chair.
Voir vn poisson en la chambre, est mauuais au
nauigant & au malade. La femme enceinte qui
songe faire vn poisson au lieu de l’enfant, selon
l’opin [p. 85] Fac-simile de la page LIVRE II. 85
l’opinion des anciens elle fera vn enfant muet:
mais comme i’ay connu sinifie plustot faire en-
fant mourant, & de petite vie.

De loiselage ou chasse des oiseaus.

Les vergeons & la glus, c’et retour de ceus qui
sont lointeins, recouurement de fugitifs & de
chose perdue: des retz & filez à prendre oiseaus
faut estimer comme de ceus des bestes rousses,
& des poissons.

De la Volataille.

Grans oiseaus sont meilleurs aus riches, que
aus póures: & les petis & refaits, au contraire.
Voir vn aigle volant sus vne pierre, ou vn arbre,
ou en haut lieu, est bon à ceus qui veulent en-
treprendre afaires: mais à ceus qui sont en crein-
te, est mauuais: aussi sinifie retour de celui qui
est loin: s’il vole tout beau, & à son aise & plai-
sir, est bon, & sinifie que les afaires se feront,
mais non pas si tot. L’aigle volant & tombant
sur la teste de celui qui songe, lui sinifie mort.
Estre monté sus vn aigle, sinifie aus Rois, Prin-
ces, & aus puissans & riches personnages, la
mort: mais aus póures est bon: ar ils feront bien
venuz, & reçuz de quelques gens riches, dont ils
tireront grand profit, & le plus souuent en chan-
geant de lieu, & allant aus autres nacions. L’aigle
f 3 mena [p. 86] Fac-simile de la page 85 ARTEMID. DES SONGES
menassant, sinifie menasse de quelque puissant
personnage: mais dous, & donnant quelque cho-
se, ou parlant, c’et trouué le Songe bon par ex-
perience. La femme qui songe auoir engendré vn
aigle, fera vn enfant qui paruiendra, selon sa qua-
lité, à bien & honneur. Voir vn aigle mort est
bon au serf, & à celui qui creint: car sinifie la
mort du maitre & du menasseur: aus autres, c’et
empeschement d’afaires. Les vautours sont bons
aus potiers de terre, & tanneurs, & teinturiers
en cuirs: mais aus medecins, & malades, font mau[-]
uais. Aussi sinifient meschans garsons, & ro-
beurs habitans hors la vile, & mal en toute cho-
se. Le faucon & milan peut sinifier l’adultere, & le
larron. La corneille sinifie grand retardement
d’afaires, la femme vieille, & l’yuer. Estourneaus
sinifient gens necessiteus, & troublement en
vein, ce que sinifie aussi le geay. Les pigeons si-
nifient les femmes: les sauuages, femmes disso-
lues: les priuez, sinifient aussi les honnestes fem-
mes & meres de familles: mesme plaisir es afai-
res: & en cas d’amitié, compagnie, & reconci-
liacion. Grues & cigongnes vuës en troupe, sinifient
courir brigans & ennemis. En yuer, mauuais
tems & tempeste: en esté seicheresse: mais vuës
solitaires, & à part, sont bonnes à voyage, & si-
nifient [p. 87] Fac-simile de la page LIVRE II. 87
nifient le retour de celui qui seroit lointein: sont
bonnes aussi en cas de noces et de generacion,
mesme la Cicongne, pour le suport et nourritu-
re que lui donnent ses petis. Le Cine sinifie l’hom[-]
me musicien et la musique, et reuele le secret, à
cause de sa couleur: aus malades vù, sinifie santé:
mais s’il chante, mort: car il ne chante qu’il ne
soit pres de mourir.

Des Mouches.

Mouches à miel sont bonnes aus laboureurs,
et à ceus qui tient profit: aus autres sinifient
troublement, à cause du bruit qu’elles meinent:
et naureures, à cause de l’aguillon: et maladie, à
cause du miel, et de la cire. Voletans sur la teste,
sont bonnes à celui qui doit estre Chef et Capi-
teine, aus autres sinifent mal, mesmement mort
de par le peuple, ou les soudars: enclorre lesdites
mouches, et aussi les tuer, est bon à tous, fors aus
païsans et laboureurs.

De Nauiguer.

songer bien nauiguer, est bon à tous: mais
estre en tempestre, sur Fleuue, ou sur Mer, est mau[-]
uais, et sinifie tritesse et peril. Faire naufrage,
le nauire estant renuersé ou rompu, est tresdan-
gereus aussi à tous, fors à ceus qui sont detenuz
par force: car leur sinifie relasche et liberté. C’et
f 4 tousi [p. 88] Fac-simile de la page 88 ARTEMID. DES SONGES
tousiours meilleur de nauiguer en grand nauire,
et qui ha bonne charge. Aussi est meilleur songer
de nauiguer par Mer que par terre. Vouloir na-
uiguer et ne pouuoir, c’et empeschement d’afai-
res. Voir de terre nauires sur Mer nauigans à leur
aise, est bon à tous, et sinifie voyager ou retour de
voyage, ou mesagers et nouuelles de Mer. Naui-
res partans du port pour nauiguer, sinifiẽt biens
et afaires tardifs: mais arriuant à port, le con-
traire: car le port artificel, sinifie tousiours les
amis, et bienfaiteurs: les rochers, ceus que nous
aymons par contrainte. Les ancres, seurté: mais
empeschent voyagr. Les cordes qui retiennent
les nauires à terre, sont dettes et detencions. Le
maz, sinifie le maitre de maison, ou patron de
Galere. Voir quelque partie de nauire ardre et
bruler, sinifie danger qu’elle ne se rompe de celle
part, ou danger de celui qui par cette part de na-
uire seroit sinifié, et entendu.

De L’agriculture.

La charrue est bonne pour noces, generacion
et afaires: mais requiert du tems. Le iou est bon
sinon aus serfs: car leur empesche liberté: pour-
tant leur seroit meilleur le voir rompu. La fauls
c’et dommage: car elle coupe tout, et sinifie le
tems de six mois. La cie, c’et la femme, et le pro-
fit d’elle. Le coutre ou soc de charrue, la pelle de
bois, [p. 89] Fac-simile de la page LIVRE II. 89
bois, le van & crible, c’et dommage, & departe-
ment, perte. La charrette c’et la vie de celui qui
songe. Songer vendanger ou moissonner hors
tems, c’et que les afaires seront retardees iusques
à ce tems qu’on ha de coutume vendanger ou
moissonner. Gerbes de blé ou semblables grains,
soit aussi empeschemens: car ce n’est pas viande
preste. Fosses en terre, seillons & cauernes, ou
sont semez & contregardez les grains, sinifient
la femme, la vie, & biens de celui qui auroit son-
gé. Les hayes, les paliz, & fossez es limites & con[-]
finemens des heritages, sont mauuais: toutefois à
ceus qui sont en creinte, sinifient feurté, ils em-
peschent de voyager: mais en autres afaires sini-
fient amis, ayde & suport en necessité.

Des Arbres.

Les chesnes sont les riches gens, & aussi les
vieillars. L’oliuier c’et la femme, le combat, prin-
cipauté, & liberté: & pourtant est bon le voir
bien flori, portant fruit de saison, beau & meur.
Abatre les oliues est bon à tous: fors aus serfs.
Cueillir les oliues en terre, ou marcher dessus,
c’et peine & facherie. Le laurier, c’et la femme
riche & belle, c’est aussi mauuaise issue des afai-
res, à cause qu’il est amer: mais aus Medecins,
Poëtes, & Deuins, se refere à leur art. Le cypres,
c’et patience, & retardement. Pins & troncs de
f 5 fustes [p. 90] Fac-simile de la page ARTEMID. DES SONGES
fustes, se referẽt aus Patrons & nauigans, à cause
qu’on en fait les nauires, & que lon en fait aussi
la poix rasine. Aus autres sinifie paresse & crein-
te. Orangers, grenadiers, pommiers, poiriers se
doiuent estimer comme leur fruit, dont auons
parlé au premier liure sur le propos des viandes.
Platans ou plennes, peupliers noirs, & ormes,
fresnes, & autres semblables, sont bons seulemẽt
aus soudars & aus menusiers & charpentiers:
Aus autres, c’est póureté: à cause que sont arbres
sans bruit. Buys, & myrtes, sont femmes lasciues,
& sont bons à ceus qui veulent entreprendre
quelque afaire, & aus malades: aus autres, c’et
peine & labeur.

De la Fiente.

Bouze de vache, & fiente de cheual, & toute
autre, fors d’hõme, est bonne seulement au labou-
reur: aus autres c’est tristesse, & dommage: mesme
si elle nous degate, c’et maladie. On ha experi-
menté que c’et profit à ceus qui sont de vil estat.
Voir la fiente d’homme en abondance, c’et abon-
dãce de maus: mesme en estre fouillé est tresmau-
uais: faire son ordure en sa chambre, c’et grand
maladie ou diuorse de femme, ou d’amie: ou chan-
gement de logis. C’est tresgrand danger songer de
lascher le ventre en l’eglise, au marché, aus estu-
ues, c’et honte, dommage, & reuelement de se-
cretz [p. 91] Fac-simile de la page LIVRE II. 91
cretz: mais lascher le ventre bien à son aise, &
beaucoup, en vn retrait, & en vn pot à pisser, est
bon à tous: car c’et sine d’alegeance, & descharge
de souci & d’afaires. I’ay connu aussi q̃ c’et bon
de se lascher aus riuages, aus chams, & chemins,
aus fleuues, & estangs: & pareil que songer le gar-
demanger.

Des Fleuues, Estangs, Fonteines,
& Puits.

Riuieres ayans leur eau clere & nette, coulant
doucement, sont bonnes aus serfs & à ceus qui
ont proces, & à ceus qui veulẽt voyager: car elles
sinifient & representent les maitres, & Iuges, qui
font ce qu’ils veulent, & aussi les voyages, à cause
qu’elles coulent tousiours: mais si la riuiere est
laide & impetueuse, c’est le cõtraire: & c’et mena-
ces de maitres, & de Iuges, & empeschement de
voyages. C’et encor’ pis, si la riuiere semble em-
porter maisons, & heritages de celui qui songe,
ou lui mesme aussi: & d’abondant si elle le porte
iusques en Mer. C’est mauuais aussi d’estre de-
bout en la riuiere, dont les ondes escument flot-
tans contre la personne, & n’en pouuoir sortir:
car à peine pourra lõ soufrir & suporter les maus
q̃ lon aura, quelque grand courage que lon ait.
Les torrẽs font Iuges rigoureus, maitres facheus,
tourbes, assemblees & noises, à cause de la vio-
lence [p. 92] Fac-simile de la page ARTEMID. DES SONGES
lence & du bruit tresgrand: il est bon de les pas-
ser de pié ou en nageant. Nager en riuire, ou
estang, c’et tomber en grand inconuenient. C’et
tousiours meilleur de nager sans cesse iusques au
riuage, qu’estre endormi en nageant. Riuiere cle-
re entrant en la maison, c’et la venue de quelque
riche homme de qui ont tirera profit: mais trou-
ble & violente, & remuãt les meubles de la mai-
son, c’et violence de quelque ennemi. Riuiere
sortant hors de la maison du riche, c’et qu’il aura
autorité en la vile, & fera beaucoup de largesse
& liberalitez: au póure, c’et doute de sa femme,
ou d’autres de la maison qui se gouuernent mal.
Voir autre eau que de riuiere entrant en la mai-
son, trouble & orde, cet doute de feu: mais belle
& clere, c’et aquisicion & possession, & argent:
pareillement voir en sa terre ou maison vn puits
qui n’y estoit point auparauant: & sinifie aussi
femme ou enfans à ceus qui n’en ont point Voir
vn puits plein d’eau en la maison, est bon, si elle
ne s’espanche point pardessus, & que les estran-
gers n’en tirent ou puisent: car seroit perte de
femme, d’enfans, ou de biens. L’estang grand c’et
comme la riuiere, sinon qu’il empesche le voya-
ger: mais petit ou moyen, c’et femme riche &
ioyeuse, aymãt ses plaisir. C’et tresbon nauiguer
en estang & riuiere, mais non pas nager. Fon-
teines, & sources abondantes de bonne eau, sont
bonnes [p. 93] Fac-simile de la page LIVRE II. 93
bonnes à tous, mesme aus malades, & póures,
leur annonçant santé & richesse: mais taries, c’et
le contraire.

Des Paluz ou Marets, Montagnes,
Chemins, & Bois.

Marets ou marescages, sont bons seulement aus Pasteurs: aus autres, sont
empeschemens. Montagnes, vallees, bois, landes, sont tristesses,
creintes, troublemens: playes aus serfs & malfai- teurs: dommage aus
riches. C’et le meilleur tous- iours de les trauerser & non y
demourer, ou som[-] meiller en chemin. Chemins
larges, plains & fa- ciles, c’et alegresse de santé, &
d’afaires: & au contraire.

Des Proces & lieus de plaids, &
des Medecins.

Les lieus de plaids, Iuges, Auocats, Procu- reurs, sont troublemens,
facheries, despens, reuelacion de secretz. Si le malade songe ga- gner
sa cause, il reuiendra en meilleur estat: autre- ment, s’il la perd, il
mourra. Si celui qui ha pro- ces, songe estre assus au siege de Iuge, il
ne perdra pas, ains plus tot son auersaire. Les Medecins vuz par songe,
à celui qui auroit proces, sinifie le mes- me que les Auocats &
Procureurs.

Des [p. 94] Fac-simile de la page
94 ARTEMID. DES SONGES

Des hauts estats & dinitez.

Songer estre Roy ou Empereur, au malade
c’et mort: car le Roy n’et suget à personne, ny
aussi la mort: à celui qui est sain, c’et perte, ou se-
paracion de parens, & amis: car le Roy n’a point
de compagnon. Au malfaiteur, c’et surprise &
descouurement de son fait: car le Roy est connu
& enuirõné de sa garde. Autant sinifie le Sceptre,
Couronne & habit ou ornement Royal. Le pó-
ure qui songe estre Roy fera beaus faits, dont il
aura honneur sans profit: Le serf sera en liberté:
c’et tresbon au Filosofe & Poëte ou Vaticina-
teur: car il n’est rien plus libre, & plus Royal que
le bon esprit. Songer estre Capiteine, à ceus qui
l’ont de coutume, est bon: aus póures, c’et trou-
blement & difamacion: au serf liberté. Estre gre-
fier, c’et faire les afaires d’autrui auec peine sans
profit: au malade, c’et mort: au serf, c’et bon gou-
uernement de la maison, foy & autorité. Estre
Preuot, ou Escheuin de vle, auoir charge & gou[-]
uernement d’enfans, ou de femmes, sont solicitu-
des & facheries. Auoir commission & puissance
sur les viures, c’et bon aus Medecins, & à ceus
qui sont studieus du regime de viure, & de santé:
aus autres c’et troublement & difamacion. Faire
aumones & distribucions generales, au malade,
c’et mort, & dissipacion de biens: aus saisn, trou[-]
blement [p. 95] Fac-simile de la page LIVRE II. 95
blement & difamacions: aus gens bien póures
est bon: & c’et bien & auancemẽt qui leur vient:
car sans biens ne pourroient faire telles largesses.
Aussi est bon aus farseurs, danseurs, & baleurs:
car ce leur sinifie honneur & louenge. Quand on
fait ladite largesse & distribucion, songer que
lon en prent sa part, est bon: mais n’en prendre
ny receuoir, n’est bon à aucun, & sinifie mort
euidemment: car les morts ne reçoiuent plus.
Quelconque dinité qui requiert porter l’or, & le
pourpre, c’et mort au malade, & difamacion aus
autres. Estre fait Euesque est bon à tous, fors à
ceus qui veulent estre secretz. Estre Chef de mai-
son, ou d’assemblee & congregacion, c’et peine,
facherie, & souuent dommage. Tout estat apar-
tenant à l’homme, si la femme le songe auoir, celà
lui sinifie mort: & au contraire.

De la guerre, de l’Armee, & eleccion
de Gendarmes.

La guerre, & les afaires de guerre, sont trou-
blemens & facheries à tous, sinon aus Capitei-
nes & soudars, & autres qui viuent sur le trein de
guerre: car à tels c’et gain. Les armes qui cou-
urent le corps, c’et grande feurté, comme le Bou-
clier, le Heaume, le Halecret, & autres. Les autres
que lon gette & brandit, comme la Pique, la Lan[-]
ce, le Tret, & Dart, c’et ebat & sedicion: le Bra-
quem [p. 96] Fac-simile de la page 96 ARTEMID. DES SONGES
quemart ou Espee, c’et courage, force, & vertu.
Le bouclier, & heaume, aussi se referent à la fem-
me, qui sera riche & belle, ou póure & laide, selon
la qualité des Harnois. Eslire Gẽdarmes, ou sou-
dars, ou batailler, c’et mort à ceus qui sont aucu-
nement malades: & souuent aus vieilles gens.
Aus autres sont afaires & facheries, changement
de lieu, & fuites ou voyages. Aus oisifs & póures,
c’et besongne, & profit qui leur vient: car le sou-
dart n’est pas oisif, ny sans gages. Au serf, c’est hon[-]
neur, & estime.

Du Duel, ou combat particulier.

Duel, ou combat de seul à seul, sinifie noise
ou proces: Autant
sinifient les peines et droits
des combatans. Les armes de celui
qui fuit, c’et
estre conuenu en iugemẽt: de celui qui
poursuit,
c’et faire conuenir: quelquefois iay connu que ce
Songe sinifie noces.

Du Soleil.

Le Soleil leuant, luisant, et cler, est bon à tous:
et tendant en Occidẽt en tel estat: et sinifie gain,
operacion, generacion, et liberté aus serfs mais à
ceus qui veulent estre secretz est mauuais: car il
descelle et descouure tout: semblablement s’il se
leue deuers Occident: et reluee le malade apres
auoir esté bien bas, et que le mal des yeus n’a-
eugle [p. 97] Fac-simile de la page LIVRE II. 97
auglera le pacient: & c’et le retour de celui qui
est lointein: aussi est bon à celui qui veut voyager
vers Occident: aus autres, en tout afaire il est con[-]
traire. Ainsi faut iuger s’il semble leuer du Midi
ou Septentrion. Soleil obscur, ou seignant, ou
comme murmurant d’ire & de chaleur, est mau-
uais à tous, et sinifie empeschemẽt, maladie d’yeus
& d’enfans. Toutefois ha esté trouué bon à ceus
qui sont en doute, & qui veulent estre secretz. Le
Soleil descendãt en terre ou en quelque maison,
c’et sine de danger de feu. Entrant en la chambre,
& menassant, c’et grand’ maladie ou ardure: mais
s’il dit ou demontre quelque bon sine, c’et abon-
dance de biens. Le Soleil disparant, & se cachant
ou absentant, est mauuais à tous, fors à ceus qui
veulent estre secretz, le plus souuent c’et perte de
vuë, & mort d’enfant. C’et tousiour le meilleur
de voir les raiz du Soleil & clarté entrant en la
maison, que le Soleil mesme: car la clarté c’et
abondance de biens: le Soleil, abondaonce de
maus que lon ne pourra soufrir, comme lon ne
pourroit soutenir la grand’ lumiere & chaleur du
Soleil de pres. Soleil dõnant ou desrobant quel-
que chose, c’et perte & peril.

De la Lune.

La Lune, c’et la femme, nourrice, fille ou seur
de celui qui songe, & sinifie argent, richesse, mar-
g chand [p. 98] Fac-simile de la page 98 ARTEMID. DES SONGES
chandise & trafique, & nauigacion, & les yeus
de celui songe: & le maitre ou maitresse. Et
pourtant si la Lune se tourne en bien & ioye,
c’et bien & honneur de par ceus qu’elle represen-
te, & au contraire. Se mirer en la Lune c’et gene-
racion de fils à l’homme: de fille à la femme: ce
Songe aussi est bon aus Changeurs, Vsuriers, &
Receueurs de recette pour les viures: Aussi est
bon à ceus qui se veulent mõtrer & aparoir: mais
il descelle les cachez: & les malades et nauigans
met en danger de mort. Le bien ou le mal que sini-
fie le Soleil, pareillemẽt la Lune, sinon que moin-
dre, & plus par femme que par homme.

Des Estoiles.

Voir toutes les Estoiles cleres & nettes, est
bon pour voyager, & pour toutes afaires, &
pour les secretz: en quoy ne conuiennent auec
le Soleil & la Lune. Les Estoiles ou Planettes qui
sont causatiues de froideur, sinifient facheries &
dangers: mais causatiues de beau tems & dous,
c’et prosperité & richesse. Celles qui sont cause
du solstice ybernal, c’et changement en mal ou
en pis: du solstice estuiual, en bien ou mieus. Les
Estoiles s’euanouissans ou se perdãs au Ciel, c’et
póureté et desercion aus riches: car il faut ima-
giner que le Ciel soit la maison de celui qui son-
ge: les Estoiles, les biens & posessiõs póures,
ce [p. 99] Fac-simile de la page LIVRE II. 99
ce Songe sinifie mort: seulement seroit bon à
ceus qui ont machiné quelques grans maus. I’ay
entendu dire que quelcun auoit songé que les
Estoiles s’estoient disparues du Ciel, & les che-
ueus lui tomberent. Estoiles tombans en terre,
ou disparans, c’et perte de gens, parens ou amis,
grans ou petis, selon la qualité des Estoiles. Des-
rober les Estoiles n’est pas bon. Est auenu que
apres ce Songe les songeurs ont cõmis sacrilege,
& en ont esté repris & puniz. Manger les Estoi-
les aussi n’est pas bon, sinon aus Astrologues &
Vaticinateurs, ausquels sinifie gain, aus autres
mort. Voir les Estoiles sous la couuerture de la
maison, c’et que la maison sera deserte, consumee
ou brulee, ou que le maitre de la maison mour-
ra. Les Cometes, les trabs & colonnes ardens, &
autres semblables, vuz par songe sinifient com-
me leur naturel.

De L’arc en Ciel.

Larc en Ciel à dextre, est bon: à senestre mau-
uais: & faut iuger la dextre ou senestre, selon le
Soleil & en quelque qualité qu’il aparoisse, c’et
bon sine à quiconque seroit afligé de póureté ou
d’autre afliccion: car il change le tems & l’air.

Des Nues.

Les nues blanches, c’et prosperité: montans de g 2 terre [p. 100] Fac-simile de la page 100 ARTEMID. DES SONGES
terre en haut, c’et voyage ou retour de l’absent, et
reuelement de secret: rouges ou enflambees, c’et
mauuaise issue d’afaires: fumeuses, tenebreuses &
obscures, c’et mauuais tems, ou facherie.

Des Vents.

Vents dous, sont bons: impetueus, sont gens
mal plaisans & meschans. Tourbillons & tem-
pestes de vents, sont perils & troublemens.

Des Tremblemens & ouuerture
de Terre.

La terre tremblant, c’et changement d’estat
& d’afaires: mais ouuertures, abimes, concus-
sions, et renuersemẽs de terre, sont iniures, mort,
ou perte de biens. Seulement on ha experimenté
ce Songe bon à ceus qui proposent voyager, &
qui sont endettez.

De L’eschelle, Degrez, Casse, Meule, Pilon
ou Pestel, & du Coq.

L’eschelle est sine de voyager. Les degrez, c’et
auancement: aucuns dient que c’et peril. La cas-
se, c’et dommage, & la femme qui est sur sa bou-
che. La meule sinifie fin de grans & facheus afai-
res, et le bon & loyal seruiteur. Le pilon, l’hom-
me ou la femme. Le coq, le Pere de famille ou
maitre d’Hostel.

Des [p. 101] Fac-simile de la page LIVRE II. 101

Des Eufs.

Les Eufs aus medecins & peintres, & à ceus
qui en vendent & trafiquent, sont bons: aus au-
tres est bon d’en voir petite quantié, & sinifie
gain: mais beaucoup, c’et peine & souci, noises
ou proces.

Des Monstres, & choses contre nature.

Faut entendre & retenir en general que tous
monstres, & choses impossibles selon nature, c’et
veine esperance des choses qui ne se feront point.

Des Liures.

Les Liures sont la vie de celui qui songe: son-
ger les manger, est bon aus maistres d’escoles, &
à tous qui font profit des liures, & qui sont stu-
dieus d’eloquence: aus autres, c’et mort subite.

Des Perdris.

Les Perdris sinifient hommes & femmes: mais
le plus souuent femmes sans conscience, & ingra-
tes & dificiles.

Des Laz.

LEs Laz sont detencion, empeschẽt & ma-
ladie: aus serfs, c’et loyauté, honneur & autorité,
g 3 dont [p. 102] Fac-simile de la page 102 ARTEMID. DES SONGES
dont les ingrats seront deboutez. Aus non ma-
riez, ce sont noces: à ceus qui n’ont point d’en-
fans, c’et sine qu’ils en auront.

Des Plaies.

Il est bon de fesser ou foueter seulemẽt ceus qui
sont sous nous, sinon la femme: car feroit dou-
te qu’elle fust adultere: les autres aportent pro-
fit à celui qui les bat. Estre foueté n’est pas bõ ny
des Dieus ny des morts ny de nos sugets, mais
bien des autrs. Tousiours est bon d’estre fessé de
verges, ou de la main, & sinifie profit: mais de
cuir & de cannes & de batons, est mauuais.

De la Mort.

Songer estre mort, sont noces à celui qui est
à marier: car mort & mariage se representent.
Et pourtant aussi aus malades, songer de soy ma-
rier, & celebrer noces, est sine de mort. A celui
qui ha femme, le mourir lui sinifie separacion: ou
de companons, amis & parens: car les morts
ne hantent auec les vifs, ny au contraire. A celui
qui est chez soy, sinifie aller dehors. C’et bon
Songe aus Peres & aus Poëtes & Orateurs &
Filosofes: car les premiers auront enfans qui vi-
uront, les autres composeront euures dines de
memoire. outre ce i’ay fait experience que c’et
bon songe à ceus qui sont en tristesse & en crein-
te [p. 103] Fac-simile de la page LIVRE II. 103
te: car les morts n’ont plus creinte ne tristesse.
Aussi à ceus qui ont proces d’heritage, & qui veu[-]
lent acheter terre: car les morts sont Signeurs
de terre: En autre proces, ce Sõge n’est pas bon,
sinon au malade: car il guerira, pource que les
morts ne sont plus malades. C’et tout vn songer
estre mort, ou estre porté, & enseueli cõme pour
mort. Songer estre enseueli & enterré tout vif,
n’est pas bon: souuent sinifie prison & captiuité.
Soit bien soit mal que la mort sinifie, si lon son-
gé [sic.]
estre tué par mains d’autrui, ledit mal ou bien
viendra par autrui: Si lon songe se tuer soymes-
me, le songeur aura le bien ou mal aussi par soy-
mesme. La mort par sentence de iustce, fait les
maus ou biens plus grans. Estre pendu & estran-
glé par autrui ou par soymesme, c’et troublemẽt
& angoisse: c’et aussi changement de lieu & de
maison. Estre brulé tout vif, c’et autant comme
estre ateint de la foudre, dont auois parlé cy des-
sus: mais proprement aus malades, c’et sine de
santé: aus ieunes gens, calamitez, concupicen-
ces, & chaleurs de ieunesse. Estre crucifié, est bon
à ceus qui veulent nauiguer, & aux póures: mais
aus riches, au contraire. Aus non mariez sont no[-]
ces, aus serfs, liberté: c’et aussi changement de
lieu. Estre crucifié en vile, c’et auoir estat & ofice
tel que requiert le lieu ou lon songeroit estre.
Auoir cõbat auec les bestes, est bon aus póures,
g 4 & [p. 104] Fac-simile de la page 104 ARTEMID. DES SONGES
& sinifie biens dont ils pourront nourrir & en-
tretenir trein: aus riches, sont facheries & iniu-
res de telles gens que les bestes representeroient:
à plusieurs ha esté indice de maladie: c’et liberté
aus serfs qui songent estre tuez par les bestes.

De porter autrui, ou estre porté.

Porter autrui est meilleur que d’estre porté,
d’autant que c’et plus d’honneur donner que
prendre. Car celui qui porte, represente celui qui
fait du bien & plaisir: & celui qui est porté, cil
qui reçoit. Estre porté de femme, d’enfant, ou de
de póure personne, est moins de profit & de suport:
c’et bon au serf d’estre porté de son maitre, & au
póure, d’un riche.

Des Morts.

Voir des morts seulement sans autre chose,
ny parole, c’et estre au mesme estat & afeccion
comme lesdis morts estoient enuers nous: car
sils ont esté nos bienfaiteurs, ce Songe nous si-
nifie bien & ioye: & au contraire. C’et tresmau-
uais quand les morts nous semblent emporter
& desrober robes, mesnage, argent ou viures:
car sinifient mort au songeur ou à quelcun vi-
ures, argent, ou habits, c’et bon Songe: mais
qu’ils ne donnent autre cas. I’ay connu homme
qui [p. 105] Fac-simile de la page LIVRE II. 105
qui songea que sa femme morte faisoit les lits en
sa maison, & le lendemain plusieurs de ses grans
amis tomberent malade.

Des Monnoyes & Tresors.

Aucun dient que songer l’argent, & toute
espece de monnoye, c’est mauuais: mais i’ay expe-
rimenté que petite monnoye d’erain & billon
sinie tristesse & paroles facheuses: mais mon-
noye d’argent, paroles & propos de grans afai-
res. d’Or, encor’ de plus grans, c’et tousiours
meilleur songer d’auoir peu d’argent, que prou,
pource que le grand taz ne se peut employer &
distribuer que auec peine & souci. Trouuer tre-
sor caché en terre, si le tresor est petit, ce sont pe-
tis maus: s’il est grand, ce sont grans maus, fache-
ries & tristesse, & mort: car lon ouure la terre
pour le mort, comme pour le tresor.

Des Pleurs.

Plorer & douloir, soit pour quelque ami tres-
passé ou pour autre cause, c’et ioye & liesse, pour
quelque bon acte. Et non sans propos: car notre
esprit ha quelque afinité & resemblance à l’air
exterieur qui nous enuironne. Tout ainsi donq
que l’air est tousiours suget à changement & mu[-]
tacion de serein en tempeste, & au contraire de
tempeste en serenité & tranquilité: aussi est vray-
g 5 semb [p. 106] Fac-simile de la page 106 ARTEMID. DES SONGES
semblable que notre Esprit se change de triste en
ioyeus, & de ioyeus en triste. Et pourtant aussi
estre ioyeus, c’est sine de tristesse: mais faut qu’il
y ait cause d’estre triste: autrement se contrister
sans cause, seroit sine d’estre triste pour cause.

Du Tombeau.

Auoir son sepulcre ou tombeau, ou le batir
est bon au serf: car il aura liberté: & à celui qui
n’a point d’enfant: car il en aura qui lui suruiur[a]
souuent aussi c’et sine de noces, & aquisicion de
terres. C’et bon Songe generalement aus póures
et riches: mais sepulcres tombans ou tombez &
ruïnez, c’et le contraire.

Des Morts reuiuans & remourans.

Les Morts reuiuans, sont troublemẽs & dom[-]
mages: car il faut estimer comme si la chose estoit
quel troublemẽt y auroit si les morts reuiuoient
lesquels voudroient rẽtrer en iouissance de leurs
biens, qui seroit facherie & perte grande pour
ceus qui en auroient iouï depuis leur mort. Les
morts derechef mourans, sinifient mort de ceus
qui porteroient leur nom, estans leurs prochains
parens ou leurs aliez: si qu’ils sembleroient deux
fois mourir. Bruuage ou morceau mortel sini-
fie comme la mort: semblablement toute beste
qui se trouueroit sous le lit, lesquelles choses si-
nifient mourir en brief.

Des [p. 107] Fac-simile de la page LIVRE II. 107

Des noces.

Puis que les noces ont conuenance, & sini-
fiãce de mort, & la mort de noces, en cet endroit
i’en parleray. Espouser vne fille à celui qui seroit
malade, c’et mort. C’et bon à celui qui veut en-
treprendre quelque afaire: car il aura bõne isssue:
Et celui qui espere quelque bien il l’obtiendra:
car celui qui se marie, prent certes quelque bien
& douaire de sa femme. Aus autres, c’et trouble-
ment, & diuulgacion: car sans cela lon ne fait
point de noces: mais si lon prent femme vesue,
on poursuiura non point nouuelles, mais vieilles
afaires, non sans profit. Si quelcun voit sa fem-
me mariee à autrui, c’et changement d’afaires, &
d’accion, ou separacion. Si la femme songe estre
mariee à vn autre que son mari, elle sera separee
de lui, ou le verra mort, comme aucuns dient:
mais i’ay connu que celà n’et pas tousiours: ains
seulement quand la femme n’et pas enceinte, ou
n’a point d’enfans, ou n’a point d’heritage à ven-
dre. Car si elle est grosse, elle fera vne fille qu’elle
verra marier: Et parainsi non pas elle, mais sa fille
sera mariee à vn autre: Et celle qui ha quelque
bien à vendre, le vendra, & fera cõtract de paches
comem lon fait pour mariage.

De l’Arondelle, & du Roßignol.

L’arondelle ne sinifie point mal, si elle ne fait
quelq [p. 108] Fac-simile de la page 108 ARTEMID. DES SONGES
quelque cas qui denoteroit mal: ou si elle ne se
montroit d’autre couleur que la naturelle: Ains
sinifie bien, besongne, ouurage, & principalemẽt
noces, & musique: Et promet femme mesnagere
& gardant la maison: car l’arondelle vit, & fait
son nid auec nous, sous vne mesme couuerture.
Le Rossignol sinifie comme l’arondelle, sinon
moindre bien: car il n’est pas tãt familier de nous.

De Voler.

Songer voler vn peu plus haut de terre, estãt droit,
est bon: car d’autant que lon est plus haut esleué
que ceus qui sont alentour, d’autãt lon sera plus
grand & plus heureus: le meilleur seroit q̃ ce ne
fust pas en son païs: car sinifie transmigracion, &
ne pouuoir arrester, ou retourner au païs. Voler
auec des ailes est bon generalement à tous: Aus
serf, c’et liberté: aus póures argent: aus riches,
ofice & dinité: mais voler bien haut, loin de terre,
& sans ailes, c’et creinte & danger: comme aussi
voler sur les maisons, & par les rues & carre-
fours, c’et troublement & sedicion. Voler au
Ciel, c’et aus serfs entree aus riches maisons, mes-
me en court: A ceus qui veulent estre sercretz, est
mauuais: car tout le monde voit le Ciel. Voler
auec les oiseaus, c’et hanter auec les estrangers:
& peine, & punicion aus malfaiteurs. C’et bon
tousiours apres auoir volé en haut, descendre
en [p. 109] Fac-simile de la page LIVRE II. 109
en bas, & puis sur celà s’esueiller: mais sur tout,
quand de vouloir on vole, & de vouloir on re-
tourne & descend: car c’et sine de grande facilité,
& bonne disposicion des afaires: mais voler par
contreinte, comme estant pourchassé des hom-
mes, des esprits, ou des bestes, n’et pas bon: ains
sont grandes facheries & dangers. Voler à la ren-
uerse, n’et pas mauuais à ceus qui veulent naui-
guer: car communément au nauire qui va son
cours sans tempeste, les gens reposent & se cou-
chent à la reuerse: aus autres, c’et faute d’ouura-
ge & de besongne: car ceus qui sont à la reuerse,
sont oisifs. Au malade, c’et mort. C’et tresmau-
uais vouloir voler, & ne pouuir: ou voler la te-
ste en bas, & les piez en haut. En quelque sorte
que le malade vole, c’et mort: car on tient aussi
que les ames sortãs du corps volent au Ciel d’un
grand vol & bien leger comme les petis oiseaus.
Le voler est mauuais à ceus qui ont art & mestier
qui requiert ne bouger d’une place: il est bon aus
captifs. Plusieurs par ce Songe de voler sont de-
uenus aueugles, entant qu’ils creingnẽt de tom-
ber. Voler en chaire, en lit, ou estãt assis en quel-
que apui pour soutenement, c’et grande maladie:
mais n’est pas tant mauuais à celui qui voudroit
voyager: car seroit sine qu’il voyageroit auec sa
famille, auec ses outils & meubles, ou en charret-
tes, ou en litiere.

De
[p. 110] Fac-simile de la page 110 ARTEMID. DES SONGES

De ceus qui sont dines de croire.

Ceus qui par Sõge nous dient quelque chose,
& sont dines de croire, en premier lieu sont les
Dieus: car car c’et vne chose qui ne conuient à Dieu
que la mensonge. Puis les sacrificateurs, car les
hommes les honorent comme Dieus. Puis les
Rois & Princes: car toute chose qui domine, ha
vertu & puissance de Dieu. Puis les Peres, Meres,
Maitres ou Precepteurs: car ils font cõme Dieus,
nous dõnans les premiers la vie, les autres la for-
me de bien viure. Puis les Vaticinateurs, & entre
iceus, ceus qui ne sont point menteurs, ny tom-
peurs, comme les Augures, Astrologues, inter-
pretes de Songes. Puis les morts: car ceus qui
mentent, le font pour creinte qu’ils ont, ou pour
espoir de bien: Or les morts ne nous creignent,
ny n’atendent aucun bien de nous. Puis les en-
fans, les vieillars, & les bestes sont dines de croire
en tout ce qu’ils nous annonceront par Songe.
Tous les autres ne sont point croyables, sinon
ceus qui vient bien & solitairement.

Conclusion de l’Auteur sur le se-
cond Liure.

Si dauãture aucun de ceus qui auront eu mes
Liures entre leurs mains, pense q̃ i’aye pris d’au-
trui aucune chose, & non pas connue par expe-
rience [p. 111] Fac-simile de la page LIVRE II. 111
rience, il s’abuse: mais quand il aura vuë & enten[-]
due la preface de Liure, il connoitra mon pro-
pos & vouloir. Dauantage si quelcun ha opinion
contraire de quelque propos par moy recité,
pource qu’il auroit (comme ie pense) quelque
probabilité: il doit sauoir, pour respondre, que ie
say bien qu’il trouuera que dire, & ce qui sera
vraysemblable: Ce que i’auois bien la puissance
de faire aussi, mais ie n’ay pas cherché à complaire
comme ceus qui quierent le bruit & faueur es
Theatres, & qui vendent leurs paroles: Ains ie
produis & apelle tousiours à témoins pour moy,
l’experience, & la reigle ou raison. Ie suis donq ia
fait en tout à toute experience: car ie n’ay iamais
fait autre chose iour & nuit q̃ méditer & habili-
ter mon esprit au iugement & interpretacion des
Songes. Or ie veus prier les Lecteurs de peu de
chose: c’et qu’il n’aioutent ne diminuent en mes
presente euures: car si quelcun y peut aiouter, il
en pourroit aussi plus facilement faire vn liure
particulier: Ou soit qu’il pense qu’il y ait
choses superflues, qu’il vse tant seule-
mẽt de ce qu’il trouuera bon,
laissant le reste pour
les autres.
*

Fin de l’Epitome du second Liure.

Le
[p. 112] Fac-simile de la page 112

LE TRANSLATEVR,
à son cousin le Preuot Ian
Bureau.

I  E ne say que les autres
  estimeront de ma presente traduccion: mais ie
  say q̃ tu ne la despriseras, ains pren-
 dras de bien bon cœur. Et pourtant
  aussi que i’ay cõnoissance de la dou[-]
ceur & bonne nature de ton esprit qui se recree
en toute choses bonnes, & vertueuses, mesme-
ment en la dispute des Songes: i’ay pensé de t’a-
dresser mon translat de ce tiers Liure d’ Artemi-
dore , auquel i’espere que tu passeras le tems auec
tes amis, & y trouueras (si tu y conioins l’expe-
rience, en conferant tes songes auec l’exposicion
du Liure) recreacion auec admiracion, cõme i’ay
fait premierement. Car c’et, certes, chose bien
admirable, & des plus qu’il soit point en ce mon-
de, de paruenir à bonne fin d’une chose si cõfuse,
& si estrange, comme sont les Songes. Quand à
mon endroit, Cousin & ami, ie te vueil bien faire
seur qu’il ne s’est fait en moy aucune chose d’im-
portance de maus ou de biens selon ma qualité,
que Dieu ne m’en ait auerti, troublé ou consolé,
dont ie le remercie, quãd il me console: & le prie,
quand il me trouble: & m’en fuis par ce moyen
tousi [p. 113] Fac-simile de la page DV TRANSLATEVR. 113
tousiours bien trouué. Et en ce point i’ay sù tirer
& faire mon profit des Songes Ce q̃ aussi tu fe-
ras en t’y exercitant dorenavant, si bien ie te con[-]
nois. Ie te veus aussi reciter vn cas qui m’est aue-
nu depuis vn an. Cela est bien seur que plus de
quatre & cinq mois deuant que ma Fleurie m’ust
fait mon fils Gaspard (que Dieu benie) qui est
seul & premier d’elle & de moy, i’ay par plusieurs
& diuerses fois songé que ie voyois vn arbre de
Meurier portant les meures: Et ce, deuant que
onques i’usses pensé ny auisé si le liure d’ Artemi-
dore en parloit. Et pource que tant souuent mon
esprit me raportoit & representoit ce Meurier, ie
fu mù, & quasi contreint d’y aller voir: si pris le
Liure, & lù dedens, que voir un Meurier droit &
portant fruit, c’et generacion & lignee. Et suiuãt
ce propos i’ay quelquefois dit à certeins de mes
amis, que ie pensois que Dieu de feroit la grace
d’auoir de ma femme, qui estoit enceinte, enfant
qui viuroit, & non pas comme ma ma fille qui mou-
rut à sa naissance. Ie pourrois t’en allerguer en c’et [sic pour cet]
endroit meins autre cas et songe, don l’issue m’est
auenu toute conforme à l’exposicion de notre
Artemidore: mais ie serois trop long, & ie say que
tu me croiras autant, & prendras cetui seul au
lieu de plusieurs pour le present & pour confir-
macion: dont lon connoit l’efet nouuellement
auenu, non sans grand ioye & liesse à moy, &
h à mes [p. 114] Fac-simile de la page 114 EPITRE
à mes amis.

Au par sus, ie te veus bien auiser que quand
aus efets des Songes, il ne les faut tousiours que-
rir ny esperer en vn tems: car à fin que ie te de-
claire de bõne foy ce que i’ay souuent experimen[-]
té en moy, tu dois sauoir que quand il me doit
auenir quelque grand bien, selon ma qualité, i’en
ay ordinairement des Songes, fantasmes & vi-
sions, quatre, cinq, six mois deuant, sous figures
& couuertures telles: Cõme, que ie vole en l’air,
& puis que ie retombe sur mes piez: Que ie dan-
se ou saute seul, ou deuant, ou auec peu de gens
amis & familiers, auec une grande liesse & alegres-
se: Qu’il sourd vne fonteine belle & clere chez
moy: Que les bestes sauuages se viennent apri-
uoiser, m’acompagner, mesme parler à moy. Et
quand c’et quelque petit bien present, comme
qui doiue auenir dens quatre ou cinq iours. Ie
verray par Songe ma barbe belle, forte & espesse.
Ie verray le feu bel et cler en mon foyer: I’auray
chaussure neuue, bien iointe & bien nette: Ie ve-
ray la pluie descendre sur moy ou à l’enuiron: Ie
me verray quelque petit d’or ou d’argẽt en bour-
se ou en main: Ie chemineray alaigrement & di-
ligemment par voye sans empeschemẽt: Ie verray
quelque petite quãtité d’eufs ou en mangeray, ou
des pois, ou du lard cuit, ou des pommes douces.

Quand i’auray empeschement d’afaires ou noi[-]
ses [p. 115] Fac-simile de la page DV TRANSLATEVR. 115
ses, i’orray ou sonneray cloches, trompettes, son-
nettes: Ie verray, tiendray ou mangeray cerises,
nois ou noisilles, ou remueray du sable: Ie verray
Medecins ou Auocats, ou parleray à eus.

Quand i’auray de brief nouuelles, ie songeray
lire ou escrire en papier: si elles doiuẽt estre mau-
uaises, ie seray vétu diformement: ie verray quel-
que monstre & chose diforme, et impossible se-
lon nature. Si ie doy auoir quelque petite perte
d’argent, ie descendray par vne eschelle, ie verray
mes chausses rompues ou ceintes en mon esprit, tou-
chant quelque afaire: si ie songe que i’ay perdu
ma robe: que ie voy arracher l’espine du pié d’un
cheual: qu’il me tombe sans faire mal, vne dent
qui autrefois ma fait mal: Si ie me pigne, si ie mon[-]
te vne montee facheuse, comme degrez rompuz,
& i’en viens au dessus: si i’ouure vne porte auec la
clef, & i’entre en maison ou chambre: Sie ie passe
quelques ruisseaus, ou fossez, ou ponts, soit en
sautant ou sur pierres ou planches, combien que
ce ne soit sans creinte & peine: c’et sine certein
que i’en feray bien tot deliuré. Et tout cela i’ay
esprouué, & experimenté par vne infinité de fois:
& quasi aussi souuent que tous les iours. Voila
des experiences dont il me souuient presente-
ment, qui me sont auenues: les autres dont il me
souuiendra par cy apres, sera pour conferer en-
h 2 semble [p. 116] Fac-simile de la page 116
semble de parole auec les tiennes experiences, en
la premiere saison que Baccus rénera, qui sera par
ce tems de vendange que ie t’iray voir suiuant ma
promesse, & si Dieu me donne santé telle qu’à
present, & qu’a toy, et à tous tes amis ie desire.
Qui sera fin apres que ie t’auray auise que ce tiers
Liure d’Artemidore est comme vn Liure à part
& separé des autres deus premiers. Ce qui apert
par la conclusion de l’Auteur en fin du second
Liure: Et aussi ce liure fut composé long tems
apres les autres: car l’Auteur voyant qu’il defail-
loit aucunes choses que les diligens & curieus
Lecteurs pouuoiẽt desirer es deus premiers, alors
il amassa & recueillit les choses contenues en ce
tiers Liure lesquelles ne voulut remettre & aiou-
ter aus deus premiers, pour raison qu’il donne en
la conclusion de ce tiers Liure: ny aussi en faire
vn seul Liure à part, mais ayma mieus lui donner
titre de tiers Liure à raison qu’il depend des deus
premiers, telleent que d’aucuns propos
sembleroient quasi redites si lon ny
auise de pres: car il ne les repete
sans cause: mais pour plus
amplement ou au-
trement les ex-
poser.

A Dieu.

[p. 117] Fac-simile de la page 117

EPITOME
DV TROISIEME LIVRE
D’ARTEMIDORE.

Du Ieu de Dez ou de Tables

S  ONGER de iouer aus dez
  ou tables, c’est noise & debat
  pour argẽt: c’et tousiours bon
  de veincre: au malade, c’est mau[-]
 uais si on lui coupe la queue
  en ieu. Les dez ou table sim-
plement vues par Songes, c’est sedicion & noise:
mais la perte d’iceus, c’et fin de noise & sedicion.
Voir vn enfant iouer aus dez ou tables & ge-
tons, n’est pas mauuais. A l’homme parfait, est
mauuais iouer aus dez, sinon qu’il espere quelque
succession par mort d’autrui: car les dez sont
faits des os des morts.

De Larrecin, Sacrilege & Mensonge.

Songer que lon desrobe, n’est pas bon, sinon à
celui qui voudroit tromper autrui. Dautant que
serait la chose que lon songe desrober, plus riche,
& plus seurement gardee, dautant c’et plus grand
h 3 danger [p. 118] Fac-simile de la page 118 ARTEMID. DES SONGES
danger au songeur: car il est vraysembable que
que le Songe sousmet le songeur aus mesmes
peines ausquelles la Loy les larrons. Commettre
sacrilege par Songe, est tresmauuais à tous, sinon
aus Sacrificateurs & Vaticinateur: car par cou-
tume ils reçoiuent & partissent les premices &
oblacions, & sont aucunement nourris de leurs
Dieus, & ne prennent pas tous manifestement.
Mentir par Sõge, n’est pas bon, sinon aus farseurs
& railleurs qui ont de ce coutume. C’et moindre
mal mentir aus estrangers que aus siens: car sini-
fie grandes infortunes, encore que lon songe men[-]
tir aus siens en choses de petite importance.

Des Cailles & Coqs.

Cailles, sont messagers portans mauuaises nou[-]
uelles de dessus la Mer. Elles sont contraires aus
aliances, amitiez, noces: car elles sinifients noises
& sedicions: & mort aus malades, si elles trauer-
sent la Mer. Elles sont aussi contraires aus voya-
ges: car sinifient embuches & trahisions: pource
qu’elles sont espiees quand elles volent, & tom-
bent souuent entre les mains des Oiseleurs &
Chasseurs. Coqs qui se combatent sont aussi noi-
ses & dissencions.

Des Formis.

Voir des Formis auec ailes, n’est pas bon: car
c’et [p. 119] Fac-simile de la page LIVRE III. 119
c’et dommage, & dangereus voyage. Les autres
Formis apelees diligẽtes & laborieuses, sont bon-
nes aus Laboureurs: car sinifient fertilité. Car
ou il n’y ha grains, là ne se trouuent les Formis.
Elles sont bonnes aussi à ceus qui viuent du com[-]
mun, & trient profit de plusieurs: & au malade,
quand elles ne s’aprochent pres de son corps: car
elles sont apelees laborieuses, & ne cessent de la-
bourer, ce qui est propre à ceus qui viuent: mais
quand elles se rengent pres du corps du pacient,
c’et mort, pource qu’elles sont filles du Terre, &
froides & noires;

Des Pous & des longs Vers.

Songer auoir petite quantite de Pous, & les
trouuer sur son corps, ou sur sa robe, & les tuer,
c’et bon: car ce Songe sinifie que lon sera deliuré
de souci & tristesse: mais en auoir en grãde quan[-]
tité, c’est longue maladie ou captiuité, ou grande
póureté: car en tels cas les Pous abondent: Et si
lon les regete tous, c’est espoir d’estre releué de
tous ses maus. Faire des vers par la bouche, ou
par le siege, c’et connoitre ses ennemis & inuiria-
teurs familiers, & les veincre.

Des Mouches ou Tahons, & de petis Vers
qui s’engendrent en la chair.

Les petis Vers, sont souci & facherie, & la plus
h 4 souu [p. 120] Fac-simile de la page 120 ARTEMID. DES SONGES
souuent desplaisance qu’on aura de femme, & de
familiers. Les Tahons, sont mauuaises gens qui
assaudront, & difameront le songeur. Aus tauer-
niers, c’et que leur vin se gatera, & s’en aigrira:
car telles grosses Mouches ayment, & demãdent
le vinaigre.

De Baterie & Haine.

Se batre auec ses familiers n’est pas bon, ny
auec estrangers: Le malade en sera en danger de
resuerie & perte de sens. Se batre auec grans per-
sonnages, comme Princes & Rois, & Magistrats,
est tresmauuais. Songer haïr ou estre haï, soit d’a-
mis ou d’ennemis, est mauuais: car lon peut auoir
afaire de tout le monde.

D’occision.

Voir des gens immolez & tuez, est bon: car
c’et sine que nos afaires sont acomplies ou pres
de la fin.

Du Crocodil & du Chat.

Le Crocodil sinifie le Pirate & Brigant de
Mer, ou le Meurdrier & meschant en quelque
sorte, comme le Cocodril . Le Chat sinifie l’adul-
tere & paillard.

Des Eschasses.

Estre monté sur des eschasses, au malfaiteur c’est
prison [p. 121] Fac-simile de la page LIVRE III. 121
prison & cheines & ceps: aus autres, c’et maladie
ou vie vagabonde chez les estrangers.

De Cheminer sur la Mer.

Cheminer sur la Mer, à celui qui veut voyager
est bon: Puis aussi au serf, & à celui qui veut pren[-]
dre femme: Cetui iouira de sa femme, & l’autre
de son Signeur à son plaisir, c’et bon aussi à celui
qui ha proces: car la Mer represent le Iuge qui
traite bien les vns, & mal les autres: & la femme,
à cause de l’humidité, & le Signeur, à cause de sa
puissance. Au ieune homme, ce Songe c’et amour
de femme de plaisir: & à la femme, c’et vie disso-
lue de son corps: car la Mer est semblable à la Pu-
tein, à cause qu’elle ha belle aparence et atrait,
mais en fin elle en traite plusieurs bien mal. Ce
Songe est bon à tous ceus qui viuent & son pro-
fit sur le peuple, & qui aministrent la Chose pu-
blique: car ils auront grand honneur & profit:
car la Mer est semblable à vn peuple, à cause du
desordre & confusion des ondes.

Faire Statues ou Images d’hommes.

Former des Images d’hommes, soit de terre ou
autre matiere, est bon aus gouuerneurs d’enfans:
car ils les gouuerneront & instruiront auec hon-
neur & profit: Et à ceus qui n’ont point d’enfans:
car ils en auront qui leur serõt bien resemblables.

h 5 Estre [p. 122] Fac-simile de la page 122 ARTEMID. DES SONGES

Estre ataché à la Charrette ou
porté dessus.

Estre lié à la charrette pour la tirer comme vn
cheual, ou beuf, c’et maladie, seruitude, & peine
à toute personne, quelque riche & puissante
qu’elle soit. Estre sur vne charrette ou litiere por-
té, ou tiré par les hommes, c’et auoir puissance &
autorité sur plusieurs, & auoir enfans de bonnes
meurs: quãt aus voyages, c’et seurté auec tardité.

De Maladie.

Estre malade, est bon seulemẽt à ceus qui sont
en captiuité ou en grande póureté: car la mala-
die allaigrit, amaigrit & diminue le corps: aus
autres, c’et grand’ oisiueté & faute de besongne[.]
C’et mesme cas, songer visiter quelque malade
inconnu: mais quelque familier & connu, c’et
qu’il lui auiendra ce que dessus, non au songeur
car nous disons que les amis procheins & fami-
liers, sont les fantasmes & images representatiue[s]
des choses qui nous sont à venir. Mesme i’ay ob-
serué que tous les biens & maus que l’Ame nous
veut sinifier bien tot, & plus grandement à venir
elle les aduit, represente, & fantasie sur la person-
ne mesme: mais ceus qu’elle sinifie & annon[ce]
plus tard, & de moindre aparence, elles les repr[e-]
sente par autrui.

[p. 123] Fac-simile de la page LIVRE III. 123

Estre vétu diformement.

Estre diformement habillé, c’et mal à tous: &
sinifie d’abondant moquerie & raillerie, auec la
mauaise issue d’afaires: ce Songe seroit seulemẽt
bon à gens railleurs & farseurs.

Escrire de la main Gauche.

Escrire de la gauche, c’et faire quelque machi-
nacion secrette, tromper, deceuoir, & difamer
aucun.

Du Paratre, & de la Maratre.

Songer de voir son beau Pere ou belle Mere,
vifs ou morts, c’est mauuais, mesme vsans de force
ou de menace: Vsans de douces paroles & bon
recueil, sont veines esperances & dissimulacions.
quelquefois sinifient voyages: car le Pere & Mere
naturels representent la maison: Le Paratre, &
Maratre, les estrangers.

Des Predecesseurs & Successeurs.

Les Predecesseurs, comme ayeuls, & autres
maieurs, sinifient souci qui se conuertira en bien
ou mal, selon la grace & circonstance qu enous
les songerons. Les successeurs enfans, c’et fache-
rie & peine: plus grans, c’est suport.

De [p. 124] Fac-simile de la page 124 ARTEMID. DES SONGES

De la Souris, & de la Belette.

La Souris sinifie le seruiteur: c’et bon d’a[-]
voir plusieurs se iouans & s’esbatans: mais la Be-
lette sinifie la femme malefique & mauuaise, ou
proces, ou mort: & gain selon ce qu’elle fait &
va ou vient.

De la Fange.

La Fange sinifie maladie ou deshonneur.

Du Baßin

Le bassin sinifie la bonne chambriere: boire
ou manger dedens, c’et amour de seruante. Se
voir dens le bassin comme dens vn miroer, c’et
auoir enfans de la seruante.

De L’image ou Simulacre.

La statue ou image sinifie les enfans, & le vou[-]
loir & afeccion de la personne qui songe. l’Image
de matiere solide, & non pourrissante, est meil-
leure que la peinture, ou que celle de Terre, de
Cire, & autres. Ce qui auiendra à l’image, auien-
dra pareillement aus enfans, & afaires de celui
qui songe.

De la sage Femme.

La sage femme vue par Songe, c’et reuelement
de secretz, & dommage: c’et mort aus malades:
car [p. 125] Fac-simile de la page LIVRE III. 125
car elle tire tousiours ce qui est contenu de ce
qui contient, & le remet à la terre. A ceus qui
sont detenuz par force, c’et liberté: Vuë souuent
de celle qui ne seroit enceinte, lui sinifie maladie.

Des Espines, & Aguillons.

Les espines, & aguillons, sont douleurs, em-
peschemens, souci & tristesse: A plusieurs ont si-
nifié amours, & aussi iniures de meschantes per-
sonnes.

De la Cheine.

La cheine, c’et la femme, detencion, afaires
mal à gré, & empeschemens.

De Consolacion

Songer auoir consolacion de quelcun, au ri-
che & heureus, c’et infortune & iniure: au póure
& afligé, c’et ayde & reconfort.

De Naureure.

Songer estre nauré en l’estomac, ou au cœur,
aus Ieunes gens c’et amour. Aus vieillars douleur
& tristesse: En la paume de la main dextre, c’et
dette, & dueil. à cause du sinet qui se fait par elle,
mais la nouuelle peau reprise en la playe, que lon
apele cicatrice, c’et fin & issue des maus.

De [p. 126] Fac-simile de la page 126 ARTEMID. DES SONGES

De la Dette & du Crediteur & Locateur.

La Dette & le Crediteur representent la vie.
Parquoy aus malades le Crediteur pressant &
contreignant, c’et grand danger: & receuant,
c’et mort: car nous deuons la vie à la nature, no-
tre mere vniuerselle, laquelle nous lui faut rẽdre
& payer. Crediteur mourant, c’et fin de tristesse.
L’hoste & locateur qui donne maison à louage,
sinifie comme le Crediteur: quelquefois le Cre-
diteur represente la fille qui demande son douai-
re pour la marier.

D’estre Fol ou yure.

Songer estre fol, est bon à cil qui veut se met-
tre en quelque afaire: car les fols & furieus font
tout ce qui leur vient en fantasie. C’et bon aussi
aus Preuots & Escheuins qui veulent auoir au-
torité sur le peuple: car ils aurõt plus grand bruit
& hõneur. Aussi est bon à ceus qui veulent gou-
uerner & endoctrine enfans: car les enfans sui-
uent volontiers les fols. Aussi est bon aus póures
car ils auront du bien: Car les fols prennent de
tous cotez, & à toutes mains. Au malade, c’et
santé: car folie fait aller & venir, non pas dormir
& reposer. Mais songer estre yure, est tremau-
uais à tous: car sinifie imprudence grande: seule-
ment est bon à ceus qui sont en creinte: car les
yures [p. 127] Fac-simile de la page LIVRE III. 127
yures ne creingnent & ne doutent rien.

Des lettres mißiues.

Voir des lettres, & ce qui seroit escrit dedens,
c’et que lon aura la disposicion des choses selon
le contenu: mais les voir simplement, sans ce qui
seroit escrit dedens, c’et bonne nouuelle: car en
toute lettre y ha salut, Boniour, Dieugard, &
Adieu.

Des Plantes & Arbres sortans du corps.

Songer quelque plante sortir de notre corps,
c’et mort ou incisure à celui qui seroit sinifié par
la partie dont sort ladite plante.

De la Rongne, Lepre, & Gratelle.

Rongne, Lepre, & Gratelle, sont sines de ri-
chesse & honneur aus póures: Aus riches & puis-
sans, sont ofices & dinitez. C’et aussi reuelement
de secretz. Mais voir autrui lepreus & rongneus,
c’et facherie & souci: car toutes choses laides &
de mauuais regard, contristent l’esprit de ceus
qui regardent.

Geter des Pierres, ou estre lapidé.

Geter des pierres à quelcun, c’est assaillir quel-
cun de paroles & iniures: mais estre lapidé & na-
uré de pierres, c’est ouir & soufrir iniures: car les
pierres [p. 128] Fac-simile de la page 128 ARTEMID. DES SONGES
pierres representent les paroles iniurieuses. Sou-
uent c’et voyage & fuite: car il faut que cil qui est
assailli de pierres, fuie. Quand plusieurs sont qui
gettent les pierres, ce Songe est bon à celui qui
espere argent, profit & vtilité de plusieurs;

Des Cigales.

Cigales ou grillons, sinifient musiciens: à ceus
qui sont en necessité, ne sinifient point amis, ny
suport, mais seulement paroles & propos des a-
faires. A ceus qui sont en creinte, ce sont mena-
ces sans efet: Aus malades, c’est soif & mort.

Soufrir comme vn autre.

Estre en peine & soufrance comme vn autre,
c’et estre complice & participant de son malfait,
& de la peine: car les maladies, & imperfeccions
du corps, se raportent aus passions & afeccions
de l’ame.

Du Fumier.

Voir du Fumier, est bon à ceus qui viuent sur
le menu peuple, & qui en tirent profit: & à ceus
qui sont d’estat vil. C’et bon aussi à ceus qui ont
charge de negoces publiques. C’et bon au póure
de dormir sur le fumier: car il aquerra & amassera
prou d’argement: Au riche c’est estat, ofice & hon-
neur publique: car le commun aporte tousiours,
& [p. 129] Fac-simile de la page LIVRE III. 129
& gete les superfluitez sur le fumier. Estre souillé
de fumier par quelque familier, c’est inimité auec
lui, & iniure: mais par quelque incõnu, c’et grand
dommage à venir.

Des Prieres, & requestes.

Prieres & requestes d’aumone, tous mẽdians,
póures, & miserables, c’est souci & facherie à tous
qui les songent: car nul ne requiert autrui sans
estre afligé: & nul afligé n’a raison & considera-
cion. Au moyen dequoy ils sont importuns, &
sont troublement & empeschement. Et s’ils re-
çoiuent argent pour aumone, c’et sine de grand
peril & dommage: Et souuent c’et mort au son-
geur, ou à quelque sien ami. Póures & mendians
entrans en la maison, & emportans quelque cho-
se, soit qu’ils le robent ou qu’on leur donne, sini-
fient tresgrande auersité.

De la Clef.

La Clef vuë par Songe, à celui qui se voudroit
marier, c’et sinifiance de bonne & preudefemme,
& mesnagere: ou de bonne chambriere: Elle est
contraire à voyager, car elle sinifie estre regeté &
empesché, & nõ pas reçu: Elle est bõne à ceus qui
veulent procurer & dispenser les afaires d’autrui.

Du Cuisinier.

Voir le Cuisinier en la maison, c’et bon à ceus
i qui [p. 130] Fac-simile de la page 130 ARTEMID. DES SONGES
qui se veulent marier: car les noces ne se font pas
sans Cuisinier: c’et bon aussi aus poures: car ils
auront du bien, & puissance de tenir bonne &
longue table: aus malades, c’et inflammacion &
chaleur & l’armes [sic pour larmes]: c’et aussi reuelement de se-
cretz: car l’apareil du Cuisinier se fait & se pre-
sente deuant plusieurs.

Du Ieu des Eschets.

Songer de iouer aus Eschets, c’et gain par men[-]
songe & decepcion: Voir autrui iouer, c’et qu’il
sera en perte par tromperie.

Du Boucher.

Les Bouchers qui assomment, tuent, decou-
pent & detranchent les bestes, & puis les ven-
dent: c’et sinifiance de danger & dommage, &
de mort aus malades: car c’et leur estat de tren-
cher & vendre les bestes mortes: aus douteus, c’et
plus grand’ doute: aus captifs & obligez, c’et issue
de leurs maus.

De l’Hotelier.

L’Hotelier qui tient hotelerie publqiue, c’et
mort au malade: car il
sinifie la mort à cause qu’il
reçoit toutes gens: aus autres, c’et
troublement
& tristesse, danger, & voyage. L’hotelerie
sinifie
comme l’hotelier.

Estre [p. 131] Fac-simile de la page LIVRE III. 131

Estre gardé & detenu.

Estre gardé & detenu par quelcun, c’et empes-
chement d’afaires, & longueur de maladie aus ma[-]
lades: toutefois à ceus qui sont bien bas, & pres
de la fin, c’et retour de santé & permanence. Car
la garde & conseruacion represente la vie qui sera
prolongee: mais deliurance & dissolucion & per-
te, c’et le contraire, & mort. Entrer en prison &
captiuité de liens, soit de gré soit de force, c’et
grande maladie ou forte facherie. Les Sergens &
Bourreaus, sont captiuitez, tristesses, & reuele-
ment de secretz aus malfaiteurs.

Des Veillees, Ioyes & Banquets qui
se font de nuit

Veillees & festiuitez nocturnes, sont bonnes
à ceus qui se veulent marier & faire noces: & à
ceus qui quierent compagnies & aliances: Et aus
poures, c’et sine de biens: aus tristes & creintifs,
fin de tristesse & de creinte: car volontiers ne
veillent pas toute la nuit en danses & bõnes che-
res de liesses, sinon ceus qui sont ioyeus. Aus pail-
lars & paillardes, c’et reuelement de leurs afai-
res: aus riches & viuans opulemment, c’et trou-
blement & diuulgacion.

Des Lieus d’assemblee.

Lieus de Plaids, de Marché, Theatres, Carre- i 2 fours [p. 132] Fac-simile de la page 132 ARTEMID. DES SONGES
fours & grans places en Vile, & Faubours, & Egli[-]
ses, ce sont troublemens & confusions, à cause de
la multitude de gens qui s’assemblent esdis lieus
& places. Marché rempli de biens & de gens est
bon à ceus qui y trafiquent: mais desert, c’est le
contraire.

Des Statues.

Statues d’erain bien grandes vuës mouuoir
par Songe, c’est richesse & reuenu: toutesfois trop
grandes à merueilles & mouuantes, sont grandes
terreurs & perilz, pource qu’on ne les pourroit
voir sans frayeur. Les statues aussi representent
les Magistrats & Gouuerneurs de vile: donq ce
qu’elles feront ou diront auiendra ausdites per-
sonnes.

De la Taupe.

La Taupe sinifie l’homme aueugle par incon-
uenient & labeur en vein: & que celui qui veut estre secret
sera descelé par soymesme.

Des Oiseaus de nuit.

Chouette, Chahuant, Butor, Chauuesouris, &
tout autre oiseau de nuit, est contraire à toute
entreprise, & auancement d’afaires: mais tollit
les creintes & terreurs. La seule chauuesouris est
bõne aus femmes enceintes: car elle ne fait point
d’eufs [p. 133] Fac-simile de la page LIVRE III. 133
d’eufs comme tous autres oiseaus: mais des pe-
tis, & porte le lait dont elle les nourrit. Si ces oi-
seaus sont vuz par Songe entrer en maison pour
y habiter, c’et que la maison sera deserte, & de-
laissee des habitants. Celui qui va par Mer ou par
Terre, & voit en songe aucun de ces oiseaus, il
tombera en grande tempeste, ou entre mains des
brigans.

De L’Orloge.

L’orloge sinifie accions, mouuemens, opera-
cions, & machinacions, & surprises en choses ne-
cessaires. Si l’orloge tombe, ou se ront, c’et mal,
& grand danger, mesme aus malades. Tousiours
seroit bien le meilleur de conter les heures deuãt
midi, que celles d’apres.

Conclusion de l’Auteur sur le
tiers Liure.

Voilà donc sufisamment, comme ie pense, ce
qui defailloit, que i’ay compris au tiers Liure, &
qui n’estoit pas bien consonant de remettre &
aiouter aus deus premiers. Pource i’en ay mieus
aymé faire vn liuret à part: & n’ay voulu omettre
les choses y contenues, à fin de ne laisser ocasion
à nul d’en escrire & aiouter. Mais lon doit bien
sauoir qu’il n’est rien plus facheus & dificile que
d’entendre la diuersité, & comme composicion,
i 3 & [p. 134] Fac-simile de la page 134 ARTEMID. DES SONGES
& mixtion des songes, & d’en faire à tous reigle
generale: atendu que quelquefois, & souuent lon
voit par mesme Songe & tems, de iour ou nuit,
chose cõtraires entre elles, et n’ayant resemblan-
ce & cõuenance aucune. Or est il impossible que
les choses sinifiees par mesmes songes soient dife-
rentes, & repugnantes entre elles, si les songes
predisent les choses à venir. Mais comme en tou-
tes y ha ordre & certeine dependan[-]
ce, ainsi est vraysemblable qu’il auient aus son-
ges. Quand donq aucun aura vù par mesme son-
ge choses bonnes & mauuaises: adonq faut pen-
ser lesquelles premieres, & lesquelles dernieres:
car aus afaires de ce monde quelquefois aussi la
grande ocasion d’espoir, ha eu mauuaise issue: &
au contraire, quelquefois doute & creinte ont eu
bonne issue: Et pour les grans maus qu’on aten-
doit, on en ha eu de petis: Et pour petite esperan-
ce de bien, on n’a eu rien. Ainsi donc les songes
mixtes & composez certes sont douteus, & ne se
peuuent pas entendre, ny exposer facilement, ce
qui est grief à plusieurs. Or i’ay escrit auec ordre
& le mieus que i’ay pù, & le plus facilement, à fin
que chacun print voye facile en l’exposicion des
songes. Et comme les maitres d’escole apres qu’ils
ont enseigné aus enfans la connoissance & pro-
prieté de chacune lettre en particulier, de là en
auant les enseignent cõment il faut vser de toutes
ensemble [p. 135] Fac-simile de la page 135 LIVRE III.
ensemble: aussi ie veus donner certeins petis en-
seignemens faciles, & les aiouter à ce qui ha esté
dit mar trois liures precedens, à fin qu’il soit
plus facile de les entendre & aprendre: car à ceus
qui ont experience & long vsage, le propos sera
facile, & qui seul sufira d’enseigner toutes les cho[-]
ses comment elles finiront. Or fus donq au pre-
mier liure nous auons dit que la teste sinifie le
Pere de celui qui songe: Et au second, que le Lion
est le Roy, ou la maladie: Et au chapitre de la
mort, que c’et bon aus póures songer de mourir.
Quand donq quelque homme póure (ayant son
Pere riche) songe que le Lion vient arracher &
deuorer ou rauir sa teste: & que ledit póure hom[-]
me demeure mort, & sans teste en songeant: c’et
vraysemblable que son Pere mourra, & le fera
son heritier. Et par ce moyen sera hors de sa lan-
gueur de póureté, & deuiendra riche: atendu que
ny le Pere ny la póureté ne le domineront &
opresseront plus. Car en ce Songe la teste repre-
sente le Pere: La perte de la teste, la mort & pri-
uacion du Pere: Le Lion, la maladie dont le Pere
mourra: Et la mort de ce póure homme, change-
ment d’estat, que par la richesse póureté sera chas-
see. En telle sorte se faut conduire à l’interpreta-
cion de tous les songes diuers, & mixtes: si que
de chacũ chapitre & propos recueillis ensemble,
lon n’en face qu’une exposicion, comme vne mi-
i 4 xtion [p. 136] Fac-simile de la page 136 ARTEMID. DES SONGES
xtion & composicion de medecine, qui se fait de
plusieurs herbes & racines. Or pour la fin ie de-
sire auoir Lecteurs debonnaires, & qui desirent
de bon vouloir lire mes liures, & ne les acuser ou
blamer, deuant qu’ils les ayent diligemment luz
& entenduz: autrement i’oseray afermer auec
grand serment & iurement, que ces miens
liures ne se permettrõt point estre re-
getez ny delaissez des mains &
des propos de ceus qu’ils
rencontreront stu-
dieus, diligẽs &
benins Le[-]
cteurs. *

Fin de l’Epitome du tiers Liure.

[p. 137] Fac-simile de la page 137

A IAN GRAVIER SE-
Cretaire de la vile de Lyon, Charles
Fontaine. S.
*

C  omme Plusieurs de mes amis par
 plusieurfois m’ussent requis & de-
 mandé depuis vn an, mon translat
 par Epitome, des trois premiers li-
 ures d’Artemidore : dont i’auois
fourni la copie à Ian de Tournes, qui premier
l’imprima bien correctement : & que à peine eus
ny moy en vssions pù recouurer de telle impres-
sion, ains seulement de quelques autres faites à
Paris, tant mal correctes & mal en point, que ny
eus, ny moy, ny tout homme de bon esprit ne
s’en pourroit cõtenter : ie proposay le faire reim-
primer par celui mesme qui y auoit bien cõmen-
cé : & y aiouter dauantage l’Epitome des deus
autres liures suiuãs (car Artemidore en fit cinq)
pour parfaire l’euure. Lequel labeur par moy sur-
aiouté (i’entens l’Epitome desdis deus liures,
quatriéme & cinquiéme) ie veus dedier, & dedie
à votre nom, pour en partie reconnoitre & don-
ner témoignage à la posterité de cette amitié &
bonne afeccion que de long tems, & de votre
grace, me portez, comme l’experience en fait
foy : & pource aussi que quelquefois nous auons i 5 deuisé [p. 138] Fac-simile de la page 138
deuisé de telle matiere. Ie say, ce nonostant que
par aucuns elle est peu prisee : mais pour n’estre
trop long, & ne faire vne chose ia faite, ie rẽuoy-
ray telles manieres de gens aus raisons par autres
long tems ha debatues, & mesmement par moy
assez amplement deduites es trois Epitres limi-
naires des trois premiers liures. Et, certes, i’ay de
si grãs auteurs pour moy, (ou plustot Artemido-
re pour lui) que les auersaires se montreroient
bien foibles, & bien petis enuers tels grans per-
sonnages : ie dy outre l’experiẽce, dont Artemi-
dore fait tousiours son principal bouclier. En-
cores depuis mon Epitome des trois premiers
liures, Oger Ferrier Medecin de Toulouze ha
fait vn traité des Songes en Latin, fort bien cou
ché, & deduit : & lequel ha esté imprimé par le
mesme imprimeur Ian de Tournes, auec encor
autres certeins petis traitez, beaus & excellens,
faits par diuers auteurs, à sauoir Hippocrate, Ga-
lien, & Synese, traitans de mesme matiere, q̃ i’ay
esté quelquefois en fantasie de traduire de Latin
en François : sinon que ie doute q̃ ledit Medecin
soit en vie : & que sur ces euures, lui viuant, ie ne
veus mettre la main pour le traduire, qui le pour-
roit trop mieus faire q̃ moy. Mais il est tems met-
tre fin à cette petite Epitre (qui s’est estendue en-
cor plus que ie ne pẽsois) vous priant prendre en
bonne part ce petit present que de bon cœur ie
vous fay. Adieu, qui vous gard’ & les votres.

[p. 139] Fac-simile de la page 139

EPITOME
DV QVATRIEME LIVRE
D’ARTEMIDORE.

[Fleuron]

Des [sic pour De] la varieté & diuersité des Songes.

A  VCUNS Songes sont specu-
 latifs, c’etadire, qui auiennent
 en la mesme façon que l’esprit
 les ha vuz & speculez (s’il faut
 ainsi parler) quand le corps re-
 pose : autres en y ha qui sont
allegoriques, c’etadire, qui demontrent sous au-
tres choses ce qu’ils veulent sinifier : & sont les
plus difficiles à inetrpreter : mesmemẽt par ce que
l[’]on doute si les choses mesmes auiendront com-
me l’esprit les ha representees, ou biẽ quelque au-
tre cas entendu sous icelles. Or donq premiere-
ment faut entendre que l’efet des Songes specu-
latifs auient (s’il doit auenir : car tous Songes
n’aportent pas efet) tout incontinent, ou bien
tot : mais l’efet des Songes allegoriques se demõ-
tre dens quelque tems, soit long, soit brief, com-
me d’un iour ou deus aussi seroit sotement fait
de penser que les choses monstrueuses & impossi-bles, [p. 140] Fac-simile de la page 140 ARTEMID. DES SONGES
bles, auinssent comme l[’]on les auroit vuës en dor-
mant. Et faut noter que les artisans representent
leur art, entre ceus qui sont de mesme art : com-
me l’auocat ꝗ songea qu’un autre auocat estoit
malade, fut long tems sans demener caises : & le
serrurier qui songea qu’il voyoit porter en terre
l’autre serrurier son voisin, delaissa la boutique
& la vile mesme ou il se tenoit : mais, à parler d’au
tre, Apollonide chirurgien songea q̃ se combatãt
au ieu de l’escrime, il en naura plusieurs : & par sa
chirurgie il en guerit plusieurs, & eut bõne pra-
tique : aussi l’intencion des escrimeurs est de faire
playes, mais non pas de tuer : & le semblable fait
le chirurgien. Le malade songeant voir des pains
prets à mettre au four, bien q̃ les fruits de Ceres
soient tousiours bons, cela toutefois lui sinifie
grande fieure auenir, à cause que iceus pains doi-
uent estre eschaudez & cuits au four. A celui qui
se veut marier, ou qui veut faire aliance & com-
pagnie ou societé, c’et meilleur de songer de vi-
gne & de vin que de blé & d’orge : & à celui qui
desire de s’auancer & paruenir est meilleur son-
ger donner que prendre quelque bien : s’il ne le
prenoit des plus aparens personnages.

Des hardes

Sõger voir toutes sortes de hardes qui se peu-
uent plier, trousser, porter, mesmemẽt en hottes, paniers [p. 141] Fac-simile de la page LIVRE IIII. 141
paniers, corbeilles : soient cheines, carquans, ba-
gues & ioyaus : sinifie bien à ceus qui veuleut [sic pour veulent] ou
se marier, ou faire quelque aliance autre : mais c’et
le cõtraire à ceus qui veulent faire voyages, cou-
rir, ou fuir, ou qui sont en creinte d’estre surpris :
faut toutefois excepter ceus qui veulent autrui
surprendre, & vser de quelque fraude & finesse.

De rencontrer gens.

Songer de rencontrer ou de voir des gens,
soient hommes, soient femmes, si ce sont gens
qui nous ayment ou ont aymé, & qui nous font
ou ont fait du bien, & ꝗ n’ont eu enuie de nous
nuire, ains qui bien nous veulẽt, soit qu’ils soient
en vie, soient qu’ils soient morts, ce Sõge est bon :
car ceus que l’esprit voit ou rencõtre en dormãt,
ce sont especes & images des choses, & affaires
à venir : dont les amis sinifient les bonnes, & les
ennemis au contraire les mauuaises.

De l’estat & fortune premiere.

Si l’homme deuenu póure, apres auoir esté ri-
che, songe qu’il ha les terres & possessions qu’il
auoit auparauant, & que les gens aussi que lors
il auoit, soient auec lui en sa maison, ou les com-
mis, metayers ou grangers qu’il auoit en ses biens
sur les chams, ce Songe est bon : car il sinifie que
sa bonne fortune lui retournera, & au contraire si l’hom [p. 142] Fac-simile de la page 142 ARTEMID. DES SONGES
si l’homme à present riche songe voir & auoir les
choses qu’il auoit lors qu’il estoit póure, cela lui
predit le retour de sa póureté & de son malheur
à venir.

Pour iuger que celui que pensons notre enne-
mi, est ami, & au contraire.

Les gens de recreacion, ou aymez de ceus qui
les voyent par Songe, ou qui ayment iceus, &
leur portent quelque honneur & faueur, bien
qu’ils n’ayent pas grande connoissance & fami-
liarité ensemble, sinifient tems prospere, & iours
de recreacion à venir : & aussi au contraire sini-
fient ceus qui vuz par Sõge haïssent la personne
qui les voit, bien qu’il ignore leur inimitié &
mauuais vouloir. Ainsi donq quand tu auras vù
en songeant quelque personnage que tu estimes
ton ami, & q̃ le iour du lendemain ne te sera pas
prospere ny ioyeus, alors tu pourras iuger qu’il
ne te porte pas amitié, ains qu’il est feint & dissi-
mulé : & au contraire si tu vois quelcun que tu
penses estre ton ennemi, & que le iour du lende-
main te soit ioyeus ou prospere, adõq estime que
c’et à tort que tu le iuges ton ennemi, & q̃ tu ne
lui dois porter mauuais œil ou mauuais cœur.

De voir ou rencontrer des artisans, ou außi
quelque fille ou femme de ioye.

Quelconques artisans que l[’]on songera voir ou [p. 143] Fac-simile de la page LIVRE IIII. 143
ou rencontrer, ont mesme efet auec leur art ou
mestier : & mesme efet auroit aussi voir leurs bou
tiques. Il faut toutefois excepter la putein : car
songer la voir ou rencontrer est sine de ioye,
& n’est mauuais Songe : mais voir le bordeau ou
maison ou se tient la paillarde, est Songe de tri-
stesse & malheur : par ce que c’et vn lieu publiq
plein de troublement.

De voir les petis enfans, ou des adolescens,
(c’etadire, de moyen aage) ou des vieillars.

Entre les petis enfans, le meilleur est de songer
voir des garsons que des filles : toutefois tous les
deus emportent quelque souci & solicitude, par
ce que sur les enfans il se faut songner. Les petis
enfans ou autres ieunes gens, & de moyen aage
vuz par Songe, font icelui meilleur que ne seroit
de voir des vieilles gens : toutefois si celui qui son
ge estoit en quelque afaire de produire ou rece-
uoir témoins, & d’estre pris & reçu à serement, &
qu’il desirast que l[’]on aioutast foy à ses dits ou
écris, le meilleur seroit pour lui, de songer voir
des gens d’aage meur ou des vieillars : pouruu
aussi que iceus vieillars ne fissent quelque acte de
radotement & de mauuaise grace vieillarde.

Des arbres ou plantes tot ou tart prouenan-
tes, & außi des animaus.

Entre les arbres ou plantes tardiuves, le chesne, l’oliu [p. 144] Fac-simile de la page 144 ARTEMID. DES SONGES
l’oliuier, & le ciores, & autres semblables : pareil-
lement l’Elephant, la corneille, le cerf, & leurs
semblables, sinifient les biens ou maus tradifs à
venir, selon la disposicion & diferẽte qualité que
l[’]on les voit : mais les arbres ou plantes qui tot se
auãcent, comme la vigne & le pescher : & des be-
stes, le porc & se semblables, sinifient au con-
traire bien tot auenir ou les maus ou les biens.

Des murs, fondemens, & vieus arbres.

Toutes choses solides & fermes, cõme murs,
fondemens, & vieus arbres, & estofes de fer & de
aïmant, sont sinificatiues de seurté à ceus qui sont
en doute & creinte, pouruu que l[’]on ne soit en-
ferré en iceus.

Des Chariots.

Les chariots qui sont reçuz en vsage, com-
me songer de conduire chariot tiré ou charié par
loups, liepards chiens, & autres semblables be-
stes, cela est bon seulement à ceus qui creingnent
de grans ennemis : par ce que telles bestes mises
entre les limons sont sugettes au charretier : mais
songer estre porté par des hommes, est bon seu-
lement à ceus qui veulent commander & estre
obeïs, aus autres sinifie difamacion & dommage.

De flaterie.

Songer de flater n’et bon que à ceus qui ont cela [p. 145] Fac-simile de la page LIVRE IIII. 145
cela coutume : aus autres est sine d’estre abais-
sé, par ce que ceus qui flatent sont moindres &
de plus basse qualité de courage que ceus qui ne
flatent point. Songer d’estre ioyeus, & endurer
facilemẽt d’estre flaté, n’est pas bon : mesmement
si la flateur est vn de ses familiers, car cela sinifie
d’estre trahi par lui.

D’estre vendu.

Songer d’estre mis & exposé en vẽte (à la mo-
de que l[’]on souloit anciennement vendre les serfs,
& se fait encor’ entre quelques nacions barba-
res) est bon à ceus qui souhaitent changer de leur
present estat & qualité, comme à gens detenus
en póureté & seruitude : mais aus riches & aus
malades, & à ceus qui sont constituez en hon-
neur & autorité, est mauuais : & apres ce Songe,
est auenu que plusieurs ont esté pris & vendus.

De acheter.

Songer d’acheter toutes sortes de choses que
l[’]on ha de coutume, est bon : acheter ce qui est
seulement pour le viure & pour la sustantacion,
est bon aus póures : mais aus riches & opulens si-
nifie despenses & grans fraiz.

De aquerir.

Songer d’aquerir & amasser des biens, & mes-k me [p. 146] Fac-simile de la page 146 ARTEMID. DES SONGES
me force beau mesnage & bien en ordre, & beau-
coup ou aucunement mieus que ce que nous a-
uions auparauant, est bon : mais non pas tresex-
cellemment par-dessus notre estat & qualité : car
cela seroit hors de raison, & sinifiroit plustot dom-
mage.

De póureté.

Songer estre en necessité & póureté, ne sinifie
aucun bien à personne : mesmement ce Songe
n’aporte rien, ains sinifie fortune cõtraire à ceus
qui sont profit par leur langue & beau parler.

Des choses que l’on songe auenir aus petis en-
fans outre leur aage.

Songer auenir aus petis enfans ce qui n’et
point propre à leur aage, n’et pas bon : comme
songer que les enfans máles auroient barbe &
cheueus gris : & aus petites filles qu’elles seroient
mariees & seroient des enfans : ce qui leur sinifie
la mort procheine. Toutefois songer que les pe-
tis enfans parlent bien, est bon : par ce que c’et le
propre à l’homme & femme de parler. Or quant
est des autres choses auenãs outre l’aage en ceus
qui ne sont plus petis enfans, cela ha esté declairé
au premier liure, au chapitre de alteracion ou
changement. Songes qui sont de generacion
d’enfans ou de noces, predisent que nos enfans estans [p. 147] Fac-simile de la page LIVRE IIII. 147
estans en païs estrange, retourneront & mesme
la femme & les enfans, si d’auanture on nous les
auroit tollus & emmenez, cela mesme est sinifié,
si l[’]on songe labourer la terre & y fermer du blé.

Que ce qui est sinifié par vne chose, est außi
quelquefois sinificatif de la mesme chose.

Les yeux sinifient & representent les enfans :
pour ce est il qu’une certeine femme ayant son-
gé qu’elle auoit mal aus yeus, vid ses enfans mala-
des : & vne autre femme songea que ses enfans
estoient malades, & elle eut mal aus yeux.

De Vomir.

Tout vomissement, soit de sang, de viande, ou
de fleumes, aus póures gens qui le songent sinifie
profit : & aus riches dommage : car ceus la certes
ne pourroient rien perdre s’ils ne l’auoient pre-
mierement : & ceus cy ayans desia du bien, ils le
viendront à perdre.

Voir ou faire souuent mesmes Songes.

Souuent voir mesmes Songes & par plusieurs
nuits s’entresuiuantes de pres, c’et sine que notre
esprit nous amõneste ou predit afeccionnément
vne mesme chose & dine d’y penser : car quand
nous auons grande afeccion à quelque chose,
nous ne nous pouuons tenir d’y penser & d’en k 2 parler [p. 148] Fac-simile de la page 148 ARTEMID. DES SONGES
parler : mais si les mesmes Songes sont vuz auec
long espace de tems entre deus : ils ne doiuent pas
tousiours sinifier mesme chose, ains diuerse, selon
le changement du tems & des affaires : ne plus ne
moins que si plusieurs auoient songé vn mesme
Songe, il ne sinifiroit à tous egalemẽt, mais plus-
tot diuersement, selon le diuers estat & qualité
des gens & de leurs diferentes afaires. A ce pro-
pos vn vẽdeur de senteurs & parfuns songea qu’il
auoit perdu le nez, & il perdit ses marchandises
& n’en vendit plus : car il auoit songé qu’il auoit
perdu le nez, par lequel on iuge des odeurs. Long
tems apres, & n’estant plus vendeur de parfuns,
songea ce mesme Songe qu’il n’auoit point de
nez : & il fut acusé de fausseté, & s’en alla fugitif
hors de son païs : car c’et vne chose bien laide &
deshonorable d’auoir perdu le nez, qui est au
plus aparent lieu de la face : pource dit Vergile :

- & truncas inhonesto vulnere nares.

Icelui mesme parfumeur estant quelque tems a-
pres malade, songea encor qu’il n’auoit point de
nez, & il mourut : car aussi les testes des morts
n’ont point de nez. Ainsi vn mesme Songe en
vn homme par trois diuerses fois sinifia diuerse-
ment : à sauoir, premierement la perte de sa mar-
chandise : secondement la perte son honneur :
& tiercement la perte de sa vie.

Des [p. 149] Fac-simile de la page LIVRE IIII. 149

Des Vases ou vaisseaus, & instrumens.

Tout Vaisseau ou instrument sinifie l’art ou
mestier dont l[’]on en vse, ou bien ce que dedens
l[’]on ha de coutume y mettre : cõme mes tonneaus
sinifient vin ou huile, mõceaus de blé ou d’orge :
ou autre chose, à peu pres ou à l’equipolent, qui
seroit en vsage.

Les outils & instrumens, à ce propos, sinifient
les amis, les enfans, les parens : la vituaille & pro-
uision, sinifie le bon mesnager ou maitre d’hotel :
les cofres & cabinets, les femmes, & les econo-
mes. Or de tout faut iuger auec egard aus circon-
stances, comme quelcun ayant l’ordre de Cheua-
lier & postulant charge de conduire gens en
guerre, songea que estant apelé par quelcun, il
sortoit de la maison en laquelle il estoit, & ayant
descendu dus degrez, lui fut auis que celui qui
l’auoit apelé lui bailloit vne couronne d’oliue,
telle que les Cheualiers Rommains portoient en
pompes : apres ce Songe il fut fort ioyeus : & pa-
reillement tous ceus qui estoient de sa compa-
gnie auoient bonne esperance par ce Songe qu’il
obtiendroit sa requeste : mais non fit : & la raison,
c’et qu’il receuoit la couronne non pas en mon-
tant les degrez, mais en descendant : or monter
sinifie auancement, & descendre, au contraire.
toutefois ce Songe lui sinifioit autre chose, c’et-k 3 asauoir [p. 150] Fac-simile de la page 150 ARTEMID. DES SONGES
asauoir qu’il se mariroit, & espousa vne fille : car
la couronne estoit de branches liees. Il ne faut
pas donq que celui qui expose les Sõges s’arreste
à vne seule chose, mais faut qu’il entende toute la
disposicion & deduccion d’iceus : car ceus qui
auoient iugé de ce Songe par la seule couronne,
sans auoir egard à la descẽte, ont esté tous trom-
pez en leur iugement.

De parentage.

Tous ceus qui sont d’un parnetage, mesme les
enfans, representez par Songe atans ou faisans
quelques choses, sinifient faire ou auenir quelque
cas aprochant ausdites choses à quiconque soit
de la parenté : comme quoy : vn homme songea
que sa fille estoit deuenue bossue : & la seur du
songeur mourut : & non sans propos, car il auoit
cette procheine parente non saine, puis que si en
brief elle trespassa.

Des choses qui nous enuironnent.

Toutes les choses qui nous enuironnent ou
nous reçoiuent, ont mesme consideracio : com-
me quelcun songea qu’il estoit vétu d’une robe
de bois : or il nauigoit, & la nauigacion ou voya-
ge fut tardif, car le robe de bois empeschante, re-
presentoit le nauire.

Vn autre songea que sa robe estoit toute cou-pee [p. 151] Fac-simile de la page LIVRE IIII. 151
pee par la belle moitié : & sa maison tomba.

Vn autre songea qu’il auoit perdu le couuert
de sa maison, & il perdit ses habillemens.

Vn marinier songea voir vne muraille qui se
rompoit, & les pans & cotez de sa nauire furent
rompuz. Aussi toutes telles choses se peuuent
raporter au corps : & pourtant non sans pro-
pos vn qui songea que sa robe estoit rompue
ou deschiree, fut nauré en son corps, & en ce
mesme endroit ou il auoit songé qu’estoit la cas-
sure de sa robe : car cõme sa robe se mõtroit l’estui
de son corps, ainsi son corps l’estui de son ame.

Au cas pareil les seruiteurs, outre les autres
choses qu’ils peuuẽt sinifier, representẽt le corps
de leurs maitres. Pource est il qu’un maitre qui
auoit songé voir son seruiteur malade, fut lui
mesme malade de la fieure : car aussi le corps est
comme seruiteur de l’ame, qui voyoit ce Songe.

Vn autre songea qu’il auoit pié de cheual, & il
fut fait Cheualier ou hõmedarme : car comme ses
iez le portoient, ainsi le cheual le deuoit porter.

Qui songera que le Roy lui dõnera de la bou-
che quelque cas, sinifie sentence ou arrest à venir
au profit de celui qui songe.

Des choses que l’on songe dire, & comment
elles auiennes.

Tout ce que quelcun songe dire à autrio, & k 4 que [p. 152] Fac-simile de la page 152 ARTEMID. DES SONGES
que ce qu’il dit ne touche à son mestier, art ou
estude & vacacion, ains plustot de celui à qui il
songe parler, tout cela se doit entendre retourner
en lui qui songe. Et aussi au contraire : mais com-
me aus arts mecaniques que l[’]on songe exercer,
apres les auoir aprises, cela est bon, & sine de bien
& auancement, ainsi se doit interpreter en tous
autres arts. Or, suiuant propos, ce que les Mede-
cins songeront dire & traiter auec autrui de ma-
tiere de droit : & au contraire, le Legiste ou Auo-
cat de matiere de Medecine, se retourne en celui
qui songe, & de lui se doit interpreter.

Songer faire bien à ceus dont l[’]on tire ou espe-
re profit, ou bien ne leur faire aucun mal, est sine
de bien : car autrement l[’]on ne seroit pas en leur
grace, & n’auroit l[’]on vtilité ny auancement par
eus : & aussi songer le contraire est mauuais. He-
raclide Thyateren poëte Tragiq, ayant à exercer
son art, & contendre pour icelui auec d’autres
Poëtes Tragiques à Romme, songea qu’il tuoit
les spectateurs, & ceus qui estoient deputez &
commis pour en iuger, & ses amis : il perdit l’hon-
neur, & fut vaincu en cette contencion de son
art : car l[’]on n’a pas de coutume d’occire ses amis,
mais bien ses ennemis : ainsi son Songe semble lui
predire que les Iges & spectateurs lui seroient
contraires & comme ennemis : & encores
estans tuez ne lui pourroient ayder.

Du [p. 153] Fac-simile de la page LIVRE IIII. 153

Du foyer.

Songer batir vn foyer en païs estrange, à celui
qui n’est en propos de se marier ou d’aller habiter
en païs estranger, sinifie mort.

Des Songes doubles ou composez & des ro-
bes immobiles, & des couleurs.

Il faut diuiser ou separer les Songes selon leurs
parties diuerses, & separément les discuter & in-
terpeter. Comme, pour exemple, Quelcun son-
gea qu’il nauigeoit en vne galere ou nauire sur la
Mer : puis apres estant sorti de leans, songea qu’il
cheminoit sur la Mer. Quant est de la premiere
partie de ce Songe, tu en trouueras raison & ex-
posicion au second Liure precedent : & quant est
de la seconde partie, qui est de cheminer sur la
Mer, tu auras recours au tiers Liure, pour sauoir
que cela sinifie. Songer vétir robes immobiles,
n’est pas bon, & sinifie empeschement, ou mort.
Les choses semblables de couleur ont mesme si-
nifiance. Quelcun songea que l[’]on lui auoit dõné
vn More : & le lendemain on lui donna vn ton
neau plein de charbon. Vne femme songea qu’el-
le auoit acheué sa toile, & tot apres elle mourut.

De couurir, oindre ou farder son visage.

Ny cacher, ny oindre ou farder sa face de quel-k 5 que [p. 154] Fac-simile de la page 154 ARTEMID. DES SONGES
que chose que ce soit, n’est aucunement bon Son
ge : car cela sinifie quelque coulpe, crime ou for-
fait sur celui qui auroit fait tel Songe. Et pour
exemple : Vn ieune homme de Paphos songea
qu’il fardoit son visage à la mode des femmes :
qu’en auint il ? il fut surpris en paillardise & adul-
tere, & estant condenné encor puis apres se gou-
uerna mal. Les choses qui sont bõnes à vn vsage,
& l[’]on songe les employer en vn autre, ne sont
pas bonnes, c’etadire ne sinifie rien de bien à ce-
lui qui songe. Comme vn tauernier de Candie
songea qu’il se lauoit le corps de vin : & quelcun
de ceus qui estoient les plus en bruit d’interpre-
ter les Songes lui exposa qu’il feroit profit en
vin, & qu’il laueroit ses dettes esquelles il estoit
obligé, mais tout le contraire auint, car son vin
fut corrompu, tourné & gaté.

De changement en mieux, & d’estre crucifié.

Songer d’estre changé & transformé en mail-
leur estat, est bon à gens riches, quand mesme-
ment ils songeroient estre transmuez en Dieus :
il faut toutefois que les circonstances ne soient
point defectueuses : comme quoy ? Quelcun son-
gea qu’il estoit transformé en Soleil, & que ayant
onze rayons, il passoit par la grand place de la
Vile : qu’en auint il ? il fut fait Capiteine de la Vi-
le, & onze mois apres en l’estat de Capiteine il tresp [p. 155] Fac-simile de la page LIVRE IIII. 155
trespassa. Songer d’estre crucifié sinifie grande
gloire, honneur & richesse : car celui qui est cru-
cifié, est plus haut esleué que les autres. Menandre
songea qu’il estoit crucifié en Grece deuant le
temple dela [sic pour de la] vile Diospolis : & fut fait Chef dudit
temple, ou il aquit honneurs & biens.

Des amis & ennemis ensemble.

Songer voir les amis & ennemis conuerser &
estre assemblez, sinifie inimitié enuers celui qui
songe. Felene songea que quelques vns de ses amis
s’en alloient dehors ensemble auec aucuns de
leurs ennemis :& il tomba en diuorse & inimitié
auec ses propres amis, mesmement pour certei-
nes causes & moyens qui ne touchoient en rien
ausdis ennemis.

Des euures imparfaites ou à demi faites.

Songer les euures seulement à demi faites, sini-
fie mauuaise issue des affaires, & mesmement ne
les commencer pas seulement. Cilix faisant re-
queste au Roy d’auoir la succession de son frere,
songea qu’il tondoit vne brebis iusques à la moi-
tié du corps, & prenant grãde partie de la toison,
se réueilla, songeant qu’il ne pouuoit acheuer de
tondre le reste : or apres auoir songé cela, il esti-
moit qu’il auroit pour le moins la moitié de l’he-
ritage & succession de son frere : mais au con-traire, [p. 156] Fac-simile de la page 156 ARTEMID. DES SONGES
traire, il n’obtint & n’ut du tout rien.

Des Viles.

Songer voir des Viles ou l[’]on ha hanté, est meil
leur que songer en voir d[’]estrangeres : mesmement
des Viles de son païs : ou celles ou l[’]on ha eu bon-
ne fortune & toute prosperité, & principalemẽt
est bon de les voir bien peuplees & remplies de
citoyens & de biens, & de marchandises, par les-
quelles choses l[’]on connoit l’honneur & richesse
des Viles. Les parens aussi sont sinifiez (c’etadire
le Père & la Mere) par les Viles du païs dont l[’]on
est. Et pour exemple : Vn homme songea que son
païs & lieu de sa naissance estoit tombé & ruïné
par tremblement de terre, & son Père fut con-
danné à la mort, & executé.

S’il est poßible en mesme tems faire de
bons & mauuais Songes.

Non seulement en vne semaine, mais aussi en
vne mesme nuit l[’]on peut songer bons & mau-
uais Songes : ie d’y [sic pour dy] encores plus fort, par vn seul
Songe l[’]on peut voir choses bonnes & mauuai-
ses : & faut les separer en iugeant. Et n’est pas cho
se merueille, atendu que & la vie & les affaires
d’un chacun sont telles, c’etasauoir meslees ordi-
nairement de bien & de mal : & en mesme tems
l[’]on peut faire & soufrir ensemble & bien & mal : & [p. 157] Fac-simile de la page LIVRE IIII. 157
& ne se faut tousiours arrester à vne mesme issue
ou euenement de Songe, comme qui ne sortisse
pas tousiours pareil efet. En quoy s’abusa quel-
quefois Antipatre interpretateur de Songes : car
comme quelcun ust songé qu’il embrassoit du
fer, & lui auint d’estre reduit en seruage & vi-
ure entre les fers, le bon Antipatre interpreta à
vn autre qui auoit fait pareil Songe qu’il seroit
condanné au combat particulier en camp clos,
ou à tenir le ieu d’escrime, & viure aussi entre, &
par le fer, asauoir par l’exercice & art d’escrimer,
ou l[’]on ne fait que traiter & manier les dagues &
espees de fer : auquel toutefois semblables cas n’a-
uint, ainsi eut cetui cy vn mẽbre coupé. Parquoy
ne faut tousiours s’arrester à vn mesme point &
efet qui seroit auenu, car seroit afaire à bestes
(cõme sont les menestries qui ne sauent qu’une
note- mais faut estre ingenieus à inuenter tous-
iours quelques choses non du tout diuerses, mais
aprochantes, car l’esprit & la nature sont fertiles,
& se recreent & esbatent en varieté & diuersité.

Que les Freres sinifient les ennemis.

Les Freres ont mesme sinifiance que les enne-
mis, en tant que touche l’efet & euenement des
Songes : & les ennemis au semblable pareil efet
que les Freres : & non sans propos : la raison est
que les Freres ne nous aportent rien quand ils naissent [p. 158] Fac-simile de la page 158 ARTEMID. DES SONGES
naissent & viennent au monde, ains diminuent
notre heritage & succession paternelle, & font
que ce qui seroit tout à nous, soit diuisé en plu-
sieurs parts entre eus et nous. Timocrate songea
qu’il ensepulturoit ou faisoit enterrer vn sien Fre-
re mort : & peu de tems apres lui mourut vn de
ses auersaires & ennemis. Et ne sinifie pas tant
seulement le trespas des freres, la perte des enne-
mis, ains aussi deliurance ou alegeance de quel-
que perte ou dommage que l[’]on atendoit, & dont
l[’]on auoit doute : comme il auint à Diocle Gram-
merien, qui ne fit la perte d’argent dont il se dou-
toit, & laquelle il creingnoit : ayant premiere-
ment songé qu’il voyoit son Frere mort.

Des Banquets funebres, de reuiure &
monter au Ciel.

Ny voir ny manger les viandes que l[’]on songe
estre mises es festins des mortuaires, n’est bon en
Songe : ny mesmemẽt songer faire tel conuiue ou
festin à ses parens ou amis : car ce sinifie & predit
au malade la mort de sa personne : & à celui qui est
en santé, le trespas de quelque sien familier. Son-
ger de mourir, & tot apres reuiure, n’est pas mau
uais : & finisse victoire. Les choses que l[’]on ha de
coutume ofrir & presenter en oblacion ou ofran
de aus trespassez, n’est pas bon songer de les leur
bailler, ny de les prendre d’eus : car sinifie la mort ou [p. 159] Fac-simile de la page LIVRE IIII. 159
ou à celui qui songe, ou à quelcun de ses parens.
Toutefois prendre viures, or, argent, habits &
vases de la main des morts, soit le tout ensemble,
soit à diuerses fois, est bon Songes, & sine de pro-
fit.Mais songer de monter au Ciel à celui qui est
malade, sinifie la mort : pareillement songer estre
en grande tranquilité, repos & felicité.

Dedens combien de tems auiennent
les Songes.

Toutes les choses qui ont de coutume auoir
certein tems determiné, & sont vuës par Songe,
se doiuent raporter audit tems : & les autres qui
n’ont aucun tems certein ny determiné, se doi-
uent aussi raporter à tems non certein ny deter-
miné ou leur efet se doiue montrer. Et faut iu-
ger du tems prochein ou lointein selon les circon
stances du Songes : car celui seroit bien sot qui re-
mettroit à vn an l’efet d’un Songe d’un homme
constitué en peine, en grand’ creinte ou grand
espoir. Et faut sauoir que les choses que l[’]on Son-
ge voir de plus loin (comme seroit autour du
Ciel) ont leur efet plus tardif, pour cause de la
longue distance. Dauantage ne faut ignorer que
les bons ou mauuais Songes sinifient aussi aus
grans & aus petis plus grans ou plus petis maus
ou biens.

Fin de l’Epitome du quatrieme Liure.

[p. 160] Fac-simile de la page 160

EPITOME DV CINQVIE-
ME LIVRE D’ARTE-
MIDORE,
Contenant certeins exemples de Songes auec
leurs effets qui en sont ensuiuis.

V  N personnage songea qu’il buuoit
 de la moutarde si bien broyee & si
 clere qu’elle estoit buuable : il auint
 que l[’]on lui brassoit certeine acu-
 sacion en cas de crime, c’etasauoir
d’homicide, duquel fut si bien chargé & si viue-
ment ateint, qu’il en reçut sentence de mort, &
fut executé par iustice.

Vn autre songea que l’eau de la riuiere de Xan
the qui est pres de Troye la grande, estoit toute
transmuee en sang : Songe certes espouuantable
& merueilleus : qu’en auint il donq ? il geta le sang
à diuerses fois par l’espace de dix ans : & ne mou-
rut de cela : à quoy y ha aparence, par ce que les
grãdes riuieres & de renom ne tarissent pas, ains
tirent tousiours leur cours immortel.

Vn homme songea que son coussin ou coutre
de lit estoit pleine de blé au lieu de plumes. Il
auoit femme qui iamais n’auoit fait d’enfans, &
cette annee là fut enceinte, & lui fit vn fils.

Vn autre songea qu’il alumoit sa chandelle à la
Lune, & il deuint aueugle : car il songea chose imp [p. 161] Fac-simile de la page LIVRE V. 161
impossible. Dauantage la Lune n’a point de lu-
miere d’elle mesme.

Vne femme songea qu’elle voyoit dedens la
Lune trois images, ou resemblãces siennes, & elle
enfanta trois filles qui au bout du mois mouru-
rent : car aussi la Lune n’a qu’un mois de vie.

Vn hõme songea qu’il voyoit son image ou re-
presentacion dens la Lune : & il fit voyages loin-
teins, vagabond deçà & delà par vn long tems : car
le continuel changement de la Lune lui sinifioit
que souuẽt il changeroit de lieu & d’habitacion.

Vn personnage songea qu’il auoit son mem-
bre viril de fer massif : & il eut puis apres vn fils
par lequel il fut occis : car aussi le fer par sa pro-
pre rouillure se consume.

Vn homme songea qu’un Oliuier lui sortoit
de la teste : & il suiuit l’estude de Filosofie de
frant courage, & y aquit science & honneur per-
durable : car c’et vn arbre tousiours verd & soli-
de, & de toute antiquité dedié à la deesse Miner-
ue, reputee deesse de Sapience.

Vn maitre songea que son seruiteur qu’il ay-
moit sur tous les autres, estoit transmué en vne
torche ou flãbeau : & il perdit la vuë, & fut mené
& conduit par ledit seruiteur.

Vn seruiteur songea qu’il voyoit tomber du
Ciel vne Estoile, & en sortir vne autre de la terre,
& monter au Ciel. Son maitre trespassa, & le fils l de [p. 162] Fac-simile de la page 162 ARTEMID. DES SONGES
de son maitre monta au lieu du père.

Vn Frere ayant sa seur bien riche & malade,
songea que deuant la porte de la maison d’icelle
y estoit crù vn Figuier, dont il cueillit set figues
noires, & les mangea : sa seur trespassa au bout
de set iours, & lui fut heritier d’elle.

Vn hõme songea qu’il desuétoit sa peau, & se
renouuelloit comme vn serpent : & le lendemain
il mourut : car l’ame qui deuoit en brief laisser le
corps, lui representoit telle vision en songe.

Vn autre songea que son père retiroit sa seur
mariee d’auec son mari, & la bailloit en mariage
à vn autre : auint qu’il mourut tot apres, car ca
père representoit Dieu le createur & père celeste
de nos ames : cette seur representoit l’ame de ce-
lui qui songeoit : laquelle seur estant separee d’a-
uec son espous & baillee à vn autre, vouloit dire
qu’elle seroit separee de son corps, & viuroit &
conuerseroit ailleurs : comme ainsi soit que les
ames de ceus qui meurent ne font que changer
de lieu.

Vn homme songea qu’il estoit gros d’enfant,
& qu’il enfantoit deus filles noires : & il perdit
les deux yeus, ou la vuë d’iceus, car les deus pau-
pieres qui couurent les yeus, lui tomberent.

Vn fils estant loin de son païs, songea que sa
propre mere l’enfantoit derechef, il retourna en
son païs : trouua sa mere malade, & fut son heri-tier [p. 163] Fac-simile de la page LIVRE V. 163
tier par sa mort, & voiloit ce Songe lui dire & sini-
fier cela : asauoir que par sa mere, de póureté il
viendroit à richesse.

Vn homme songea qu’il mangeoit son pain
trempé dens du miel : & il apliqua son esprit aus
sciences & Filosofies, & aquit sapience, hõneurs,
& biens : le miel donq par ce Songe lui sinifioit
la douceur de sapience, & le pain, opulence.

Vn autre songea que de son estomac lui sor-
toient des espis de blé, & que quelcun
suruint qui les lui arracha : il
auoit deus fils qui tot
apres lui mou-
rurent.
*

Fin de l’Epitome du cinquieme Liure
d’Artemidore.

l 2 [p. 164] Fac-simile de la page 164 [Bandeau]

PETIT RECVEIL
DV LIVRE DE VALERE
MAXIME, TOVCHANT
LES SONGES

[Fleuron]

De l’Empereur Auguste, & de Calfurnie.

C  OMME Artore medecin de
 l’Empereur Auguste reposoit
 en son lit deuãt que les
 armees des Rommains, asauoir
 l’ost d’Auguste & de Marc An
 toine d’une part, & les bendes
de Brute & Caste d’autre, deuoient auoir la ba-
taille aus chams Filipiques, Pallas se representa
audit Medecin : & lui commanda de dire à Au-
guste que nonostant qu’il fust fort malade, ne
laissast à se trouuer en la bataille. Ce que enten-
dant Auguste, s’y fit porter en vne litiere, & aban
dõna sa tente : ou, plus qu’il ne pouuoit trauailla
pour la victoire : mais les gens de Brute prindrent
ses pauillons. Et iaçoit que ledit Auguste ust deli-
beré de ne bouger de sa tente pour sa maladie, ce
neanmoins par l’auertissement dudit Medecin
s’en estoit geté hors, parquoy sauua sa vie : car les soudars [p. 165] Fac-simile de la page DE VALERE MAXIME 165
soudars de Brute faillirent à y entrer, & mirent
tout à sac, pensans qu’il reposast dedens. Outre
donq que ledit Empereur fust sutil, prudent &
auisé en tous ses affaires, l’exemple de son père
adoptif & predecessur Iules encores tout re-
cent, l’induisit à obeïr au Songe de son Medecin :
car il auoit bien entendu que Calpurnie femme
dudit Iule Cesar, auoit vù en dormant ma dernie-
re nuit que Iule fut sur la terre, comme icelui
estoit gisant entre ses bras & en son sein nauré de
plusieurs playes : & cõment pour l’horrible Sõge
elle l’auoit intãment prié de ne se trouuer le iour
ensuiuant à la court. Mais lui, à fin qu’il ne fust vù
prester l’oreille au Songe d’une femme, ayma
mieus aller au Senat & se transporta au Parl-
ment, ou il fut mis à mort, miserablement nauré
de plus de vint playes.

De Puble Dece, & Manle Torquate,
Consuls de Romme.

La vision qui aparut en dormant tout en vne
mesme nuit à Puble Dece, & Manle Torquate,
fut de grande amiracion, & d’issue manifeste. Car
lors que ces deux Consuls planterent leur camp
pres du mont Vesuue, s’etasauoir quand les La-
tins laisserent le parti des Rommains, à vn cha-
cun des deus Consuls dormans, aparut vn hom-
me, & leur predit que d’une armee leur Capiteine l 3 deuoit [p. 166] Fac-simile de la page 166 RECVEIL
deuoit estre tué : & que de l’autre la gendarme-
rie deuoit estre defaite : mais le Chef de l’ost qui
iroit assaillir les bẽdes des ennemis, & se voueroit
à soufrir la mort pour ses gens, auroit la victoire.
Oyans ces nouuelles, & se resentans de leur Son-
ge, firent lesdis Consuls vn pact ensemble, que le
coté de celui qui premier seroit vù ployer sous le
faiz de la bataille, le Capiteine de cette bende
debilitee mettroit sa vie pour le païs : & combien
que ny l’un ny l’autre ne creingnissent telle auen-
ture, toutefois la destinee tomba sur Dece, car ses
bendes commencerent à perdre cœur : ce que lui
voyant, se geta au milieu de ses ennemis l’espee au
poing, & fut occis, ainsi urent les Rommains
contre les Latins trionfante & desiree victoire
par ma mort d’un de leurs Chefs de guerre, sui-
uant ce Songe.

De Ciceron.

Ciceron dechassé de Romme par la conspira-
cion de ses ennemis, se retira en vn vilage : si lui
fut illec auis en dormant, qu’en cheminant par
lieus deserts, rencontra le Consul Mare auec ses
satellites, qui lui demanda pourquoy il estoit si
triste, & à raison dequoy il tenoit les chams, &
s’estoit ainsi transporté en chemin inconnu : puis
apres auoir entendu les raisons, & l’infortune du
dit Ciceron, le print par la dextre, & dõna charge au [p. 167] Fac-simile de la page DE VALERE MAXIME 167
au principal de ses Oficiers de la conduire iusques

en sa chapelle : lui disant qu’en ce lieu pourroit
auoir quelque ioyeuse nouuelle de la recouuran-
ce de son estat : & la chose auint en telle sorte :
car en la chapelle que Mare auoit fait bátir, les
Senateurs traiterent du retour de Ciceron, & fut
ainsi conclu, qu’il retourneroit à pur & à plein,
sans aucune charge ny deshonneur.

De Gaie Gracche.

Comme Gaie Gracche dormoit, il songea voir
son frere Tibere lui disant qu’il seroit tué com-
me icelui mesme Tibere auoit esté. Plusieurs oui-
rent faire ce conte à Gaie Gracche, mesme auant
qu’il ust l’ofice de Tribun du peuple, en laquelle
il reçut mort semblable à sondit Frere.

D’Artere le Rous.

Comme quelcun faisoit tenir à Syracuse vn ieu
de pris, Artere le Rous cheualier Rommain son-
gea la nuit de deuant, qu’un porteur de retz ou
pescheur le tuoit. Le iour d’apres se trouua au
combat, & recita ce Songe aus assistans. Auint
incontinent apres, que pres du lieu ou estoit ledit
Artere, on vint introduire deus combatans, dont
l’un portoit en sa deuise vn poisson sur son heau-
me : quand Artere vid en face ce pescheur portant
ce poisson, lui va dire : Ie pensois cette nuit que tu l 4 me [p. 168] Fac-simile de la page 168 RECVEIL
me tuois : & pourtant se vouloit Artere retirer
hors de là : doutant quelque cas de mauuais par
ce Songe : mais les combatans lui donnans pa-
role d’assurance, le mirent au hazart de mort : car
en ce mesme lieu le pescheur abatit l’autre com-
batant, & en le pensant trauerser de son espee, le
coup se destourna, & vint trauerser le poure Ar-
tere, qui en ce point experimenta miserablement
l’efet de son Songe.

D’Annibal de Cartage.

Annibal dormant eut vne vision telle, qu’il lui
sembloit voir vn ieune fils beau cõme vn Ange,
qui lui estoit enuoyé du Ciel, pour le conduire à
assaillir l’Italie : puis apres, se destournant, vid vn
tresgrand serpent qui par impetuosité & violen-
ce brisoit tout ce qu’il rencontroit : & pres lui,
venoit vne foudre & pluie impetueuse qui ob-
scurcissoit le iour. Adonq Annibal tout efroyé
demande à ce beau ieune fils, quel cas merueil-
leus estoit cela, & qu’il sinifioit : & ce ieune fils
respond : tu vois la ruïne d’Italie : pource ne son-
ne mot : & laisse faire du reste aus destinees. Il n’est
ia besoin desclairer icy quels maus Annibal ha fait
en Italie apres & suiuant ce Songe.

D’Alexandre le grand.

O que bien auoit esté amonnesté Alexandre Roy [p. 169] Fac-simile de la page DES VALERE MAXIME 169
Roy de Macedone en son dormir, qu’il prinst
mieus garde à sa vie, si la fortune lui ust voulu
permettre vser de conseil à euiter ce danger ! Car,
certes, il connut par Songe, auant que sentir par
efect, que la main de Cassandre lui estoit veni-
meuse, & mortelle : & eut en pensee qu’il deuoit
mourir par icelui auant que l’auoir vù. Depuis, &
quelque tems apres ce Songe, comme Cassandre
vint en sa court, & se presentast à lui, lors il eut
remembrance & souuenir, en le regardant, que
telle estoit l’efigie pernicieuse qu’il auoit vuë en
dormant : toutefois quand il sut que c’estoit le fils
d’Antipatre, chassa toute creinte & soupson de
son courage, encores en recitant vn vers Grec
qui dit que l[’]on ne doit prendre égard aus Son-
ges : combien que, nonostant tout cela, la poison
estoit ia preparee pour le faire mourir, & tient
l[’]on qu’il mourut par la mesme main de Cas-
sandre.

Du poëte Simonide.

Les destinees furent bien plus fauorables au
poëte Simonide qu’au grand Roy Alexandre,
Qui diuinement l’auertirent & conseillerent en
dormant, puis à son réueil s’arresta à tel auertisse-
ment. Car comme le nauire ou il estoit, fut venu
à quelque port, & illec ust trouué vn corps
d’homme mort sans sepulture, & par pitié l’ust l 5 enter [p. 170] Fac-simile de la page 170 RECVEIL
enterré : la nuit ensuiuant songea qu’il voyoit ce-
lui qu’il auoit enseueli, lui disant que le iour d’a-
pres il ne se mist sur mer : parquoy il deoura en
terre : & ses compagnons voulans faire voyage
furent en sa presence tous peris par tempeste
& tourmente de mer. Ainsi il eut grand’ ioye
d’auoir plustot eu fiance en vn Songe, en cas de
sa vie, qu’a vn nauire : puis reconnoissant ce bien-
fait, rendit son bienfacteur immortel par vers
elegans, lui batissant vn trop meilleur sepulcre, &
de plus de duree en la mémoire des hommes, que
celui qu’il lui auoit bati & dressé entre les sa-
blons de la mer, en lieu desert & inconnu.

Du roy Crese.

Le Songe qui premierement mit en tresgran-
de creinte l’esprit du roy Crese, & qui finalement
le conduisit en tristesse & dueil, fut certes mer
ueilleus, & de grande force & eficace. Car de deux
fils qu’il auoit, le plus alaigre & plus douë de per-
feccion de corps, & qui deuoit auoir la couron-
ne apres lui, il songea qu’il estoit mort de glaiue.
Parquoy pour empescher & diuertir l’aigreur de
ce malheur, le bon père ne cessa d’y donner ordre
par tous moyens. Ce ieune Prince, nommé Atis,
auoit auparauant acoutumé d’aller en guerre,
son père lui fit garder la maison : il auoit vne
chambre garnie de tous bastons de guerre, son père [p. 171] Fac-simile de la page DE VALERE MAXIME 171
pere les lui fit tous oter : il auoit sa garde bien ar-
mee & embatonnee, son père commanda qu’elle
n’aprochast de lui. Et nonostant tout cela, les
destinees lui dõnerent entree de pleinte & dueil.
Car comme vn grand sangler gatast les biens de
terre sur le mont Olympe, & mit à mort beau-
coup de gens du païs, voici les païsans qui s’as-
semblent, & vont au secours vers le Roy Crese :
adõq Atis fit tant enuers son père qu’il y fut en-
uoyé, y consentant mesme d’autant plus facile-
ment, comme le sanglier ne porte point de fer,
mais la dent : mais qu’auint il ? Voici, cõme cha-
cun estoit ardent & eschaufé apres ce sanglier
pour le tuer, alors fortune ineuitable qui impe-
tueusement persistoit à la male auanture de ce
ieune Prince, destourna sur lui vn espieu qui
estoit lancé contre la beste : ainsi mourut il mise-
rable, & ne put euiter l’efet du Songe paternel.

Du Roy Astyage, & de Cyre premier
du nom.

Le roy des Medes Astyage, ayeul maternel de
Cyre, fit deus Songes : le premier c’et qu’il voyoit
que sa fille Mandane couuroit de son vrine tou-
tes les regions Asiatiques : pour cause de quoy ne
la maria pas à aucun grand personnage du païs, à
ce que le Royaume ne tõbast ou paruinst à elle, ou [p. 172] Fac-simile de la page 172 RECVEIL
ou aus siens, car il se doutoit de cela : ains la don-
na en mariage à vn homme de ce moyen estat du
païs de Perse. Le second, c’et qu’il voyoit
sortir de la nature de sadite fille vne vigne qui
ombrageoit par croissance continuelle toutes les
parties de son domaine : & pourtant commanda
que Cyre qui estoit né d’icelle fust degeté & ex-
posé aus bestes pour le laisser mourir : mais il se
trompa lui mesme par son conseil & prudence
humaine, cuidant empescher la felicité & bon
heur de son petit fils que les Cieus lui gardoient,
comme le Songe auoit presinifié.

D’Amilcar.

Amilcar Colonel des Carthaginois, assie-
geant Saragouze, vile de Sicile en songeant lui
sembla ouir vne voix qui lui disoit q̃ le prochein
iour il souperoit en ladite vile. Lui de cette nou-
uelle bien ioyeus, pensa que Dieu lui prometoit
la victoire : si mit son camp en armes : & en pen-
sant donner l’assaut & prendre la vile, vne dissen-
sion se mut en son camp, entre les Carthaginois
& Siciliens, si que ceus de la vile faisant vne sou-
deine saillie, le prindrent prisonnier, & l’emme-
nerent par force souper en leur vile. Ainsi donq
plus trompé de son espoir q̃ de son Songe, soupa
en ladite vile cõme captif, non cõme veinqueur,
ainsi qu’il esperoit & q̃ son afecccion le cõduisoit.

D’Al [p. 173] Fac-simile de la page DE VALERE MAXIME 173

D’Alcibiade.

Alcibiade songea qu’il estoit couuert de la ro-
be de son amie, mais ce fut à la malheure : car de la
mesme robe qu’il auoit songee, elle le couurit
apres qu’il eut esté occis par les gens de Farna-
baze à l’apetit de Lysandre.

De deus Arcadiens.

Iaçoit que ce Songe suiuant soit plus long à
reciter que le precedent, si est il bien dine d’estre
mis en mémoire pour son euidence & certitude.
Deus amis d’Arcadie faisans chemin ensemble
vindrent en la vile de Megare : l’un d’iceus se reti-
ra en maison de connoissance, l’autre alla loger
en vne tauerne : le premier songea la nuit, que l’au
tre le prioit le venir secourir alencontre de la tra-
hison de son hoste : & que s’il se depeschoit d’y
courir, le pourroit deliurer du grand danger ou
il estoit : apres cette vision il se leue, & se met en
voye pour aller à icelle hotelerie : puis par vn mal-
heur se vint à repẽtir de son bon propos, pensant
que c[’]estoit chose vaine d’entreprẽdre d’aller ainsi
de nuit à ladite tauerne : si s’en retourne à son lit,
& recommence à songer de plus belle : auis lui
fut que son compagnon nauré à mort par ledit
hoste, le prioit que bien qu’il eut esté nonchalant
de le secourir en la vie, à tout le moins qu’il ne lui refusast [p. 174] Fac-simile de la page 174
refusast la vengeance de sa mort : lui declairant
q̃ son corps meurdri par son hoste, estoit à l’heu-
re mesme mené droit à la porte de la vile, couuert
de fumier dens vne charrette. Adonq se leue le
póure homme tant pressé par les prieres de son
ami, & s’en vient à la porte de la vile : si trouue la
charrette qu’il auoit vuë en dormant, & l’arreste
puis met la main sur le collet du tauernier, le
meine en iustice, & le cas de crime aueré, fut ledit
tauernier executé par sentence de mort.

Fin du Recueil de Valere Maxime.

Table du Recueil de Valere
Maxime.

  • Du Songe de l’Empereur Auguste : & par oca-
    sion, du Songe aussi de Calfurnie femme de
    iule Cesar, precesseur dudit Auguste. en la
    page 164
  • Du Songe qui apparut en vne mesme nuit, à Pu-
    ble Dece, & Manle Torquate, Consuls de Rõ-
    me, & de l’efet qui en auint. 165
  • Du Songe de Ciceron Senateur de Romme, &
    pere de l’eloquence Latine. 166
  • Du Songe de Gaie Gracche, Tribun du peuple
    de Romme, & de l’efet qui en auint. 167
  • Du [p. 175] Fac-simile de la page
  • Du Songe d’Arter le Rous, Cheualier Rom-
    main, & de l’issue fatale & merueilleuse qui en
    auint le iour ensuiuant. 167
  • Du Songe d’Annibal de Carthage. 168
  • Du Songe d’Alexandre le grand, qui l’auertissoit
    qu’il seroit empoisonné, & lui representoit le
    maleficier & empoisonneur mesme : mais non-
    ostant n’y voulut auoir égard, dont mal lui en print. 168
  • Du Songe du Poëte Simonide, qui lui sauua la
    vie : car il y voulut bien prendre égard. 169
  • Du Songe du roy Crese, & de la merueilleuse de-
    stinee qu’il ne put euiter en la personne de son fils ayné. 170
  • Du Songe du Roy Astuage, ayeul maternel du
    roy Cyre, premier du nom, & de l’efet que le-
    dit Astyage ne put onq destourner. 171
  • Du Songe d’Amilcar, chef de l’armee de Car-
    thage, assiegeant Saragouze, vile de Sicile : &
    cõment ledit Songe auint, mais non pas cõme
    il l’entendoit, ains au contraire. 172
  • Du Songe fatal d’Alcibiae, capiteine Athenien.
    172
  • Du merueilleus Sõge d’un Arcadien, & espouen
    tablement redoublé en mesme nuit : par lequel
    il vengea la mort de son ami, en auerant vn
    grand crime d’homicide. 173
[p. 176] Fac-simile de la page

TABLE DES CINQ
Liures d’Artemidore.

[Fleuron]

    DV PREMIER LIVRE.

  • Des Sõges speculatifs, ou allegoriques. Page 20
  • Songer de naitre. 21
  • D’estre gros d’enfant. 22
  • D’auoit enfans. 23
  • Des enfans enuelopez de drapeaus : & du lait. 24
  • De la teste. 25
  • Des cheueus longs. 26
  • Du poil de porc & de cheual. 27
  • Auoir laine pour cheveus. 27
  • Se voir tondre & raser. 28
  • Du Front. 28
  • Des Oreilles. 29
  • Des Formis entrans aus oreilles. 29
  • Des Sourcils. 30
  • Des Yeus. 30
  • De Nez. 32
  • Des Ioës. 32
  • Des Machoires & léures 32
  • De la Barbe. 33
  • Des Dents. 34
  • Du vomissemeut [sic pour vomissement] de sang, & d’humeur colerique
    ou melancolique. 35
  • Du col [p. 177] Fac-simile de la page
  • Du Col, & d’auoir plusieurs testes. 36
  • D’estre decapité. 36
  • D’auoir le col tors. 37
  • D’auoir la teste de quelq̃ beste, pour la sienne. 37
  • D’auoir sa teste en ses mains. 38
  • Auoir des cornes. 38
  • Des Espaules. 38
  • De la poitrine & des mammelles. 39
  • Des Cotes & du nombril. 41
  • Des parties interieures. 42
  • Du Membre. 42
  • Des aynes & cuisses. 42
  • Des genous. 43
  • De la Souris ou rate, de la iambe, des piez & du
    talon. 43
  • Du doz. 44
  • De la transmutacion de la personne. 44
  • Des arts, ouurages, & exercices. 45
  • Besongner en matiere de fer. 47
  • Apprendre les lettres, & lire bien ou mal. 47
  • Des ieus & esbas. 52.48
  • Des Ieus ou farces & instrumens, & chantres, &
    de cheuaucher cheual. 49
  • De la course. 50
  • Estre démis de son ofice. 50
  • De la luite. 50
  • De se combatre. 51
  • m De [p. 178] Fac-simile de la page TABLE.
  • De se baigner & éstuuer. 51
  • Du Boire. 52
  • Des herbages & racines & grains de potage. 53
  • Des Bains. 54
  • De Chair & poisson. 54
  • Des Fouasses, & des capres & oliues. 55
  • Des Fruits. 55
  • Des vstensiles de mesnage. 56
  • Des ointures & fards. 57
  • De danser & chanter. 57
  • Des couronnes de toutes fleurs. 58
  • Du dormir. 59
  • De dire ou ouïr dire Adieu. 60

    DV SECOND LIVRE.

  • De veiller. 68
  • De partir & saluër. 68
  • Des habits en general. 69
  • De lauer ses habits. 71
  • Des brauetez exterieures. 71
  • De se pigner, & des cheueus retors. 73
  • Du Miroer. 73
  • De l’air, & d ce qui s’y fait. 74
  • Du feu domestique. 76
  • Des maisons ardentes. 77
  • Des chiens, & de la chasse. 77
  • Des bestes de toutes sortes. 78
  • Des bestes glissantes. 81
  • De la pescherie. 82
  • Des [p. 179] Fac-simile de la page TABLE.
  • Des raines ou grenouilles. 83
  • Des grans monstres ou poissons de Mer. 83
  • Des cormorans & plongeons. 84
  • Des poissons morts. 84
  • De chasser aus oiseaus. 85
  • De la volataille. 86
  • Des Mouches. 87
  • De nauiger. 87
  • De l’agriculture. 88
  • Des Arbres. 89
  • De la fiante. 90
  • Des fleuues, estangs, fonteines & puits. 91
  • Des palus ou marets, montagnes, chemins &
    bois. 93
  • Des proces, & lieus de plaits, & des Medecins. 93
  • Des hauts estats & dinitez. 94
  • De la guerre, de l’armee, & election de gens de
    guerre. 95
  • Du duel ou combat particulier. 96
  • Du Soleil. 96
  • De la Lune. 97
  • Des Estoiles. 98
  • De l’arc en Ciel. 99
  • Des Nues. 99
  • Des Vents. 100
  • Des tremblemens & ouuertures de terre. 100
  • De l’eschelle, des degrez, casse, meule, pilon ou pe
    stel, & du coq. 100
  • m 2 Des [p. 180] Fac-simile de la page TABLE.
  • Des Eufs. 101
  • Des Monstres & choses contre nature. 108 [sic pour 101 ]
  • Des Lieures. 101
  • Des Perdris. 101
  • Des laz. 101
  • Des playes. 102
  • De la Mort. 102
  • De porter autrui ou estre porté. 104
  • Des trespassez. 104
  • Des monnoyes & tresors. 105
  • Des pleurs. 105
  • Du tombeau. 106
  • Des morts reuiuans & remourans. 106
  • Des Noces. 107
  • De l’Arondelle & du Rossignol. 107
  • De voler. 108
  • De ceus qui sont dines de croire. 110

    DV TIERS LIVRE.

  • Du ieu de dez ou de tables. 117
  • De larrecin, sacrilege, & mensonge. 117
  • Des Cailles & Coqs. 118
  • Des pous, & des longs vers. 119
  • Des mouches ou tahons, & des petis vers qui s’en
    gendrent en la chair. 119
  • De baterie & haine. 120
  • D’occision. 120
  • Du Crocodil & du Chat. 120
  • Des [p. 181] Fac-simile de la page TABLE.
  • Des Eschasses. 120
  • De cheminer sur la Mer. 121
  • Faire statues ou images d’hommes. 121
  • Estre ataché à la charrette, ou porté dessus. 122
  • De la maladie. 122
  • Estre vétu diformement. 123
  • Escrire de la main gauche. 124
  • Du Paratre & de la Maratre, ou beau père & bel
    le mere. 123
  • Des predecesseurs & successeurs. 123
  • De la Souris & de la Belette. 124
  • De la fange. 124
  • Du bassin. 124
  • De l’image ou simulacre. 124
  • De la sage femme. 124
  • Des espines, ou aguillons. 125
  • De la cheine. 125
  • De la consolacion. 125
  • De la naurure. 125
  • De la dette, & du crediteur & locateur. 126
  • D’estre fol ou yure. 126
  • Des lettres missiues. 127
  • Des plantes & arbres sortans du corps. 127
  • De la rongne, lepre & gratelle. 127
  • Geter des pierres, ou estre lapidé. 127
  • Des Cigales. 128
  • Soufrir comme vn autre. 128
  • Du fumier. 128
  • m 3 Des [p. 182] Fac-simile de la page TABLE.
  • Des prieres & requestes. 129
  • De la Clef. 129
  • Du Cuisinier. 129
  • Du ieu des Eschets. 130
  • Du Boucher. 130
  • De l’Hotelier. 130
  • Estre gardé & detenu. 131
  • Des veilles, ioyes, & banquets de nuit. 131
  • Des lieus d’assemblee. 131
  • Des statues. 132
  • De la Taupe. 132
  • Des oiseaus de nuit. 132
  • De l’horloge. 133

    DV QVATRIEME LIVRE.

  • De la varieté & diuersité des Songes. 139
  • Des hardes. 140
  • De rencontrer gens. 141
  • De l’estat & fortune premiere. 141
  • Pour iuger que celui que pensons notre ennemi,
    nous est ami : & au contraire. 142
  • De voir ou rencontrer des artisans : aussi quelque
    fille ou femme de ioye. 142
  • De voir des petis enfans, ou des adolescẽs, ou des
    vieilles gens. 143
  • Des arbres ou plantes tot ou tard prouenantes,
    & aussi des animaus. 143
  • Des murs, fondemens, & arbres. 144
  • Des chariots. 144
  • De [p. 183] Fac-simile de la page TABLE.
  • De flaterie. 144
  • D’estre vendu. 145
  • D’acheter. 145
  • D’aquerir. 145
  • De póureté. 146
  • Des choses que l[’]on songe auenir aus enfans ou-
    tre leur aage. 146
  • Que ce qui est sinifié par vne chose, est aussi quel-
    quefois sinificatif de la mesme chose. 147
  • De vomir. 147
  • Voir ou faire souuent mesmes Songes : & pour
    exemple, de celui qui par trois diuerses fois
    songea auoir perdu le nez : & des trois diuerses
    fortunes qui lui auindrent. 147
  • Des vases ou vaisseaux & instrumens. 149
  • De parentage. 150
  • Des choses qui nous enuironnent. 150
  • Des choses que l[’]on songe dire, & comment elles
    auiennent. 151
  • Du foyer. 153
  • Des Songes doubles ou composez : des robes im
    mobiles, & des couleurs. 153
  • De couurir, oindre ou farder son visage. 153
  • De changement en mieus, & d’estre crucifié. 154
  • Des amis & ennemis ensemble. 155
  • Des euures imparfaites, ou à demi faites. 155
  • Des Viles. 156
  • S’il est possible en mesme tems faire de bons & mau [p. 184] Fac-simile de la page mauuais Songes. 156
  • Que les freres sinifient les ennemis 157
  • Des banquets funebres, & de reuiure, & monter
    au Ciel 158
  • Dedens cõbien de tems auienneẽt les Songes. 159

Fin de la Table.